Letutoiement pouvant ĂȘtre aussi respectueux que le vouvoiement, nous ne voyons aucun intĂ©rĂȘt Ă lâutiliser, surtout quâil crĂ©e de la distance, de la verticalitĂ© et de la non-rĂ©ciprocitĂ©. Bref, tout le contraire de ce quâon souhaite au niveau des relations humaines dans une sociĂ©tĂ© citoyenne. En ce sens,
Le texte ci-dessous a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© Ă partir dâune intervention dans le cadre du sĂ©minaire âPenser/enseigner le sens du langageâ que jâanime lors de la sĂ©ance du 10 mars 2016 au centre BiĂšvre de lâUniversitĂ© Sorbonne nouvelle Paris 3. Il a Ă©tĂ© prononcĂ© aprĂšs lâintervention de Melissa Melodias en thĂšse sous ma direction sur le rythme dans lâoeuvre de Pasolini sur un autre livre de Georges Didi-Huberman, PassĂ© citĂ©s par JLG on peut la lire Ă cette adresse Ă venir. Je remercie les participants au sĂ©minaire pour la discussion qui a suivi. jâavais dĂ©jĂ publiĂ© un billet qui reprenait une communication autour de La Disparition des lucioles faite le 4 mars 2010 associant Georges Didi-Huberman et GhĂ©rasim Luca Continuer la lecture de Georges Didi-Huberman le sens du langage sept courtes remarques en marge de quelques livres â Dans sa Lettre Ă John E. Jackson[1] », Yves Bonnefoy a racontĂ© la genĂšse de Douve et, plus prĂ©cisĂ©ment, ce quâil appelle le passage vers les poĂšmes de Douve » un rĂ©cit abandonnĂ© en vue dâune reprise de ce nom propre ». Il semblerait que lâĆuvre de Bonnefoy, tant poĂ©tique que philosophique voire esthĂ©tique, ne se soit constituĂ©e que dans et par lâhĂ©sitation, certainement entre les genres et ici dâun rĂ©cit aux poĂšmes[2], mais bien plus encore entre ce que Bonnefoy lui-mĂȘme appelle le lieu » et la voix », entre une identification opacitĂ© de lâen-soi[3] » et une transsubjectivation. En effet, bien plus quâune hĂ©sitation gĂ©nĂ©rique, Bonnefoy engage toute Ă©criture sous le signe du poĂšme, non comme genre mais comme acte de poĂ©sie[4] » et plus prĂ©cisĂ©ment comme pensĂ©e de la prĂ©sence » LâOrdalie, note, 1974 puisque dans sa recherche[5] » il a vite compris que la fiction va plus vite Ă la forme figĂ©e que le poĂšme » 98. Resterait que le mouvement de lâĂ©criture se constituerait bel et bien comme une dĂ©sagrĂ©gation » 99 de la pluralitĂ© premiĂšre que Bonnefoy signale dâailleurs de maniĂšre assez pĂ©jorative comme le morne tableau des polysĂ©mies habituelles dans ce qui demeure Ă©criture » ibid.. Cette orientation fondamentale et, lâon pourrait dire, fondatrice chez Bonnefoy est bien celle qui tente de remonter dâune absence â car toute signification, toute Ă©criture, câest de lâabsence â Ă une prĂ©sence » jour enseveli que la poĂ©sie dĂ©gage comme la bĂȘche la source » ibid.. Si, Bonnefoy prĂ©cise in fine quâ en poĂ©sie il nây a jamais que des noms propres » un visage, non une essence » ibid., 100, ce qui impliquerait la force dâun continu vocal, dâune voix qui rĂ©pond Ă un appel, resterait quâun tel processus nâest pas loin dâĂ©voquer lâalĂštheia dans la conception dâHeidegger, câest-Ă -dire comme transport plus que rapport, ou du moins dans celle des prĂ©socratiques relus par les philosophes contemporains de Bonnefoy, disons par exemple Jean Beaufret[6]. LâhypothĂšse de cette contribution sera donc de souligner les motifs de cette hĂ©sitation qui, du brouillage » quâelle opĂšre peut aller jusquâau blocage[7] » du poĂšme. Elle ne visera nĂ©anmoins quâĂ tenter dâapercevoir une telle disposition cardinale dans cette Ćuvre dĂ©cisive publiĂ©e en 1953 quâest Du mouvement et de lâimmobilitĂ© de Douve[8], dont on aperçoit dâemblĂ©e, par la formulation, ce brouillage » et ce blocage[9] » puisque Du mouvement de Douve » construit prosodiquement un continu rĂ©sonant puissant que lâintercalation de la seconde et contradictoire opĂ©ration mobilisant lâĂ©criture, de lâimmobilitĂ© » aprĂšs celle du mouvement », vient comme dĂ©faire en son cĆur. La pluralitĂ© sous la prĂ©sence une expĂ©rience de la tension Dominique Combe a notĂ© combien Les MĂ©tamorphoses dâOvide constituait lâarriĂšre-plan du mouvementâ de Douve, soumise Ă dâincessantes transformations[10] ». Combe montre ainsi quâeffectivement un pĂŽle de la pluralitĂ© nourri, entre autres, de lectures et réénonciations, est Ă lâĆuvre dans Douve ; mais il faudrait aussitĂŽt prĂ©ciser combien un tel pĂŽle est travaillĂ© par son opposĂ©, celui qui tente de rĂ©dimer une telle pluralitĂ©, et alors apercevoir combien une telle pluralitĂ© vive ne se constitue finalement que comme arriĂšre-plan », soubassement », voire moment dĂ©passĂ©, du moins dĂ©passable, dans une dialectique de lâĂ©criture qui engagerait la pluralitĂ© sous la prĂ©sence, sous son unitĂ© homogĂ©nĂ©isante atteinte dans et par le poĂšme. Douve vient continuer chez Bonnefoy un amour du surrĂ©alisme dont il prĂ©cise quâil rĂ©vĂ©lait â et paraissait mĂȘme rendre immĂ©diatement et facilement praticable â ce quâon a nommĂ© plus tard lâĂ©criture, câest-Ă -dire lâĂ©coute que lâon peut faire durer, dans les mots que nous traçons sur la page, de la pluralitĂ© des voix qui hantent notre inconscient et troublent dâailleurs dĂ©jĂ notre parole ordinaire[11] ». Douve, le personnage qui construit lâunitĂ© du livre voire le continu de sa vocalitĂ©, est multiple voire indĂ©finissable. Il semble Ă©vident quâil faille parler de personnage puisque la premiĂšre section de Douve pose un Théùtre » 45-63 mĂȘme si Bonnefoy invente une théùtralitĂ© du poĂšme qui fait de la persona plus un porte-voix quâune consistance psycho-narrative en variant les modalitĂ©s de la venue sur la scĂšne du poĂšme. Ce que jâessaie dâapercevoir en suivant les scĂšnes de ce Théùtre ». En I, le voir du narrateur multiplie les formes de vie de Douve courir », lutter », se rompre » et jouir ». En II, la vie ensemble permet dâentendre des reprises de voix comme cousus par un plutĂŽt » qui indique bien que Douve engage des choix qui, certes, dessinent un destin mortel mais affirment quoiquâen dise le narrateur une ivresse imparfaite de vivre ». En III, si Douve semble prise dans et par ce destin, ses gestes » et ses seins » poursuivent une pluralitĂ© constitutive que le finale, tu rĂ©gnais enfin absente de ma tĂȘte », tente de rĂ©cupĂ©rer dans une absence destinale homogĂ©nĂ©isĂ©e. En IV, les naissances de Douve Ă chaque instant », bien Ă©videmment ramenĂ©es in fine au verbe mourir », sont confirmĂ©es au moins par deux Ă©tats signalĂ©s par le narrateur lande rĂ©sineuse endormie prĂšs de moi » et village de braise ». Que Douve puisse passer de la lande » au village » montrerait Ă lâenvi le pouvoir mĂ©tamorphique de son mouvement » propre. En V, le statut du dernier vers dĂ©roge par le trop plein Ă la mĂ©trique par trop mĂ©canique des alexandrins prĂ©cĂ©dents et surtout du premier quatrain puisque dĂ©jĂ le deuxiĂšme vers dĂ©casyllabique du second quatrain dĂ©rogeait ces gestes de Douve » rythment anaphoriquement par trois fois ce dernier vers tout en pestant contre la mĂ©trique immobilisante alors mĂȘme que le sĂ©mantisme voudrait y conduire, Ă lâimmobilitĂ©. En VI, mĂȘme si la disparition est mise en scĂšne, le questionnement adressĂ© multiplie les figures de lâinterlocutrice riviĂšre souterraine » ; lente falaise dâombre, frontiĂšre de la mort », Douve qui est in fine accueillie par des bras muets », les arbres dâune autre rive » et donc disparaĂźtre multiplement. Ce que poursuit la scĂšne VII avec les quatre qualifiants blessĂ©e confuse », prise », complice » et ensablĂ©e ». Toutefois le distique final 12+6 achĂšve cette pluralitĂ© dans un beau geste de houille » qui va ouvrir une dislocation » des menuiseries faciales » en VIII pour laisser opĂ©rer la musique ». Est-ce alors une vocalitĂ© encore pleine de voix ou dorĂ©navant Douve disant PhĂ©nix » ainsi que la scĂšne IX conclut en concentrant dans cette figure mythologique toute la persona de Douve pourtant ĂȘtre dĂ©fait » mais que lâĂȘtre invincible rassemble ». Si la scĂšne X engage une reprise de Je vois Douve Ă©tendue » Ă lâincipit de X, XII, XIV, câest bien pour arrĂȘter de lâadresse dialogique Je te vois Ă©tendue ». Ce principe de reprise fait toutefois entendre non une rĂ©pĂ©tition mais une rĂ©sonance ou, en lâoccurrence, un Ă©cho qui ne cesse de prolonger la vocalitĂ© de Douve, mais câest pour la laisser se dĂ©faire sous lâombre unitaire de lâaraignĂ©e massive ». La scĂšne XI prĂ©pare ce qui rĂ©duira Ă une prosopopĂ©e toute voix possible ; aussi lâaccumulation couverte », parcourue », soumise », parĂ©e » organise-t-elle plus une tĂ©lĂ©ologie quâune aventure Fontaine de ma mort prĂ©sente insoutenable » conclut dans le bĂ©gaiement consonantique en /t/. La scĂšne XII renoue avec la tension premiĂšre puisque Douve rayonne » ; aussi la scĂšne XIII renoue avec le tutoiement mĂȘme si lâaffirmation quasiment christique, Ceci est une image », dĂ©fait toutes les images », câest-Ă -dire les profĂ©rations vocales dâune pluralitĂ© de Douve et donc de la relation on passe bien de ton visage » au mot visage » qui nâa plus de sens » oĂč le rĂ©alisme lâemporte sur le nominalisme. Mais les revenants des yeux », des thorax », des tĂȘtes » de toutes parts » de la scĂšne XIV montrent combien le poĂšme est tirĂ© par un nominalisme foncier que rĂ©itĂšre le tutoiement de la scĂšne suivante qui toutefois rĂ©duit le visage » dĂ©jĂ Ă©voquĂ© Ă un profil » et un dernier sourire » pour voir se calciner / le vieux bestiaire cĂ©rĂ©bral », câest-Ă -dire cette multiplication des revenants. Sâapercevrait ici â mais nâest-ce pas toute la tension qui agite entiĂšrement Douve â ce que Georges Didi-Huberman appelle le point de vue de la survivance et du dĂ©sir inconscient qui la soutient » en maintenant vive la question Pourra-t-on jamais prĂ©voir ce qui, du passĂ©, est appelĂ© Ă survivre et Ă nous hanter dans le futur[12] ? » Toute la scĂšne XVI indique cette tension entre le dynamisme des survivances nos pentes » et des soleils » voire aux Ă©tages infĂ©rieurs » et lâimmobilisation dâune fin Demeure », filet vertical de la mort » et lâespace funĂšbre ». Mais mĂȘme la mort est dĂ©multipliĂ©e dans des incorporations, un peu Ă la maniĂšre des planches de VĂ©sale, que la scĂšne XVII rejoue en un maintenant » rĂ©pĂ©tĂ© cinq fois Ă la rime pour autant de recommencements de Douve. Ce que viendrait confirmer la scĂšne suivante, certes comme compte rendu dâune rencontre post-mortem mais bien vive, cette rencontre oĂč le narrateur avoue, Ă contre poĂšme puisque vivante, de ce sang qui renaĂźt et sâaccroĂźt oĂč se dĂ©chire le poĂšme » je soutiens lâĂ©clat de tes gestes ». La scĂšne XIX rĂ©tablira le poĂšme » ainsi entendu Ă la fois par sa mĂ©trique assurĂ©e en deux quatrains dâalexandrins pour ne laisser pavoiser » que des liasses de mort » sur le sourire » de la morte. Est-ce lâĂ©chec dâune pluralitĂ© vive de la voix que cette ouverture tentĂ©e dans lâĂ©paisseur du monde », ainsi que lâaffirme le dernier vers de ce Théùtre » inaugural de Douve ? Le poĂšme est-il condamnĂ© Ă lâouvert conçu comme ozone majeur » et donc chute ou vertige, tentative vouĂ©e Ă lâĂ©chec ? Le Théùtre » qui ouvre Douve pose une tension forte quâil nous faut poursuivre mĂȘme si nous avons dâores et dĂ©jĂ aperçu combien toute pluralitĂ© comme caractĂšre dynamique du mouvement de Douve en tant que persona, câest-Ă -dire rĂ©sonateur vocal, est rapidement destinĂ©e Ă se soumettre Ă ce que Bonnefoy appelle la PrĂ©sence ». En lâoccurrence, une telle PrĂ©sence » constituerait pour le poĂšme un rĂ©gime destinal il fallait que » Ă la tonalitĂ© hiĂ©ratique roulant sur les /r/ du second verset de la scĂšne pĂ©nultiĂšme. Verset bien mesurĂ© par lâalexandrin et dâun site funĂšbre oĂč ta lumiĂšre empire » serti entre 144-4-4-2-syllabes dĂ©coupage peut-ĂȘtre plus prosodique que mĂ©trique et un 74-3-syllabes, oĂč les preuves » sâachĂšvent dans lâĂ©preuve » il fallait quâainsi tu parusses aux limites sourdes, et dâun site funĂšbre oĂč ta lumiĂšre empire, que tu subisses lâĂ©preuve ». Est-ce le seul moyen dâassurer le continu du poĂšme dâainsi le condamner Ă dĂ©chirer sa vocalitĂ© plurielle pour une unitĂ© destinale ? Le continu sous lâunitĂ© le blocage aprĂšs le brouillage Avant dâen venir Ă la derniĂšre sĂ©quence de Douve, Vrai lieu », et donc dâobserver combien elle tente dâassurer une vĂ©ritĂ© destinale Ă la relation ou voix engagĂ©e par Douve dans sa pluralitĂ© mĂȘme, le Théùtre » inaugural a dâemblĂ©e posĂ© cette tension entre unitĂ© et pluralitĂ©, nous lâavons vu, en lâorientant dĂ©cisivement et, peut-on oser le dire, malheureusement de la voix vers le lieu, dâun continu pluriel vers une totalitĂ©-unitĂ©. Toutefois Bonnefoy maintient la tension avec la sĂ©quence qui suit ne serait-ce que par le titre au pluriel, Derniers gestes », mĂȘme si lâon devait tout de suite ajouter ⊠pour une geste ». Il semble que ce soit bien le cas puisque malgrĂ© cette pluralitĂ© rejouĂ©e maintes fois dans la sĂ©quence comme un continu vocal, celle-ci se voit soumise au rĂ©gime plus puissant des figures tutĂ©laires unifiantes du seul tĂ©moin », du vrai nom », du PhĂ©nix » et du vrai corps » pour sâachever par un art poĂ©tique » qui invoque une autre figure rĂ©ductrice, la MĂ©nade ». Jean-Pierre Richard remarquait incidemment combien ces figures » dâautres viendront dans les sĂ©quences suivantes telles Cassandre, voix ardente de la catastrophe, le phĂ©nix, mort brĂ»lĂ© et ressorti vivant de sa brĂ»lure, la salamandre, chair qui se fait pierre et traverse le feu » qui possĂšdent un grand pouvoir de retentissement » ont, dâautre part, lâinconvĂ©nient de mettre en quelque façon la rĂȘverie, et donc le rĂ©el, Ă distance, de rĂ©soudre en elles le paradoxe au lieu de nous obliger Ă en Ă©pouser personnellement le trajet ? » Et le poĂ©ticien de sâinterroger A ce niveau dâuniversalitĂ© et dâabstraction, le mythe est-il donc si loin du concept[13] ? » On ne peut que pousser cette interrogation de Richard pour confirmer combien Bonnefoy oriente lâĂ©criture mythique non du cĂŽtĂ© de lâepos mais bien toujours du muthos, non du cĂŽtĂ© de lâaventure vocale dans et par son continu trans-subjectif mais plutĂŽt de la vĂ©ritĂ© quand les mythes, dans leur pluralitĂ© mĂȘme, nâont ni vĂ©rification ni sanction autre que celle dâune reprise infinie, de réénonciations qui constituent un racontage continuĂ©e au sens de Walter Benjamin[14]. Contentons-nous de quelques remarques sur Vrai nom » 73 qui rĂ©duit les gestes Ă un seul geste ou une seule geste, celui de la nomination Je nommerai » mĂȘme si cette activitĂ© est dynamisĂ© par des effets de liste quatre Ă©lĂ©ments dans le premier quatrain puis trois complĂ©ments au verbe dĂ©truire » dans le septiĂšme vers, reprise du et » lançant dans le dernier quatrain que renforce la reprise anaphorique des deux derniers vers dans mes mains » et dans mon cĆur ». Reste que la vision est orientĂ©e dĂ©cisivement vers ce pays quâillumine lâorage ». La dramatisation du dĂ©sert » Ă lâorage » en passant par la guerre » construit une apparition quâouvre la nomination comme un baptĂȘme Je te nommerai » sous une aurore naissante » pour reprendre le titre du livre de Jacob Böhme paru en 1612 mais cette vocalitĂ© de lâadresse comme appel Je viens » est toutefois ramassĂ©e prĂ©alablement par le titre dans le vrai nom » qui Ă©teint toute Ă©nonciation-relation. La confirmation de cette orientation est forte dans le distique final de Vrai corps » Douve, je parle en toi ; et je tâenserre / Dans lâacte de connaĂźtre et de nommer » 77. Douve nâest plus la voix possible dâune aventure du poĂšme rĂ©sonnant puisquâau JâĂ©coute » dâun Apollinaire[15], est prĂ©fĂ©rĂ© un nommer ». Mais Douve parle » ! Ainsi titre la troisiĂšme sĂ©quence mĂȘme si la rĂ©ciprocitĂ© dialogique est dĂšs le premier quatrain reversĂ© Ă la nomination plus quâĂ la relation A peine si je sens ce souffle qui me nomme ». Reste que cette rĂ©ciprocitĂ© rĂ©introduit du vocal toutefois insituable Quelle divine ou quelle Ă©trange voix » bien quâassignĂ© Ă un sĂ©jour EĂ»t consenti dâhabiter mon silence ? » la relation se voit alors sortie du langage. Câest tout le paradoxe des poĂšmes qui suivent et titrent Une voix » puis Une autre voix » alors mĂȘme que la dĂ©sĂ©nonciation de la relation est engagĂ©e aussi nâest-il plus question que dâabsence de toute densitĂ© » la sĂ©paration sâeffectue entre une pauvre parole » et un plus grand cri quâĂȘtre ait jamais tentĂ© ». Si alors, encore, Douve parle » et que Une voix » se fait entendre au moins deux fois dans les poĂšmes qui suivent, câest pour confirmer cette relation impossible que la poĂ©sie du poĂšme instaure, cette mort de la relation, cette houille » 88 Je ne suis que parole intentĂ©e Ă lâabsence / Lâabsence dĂ©truira tout mon ressassement / Oui, câest bientĂŽt pĂ©rir de nâĂȘtre que parole, / Et câest tĂąche fatale et vain couronnement » 89. NâĂȘtre que parole », dans et par ce qui sâentend comme un psittacisme reprises de que parole », de lâ absence » signalĂ©es comme ressassement » gĂ©nĂ©ralisĂ©, pointe une dĂ©faillance quasi ontologique du langage que le poĂšme nâa plus quâĂ rĂ©pĂ©ter sans voix Tais-toi », Et parole vĂ©cue mais infiniment morte », 92, comme lâa justement ressassĂ© tout un mallarmĂ©isme de lâuniversel reportage ». Aussi, Douve fait passer insensiblement le poĂšme de la voix dans sa pluralitĂ© au lieu dans son implacable unicitĂ©. Le programme est trĂšs clairement indiquĂ© Ă lâincipit de la quatriĂšme section qui paradoxalement semble concrĂ©tiser toute la dĂ©marche avec un nom de lieu Lâorangerie » Ainsi marcherons-nous sur les ruines dâun ciel immense, / Le site au loin sâaccomplira / Comme un destin dans la vive lumiĂšre » 93. Le lyrisme vient mĂȘme cĂ©lĂ©brer cette orientation O terre dâun destin ! » 95. Pourtant, lâadresse et donc la relation vocale reprend dans La salamandre » puis dans les poĂšmes qui suivent jusquâĂ cette dĂ©claration Lâorangerie sera ta rĂ©sidence » 104. Mais ce statisme dâun habiter le monde appelle alors la VĂ©ritĂ© », titre du dernier poĂšme auquel, certes, sâajoute un distique. Cette vĂ©ritĂ© » est explicitement une illumination dĂ©voilante Le soleil tournera, de sa vive agonie / Illuminant le lieu oĂč tout fut dĂ©voilĂ© ». Le site perd alors toute historicitĂ© pour devenir fondation dâune ontologie pleine tout », un Vrai lieu » comme si tous les autres lieux Ă©taient faux ! Sâexpliquerait alors le fait que la tonalitĂ© mĂ©trique qui dispose une sĂ©rie sĂ©mantique Ă la rime derriĂšre la maison » guĂ©rison » et oraison » 107, câest-Ă -dire le soin et la priĂšre jusque dans la Chapelle Brancacci », poĂšme suivant 108 qui souligne in fine le vain chemin des rues impures de lâhiver », lâimpossibilitĂ© des passages, des retours de vie. Le poĂšme est condamnĂ© Ă cĂ©lĂ©brer le lieu du combat » 109-110 ou, nâest-ce pas la mĂȘme chose, le lieu de la salamandre » 111 tenir au sol et retenir son souffle dernier vers, 111 rĂ©sument cette thĂ©ologie nĂ©gative Ce sera dans la nuit et par la nuit », 110 que la figure du dernier cerf » 112 va rejouer dans un vrai lieu » dâautant que si soudain » il sâĂ©vade », est dĂ©clarĂ©e inutile » toute poursuite » ! Le poĂšme se fond dans la mĂ©canique cĂ©leste Le jour franchit le soir, il gagnera / Sur notre nuit quotidienne » pour cĂ©lĂ©brer dans ce que Jean-Pierre Richard appelle une rĂȘverie de lâĂ travers[16] » O notre force et notre gloire, pourrez-vous / Trouer la muraille des morts ? » 113. Si la prosodie sâintensifie dans ces roulements des /r/, elle laisse aussi le poĂšme sâachever dans un quasi murmure qui Ă©teint lâadresse qui perd sa voix, au sens dâune relation ouvrant Ă des rapports autant quâĂ des histoires â les uns et les autres engageant dâincessants mouvements â, pour mieux trouver son site, son immobilitĂ© le lieu des essences immuables quâaucune nuit quotidienne » ne peut alors dissimuler. Aucune dĂ©monstration vĂ©ridictionnelle dans ce qui prĂ©cĂšde autre quâune tentative dâĂ©coute de ce qui hĂ©site Ă mĂȘme lâĂ©criture de Douve. Antoine Raybaud a relevĂ© lâambiguĂŻtĂ© du Tu, non simplement dans la dĂ©ploration sur la frontiĂšre de la perte, mais sur les chemins et dans les espaces de lâĂ©garement du perdu ». Il montrait que, consĂ©quemment, le Je est Ă la fois aux prises avec la traversĂ© dâun lieu âŠ, et, en mĂȘme temps, la scĂšne et le mobile de multiples mĂ©moires, et par lĂ , dâune parole mĂ©morielle, inĂ©puisable mise en scĂšne paroliĂšre de beaucoup de cultures, leur reviviscence dispersĂ©e en Ă©chos entrecroisĂ©s et en perspectives Ă©clatĂ©es[17] ». Il semblerait donc que sa lecture se soit orientĂ©e en sens inverse de notre mise en perspective et ait proposĂ© une vision du vrai lieu » comme tumultueux et fragmentaire, celui-là », dĂ©faisant donc ce que Bonnefoy, semble-t-il, prĂ©suppose bel et bien lâunitĂ©-totalitĂ© dâun vrai corps » et dâun vrai nom »⊠Mais Raybaud avait bien signalĂ© quâune telle pluralitĂ© nâaboutit pas Ă un continu du poĂšme puisquâil soulignait combien cette pluralisation est, dâune part, seulement esquissĂ©e » et, dâautre part, dispersion[18] » plus que relation. Dâaucuns avaient dâores et dĂ©jĂ repĂ©rĂ© des inflexions fortes dans lâĆuvre dâYves Bonnefoy aprĂšs lâĂ©criture de Douve Philippe Jaccottet signalait combien Dans le leurre du seuil se distinguait des prĂ©cĂ©dents livres publiĂ©s par Bonnefoy puisque, dans ce livre de 1975, le poĂšme, enfin, ne se joue plus sur un théùtre mental, dans le monde trompeur des essences. Il a pour la premiĂšre fois pris pied dans la rĂ©alitĂ© concrĂšte, nommable, dâun lieu, particulier, dâune saison datable[19] ⊠». Et Bonnefoy reprendra lui-mĂȘme le motif de lâinflexion en notant, dans Le Nuage rouge, que Dans le leurre du seuil ouvrait Ă la PrĂ©sence, oui, et cette fois plĂ©niĂšre autant quâimmanente, et avec mĂȘme des mots Ă sa disposition, on le voit mots quotidiens, de parole ». Lâintensification de la PrĂ©sence » cette fois plĂ©niĂšre » qui passerait paradoxalement par un prosaĂŻsme du choix des mots ou de lâĂ©nonciation mots quotidiens, ou de parole » ne me semble pas modifier lâhĂ©sitation cardinale de lâĂ©criture de Bonnefoy que jâai tentĂ© de souligner dans Douve. Resterait Ă poursuivre le travail dâobservation mais la formulation mĂȘme de Bonnefoy indique bien quâau contraire, il sâagira de rendre plĂ©nier ce qui ne lâĂ©tait pas encore ; bref, Bonnefoy a bel et bien engagĂ© son Ă©criture dans une hĂ©sitation entre le lieu et la voix qui assigne celle-ci et donc sa pluralitĂ© interne et externe Ă lâunicitĂ© de celui-lĂ Je crie, regarde, / Le signe est devenu le lieu » 288 quand le poĂšme comme relation fait de tout signe de vie un signe de voix. Jean-Pierre Richard signalait, dans le registre dâattention quâil a su admirablement dĂ©velopper, que chez Bonnefoy lâusure pathĂ©tise lâobjet et le temporalise, mais sans en attaquer vraiment le grain[20] » ; on pourrait ajouter que toute la construction de Bonnefoy ne le permet pas puisque si, pour lui, il y a un dire parmi les hommes, une parole sans fin[21] », ce nâest pas pour en observer avec surprise les granulations voire pour en exalter la pluralitĂ©, mais tout au contraire pour que le poĂšme sâimmobilise dans une dĂ©rĂ©liction statique puisquâil ajoute, mais nâest-ce pas une matiĂšre aussi vaine et rĂ©pĂ©titive que lâĂ©cume, le sable ou tous ces astres vacants ? Quelle misĂšre que le signe[22] ! » Oui, mais la parole est irrĂ©ductible au signe dĂšs que voix et relation ! Ce que paradoxalement montreraient Ă lâenvi les poĂšmes de Bonnefoy eux-mĂȘmes dans leur hĂ©sitation entre le signe et le poĂšme[23] », le lieu et la voix, lâunitĂ© et le continu. [1] Yves Bonnefoy, Lettre Ă John E. Jackson » 1980 dans Entretiens sur la poĂ©sie 1972-1990, Paris, Mercure de France, 1990, p. 88-116. La citation est Ă la p. 94. [2] Roberto Mussapi et Jean-Yves Masson nâhĂ©sitent pas Ă maintenir lâindĂ©cision gĂ©nĂ©rique ne serait-ce quâen titrant leur Ă©tude Douve, un thriller mĂ©taphysique » dans Yves Bonnefoy, Paris, LâHerne, 2010. [3] Je cite ici une formulation de Jean-Pierre Richard dont lâĂ©tude de fĂ©vrier 1961 reprise dans Onze Ă©tudes sur la poĂ©sie moderne Paris, Seuil, 1964, p. 254-285 nourrit ce travail alors mĂȘme que Richard propose dâemprunter la voie mauvaise » la voie Ă la fois enchanteresse et malĂ©fique du concept » que dĂ©nonce Bonnefoy ! OĂč Richard pointe tout au long de sa lecture la vision de lâhĂ©sitation chez Bonnefoy Tous les essais de lâImprobable, et mĂȘme quelques poĂšmes de Douve ou de Hier rĂ©gnant dĂ©sert, nous racontent ainsi la prĂ©sence, nous disent ce quâelle est et comment la chercher, mais ne nous engagent pas, concrĂštement, dans cette quĂȘte » p. 259. LâhĂ©sitation passe dâailleurs de Bonnefoy Ă Richard quand ce dernier avoue quâavec Bonnefoy, mieux vaut sâabandonner Ă ses poĂšmes La meilleure façon de les lire, me semble-t-il, serait de sâenfoncer aveuglĂ©ment dans leur ressassement et dans leur nuit, de laisser rĂ©sonner en soi leur note sourde, dâouvrir son regard Ă leur matitĂ© », pour aussitĂŽt ajouter contradictoirement quâ il faudrait aussi les traverser comme des Ă©piphanies âŠ, bref, il faudrait dĂ©crire, si ces mots possĂšdent quelque sens, les catĂ©gories sensibles de la prĂ©sence chez Bonnefoy » p. 260-261 ! Mais le poĂ©ticien sây perdra dans cette consistance » p. 281 et devra recourir Ă nouveau au concept, Ă ce quâil va appeler la double vĂ©ritĂ© de la prĂ©sence et de la conscience » p. 283. [4] Yves Bonnefoy, Entretien avec John E. Jackson » 1976 dans Entretiens sur la poĂ©sie, op. cit., p. 85. [5] Yves Bonnefoy, Lettre Ă John E. Jackson » 1980 dans Entretiens sur la poĂ©sie, op. cit., p. 94. Les indications de pages qui suivent renvoient Ă cette Lettre ». [6] Voir, entre autres, Pierre Jacerme, Martin Heidegger et Jean Beaufret un dialogue », Revue philosophique, 4/2002, p. 387-402. Voir, en particulier, la p. 396. [7] Voir Patrick Quillier, Entre bruit et silence Yves Bonnefoy, MaĂźtre de Chapelle ? Esquisses acroamatiques », LittĂ©rature n° 127, 2002, p. 18. [8] Yves Bonnefoy, Du mouvement et de lâimmobilitĂ© de Douve 1953 dans PoĂšmes, Paris, Gallimard, PoĂ©sie », 1982, p. 43-113. DorĂ©navant, les seules indications de pages vont Ă cette Ă©dition. [9] Ibid. [10] Dominique Combe, Lâultime Romeâ Yves Bonnefoy et la latinitĂ© », Europe n° 890-891, juin-juillet 2003, p. 161. [11] Yves Bonnefoy, Lettre Ă John E. Jackson » 1980 dans Entretiens sur la poĂ©sie, op. cit., p. 90. [12] Georges Didi-Huberman, Lâimage survivante, Histoire de lâart au temps des fantĂŽmes selon Aby Warburg, Paris, Minuit, 2002, p. 512. Câest lâauteur qui souligne. [13] Jean-Pierre Richard, Onze Ă©tudesâŠ, op. cit., p. 274. [14] Walter Benjamin, Le Raconteur, trad. Sibylle Muller, Strasbourg, CircĂ©, 2014. Bonnefoy aurait certainement pu souscrire Ă une des orientations de Benjamin La mort est la sanction de tout ce que le raconteur peut relater. Câest Ă la mort quâil a empruntĂ© son autoritĂ© » p. 21. Mais une telle orientation engage la mĂ©moire comme un vĂ©ritable bien commun », prĂ©cise Georges Didi-Huberman dans un commentaire serrĂ© de cet essai de Benjamin Blancs soucis, Paris, Minuit, 2013, p. 110. Bonnefoy me semble Ă©viter un tel engagement. [15] Guillaume Apollinaire, Sur les prophĂ©ties », Calligrammes, PoĂšmes de la paix et de la guerre 1913-1916 dans Ćuvres poĂ©tiques, Paris, Gallimard, PlĂ©iade, 1965, p. 186-187. [16] Jean-Pierre Richard, Onze Ă©tudesâŠ, op. cit., p. 280. [17] Antoine Raybaud, Le tu de Douve » dans Michel Collot et Jean-Claude Mathieu dir. PoĂ©sie et altĂ©ritĂ©, Paris, Presses de lâĂcole normale supĂ©rieure, 1990, p. 61-70. La citation et celle qui suit vient du paragraphe conclusif. [18] Ibid., p. 69. [19] Philippe Jaccottet, Une lumiĂšre plus mĂ»re », LâArc n° 66, paris, 1976, p. 25. [20] Jean-Pierre Richard, Onze Ă©tudesâŠ, op. cit., p. 281. [21] Yves Bonnefoy, LâarriĂšre-pays, GenĂšve, 1972, Albert Skira, p. 22. [22] Ibid. [23] Je reprends ici le titre de lâouvrage de Henri Meschonnic Paris, Gallimard, 1975 qui a osĂ© Ă©crire que le deuil sied Ă la poĂ©tisation » dans CĂ©lĂ©bration de la poĂ©sie, Lagrasse, Verdier, 2001, p. 114. Il y aurait alors Ă tout reprendre pour apercevoir que Bonnefoy nâest pas tant portĂ© par la mort, telle mort, que par le deuil⊠Mais nous retrouverions Ă©galement ce que nous avons peut-ĂȘtre quâaperçu ici une essentialisation-poĂ©tisation qui perd le continu et la pluralitĂ© de la voix pour le lieu, le poĂšme pour la poĂ©sie⊠SĂ©minaires de Serge Martin UniversitĂ© Sorbonne nouvelle Paris 3 en 2015-2016 programmes prĂ©cis Ă venir â pour information, tous ces sĂ©minaires sont ouverts Ă tous Ă condition dâaccepter de faire partie de la liste de diffusion qui est distribuĂ©e Ă chaque sĂ©ance Au premier semestre du 21 septembre au 17 dĂ©cembre 12 sĂ©ances Un sĂ©minaire de M1, le jeudi matin de 9h Ă 11h LittĂ©rature et enseignement anthologie de voix » certains aspects de ce sĂ©minaire paraĂźtront sur ce carnet Trois sĂ©minaires de M2 â le mercredi de 13h Ă 15h ThĂ©ories et didactiques de la littĂ©rature une question de voix » on peut le suivre sur ce carnet Ă lâonglet 7 â le jeudi de 13h Ă 15h LittĂ©rature de jeunesse poĂ©tique et didactique du racontage » on peut le suivre Ă cette adresse Ă lâonglet 4 â le mercredi de 15h Ă 17h MĂ©thodologie du mĂ©moire de recherche voies et voix de lâessai comme expĂ©rience de recherche » on peut le suivre en allant Ă cette adresse Toute lâannĂ©e SĂ©minaire avec Aline BergĂ© maĂźtresse de confĂ©rences Ă Paris 3 au MusĂ©e du Quai Branly de 17h30 Ă 19h30 les jeudis 15 octobre, 19 novembre et 10 dĂ©cembre 2015 ; 21 janvier, 18 fĂ©vrier, 17 mars, 7 avril et 12 mai 2016 Histoires de gestes littĂ©rature et anthropologie seconde saison » Au second semestre SĂ©minaire doctoral avec CĂ©cile Leguy professeure Ă Paris 3 Ă Censier les mercredis 27 janvier, 3 et 24 fĂ©vrier, 9 et 23 mars et 13 avril 2016, de 14h Ă 16h Gestes et voix une anthropologie poĂ©tique des arts du langage seconde saison » SĂ©minaire doctoral avec Jean-Louis Chiss professeur Ă Paris 3 Ă Censier les jeudis 28 janvier, 4 et 18 fĂ©vrier, 10 et 24 mars et 14 avril 2016, de 14h Ă 16h Penser/enseigner le sens du langage premiĂšre saison » Nous proposons ici une Ă©dition critique de quelques comptes rendus de Jarry, sans introduction thĂ©orique ou contextualisation prĂ©alable tout est dans les notes. Et nous avons fait choix de laisser le lecteur les dĂ©couvrir Ă sa guise⊠G. La NatalitĂ© en France en 1900 Bernard.2 On comptait, en France, 32 naissances sur mille habitants en 18013. Il nây en avait plus que 22 en 18954, et ce chiffre ne sâest relevĂ©, depuis 1898, quâĂ 22,15. Or, le coefficient des dĂ©cĂšs se maintenant actuellement Ă 22,26, la France se dĂ©peuple7, ou plutĂŽt se dĂ©peuplerait sans lâimmigration et peut-ĂȘtre la collaboration personnelle des immigrants8. Quelle est la cause de cette dĂ©population ? Car le coefÂficient des mariages est demeurĂ© constant 7,49. Mais la pluÂpart sont infĂ©conds10, soit que les conjoints abusent, pour diverses raisons, Ă Paris plus quâen tout autre pays, du restraint moral de Malthus11 ; et, de fait, les restraints moraux » des meilleurs faiseurs se fabriquent Ă Paris12, comme leur nom lâindique ; soit que beaucoup de Français soient, selon lâobservation du Dr Ămile Maurel, hĂ©rĂ©do-arthritiques Ă la troisiĂšme et Ă la quatriĂšme gĂ©nĂ©rationA, Ă©tat dĂ» lui-mĂȘme Ă la suralimentation azotĂ©e13. Le vrai coupable serait, dit-on, lâalcoolisme14. M. Bourneville, sur 1 000 enfants idiots, imbĂ©ciles, Ă©pileptiques, recueillis Ă BicĂȘtre, Ă©tablit que 500 seraient conçus par des pĂšres ou mĂšres alcooliques15. Nous nous rĂ©voltons contre la partiale absurditĂ© de cet argument, car, du moment quâil y a balance Ă©gale, nous pouvons conclure aussi bien que 500 sur 1 000 des Ă©pileptiques et idiots susmentionnĂ©s sont conçus par des parents sains. Câest dâailleurs une loi que les tares ne sont jamais immĂ©Âdiatement hĂ©rĂ©ditaires16. Le premier descendant dâun alcooÂlique nâest pas alcoolique scrofuleux17 quelquefois, et pas toujours. Le Dr Laborde18 et plusieurs Ă©minents mĂ©decins sâĂ©lĂšvent contre lâalcoolisme Ă sa premiĂšre pĂ©riode, Ă qui ils reprochent sa fĂ©condation immanquable, inconsciente et bruÂtale, parce que cette pĂ©riode est celle de lâexcitation en mĂȘme temps gĂ©nitale et spĂ©cialement gĂ©nĂ©rique19 ; mais dont les produits sont eux-mĂȘmes incapables de se reproduire20. Ces mĂȘmes spĂ©cialistes conviennent aussi que les non-alcooÂliques sont frĂ©quemment impuissants21. Nous tirerons, de ces sophismes mĂȘmes, leur conclusion qui les rĂ©futera les non-alcooliques, les gens sains22 actuels, sont assimilables Ă de trĂšs anciens descendants dâalcooliÂques, et ceci explique quâils soient, le plus souvent, comme les fils dâalcooliques, inaptes Ă la reproduction. NousB prĂ©sentons la clĂ© de cette mĂ©thode dans une loi, que nous appellerons formule de lâalcoomĂštre repopulateur, laquelle nous paraĂźt un pendant parfaitement valable Ă la thĂ©orie malthuÂsienne connue, de lâaccroissement gĂ©omĂ©trique des naisÂsances et arithmĂ©tique des ressources alimentaires du globe Pour que la population croisse en progression arithmĂ©tique23, il faut que lâalcoolisme nombre des alcooliques et degrĂ© de leur alcoolisation croisse en progression gĂ©omĂ©trique24. Variantes a gĂ©nĂ©rations b reproduction. Les seuls reproducteurs valides, les alcooliques, ne font souche que dâune gĂ©nĂ©ration, parce que celle-ci, suivant une loi dâalternance, nâest pas elle-mĂȘme alcoolique. Il faudrait, pour quâelle le fĂ»t, soumettre ses tissus mithridatisĂ©s Ă une intoxication alcoolique supĂ©rieure dans des proportions dĂ©terminĂ©es. La plus Ă©lĂ©mentaire logique conseille Ă lâhygiĂ©niste et au lĂ©gislateur de donner tous ses soins Ă cette alcoolisation mĂ©thodiquement croisÂsante. Nous Mme Hudry-Menos La Femme Schleicher.25 Ătude glorificatrice de la femme Ă travers les Ăąges, tant ceux de lâhistoire26 que ceux de son individuelle existence27. La femme nâest pas plus faible, physiquement, ni cĂ©rĂ©bralement que lâhomme, ou plutĂŽt elle ne lâest devenue que par des siĂšcles dâasservissement28 ; elle nâest pas non plus lâĂ©terÂnelle malade29 la rupture pĂ©riodique des follicules de Graaf nâest pas une maladie30. DâoĂč lĂ©gitimitĂ© de toutes les revendiÂcations actuelles du fĂ©minisme31⊠Une, nous semble-t-il, manque. Puisque les femmes postulentA lâaccĂšs Ă toutes les fonctions sociales32B, quâelles se prĂ©valent dâillustrations surtout guerriĂšres33, telles que Jeanne dâArc34 et Jeanne Hachette35, quâelles sont gĂ©nĂ©raleÂment plus patriotes que les hommes, il nous semblerait urgent avant toute autre rĂ©forme, dâĂ©tendre Ă leur sexe les glorieuses prĂ©rogatives du service militaire36. Variantes a demandent barrĂ© postulent b tous les emplois sociaux barrĂ© toutes les fonctions sociales Albert de Pouvourville LâEmpire du Milieu Schleicher.37 Voici, prĂ©sentĂ© dans un prĂ©cis historique et gĂ©ographique38 excellent39, ce peuple chinois, vers qui lâEurope se tourne40 ; peuple de civilisation si absolue quâelle est immuable41, contrepied de la nĂŽtre42, ce qui donne Ă penser peu de bien de la nĂŽtre. 2600 ans avant lâĂšre chrĂ©tienne, les Chinois se servaient usuellement de la boussole43 ; en 2000, ils connaissaient lâastronomie et le calendrier44 ; en 1000, la sphĂ©ricitĂ© de la Terre et son aplanissement aux pĂŽles45 ; en 400 avant JĂ©sus-Christ, la poudre et les canons46. De tous temps, leurs beaux-arts atteignirent une perfection que nous ne commençons quâĂ dĂ©couvrir. LâEurope se bat contre les Fils du Ciel47 pour obĂ©ir Ă cette loi que la barbarie attaque toujours la civilisation48. Elle peut momentanĂ©ment vaincre, parce que, dit M. de PouvourÂville49, il nây a pas dâarmĂ©e permanente en Chine, aucune considĂ©ration ne sâattache au mĂ©tier des armes50 dans le peuple, on ne recrute comme soldats que les mendiants et les vagabonds ; et les familles nâenvoient Ă lâarmĂ©e, comme officiers, que ceux de leurs fils dont on ne saurait rien faire, ou qui ont mal tournĂ© 51». En France, constaterons-nous, Ă lâaurore du XXe siĂšcle, la crĂ©dulitĂ© et lâenthousiasme populaires sont restĂ©s aussi avides de lĂ©gendes belliqueuses quâaux temps fabuleux. De nombreux Français nâont-ils pas, tout rĂ©cemment, cru voir de leurs yeux par un phĂ©nomĂšne dâhallucination collective qui nâest pas rare chez les peuples jeunes ce mythe solaire52, grandiose Ă vrai dire, du Guerrier dans les langues germaÂniques, Krieger53 et KrĂŒger54 ? Quant aux sages Jaunes, ils ne voudront la guerre que le jour oĂč ils seront trop serrĂ©s les uns contre les autres ; ils sortiront, mais bon grĂ© mal grĂ©55 et seulement pour accomplir lâantique prĂ©diction des lettrĂ©s du temps des Ming, lâexode de six cents millions dâhommes, qui changera la couleur du sang humain56. LĂ©on Walras ĂlĂ©ments dâĂ©conomie politique pure Pichon.57 Appliquer Ă lâĂ©conomie politique ou thĂ©orie de la richesse sociale58 lâanalyse mathĂ©matique, en un motA en faire une science exacte59, est une idĂ©e rĂ©centeB elle date de 1854 et du livre Entwickelung des Gesetze des Menschlichen Verkehrs60, oĂč Gossen61 Ă©nonçaC les systĂšmes dâĂ©quations dont les fermages, les salaires et les intĂ©rĂȘts62 sont les racines. En 1871 William Jevons63, professeur dâĂ©conomie politique Ă Manchester, publia chez Macmillan sa Theory of Political Economy64, qui repose toute sur ce quâil appelle Ă©quation dâĂ©change 65». Ă peu prĂšs en mĂȘme temps, un Suisse, LĂ©on Walras66, forÂmulait une loi dâĂ©change rigoureusement identique, la condition de satisfaction maxima 67». Les Ă©conomistes non mathĂ©maticiens, qui ont pour tous thĂ©orĂšmes des clichĂ©s La libertĂ© humaine ne se laisse pas mettre en Ă©quation ; â les frottements sont tout dans les sciences morales, ne peuvent faire que la thĂ©orie de la dĂ©termination des prix en libre concurrence ne soit une thĂ©orie mathĂ©maÂtique68. Raisonner non mathĂ©matiquement, câest en somme faire de fausse mathĂ©matique69 tantĂŽt dĂ©terminer une mĂȘme inconnue au moyen de nE Ă©quations, tantĂŽt faire servir une seule Ă©quation Ă dĂ©terminer n inconnues70. Il est douteux que de telles mĂ©thodes puissent ĂȘtre indĂ©finiment opposĂ©es Ă celle qui veut constituer lâĂ©conomie politique pure en science exacte71, et soient bonnes Ă autre chose quâĂ obtenir des solutions propres Ă charmerF lâespritG par leur variĂ©tĂ©. Voici une des formules de M. Walras Les prix ou les rapÂports des valeurs dâĂ©change sont Ă©gaux aux rapports inverses des quantitĂ©s de marchandises Ă©changĂ©es72. Cette loi a Ă©tĂ© prouvĂ©e historiquement de façon trĂšs apparente ; lâĂ©mission de 30 Ă 40 milliards dâassignats a abaissĂ© de 100 Ă 2,5 ou 3 la valeur de lâintermĂ©diaire dâĂ©change73. On ne peut rĂ©pĂ©ter cette magnifique expĂ©rience aussi souvent quâil le faudrait, dit M. Walras, pour convaincre les adversaires de la loi de la quantitĂ©74 ; et câest pourquoi il est fort heureux que lâĂ©coÂnomie soit une science oĂč le raisonnement vient supplĂ©er au dĂ©faut ou Ă lâincertitude de lâexpĂ©rience. 75» Nous verrions volontiers, au contraire, un savant modeste Ă©diter pour quelques millions de papier-monnaie76, Ă seule fin dâenH obserÂver ensuite avec sĂ©rĂ©nitĂ© la rĂ©action. Il ne fera que perÂfectionner la mĂ©thode des grands Ă©tablissements financiers, lesquels ont ouvertement en circulation du papier pour une valeur triple câest le chiffre le plus usitĂ© de leur encaisse mĂ©tallique. Le mĂ©tal est un poids mort, un sabot de frein77, disent les Ă©conomistes amĂ©tallistes ; la sociĂ©tĂ© nâest pas plus constituĂ©e pour liquider quâun chariot pour sâarrĂȘter ; il doit seulement pouvoir. 78» Ă quoi bon, puisque le Monde, le plus vieil Ă©tablissement dâĂ©change, ne peut pas non plus embrayer ? Mais il ne faudrait pas conclure que nous soyons aucunement hostile Ă la thĂ©orie, jusquâĂ prĂ©sent Ă©sotĂ©rique, de la fabrication de la monnaie fiduciaire79 en libre concurrence80. Variantes a câest-Ă -dire barrĂ© en un mot b moderne barrĂ© rĂ©cente c formula barrĂ© Ă©nonça d maximum barrĂ© maxima e deux barrĂ© n f distraire barrĂ© charmer g lâesprit addition interlinĂ©aire h en addition interlinĂ©aire Almanach du PĂšre Ubu pour le XXe siĂšcle en vente partout.81 Revue des plus rĂ©cents Ă©vĂ©nements politiques82, littĂ©raires, artistiques83, coloniaux84, par-devant le pĂšre Ubu. Un trait de la silhouette de ce pantin est mis en lumiĂšre ici, qui nâavait point servi dans Ubu roi ni sa contrepartie Ubu enchaĂźnĂ© nous parlons de la⊠pataphysiqueA » du personnage, plus simplement son assurance Ă disserter de omni re scibili85, tantĂŽt avec compĂ©tence, aussi volontiers avec absurditĂ©, mais dans ce dernier cas suivant une logique dâautant plus irrĂ©futable que câest celle du fou ou du gĂąteux Il y a deux sortes de rats, professe-t-il par exempleB, le rat des villes et le rat des champs ; osez dire que nous ne sommes pas un grand entomologiste86 ! Le rat des champs est plus prolifique, parce quâil a plus de place pour87C Ă©lever sa progĂ©niture88⊠» Lâalmanach est illustrĂ© de trĂšs synthĂ©tiques89 dessins de Pierre Bonnard et accompagnĂ© de musique nouvelle90 par Claude Terrasse91. Variantes a la pataphysique b par exemple addition interlinĂ©aire c place oĂč Jean S. BarĂšs Gramaire françaize Le RĂ©formiste.92 Monsieur Jean S. BarĂšs, qui fait, depuis quatre ans, dans Le RĂ©formiste, une campagne en faveur de la sinplificacion ortografique 93», vient de publier la prĂ©zente gramaire destinĂše a mĂštre a la portĂše des intĂ©lijences seulement moyĂšnes, les rĂšgles lojiques et sinples » de sa nouvelle ortografe ». On permĂ©tra ainsi aus enfants », dit-il, dâapprendre une grande partie des chozes quâil faut savoir pour faire bone figure dans la bataille de la vie, pendant les anĂšes quâils perdent actuĂ©lement pour graver dans leur mĂ©moire la multitude de caprices et de convencions dont la seule Ă©nonciacion rĂ©volte tout esprit de lojique. 94» Il semble que M. Jean S. BarĂšs nâait point considĂ©rĂ© que lâorthographe nâest pas une science quâon apprenne selon des rĂšgles, mais un usage, une habitude et en quelque sorte une mode. Elle se transforme continuellement, ainsi que le prouvent les sans cesse nouvelles Ă©ditions des dictionnaires, et le jour oĂč elle sâavouera dĂ©finitivement codifiĂ©e, câest que la langue dont elle est le costume sera morte. Si les grammairiens ont dĂ©duit des habitudes du peuple et du caprice des grands Ă©crivains ce quâon appelle conventionnellement des rĂšgles dâorthographe et de syntaxe, afin de faciliter dâĂ©crire aux enfants, et, comme dit M. Jean S. BarĂšs, aus intĂ©lijences moyĂšnes », ces soi-disant rĂšgles ne sont que des constatations de faits, comme celle-ci, par exemple le participe sâaccorde en telles circonstances, â de mĂȘme quâonA dirait les feuilles de tels arbres tomÂbent en automne. Câest un phĂ©nomĂšne de la nature et il ne sert dâyB contredire95. Il suit de lĂ que les exceptions de cesC rĂšgles» sont des rĂšgles aussi, mais qui sâappliquent Ă un seul ou Ă un petit nombre de cas. Vouloir uniformiser lâorthographe, câest la tĂąche utopique poursuivie par Le RĂ©formiste, en mĂȘme temps que la supression des octrois, le relĂšvement de lâagriculture, la dĂ©centralizacion administrative et lâĂ©tablissement dâun serÂvice militaire pareil pour tous. Il dĂ©zire Ă©tablir lâĂ©galitĂ© et dĂ©grever le nĂ©cessaire en grevant le superflu 96»⊠mĂȘme dans les motsD. Cette utopie ne laisse pas dâĂȘtre inquiĂ©tante, car, de par maints assentiments universitaires et officiels, peu sâen faut quâelle ne soit rĂ©alisĂ©e97. Les intĂ©lijences moyĂšnes » apprendront Ă Ă©crire plus facilement, mais⊠les autres, dont le temps est bien aussi prĂ©Âcieux, seront-elles forcĂ©es dâapprendre Ă lire ceE volapĂŒk98 ? Enfin, nâaccusons point M. Jean S. BarĂšs dâavoir inventĂ© la grammaireF des fautes dâorthographe sans doute lâidĂ©e et la substance lui en furent-elles fournies par nos filles, nos femmes et nous-mĂȘmes⊠qui sommes encore bien capables de refaire des fautes contre cette grammaireF des fautes ! Variantes a comme on barrĂ© de mĂȘme quâon b nây a rien Ă y barrĂ© ne sert dây c des prĂ©tendues barrĂ© de ces d mĂȘme dans les mots. ne figure pas e le barrĂ© ce f le dictionnaire g le dictionnaire Notes 1 G. M. est Georges MĂ©ran, nĂ© Ă Bordeaux en 1843, avocat Ă Bordeaux et maire dâArcachon information due Ă Bertrand Marchal ; quâil en soit ici chaleureusement remerciĂ©. 3 Voir LNF, p. 20. Le nombre 1801 est une invention de Jarry. 4 Voir Ibid. 5 Voir Id., p. 21. 6 Voir Ibid. Jarry recopie improprement 22,1 » Ă la place de 21,2 », permutant 2 » et 1 ». 7 Voir Id., p. 19. 8 Citation indirecte, Jarry modifiant naturalisation des Ă©trangers » en collaboration personnelle des immigrants » [L]a France [âŠ] ne se dĂ©peuple pas, grĂące Ă lâimmigration et Ă la naturalisation des Ă©trangers [âŠ] » Id., p. 24-25. 9 Cette information ne se trouve pas dans le livre de Georges MĂ©ran. 10 Citation indirecte [âŠ] la plupart des mariages infĂ©conds sont dus Ă lâhĂ©rĂ©do-arthritisme [âŠ] » Id., p. 28. 11 Citation indirecte De Malthus on ne connaĂźt que le restraint moral et la progression gĂ©omĂ©trique et arithmĂ©tique [âŠ] » Id., p. 123. Remarquons que lâitalique nâest pas de la main de Jarry elle est dĂ©jĂ prĂ©sente dans ce passage de LNF [âŠ] ce quâil appelle le restraint moral [âŠ] » Id., p. 46. 12 Voir Id., p. 54. En rĂ©alitĂ©, contrairement Ă ce que laisse entendre Jarry, Malthus ne prĂŽnait nullement lâusage de prĂ©servatifs, comme lâadmet implicitement Georges MĂ©ran dans Id., p. 46 la remarque de Jarry entre ainsi en contradiction avec le propos de LNF. Par moral restreint », rĂ©sume Annie Vidal, Malthus entend la chastetĂ© hors mariage et lâajournement du mariage pour les pauvres, idĂ©e qui en elle-mĂȘme nâavait rien de rĂ©volutionnaire, le contrĂŽle des naissances par la nuptialitĂ© Ă©tant une pratique courante avant le XIX° siĂšcle » Annie Vidal, La pensĂ©e dĂ©mographique, Doctrines, thĂ©ories et politiques de population, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1994, p. 49. 13 Citation indirecte, Jarry modifiant affirme » verbe qui sous-entend lâĂ©noncĂ© dâune vĂ©ritĂ© scientifique en selon lâobservation » formule qui suggĂšre la prĂ©sence dâune subjectivitĂ©, la perception par les sens Ă©tant, de plus, sujette Ă lâerreur, comme aime Ă le rĂ©pĂ©ter Jarry dans ses chroniques Un hygiĂ©niste, le docteur Emile Maurel, agrĂ©gĂ© Ă la FacultĂ© de MĂ©decine de Toulouse, affirme que la plupart des mariages infĂ©conds sont dus Ă lâhĂ©rĂ©do-arthritisme Ă la troisiĂšme et Ă la quatriĂšme gĂ©nĂ©ration ; cet Ă©tat est dĂ» lui-mĂȘme Ă la suralimentation azotĂ©e [âŠ] » LNF, p. 28. 14 Sur les liens qui existent Ă cette Ă©poque entre lâalcoolisme et le problĂšme de la dĂ©population, voir Didier Nourrisson, Le buveur au XIX° siĂšcle, Albin Michel, 1990, p. 186-187. 15 Citation indirecte, Jarry modifiant avaient Ă©tĂ© » en seraient » Sur mille enfants idiots, imbĂ©ciles, Ă©pileptiques, recueillis Ă BicĂȘtre, M. Bourneville Ă©tablit que la moitiĂ©, soit cinq cents, avaient Ă©tĂ© conçus par des pĂšres ou mĂšres alcooliques » LNF, p. 35. 16 Jarry renverse le sens du passage suivant [âŠ] le boiteux engendre un boiteux, le bossu des bossus, le fou des fous ; la tare physique se lĂšgue et se perpĂ©tue de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration ; il en est de mĂȘme de la tare morale, car il nâest pas que des contagions physiques, et câest par lâhĂ©rĂ©ditĂ©, par lâatavisme que les philosophes expliquent les erreurs invĂ©tĂ©rĂ©es de lâesprit humain persistant dâĂąge en Ăąge, de siĂšcle en siĂšcle, et que la science ne dĂ©truit quâaprĂšs de longs efforts » Id., p. 90. 17 Georges MĂ©ran ne le spĂ©cifie pas. Jarry puise par consĂ©quent cette information ailleurs. Camille Raot Ă©crit par exemple dans NatalitĂ© Les descendants dâivrognes fournissent une proportion considĂ©rable [âŠ] de scrofuleux [âŠ] » AbbĂ© Camille Raot, NatalitĂ©, Librairie Ch. Poussielgue, 1901, p. 86. 18 Jean-Baptiste-Vincent Laborde 1830-1903. Voir, au sujet de ce mĂ©decin, la chronique La morale murale ». 19 Citation indirecte, Jarry ajoutant le terme immanquable », quâil met en relief par le biais de lâitalique, Ă©cartant lâadverbe particuliĂšrement », et maniant lâhyperbole car il ne sâagit pas de la parole de plusieurs Ă©minents mĂ©decins » mais de celle du seul Laborde Mais il faut encore insister sur le rĂŽle doublement lamentable de la passion alcoolique, ajoute M. Laborde, dans la procrĂ©ation pour ainsi dire inconsciente et ainsi particuliĂšrement brutale, Ă la premiĂšre pĂ©riode de lâalcoolisme, câest-Ă -dire Ă la pĂ©riode dâexcitation en mĂȘme temps gĂ©nitale et spĂ©cialement gĂ©nĂ©rique, et par suite sur les consĂ©quences hĂ©rĂ©ditaires dĂ©sastreuses qui en sont le rĂ©sultat fatal » LNF, p. 41. 20 Jarry sâinspire du passage suivant, modifiant impuissants » en incapables » Ces rĂ©sultats sont connus, câest lâengendrement dâenfants impuissants Ă se reproduire, criminels et affaiblis » Id., p. 42. 21 Allusion au passage suivant Il est facile dâapprĂ©cier les consĂ©quences de pareils rĂ©sultats câest ici que lâhygiĂ©niste soucieux de la conservation de la race devrait intervenir pour rendre stĂ©riles les copulations des alcooliques, et fĂ©condes celles des gens sains. Tel est le problĂšme il semble insoluble. » Id., p. 42 En effet, la formulation jarryque [c]es mĂȘmes spĂ©cialistes conviennent aussi que les non-alcooÂliques sont frĂ©quemment impuissants » se construit sur la formulation suivante de Georges MĂ©ran câest ici que lâhygiĂ©niste soucieux de la conservation de la race devrait intervenir pour rendre stĂ©riles les copulations des alcooliques, et fĂ©condes celles des gens sains », Jarry rebondissant sur la maladresse dâexpression pour faire affleurer le sens, lorsque lâon pousse cette maladresse Ă son paroxysme, qui sây trouve apparemment recelĂ© sâil sâagit de rendre fĂ©condes » les copulations » des non-alcooliques, cela peut supposer, indĂ©pendamment de lâutilisation des contraceptifs Ă laquelle Georges MĂ©ran fait allusion, que Jarry Ă©carte pour les besoins de son propos volontairement mĂ©thodique, que celles-ci sont stĂ©riles. 22 Jarry renverse lâaffirmation suivante [âŠ] ces dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s, ces pervers, produits de lâalcoolisme, et eux-mĂȘmes alcooliques. » Id., p. 36 23 La progression arithmĂ©tique est 1 2 3 4, etc. 24 La progression gĂ©omĂ©trique est 1 2 4 8 16, etc. Jarry sâinspire pour lâĂ©noncĂ© de ce thĂ©orĂšme fantaisiste de celui de Malthus, reproduit dans le livre de Georges MĂ©ran La doctrine de Malthus telle quâil lâa formulĂ©e est peu connue dans son ensemble et dans ses consĂ©quences ; on nâen a retenu que deux points le premier est la thĂ©orie de lâaccroissement gĂ©omĂ©trique dans les naissances et arithmĂ©tique dans les ressources alimentaires que peut fournir notre globe » Id., p. 45. 26 Toute la premiĂšre partie est en effet consacrĂ©e Ă la femme dans les diverses civilisations et aux diverses PĂ©riodes de lâHistoire. » 27 Toute la seconde partie est en effet consacrĂ©e Ă [l]âĂ©volution individuelle de la femme ». 28 Citation indirecte, Jarry Ă©cartant le terme moralement » et modifiant sĂ©culaire » en des siĂšcles », intellectuellement » en cĂ©rĂ©bralement » la femme est une crĂ©ature anĂ©miĂ©e physiquement, intellectuellement et moralement par une servitude sĂ©culaire [âŠ] » LF, p. 208 ; Hudry-Menos Ă©voque en outre lâasservissement gĂ©nĂ©ral de la femme » Id., p. 116. 29 Voir Id., p. 6, 117. 30 Citation indirecte, Jarry resserrant la formulation chaque mois [âŠ] doit se rompre » en rupture pĂ©riodique » [âŠ] chaque mois, un ou plusieurs de ces Ćufs, appelĂ©s par le mĂ©decin follicules de Graaf, doit se rompre [âŠ]. Cette rupture de follicule nâest pas une maladie [âŠ] » Id., p. 115-116. 31 Jarry sâinspire fortement, pour sa formulation qui commence par La femme nâest pas plus faible [âŠ] », du passage suivant, en Ă©pousant la structure puisque lâutilisation quâil fait des mots asservissement », malade », fĂ©minin[sme] » rejoint en tout point lâordre de succession de ces termes mĂȘme si Jarry modifie fĂ©ministes » en fĂ©minisme » au sein du texte originel [E]n ces derniĂšres annĂ©es des groupes de femmes se sont partout formĂ©s pour protester contre cet asservissement maintenu malgrĂ© la transformation des idĂ©es et des mĆurs. La science ne fait plus dâelle un ĂȘtre inachevĂ©, un homme arrĂȘtĂ© dans son dĂ©veloppement. Elle sait quâelle est une force distincte de la force masculine, â non une malade [âŠ] ; et elle sâefforce, partout oĂč son Ă©mancipation est assez avancĂ©e, de fortifier son corps, son intelligence et son Ăąme. Câest ce quâon a appelĂ© les Revendications fĂ©ministes⊠» Id., p. 208 ; voir aussi Id., p. 215-216. La plus importante modification Ă laquelle procĂšde Jarry tient au fait quâil renverse le lien logique qui suggĂšre une simple explication Câest ce quâon » en lien de consĂ©quence exprimĂ© par DâoĂč ». 32 Voir Id., p. 212, 213. 33 Voir Id., p. 62, 103. 34 Voir Id., p. 61, 62. 35 Voir Id., p. 66. 36 Le RĂ©formiste prĂŽnait dĂ©jĂ lâĂ©tablissement dâun service militaire pareil pour tous » Jean S. BarĂšs, Gramaire Françaize, Aus bureaus du RĂ©formiste, 1900, p. 105, phrase que Jarry cite dans son compte rendu du livre de BarĂšs. Or, Jarry avec cette affirmation il nous semblerait urgent [âŠ] service militaire » fait implicitement rĂ©fĂ©rence au livre de BarĂšs quâil chronique puisquâil Ă©crira dans lâAlmanach illustrĂ© du PĂšre Ubu de 1901 notre grande revendication fĂ©ministe, le service militaire non plus pour tous mais pour toutes » Alfred Jarry, Ćuvres complĂštes, I, textes Ă©tablis, prĂ©sentĂ©s et annotĂ©s par Michel ArrivĂ©, Gallimard, collection BibliothĂšque de la PlĂ©iade, 1972, p. 587. 38 Citation indirecte dâun passage qui concerne paradoxalement un autre ouvrage Description gĂ©ographique, prĂ©cis historique, institutions sociales, religieuses, politiques, notions sur les sciences, les arts, lâindustrie et le commerce » EM, p. 180. Voir aussi Id., p. 9. 39 Jarry dresse lâĂ©loge de EM en cherchant Ă balayer les doutes exprimĂ©s par son auteur voir Id., p. 7, 8. 40 Allusion Ă la phrase suivante [L]es tendances internationales actuelles contraignent la France Ă se tourner vers les choses de lâExtrĂȘme-Orient [âŠ] » Id., p. 9. 41 Citation indirecte, Jarry ajoutant le terme absolu » [âŠ] le problĂšme apparaĂźt formidable, quand lâĂ©tude se porte sur un peuple dâune civilisation antique, achevĂ©e, immuable dĂ©sormais [âŠ] » Id., p. 8. Voir aussi Alfred Jarry, Ćuvres complĂštes, II, Ă©dition Ă©tablie par Henri Bordillon, avec la collaboration de Patrick Besnier et Bernard Le Doze, Gallimard, collection BibliothĂšque de la PlĂ©iade, 1987, p. 93. 42 Voir EM, op. cit. 43 Hyperbole ou erreur de lecture de Jarry lâintroduction de la boussole a lieu selon EM quelques annĂ©es aprĂšs [âŠ] 1110 avant JĂ©sus-Christ » Id., p. 118. 44 Citation indirecte [âŠ] une civilisation dĂ©jĂ Ă©clairĂ©e, 2000 avant JĂ©sus-Christ. Ă cette Ă©poque, [âŠ] on connaissait lâastronomie et le calendrier [âŠ] » Id., p. 118. 45 Citation indirecte, Jarry modifiant aplatissement polaire » en aplanissement aux pĂŽles » En 1000 avant JĂ©sus-Christ, le premier code pĂ©nal fut instituĂ© [âŠ]. Ă la mĂȘme Ă©poque remont[e] [âŠ] la connaissance de la sphĂ©ricitĂ© de la terre et de son aplatissement polaire. » Id., p. 118-119. 46 Citation indirecte Quatre cents ans avant JĂ©sus-Christ, les Chinois connurent les propriĂ©tĂ©s de la poudre Ă canon [âŠ] » Id., p. 119. 47 Expression prĂ©sente dans EM voir notamment Id., p. 164, 170. 48 Jarry fait allusion au passage suivant La race blanche, qui, Ă cause de son petit nombre et de son Ă©loignement, est contrainte dâavoir, en Chine, recours Ă la puissance de ses engins de guerre et de destruction, rencontrera un obstacle vivant et perpĂ©tuel Ă son expansion, dans la personne de ces lettrĂ©s souriants, qui puisent dans la soliditĂ© de leur instruction et dans lâanciennetĂ© de leurs doctrines la conscience de leur force morale et lâespoir de lâimmortalitĂ© de leur rĂ©sistance. » Id., p. 98. 49 Albert de Pouvourville 1861-1939 fut officier militaire, orientaliste, occultiste et poĂšte. 50 Voir Albert de Pouvourville, La Chine des Mandarins, Schleicher frĂšres, 1901, p. 136-139. 51 Voir EM, p. 83. 52 Jarry exprimera diffĂ©remment cette idĂ©e dans lâAlmanach illustrĂ© du PĂšre Ubu de 1901 voir Alfred Jarry, Ćuvres complĂštes, I, textes Ă©tablis, prĂ©sentĂ©s et annotĂ©s par Michel ArrivĂ©, Gallimard, collection BibliothĂšque de la PlĂ©iade, 1972, p. 590. 53 Guerrier » en allemand. 54 Allusion Ă la venue le 24 novembre 1900 Ă Paris de Paul KrĂŒger 1825-1914, prĂ©sident de la rĂ©publique du Transvaal et plus spĂ©cifiquement Ă la maniĂšre dont il fut acclamĂ© par les personnes amassĂ©es Ă son passage. 55 Citation indirecte BientĂŽt le Chinois nâaura plus de place en Chine. [âŠ] Et la race dĂ©borde ; le jour oĂč les Chinois seront trop serrĂ©s les uns contre les autres, bon grĂ© mal grĂ©, il leur faudra bien sortir de chez eux. » EM, p. 176. 56 Citation indirecte, Jarry abandonnant le terme formidable » dans la formulation exode formidable », laissant de cĂŽtĂ© la formulation renouvellera la face du vieux monde » ainsi que le terme sages » quâil utilise ailleurs et modifiant sang des hommes » en sang humain » [âŠ] câest le Japon qui mĂšnera, Ă travers les steppes chinoises, sibĂ©riennes et russes, lâexode formidable de six cents millions dâhommes que prĂ©dirent les sages lettrĂ©s du temps des Ming et qui renouvellera la face du vieux monde et changera la couleur du sang des hommes » Id., p. 177-178. 58 Citation indirecte [âŠ] lâĂ©conomie politique pure est aussi la thĂ©orie de la richesse sociale. » Ăconomica, p. 11. 59 Citation indirecte Walras affirme que sa mĂ©thode veut constituer lâĂ©conomie politique pure comme une science exacte. » Id., p. 21 60 Allusion Ă un autre livre de LĂ©on Walras Ătudes dâĂ©conomie sociale ThĂ©orie de la rĂ©partition de la richesse sociale voir LĂ©on Walras, Ătudes dâĂ©conomie sociale ThĂ©orie de la rĂ©partition de la richesse sociale, Lausanne, F. Rouge et Cie, 1936, p. 373. Le titre complet de lâouvrage de Gossen est Entwickelung der Gesetze des menschlichen Verkehrs und der daraus fliessenden Regeln fĂŒr menschliches Handeln et signifie exposition des lois de lâĂ©change et des rĂšgles de lâindustrie qui sâen dĂ©duisent ». 61 Hermann Heinrich Gossen 1810-1858, Ă©conomiste. 62 Walras utilise cette formulation pour faire rĂ©fĂ©rence Ă ses propres travaux voir Ăconomica, p. 3, Ă ceux de Walras Jevons Id., p. 17, mais jamais Ă ceux de Gossen. 63 William Stanley Jevons 1835-1882, logicien et Ă©conomiste anglais. 64 Citation indirecte [âŠ] jâai eu connaissance dâun ouvrage sur le mĂȘme sujet, intitulĂ© The Theory of Political Economy, publiĂ© en 1871 chez Macmillan & C°, Ă Londres, par M. W. Stanley Jevons, professeur dâĂ©conomie politique Ă Manchester. » Id., p. 2. 65 Voir LĂ©on Walras, ĂlĂ©ments dâĂ©conomie politique pure ; ou, ThĂ©orie de la richesse sociale, L. Corbaz & Cie, 1874, p. VII. 66 LĂ©on Walras 1834-1910, Ă©conomiste, occupa la chaire dâĂ©conomie politique de lâUniversitĂ© de Lausanne Suisse. 67 Citation Ă la fois directe et indirecte, Jarry modifiant Ă©quation » en loi » et maximum » en maxima » [âŠ] Ă©quation dâĂ©change [âŠ] qui est rigoureusement identique Ă celle qui me sert Ă moi-mĂȘme de point de dĂ©part et que jâappelle condition de satisfaction maximum. » Economica, p. 2. 68 Citation indirecte [âŠ] Ils ne feront pas que la thĂ©orie de la dĂ©termination des prix en libre concurrence ne soit une thĂ©orie mathĂ©matique [âŠ] » Id., p. 21. Le passage en italique est de la main de Jarry. 69 La premiĂšre partie de cette phrase naĂźt du passage suivant [âŠ] ils seront toujours » obligĂ©s dâaborder lâĂ©conomie politique sans les ressources nĂ©cessaires et, en ce cas, de faire Ă la fois de trĂšs mauvaise Ă©conomie politique pure et de trĂšs mauvaise mathĂ©matique. » Ibid. 70 La seconde partie de cette phrase naĂźt entiĂšrement du passage suivant, Jarry remplaçant deux » et deux, trois et quatre » en n » [âŠ] ces Messieurs se rĂ©servent tantĂŽt de dĂ©terminer une mĂȘme inconnue au moyen de deux Ă©quations et tantĂŽt de faire servir une seule Ă©quation Ă dĂ©terminer deux, trois et quatre inconnues [âŠ] » Ibid.. 71 Citation indirecte [âŠ] et lâon doutera, je lâespĂšre, quâune telle mĂ©thode puisse ĂȘtre indĂ©finiment opposĂ©e Ă celle qui veut constituer lâĂ©conomie politique pure comme une science exacte » » Id., p. 21. 72 Voir LĂ©on Walras, ĂlĂ©ments dâĂ©conomie politique pure thĂ©orie de la richesse sociale, Ă©dition dĂ©finitive, revue et augmentĂ©e par lâauteur, R. Pichon et R. Durand-Auzias, 1926, p. 49. 73 Citation indirecte Câest ainsi quâon vit des Ă©missions de 30 Ă 40 milliards dâassignats abaisser dans la proportion de 100 Ă 2,50 ou 3 la valeur de lâintermĂ©diaire dâĂ©change » Id., p. 354. 74 La loi dite de la quantitĂ© est la loi de proportionnalitĂ© inverse de la valeur de la monnaie Ă sa quantitĂ©. » Id., p. 353. Sur les adversaires » de cette loi, voir Id., p. 353-354. 75 Voir Id., p. 354. 76 La rĂȘverie mĂ©thodique de Jarry naĂźt de sa lecture du passage suivant Nous verrons, en Ă©conomie politique appliquĂ©e, quelles sont les consĂ©quences Ă©normes » de la loi de la quantitĂ© qui met tout lâĂ©quilibre du marchĂ© Ă la merci des exploiteurs de mines et des Ă©metteurs de billets de banque et de chĂšques. » Id., p. 353. 77 Les sabots ou blocs de frein » appartenant au monde ferroviaire peuvent effectivement ĂȘtre en mĂ©tal voir A. Flamache, Alphonse Huberti et A. StĂ©vart, TraitĂ© dâexploitation des chemins de fer, volume 4, partie 1, Mayolez, 1899, p. 385. 78 Cette citation ne se trouve dans aucun ouvrage de Walras. 79 Se dit des valeurs fictives, fondĂ©es seulement sur la confiance accordĂ©e Ă celui qui les Ă©met » Dir. Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siĂšcle français, historique, gĂ©ographique, mythologique, bibliographiqueâŠ, tome 8, Administration du Grand Dictionnaire Universel, 1866-1890, p. 336. 80 Jarry reviendra sur cette partie de son compte rendu dans sa chronique LâĂ©chĂ©ance dans ses rapports avec le suicide » parue dans La Revue blanche du 15 novembre 1901. 82 Voir Confessions dâun enfant du siĂšcle, commentaires du pĂšre Ubu Sur les ĂvĂ©nements rĂ©cents » Alfred Jarry, Ćuvres complĂštes, I, textes Ă©tablis, prĂ©sentĂ©s et annotĂ©s par Michel ArrivĂ©, Gallimard, collection BibliothĂšque de la PlĂ©iade, 1972, p. 581-593. 83 Voir Conseils aux capitalistes et perd-de-famille » Id., p. 620-621. 84 Voir Ubu colonial » Id., p. 601-611, Tatane, Chanson pour faire rougir les nĂšgres et glorifier le PĂšre Ubu » Id., p. 616-619 et Philologie, Examen du PĂšre Ubu au Saint-Sulpice colonial » Id., p. 612-615. 85 Signifie de toutes les choses que lâon peut savoir ». Le Pic de la Mirandole fut le pĂšre de cette expression, tombĂ©e dans le langage courant voir GDU, tome 12, p. 936. 86 Lâentomologiste est celui qui sâoccupe » des insectes Dir. Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siĂšcle français, historique, gĂ©ographique, mythologique, bibliographiqueâŠ, tome 9, Administration du Grand Dictionnaire Universel, 1866-1890, p. 717. 87 Dans lâAlmanach de 1901 figure oĂč » voir Alfred Jarry, Ćuvres complĂštes, I, textes Ă©tablis, prĂ©sentĂ©s et annotĂ©s par Michel ArrivĂ©, Gallimard, collection BibliothĂšque de la PlĂ©iade, 1972, p. 606. Comme lâindique la variante C, Jarry sâattache Ă corriger la leçon de cet Almanach. 88 Citation de la section Ubu colonial » voir Id., p. 606. 89 Allusion aux dessins de Bonnard prĂ©sents dans la section Alphabet du PĂšre Ubu » Id., p. 584-585 les dessins sont synthĂ©tiques en ce sens quâils reprĂ©sentent successivement La faim » Id., p. 584, La jubilation du PĂšre Ubu » Ibid., La fĂ©rocitĂ© » Ibid., Lâadmiration » Id., p. 585 et La douleur » Ibid.. 90 Voir La partition de Tatane » Id., p. 618. 91 Au sujet de Terrasse, voir Patrick Besnier, Alfred Jarry, Fayard, 2005, p. 261-262. 93 Voir GF, p. 1. Professeur puis directeur du RĂ©formiste, revue se voulant en effet organe de la simplification de lâorthographe française », BarĂšs fit paraĂźtre, avant Gramaire françaize, LâOrtografe simplifiĂ©e et les autres rĂ©formes nĂ©cessaires, toujours aus bureaus du RĂ©formiste ». 94 Voir GF, p. 7. 95 Jarry rĂ©pond ici Ă BarĂšs qui cherche Ă dĂ©montrer le manque absolu de science, de lojique et dâesprit de suite de lâancien sistĂšme [âŠ] » Id., p. 6-7. 96 Jarry cite en partie lâannonce du RĂ©formiste prĂ©sente dans GF. 97 Voir Remy de Gourmont, La culture des idĂ©es, prĂ©face de Charles Dantzig, Robert Laffont, collection Bouquins », 2008, p. 433. 98 SystĂšme de langue universelle mis en place par John Martin Schleyer en 1879, qui sâimposa pendant six annĂ©es avant dâĂȘtre remplacĂ© par lâEspĂ©ranto Chaque lettre nâa quâun seul et mĂȘme son », et lâorthographe est toujours rĂ©duite Ă sa plus simple expression, puisque les mots sont toujours Ă©crits tels quâils se prononcent et vice versa. » Dir. Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siĂšcle français, historique, gĂ©ographique, mythologique, bibliographiqueâŠ, deuxiĂšme supplĂ©ment, Administration du Grand Dictionnaire Universel, 1866-1890, p. 1995. DeuxiĂšme partie du travail sur lâoralitĂ©, Ă partir dâune lecture de Meschonnic. 1er billet Meschonnic affirme que le lieu de la voix est le lieu de la poĂ©sie, et câest un lieu historique. Le lieu de la voix nâest pas le mĂȘme dans la tradition française et dans la tradition anglo-amĂ©ricaine, parce que le rapport du poĂšme Ă lâoral, au parlĂ©, au langage ordinaire, nây est pas le mĂȘme. De Wordsworth Ă Hopkins, Ă Pound et Ă Eliot, la nouveautĂ© poĂ©tique sâest toujours faite en anglais dans un rapport nouveau au parlĂ©, jusquâaux beatniks et Ă Charles Olson. La voix y est nĂ©cessairement situĂ©e par le primat, ou lâhistoire, de lâoralitĂ© »[1]. Il dit aussi que OralitĂ© et spatialitĂ©, dans des rapports divers selon les cultures, sont insĂ©parables. LâoralitĂ© demanderait une anthropologie comparĂ©e de la diction, des modes dâoralitĂ©, autant que des techniques du corps »[2]. Ces propos mâont incitĂ©e Ă tenter lâexpĂ©rience dâĂ©criture qui va suivre. Ce texte mâa Ă©tĂ© inspirĂ© par la venue Ă Besançon de John Giorno, poĂšte amĂ©ricain, le 5 dĂ©cembre 2013. John Giorno est un poĂšte amĂ©ricain de lâimmĂ©diat aprĂšs Beat generation », ayant entretenu des relations avec les artistes du pop-art. Il a participĂ© au film de Wahrol Sleep, durant lequel on le voit dormir pendant cinq heures. Il est lâauteur dâun nombre important dâenregistrements sonores de poĂšmes et de performances, en lien avec dâautres artistes et auteurs Warhol mais aussi Ginsberg, John Cage, Burroughs, etc., artistes ayant explorĂ© continuellement le rapport du poĂšme au langage ordinaire du quotidien, et le rapport continuĂ© du poĂšme au corps corps du poĂšte, corps de lâauditeur spectateur. En tĂ©moigne par exemple lâexpĂ©rience Dial a poem », qui permettait Ă nâimporte quelle personne de tĂ©lĂ©phoner Ă une ligne dĂ©diĂ©e pour se voir offrir par rĂ©pondeur un poĂšme enregistrĂ©. On pourrait sâinterroger sur le devenir de la voix lorsquâelle est ainsi figĂ©e sur un support faussement adressĂ©, puisque lâauditeur au tĂ©lĂ©phone nâa pas accĂšs Ă la voix unique du poĂšte dans un moment unique de relation parlĂ©e, mais ce type de dispositif permet tout de mĂȘme de mesurer la relation Ă©troite, dans la tradition du dire anglo-saxon, qui sâĂ©tablit entre voix du poĂšte et texte poĂ©tique. Celui-ci part souvent de lâoral et du parlĂ©, et sâattache Ă des supports oraux. La bibliographie de Giorno est beaucoup plus fournie en discographie quâen supports Ă©crits. De nombreuses vidĂ©os de ses performances sont disponibles sur internet. Son cĂ©lĂšbre Thanks for nothing » peut ĂȘtre visionnĂ© ici CrĂ©dits photos Image extraite de Sleep Talking, vidĂ©o de de Pierre Huyghe 1998, dâaprĂšs Sleep, de Andy Warhol 1963, Institut dâArt Contemporain de Villeurbanne/RhĂŽne-Alpes, en dĂ©pĂŽt au MusĂ©e de Grenoble. Montage photo de J. Giorno, performance de âThanks for notingâ, MusĂ©e des Beaux-Arts de Besançon, [1] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 289-290 [2] Idem, p. 275 _____________________________________________________________________________ Johnny sleeps nothing As a sleeper he was sleeping his voice inside Et sa voix le rĂ©veille et le porte Il se lĂšve parmi les sleepers John dort et se lĂšve uniquement quand sa voix se rĂ©veille Je me souviens comme je le voyais dormir sur sa chaise Nuit du musĂ©e Alone Un peu vieillard Et soudain il se lĂšve Câest le moment de dire le poĂšme qui le porte Comme on dit le souvenir de tĂȘte sans papier il danse dans sa voix et nous porte et rĂ©veille On se souvient comme on dormait avant lui Et on entend du John et du Thanks for Nothing Et aprĂšs il repart Il redort Il renuit le sleeper Thanks for coming you Johnny and donât you sleep too long you John Ne meurs pas ce soir toi aussi Le texte qui suit est extrait dâun travail rĂ©alisĂ© dans le cadre du cours de Serge Martin, âThĂ©orie et didactique de la littĂ©ratureâ, que jâai suivi pour mon Master 2 Ă distance â Didactique du français langue Ă©trangĂšre/seconde et langues du mondeâ au premier semestre de lâannĂ©e 2014-2015. Je publie deux extraits, dont le premier, ci-dessous, est consacrĂ© Ă ma lecture de Critique du rythme, Anthropologie historique du langage, de Henri Meschonnic, paru en 1982 aux Ă©ditions Verdier. 2Ăšme billet AUTOUR DE LA NOTION DâORALITE LâoralitĂ© Ă©laboration dâun concept par diffĂ©renciation. OralitĂ©, Ă©crit, oral, parlĂ© LâoralitĂ© nâest pas lâopposĂ© de lâĂ©crit et dĂ©borde la notion dâoral. Ce nâest en tout cas pas lâoral au sens sociologique et ethnologique du terme le style formulaire enfermĂ© dans des schĂšmes. Dans Critique du rythme, lâauteur dĂ©clare que lâoralitĂ© Ă©chappe Ă la simple opposition avec lâĂ©crit », et que lâoralitĂ© sâĂ©tend hors des littĂ©ratures orales »[1]. Ainsi, la pluralitĂ© des modes de signifier, et des inscriptions de lâĂ©nonciation, dissĂ©mine lâoralitĂ© dans lâĂ©crit comme dans le parlĂ© »[2]. Le parlĂ© se comprend ici comme maniĂšre de sâexprimer oralement. Cependant le parlĂ© nâest pas lâoralitĂ©. LâoralitĂ© peut sây diffuser, mais pas nĂ©cessairement Il y a donc des Ă©critures orales, et des discours parlĂ©s sans oralitĂ©. Il y a les imitations du parlĂ© qui sont aussi autre chose que lâoralitĂ©. Autant que le transcrit est autre que lâĂ©crit »[3]. LâoralitĂ© est un mode de signifiance fort, dont ne sont pas pourvus tous les discours oraux. Le poĂšme le porte au plus haut point La voix qui dit le poĂšme nâest pas la voix qui parle, parce quâelle ne dit pas la mĂȘme chose »[4]. Un corollaire du rythme A toutes ces catĂ©gories, Meschonnic prĂ©fĂšre la citation de Hopkins lâoralitĂ© serait âle mouvement de la parole dans lâĂ©critureâ »[5]. Ainsi, lâauteur revendique la nĂ©cessitĂ© de dĂ©finir une notion anthropologique et poĂ©tique de lâoralitĂ© », fondĂ©e sur le primat du rythme et de la prosodie dans le sĂ©mantique, dans certains modes de signifier, Ă©crits ou parlĂ©s »[6]. Dans la partie Critique de lâanthropologie du rythme », Meschonnic Ă©tablit sa conception du rythme, comme matiĂšre de sens, et il lâassocie par apposition et coordination Ă celle dâoralitĂ©. Les deux notions sont donc indissociables, et indissociables aussi de la notion de sujet notion elle-mĂȘme Ă entendre du cĂŽtĂ© du processus, de la subjectivisation Le rythme comme sĂ©mantique, et oralitĂ©, est une subjectivisation spĂ©cifique du langage »[7]. Ainsi liĂ© Ă lâoralitĂ©, rappelons que le rythme est histoire et signifiance du sujet, sur un mode autre que celui du signe, et qui ne se met pas en signes »[8]. Dans lâoralitĂ©, le sens comme rapport le dire et le dit LâoralitĂ© selon Meschonnic nâest donc pas le simple fait de la parole orale, comme nous venons de le voir. Câest, tout comme celle de rythme, une notion qui dĂ©signe une activitĂ© du sujet, activitĂ© de signifiance par laquelle le sens dĂ©borde le signe. LâoralitĂ© est dâabord une dynamique, et la voie du sens. Or ce mode de signifiance nâest pas fermĂ©. Il rebondit, se forme et se reforme Ă lâinfini, selon les rapports que lâoralitĂ© entretient avec ce qui est dit. LâoralitĂ© est donc un rapport, une relation, une dialectique pourrait-on dire la production du sens en tant que rapport entre le dire et le dit. Ainsi Meschonnic pose que lâoralitĂ© est le rapport nĂ©cessaire, dans un discours, du primat rythmique et prosodique de son mode de signifier Ă ce que dit ce discours »[9], ou encore câest un rapport nĂ©cessaire entre la diction, la voix et le dit » p. 281. De mĂȘme que le rythme est en interaction avec le sens » p. 82, de mĂȘme, lâoralitĂ© nâest pas sĂ©parable de dire quelque chose, et, dans une certaine mesure, de ce qui est dit. [âŠ] Dire nâest pas intransitif. Ce quâon dit est aussi dans le dire » p. 280. Câest ainsi que Changer de diction, câest changer le poĂšme, le discours » p. 291 le sens et la maniĂšre dont ce sens se tisse dans une oralitĂ© unique. HistoricitĂ© de lâoralitĂ©, historicitĂ© de la voix La caractĂ©ristique essentielle de lâoralitĂ©, comme celle du rythme dâailleurs, est celle dâune double marque, Ă la fois lieu du plus intime et lieu dâune historicitĂ©, collectivitĂ©, manifestation culturelle lâoralitĂ© est historique » p. 280. Meschonnic souligne dans la mĂȘme page le lien de lâhistoricitĂ© et de lâoralitĂ© » et rappelle que lâon peut repĂ©rer dans les manifestations orales de lâoralitĂ© des traditions du dire » p. 281. Il illustre ces traditions par plusieurs exemples de poĂštes ou prosateurs ayant dit leurs textes. Leur idiosyncrasie sây entend, mais aussi leur inscription historique et sociale. Le sujet intime est aussi un individu social. La diction a un statut culturel » p. 280. En ce sens, ce qui est dit de lâoralitĂ© se dit aussi de la voix historicitĂ© de la voix » p. 280. Meschonnic rĂ©itĂšre sur la voix lâarticulation intime / collectif qui lui est chĂšre, quâil a avancĂ©e au sujet du rythme, puis de lâoralitĂ© la voix, votre voix unique, nâest pas seulement individuelle. Elle a, outre ses caractĂšres physiologiques, des marques culturelles situĂ©es » p. 280 ou bien encore la voix, qui semble lâĂ©lĂ©ment le plus personnel, le plus intime, et comme le sujet, [est] immĂ©diatement traversĂ©e par tout ce qui fait une Ă©poque, un milieu, une maniĂšre de placer la littĂ©rature, et particuliĂšrement la poĂ©sie, autant quâune maniĂšre de se placer. Ce nâest pas seulement sa voix quâon place. Câest une piĂšce du social, quâest tout individu » p. 284-285. Et ce statut culturel de la voix [âŠ] fait partie des conditions de production du poĂšme, ou du discours en vers » p. 280. OralitĂ© vs oralisation la voix comme Ă©criture Si le statut culturel de la voix fait partie des conditions de production du poĂšme, câest bien que la voix nâest pas seulement aprĂšs le poĂšme texte puis diction, le dire aprĂšs le dit. La voix est dans le poĂšme, en amont de sa diction. Elle le façonne, comme creuset oĂč se sont dĂ©posĂ©s des liens dâintersubjectivitĂ© qui façonnent Ă leur tour lâĂ©mergence dâune voix propre, ici au sens dâĂ©criture. Car la voix nâest pas forcĂ©ment dans lâoralisation non plus elle se lit. Et lâauteur oralisera de telle maniĂšre que la voix est dĂ©jĂ prĂ©sente dans son texte. Il y a continuitĂ© entre voix et Ă©criture, Ă©criture et voix. Ainsi, Meschonnic, Ă lâoccasion dâune analyse de la lecture de Gogol[10], prĂ©cise Il y a ainsi plus quâune continuitĂ© entre lâĂ©crit et la diction, il y a cette diction parce quâil a cette Ă©criture. Gogol a la diction de son Ă©criture »[11] . La voix se dit comme elle sâĂ©crit la voix est Ă©criture. Pistes didactiques Meschonnic prĂ©cise quâune anthropologie du langage est double, selon le parlĂ©, selon lâĂ©crit. LâoralitĂ© nây est pas la mĂȘme. Directement accessible Ă lâanthropologie dans le parlĂ©, elle passe nĂ©cessairement pour lâĂ©crit, par une poĂ©tique, qui ne peut ĂȘtre quâune poĂ©tique historique, et non formelle, pour situer les modes de signifiance »[12]. La poĂ©tique, lorsquâelle sâintĂ©resse donc aux textes Ă©crits, doit le faire selon une recherche de lâinscription de lâoralitĂ©, Ă travers le primat du rythme. Meschonnic prĂ©cise que cette entreprise nâest pas des plus aisĂ©es, elle passe par la recherche des traces du corps dans lâĂ©crit Le plus difficile est de savoir ce qui reste du corps dans lâĂ©crit, dans lâorganisation du discours en tant que telle »[13]. Un des Ă©lĂ©ments dâanalyse du texte Ă©crit avec des Ă©lĂšves pourra dĂšs lors se porter sur la ponctuation, pour y traquer le rythme oral, dont la ponctuation peut justement ĂȘtre le rendu »[14]. On peut sâappuyer par exemple sur le travail rĂ©alisĂ© par GĂ©rard Dessons sur les Feuillets dâHypnos de RenĂ© Char. Dessons y Ă©tudie de maniĂšre dĂ©taillĂ©e le rĂŽle de la ponctuation et de la typographie, du point de vue dâune anthropologie du rythme[15]. De maniĂšre plus globale, dans une approche de lâoralitĂ©, du rythme des textes comme ensembles dâactivitĂ©s encore ouverts et dynamiques, Serge Martin rappelle dans son carnet La littĂ©rature Ă lâĂ©cole »[16] que les Ćuvres sont toujours prises dans les ciseaux de lâhermĂ©neutique et de lâesthĂ©tique, du sens et de la forme, du dire et du choisir. Or, ce qui compte câest de faire vivre les Ćuvres en privilĂ©giant leur activitĂ©, leur force qui est Ă mĂȘme de nous faire sujet dâun faire et non dâun rĂ©pĂ©ter ou dâun reproduire, sujet dâune Ă©mancipation et non dâune soumission ». Il propose des activitĂ©s de reformulation car les reformulations des Ćuvres ont pour ambition de faire Ă©couter, voir ce que lâĆuvre nous fait et dâen poursuivre lâactivitĂ© »[17]. Plusieurs types dâactivitĂ©s sont proposĂ©s, autour du dire-lire-Ă©crire, toujours liĂ©s, qui rendront les Ă©lĂšves actifs de leur propre faire, dans la continuitĂ© de lâĂ©nonciation des Ćuvres. LâoralitĂ© Ă©tant une notion Ă historiciser, il faudra, pour en approcher lâaspect oral, faire Ă©couter aux Ă©lĂšves de nombreux enregistrements de poĂšmes, par des lecteurs amateurs, des comĂ©diens et par les auteurs eux-mĂȘmes, pour essayer de caractĂ©riser lâoralitĂ© dans les voix, et leurs aspects culturels. LâexpĂ©rience est possible grĂące Ă plusieurs sites, selon les auteurs et pĂ©riodes, dont ceux-ci, dĂ©jĂ frĂ©quentĂ© en cours et Nous manquons ici dâespace pour proposer les activitĂ©s prĂ©cises que nous proposerions dans nos classes de FLM / FLS. La prĂ©sentation dĂ©taillĂ©e de telles activitĂ©s fera lâobjet dâune partie intĂ©grale de notre mĂ©moire de Master 2, PoĂ©sie en FLS / FLM pour une didactique de la relation par lâoralitĂ© » titre provisoire, avec lâĂ©laboration dâune sĂ©quence didactique articulĂ©e autour de textes poĂ©tiques au programme, et hors programme. [1] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 706 pour les deux citations. [2] Henri Meschonnic, Quâentendez-vous par oralitĂ©? », Langue française, n°56, 1982. p. 6-23. consultĂ© le 02 janvier 2015, p. 16 [3] Ibid., p. 14 [4] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 289 [5] Henri Meschonnic, Quâentendez-vous par oralitĂ© », op. cit., p. 18 RĂ©fĂ©rence chez Hopkins non fournie par Meschonnic. [6] Idem [7] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 660 [8] Ibid., p. 690 [9] Ibid., p. 280. Toutes les rĂ©fĂ©rences suivantes renvoient au mĂȘme ouvrage, Critique du rythme, op. cit. [10] Cet exemple dâoralitĂ© figure dans Critique du rythme, op. cit., p. 281. Meschonnic y Ă©voque la lecture orale que donne Gogol du Manteau, tel que le rapporte et lâanalyse Eikenbaum ». La rĂ©fĂ©rence Ă Eikenbaum donnĂ©e par Meschonnic en note est la suivante Boris EIKHENBAU, Skvovâliteraturu, p. 173-174, traduit dans Tzvetan Tdorov, ThĂ©orie de la littĂ©rature, Seuil, 1965, p. 214-215. [11] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 281 [12] Ibid., p. 646 [13] Ibid., p. 654 [14] Henri Meschonnic, Quâest-ce que lâoralitĂ© », op. cit., p. 16, Ă propos dâune critique de Barthes qui prĂ©tend que le corps se perd dans le passage Ă lâĂ©crit clichĂ© de la lettre morte dans Roland Barthes, Le Grain de la voix, Entretiens 1962-1980, Seuil, 1981. [15] GĂ©rard Dessons, Le PoĂšme, Paris, Armand Colin, 2011, p. 149-150 [16] consultĂ© le 13 dĂ©cembre 2014 [17] Idem. Nathalie Sarraute Ă©crit ce texte dans la suite qui constitue lâUsage de la parole Gallimard, 1980. Ce texte â mais Sarraute appelle cette sĂ©rie des âdramesâ p. 97 â se prĂ©sente dans le sommaire suivant qui fait se succĂ©der ces dissonances interlocutives frĂ©quentes dans la conversation â Ă moins que ces dissonances ne caractĂ©risent ce quâelle appelle la sous-conversation Note avant lire Encore faudrait-il discuter une telle dichotomie puisque toute conversation par le conversationnel ou la relation dĂ©borde constamment les bornes de la conversation ; en ce sens Sarraute avait raison dâexplorer la notion mais il faudrait Ă©viter de retrouver alors la dichotomie qui exhaucerait de tous ses mouvements la conversation qui ne se limite pas Ă lâĂ©change de paroles et quâon a lâhabitude dâaffubler du qualificatif dâordinaire comme sâil y avait une surface et une profondeur; la sous-conversation est lâordinaire des conversations ordinaires⊠Câest cet ordinaire qui dĂ©borde les modĂšles Ă©pistĂ©mologiques y compris linguistiques, que lâĂ©criture peut montrer. Sarraute nous le montre avec beaucoup de force⊠Ich sterbe. 9 A trĂšs bientĂŽt 19 Et pourquoi pas ? 35 Ton pĂšre. Ta soeur. 47 Le mot Amour. 63 EsthĂ©tique. 81 Mon petit. 95 Eh bien quoi, câest dingue⊠107 Ne me parlez pas de ça. 119 Je ne comprends pas. 139 Nathalie Sarraute, Lâusage de la parole, Gallimard, 1980. Il sâagit donc dâun âdrameâ qui prend son dĂ©part dans un âmotâ on observe aussitĂŽt que la notion de âmotâ est ici entendu par Sarraute comme phrasĂ© dâun discours autant sinon plus que comme segment sĂ©mantique â ce que montrerait Ă lâenvi les âconditionsâ Ă remplir p. 97 et 98. Sarraute va alors sâingĂ©nier dans une progression raconteuse â lâadresse Ă lâauditoire par la demande dâĂ©coute sans cesse requise, fait toute lâoralitĂ© de ce texte qui de plus met en scĂšne un drame, donc une oralitĂ© maximale redoublĂ©e du âmaintenant, si vous avez encore quelques instants Ă perdreâ inaugural au ânâest-ce pasâ suivi dâune question qui sâachĂšve sur âde pareilles histoiresâ en passant par les connecteurs logiques et temporels dâun racontage qui ne cesse de se rappeler au lecteur interpellĂ© âcroyez-vous?â; âpeut-ĂȘtre ĂȘtes-vous tentĂ©s dâen rester lĂ â et intĂ©grĂ© dans la communautĂ© des âgens vivants et sains dâespritâ, du moins considĂ©rĂ© Ă Ă©galitĂ© du raconteur. Tout le rĂ©gime dâune histoire racontĂ©e par le fil de la dĂ©monstration par lâinterrogation sur la diĂ©rĂšse elle-mĂȘme qui associe lâĂ©couteur au raconteur jusquâĂ la remĂ©moration partagĂ©e âqui ne nous ne lâa Ă©prouvĂ©â. Mais ce racontage, sâil est un drame du racontage lui-mĂȘme, est aussi un essai sur le langage, sur ses ressorts invus, inconnus mĂȘmes aux linguistes⊠Pour cela Sarraute utilisera tous les subterfuges du fabuliste allant mĂȘme jusquâĂ dĂ©mĂ©taphoriser les mĂ©taphores in fine en reprenant les Ă©lĂ©ments successifs de lâessai par le racontage fabuleux âil serait stupĂ©fait de toute cette agitation, de ces troupes traversant les frontiĂšres, de ces fils qui enserrent, de ces mots-fusĂ©es, de ces remorques, de ces langues Ă©trangĂšres, de ces boeufs, de ces vapeurs brĂ»lantes, de ces bulles, de ces jeux, de toutes ces contorsions, de ces tremblantes tentativesâŠâ La tentative de Sarraute est alors magistrale pour dĂ©faire la notion traditionnelle de âchevilleâ, cet âĂ©lĂ©ment de remplissageâ, ânullement nĂ©cessaire Ă la syntaxe ni au sensâ ; pour Michel Pougeoise Dictionnaire de poĂ©tique, Belin, 2006 Ă qui jâemprunte ces premiers Ă©lĂ©ments dĂ©finitionnels, en poĂ©sie la cheville est proscrite et signe la mĂ©diocritĂ© dâune oeuvreâ p. 101. Mais la dĂ©monstration serait faite avec Sarraute quâune conversation pourrait au fond se rĂ©sumer Ă une cheville ! Câest pourquoi les dissonances importent plus que les accords promus par la pragmatique conversationnaliste pour une histoire de cette linguistique Ce qui est certain câest quâil nây a pas de vĂ©ritĂ© du discours de la conversation si lâon prĂ©fĂšre ici mais quâil y a Ă chercher une poĂ©tique qui est aussi une Ă©thique et une politique de la relation dans et par le langage la moindre petite cheville touche⊠à vif ! Dans ce livre qui reprend nombre de ses travaux, Michel Espagne fait le point sur ce quâil appelle avec Michael Werner, les transfert culturels » voir leur ouvrage Transferts. Les relations interculturelles dans lâespace franco-allemand, Editions Recherche sur les civilisations 1985. Ce livre rĂ©cent est principalement consacrĂ© au domaine russe en rapport avec le domaine allemand dâabord et le domaine français. Mais ce sont plus des itinĂ©raires, des lieux, des notions tous critiques qui permettent de suivre des passages plus que de fixer des termes nationaux. Il nous fait souvent dĂ©couvrir des aspects mĂ©connus par exemple Vladimir Propp chapitre 11 et ses recherches sur le comique alors quâil est connu seulement pour sa morphologie du conte dont les racines sont allemandes alors que les exergues de Goethe ont Ă©tĂ© effacĂ©s dans la version anglaise lue par LĂ©vi-StrausâŠ. La leçon principale dâĂ©tudes extrĂȘmement prĂ©cises et documentĂ©s peut se rĂ©sumer par le concept de resĂ©mantisation ». Il faut aussitĂŽt prĂ©ciser que celle-ci nâest pas rĂ©ductible aux processus traductifs mais demande dâobserver les rĂ©manentes ». Ce sont en effet de nouvelles vies offertes Ă des processus culturels oubliĂ©s ou effacĂ©s que ces transferts permettent, avec les effets de dĂ©calage et les modes de transposition des dĂ©placements dâun genre Ă lâautre » p. 12. Encore faut-il ajouter quâaucun transfert nâest Ă proprement parler bilatĂ©ral, il est souvent multilatĂ©ral. Pour reprendre lâexemple de Propp, sa pratique de lâallemand comme langue maternelle le dispose Ă une grand familiaritĂ© avec les travaux dâhistoire et dâethnologie religieuse Ă©manant de lâĂ©cole du philologue Herman Usener et Ă beaucoup dâautres issus de cette Ă©cole de Bonn âqui se dĂ©veloppe Ă partir de la thĂ©orie des Dieux dâun contemporain de Humboldt, Friedrich Gottlieb Welckerâ p. 225-226 ; mais Propp a Ă©galement lu Frobenius et Franz Boas, âfondateur allemand de lâanthropologie amĂ©ricaineâ. La rĂ©sultante est connue mais pas le processus que montre bien Espagne âmĂ©tamorphose gĂ©nĂ©rique oĂč les moments dâhistoire de la religion, sorte de comparatisme philologique issu de lâEcole de Usener, se transforment dans lâapproche des contes russes en Ă©tude structurale et morphologiqueâ p. 229. On sait ce que deviendra ce travail dans le contexte français avec les Ă©tudes narratologiques, le dĂ©bat avec LĂ©vi-Strauss qui reconnut lâantĂ©rioritĂ© des travaux de Propp dans la genĂšse de lâethnologie structurale, sans toutefois percevoir âlâarriĂšre-plan des rĂ©fĂ©rences allemandes de Proppâ p. 221. Aussi, ces transferts ouvrent-ils le plus souvent Ă des rĂ©interprĂ©tations » qui deviennent des innovations radicales » p. 17. Câest que rien en permet de penser que la notion de culture elle-mĂȘme soit unique et homogĂšne dans les trois aires culturelles mises en prĂ©sence, quâelle Ă©chappe aux rĂ©interprĂ©tations quâimplique le jeu des Ă©changes » p. 84. Apparaissent alors forcĂ©ment de nouvelles cohĂ©rences » p. 172 et pas seulement des dĂ©marquages », des copies » mais bien des recrĂ©ations » p. 226. Lâexemple vraiment probant est celui de Vladimir Propp pour lequel la tentative de comprendre le phĂ©nomĂšne du rire sert de support Ă une translation de la philologie allemande dans le folklore russe » p. 236. On est donc trĂšs loin dâune conception des passages comme forme de dĂ©pendance. Non seulement la direction des passages peut sâinverser, mais ce qui est accueilli dans le nouveau contexte ne lâest vraiment quâau terme dâune resĂ©mantisation, dâun changement de nature plus important que les traductions proprement dites » p. 270. Si dans les sciences humaines, les transferts se jouent des frontiĂšres disciplinaires ou les utilisent comme des moyens dâimprimer les diffĂ©rences, les formes dâappropriation » p. 271 mais en plus la pĂ©riphĂ©rie, russe en lâoccurrence, est Ă remettre au centre » pour expliquer les imbrications philosophiques franco-allemandes des annĂ©es 1930 » et plus gĂ©nĂ©ralement doit-on parler dâun moment russe » dans lâhistoire des sciences humaines françaises et allemandes. Le 7 novembre 2014 BIBLIOTHEQUE DE LâINSTITUT CERVANTES 11, avenue Marceau â 75 016 Paris JournĂ©e dâetude Poesie poĂšmes Passage de voix 7 nov StĂ©phane MallarmĂ© Ă propos de LâaprĂšs-midi dâun faune de Debussy âJe croyais lâavoir mis en musique moi-mĂȘme; câest une transposition du mĂȘme au mĂȘme.â OEuvres complĂštes, PlĂ©iade, p. 870 Walter Benjamin par GisĂšle Freund, Paris. 1936. Il sâagit de considĂ©rer cette notion peu employĂ©e Ă ce jour dans les Ă©tudes littĂ©raires et qui me semble dĂ©cisive pour une approche thĂ©orique et didactique des faits littĂ©raires le racontage. Cette notion poursuit la rĂ©flexion de Walter Benjamin publiĂ©e en 1936. On peut lire une Ă©dition rĂ©cente de ce texte avec un long commentaire de Daniel Payot paru chez CircĂ© en 2014. LâintĂ©gralitĂ© du texte de Benjamin pris Ă ses Ăcrits français Paris, Gallimard, Folio Essais, 1991 est disponible en suivant ces deux liens et On trouvera ensuite un dossier de prĂ©sentation et dâanalyse de ce texte Ă cette adresse Jâaimerais livrer ici quelques Ă©lĂ©ments biographiques liĂ©es Ă sa conceptualisation que jâemprunte Ă lâintroduction de lâouvrage Ă paraĂźtre trĂšs prochainement aux Ă©ditions de lâHarmattan, collection âEnfance et langageâ, sous le titre suivant PoĂ©tique de la voix. Le racontage de la maternelle Ă lâuniversitĂ©. Et ce quâil raconte, Ă son tour, devient expĂ©rience en ceux qui Ă©coutent son histoire. Benjamin, 2000-III 121 Un essai expĂ©rientiel Ce livre est issu de deux expĂ©riences lâenseignement et la recherche. Jâai enseignĂ© la littĂ©rature jeunesse dans le primaire, pour la formation Ă cet enseignement et dans lâenseignement supĂ©rieur. Jâai par ailleurs conduit, parallĂšlement Ă ces enseignements et formations, une rĂ©flexion thĂ©orique et didactique qui voulait dâabord rĂ©pondre Ă lâinjonction narratologique ou symbolique dĂšs que littĂ©rature, injonction qui me semblait laisser de cĂŽtĂ© la dynamique des Ćuvres et des lectures. En effet, la vulgate narratologique ou psychanalytique et ses applications du schĂ©ma narratif ou actantiel ou encore le rĂ©ductionnisme symbolique et son instrumentalisation psychologisante dans les classes et les formations, ne permettaient pas de concevoir la littĂ©rature comme une expĂ©rience dâĂ©coute et donc comme un passage de voix. Il me faudrait certes situer sur les plans historique, didactique et thĂ©orique, ces deux expĂ©riences en regard de cette injonction, laquelle a suivi puis a Ă©tĂ© concomitante Ă lâinjonction thĂ©matique si ce nâest moralisatrice, mais des ouvrages Martin, 1997 ou articles antĂ©rieurs ont plus ou moins dĂ©jĂ tentĂ© de cerner, avec quelques hypothĂšses, une telle configuration pratique et thĂ©orique Ă la suite dâautres auteurs PĂ©ju, 1981. Aussi, jâaimerais proposer ici, tant Ă lâenseignant quâau formateur et au chercheur, un opĂ©rateur pour la pratique et la thĂ©orie de la littĂ©rature avec les Ćuvres celui que mâa semblĂ© offrir la notion de racontage ». Dans un premier temps, je croyais avoir affaire Ă un nĂ©ologisme et Ă un terrain vierge qui nâauraient alors pas du tout permis de constituer un levier de transformation des pratiques et des rĂ©flexivitĂ©s, puisque tout aurait Ă©tĂ© Ă reconsidĂ©rer. Mais je me suis vite rendu compte que le terme, peu employĂ©, lâest plus souvent de maniĂšre pĂ©jorative au sens de propos frivoles voire ridicules mĂȘme si quelques judicieux emplois littĂ©raires paraphrastiques RĂ©age, 1969 123 ou conceptualisations critiques plus rĂ©centes Ă propos des littĂ©ratures caribĂ©ennes Deblaine, 2009 200 lui confĂšrent Ă nouveau une valeur forte. Resterait quâun tel terme recouvre nĂ©anmoins des faits de langage et de sociĂ©tĂ© plus que familiers dĂšs quâon aperçoit quâil peut opĂ©rer un lĂ©ger dĂ©placement Ă partir du contage ». LĂ©ger mais dĂ©cisif dĂ©placement pour que se dĂ©ploie son potentiel conceptuel qui permet de dissocier lâoralisation de lâoralitĂ©, cette derniĂšre des traditions populaires ou exotiques â deux Ă©loignements, dans le temps et dans lâespace, qui sĂ©parent quand il faudrait conjoindre. Si, comme les dĂ©veloppements de lâanthropologie dynamique AugĂ©, 2011 nous lâont appris, les traditions ne sont que des activitĂ©s au prĂ©sent des discours tout comme les lointains ne se construisent que dans des rapports Ă lâici de ces mĂȘmes discours, alors le racontage permettrait de poser la voix, le passage de voix, au centre de la problĂ©matique de la littĂ©rature, câest-Ă -dire des Ćuvres vives, avec les enfants voire les adolescents. Cette trouvaille lexicale puis notionnelle associant poĂ©tique et didactique, assez hasardeuse Ă ses dĂ©buts, rĂ©sultait Ă la fois de lâexpĂ©rience pratique et thĂ©orique personnelle mais aussi des travaux rencontrĂ©s au cĆur de mon expĂ©rience. Il me faut aussitĂŽt signaler, parmi ces derniers, le texte de Walter Benjamin 2000-III 114-151, Der ErtzhĂ€ler 1936 traduit gĂ©nĂ©ralement comme Le Narrateur », et que jâappelle depuis longtemps Le raconteur » â une traduction toute rĂ©cente vient de me rassurer dans ce choix Benjamin, 2014. Ce texte a constituĂ© le levier dĂ©cisif de ma recherche. Depuis lors, jâai tentĂ© dâen confirmer lâheuristique mais Ă©galement dâen fournir lâancrage historique dans une tradition didactique et thĂ©orique. Toutefois, ce serait oublier que tout est parti de la lecture des Ćuvres elles-mĂȘmes. Aussi, tout comme ce livre proposera dans ses marges des lectures au plus prĂšs de quelques Ćuvres, jâaimerais commencer par deux dâentre elles qui offriront deux moyens de faire sentir immĂ©diatement au lecteur de cet essai, ce quâopĂšre in vivo la notion de racontage. ComĂšte 1 Un navet â Mettre en bouche Le livre de Rascal, illustrĂ© par Isabelle Chatellard, Le Navet 2000, passerait inaperçu si lâon se contentait de le situer dans la tradition des contes de randonnĂ©e, qui plus est dans celle prĂ©cisĂ©ment du conte de la tradition russe, Ă savoir Le Gros Navet de TolstoĂŻ traduit par Roger Giraud dans les deux Ă©ditions illustrĂ©es par Niam Scharkey et par GĂ©rard Franquin au PĂšre Castor 1999 et 2002 ou dans celle illustrĂ©e par Lucile Butel avec une traduction dâIsabelle Balibar chez Gautier-Languereau 1985, et, parmi bien dâautres réécritures plus ou moins heureuses, dans les albums oĂč alternent les navets et les carottes Praline Gay-Para 2008, Marie Torigoe 2004, Betty et Michael Paraskevas 2002, Alan Mets 2000 sans compter le potiron avec Françoise Bobe 1999 ou la racine gĂ©ante » avec Kazuo Imamura 1987 et encore lâĂ©norme rutabaga » avec Natha Caputo 1954. Mais Le Navet de Rascal et Chatellard tiendrait sa spĂ©cificitĂ© de la maniĂšre dont il construit assez simplement mais avec une force remarquable un racontage exemplaire. Nous y trouvons tout dâabord un savoureux mĂ©lange des rythmes de la randonnĂ©e, des mouvements du rĂ©cit et des questions de la fable. Les reprises dialogales Aide-nous Ă transporter » / planter » / arroser » ; que me donnerez-vous pour ma peine ? » et prosodiques grand et gros lĂ©gume » ainsi que les accumulations dâactions et de personnages jusquâau dĂ©compte final Une cuillerĂ©e pour Puce. Deux pour LĂ©zard. Trois pour Canard. Quatre pour ChĂšvre. Et tout le reste dans son assiette » organisent un rythme de la randonnĂ©e qui ne peut quâĂȘtre celui dâun raconteur dont la mĂ©moire narrative est dâabord une mĂ©moire partagĂ©e qui permet Ă lâauditeur de progressivement entrer dans la fabrique du racontage. De la mĂȘme façon, les mouvements du rĂ©cit qui font alterner lâaugmentation personnages de plus en plus grands, sâajoutant Ă la diĂ©gĂšse en mĂȘme temps que le temps saisonnier passe et la diminution finale de la douce purĂ©e » distribuĂ©e de maniĂšre inĂ©gale et croissante, montrent le jeu de la croissance et de la dĂ©croissance au cĆur du racontage, puisque plus il progresse et plus la connaissance des auditeurs augmente, et donc plus la convivialitĂ© et le partage dâun commun se construit ensemble, mais Ă©galement plus le risque de la sĂ©paration et de la fin du racontage approche, mĂȘme si lâon sait que les auditeurs diront encore » ! Enfin, Ă ces mouvements du rĂ©cit viennent se joindre les questions de la fable qui associe les temporalitĂ©s et les rapports dâĂ©change entre les personnages dans une progression asymĂ©trique mĂ©tamorphosant ce court rĂ©cit en un court traitĂ© fort pĂ©dagogique mĂȘlant une petite Ă©conomie politique et une anthropologie sociale du don et du contre-don oĂč le rĂȘve initial de lâindividu Quelle aubaine ! Je la planterai et, lorsquâelle deviendra un grand et gros lĂ©gume, jâaurai de quoi me nourrir ma vie entiĂšre », aux prises avec la nĂ©cessaire association des compĂ©tences, semble se heurter aux dures conditions du rĂ©el et au rapport de forces inĂ©gales. La leçon de la morale porte dâailleurs, comme souvent chez La Fontaine, plus une problĂ©matisation aux rĂ©ponses incertaines quâune moralisation Ă©vidente en effet, lâassociation nâest pas ici la solution Ă tous les maux alors mĂȘme quâelle est inĂ©vitable. Toutefois, la fable problĂ©matique portĂ©e par les mouvements du rĂ©cit et les rythmes de la randonnĂ©e trouverait heureusement son compte dans et par le racontage lui-mĂȘme puisque, outre la force prosodique dĂ©jĂ signalĂ©e tout au long du rĂ©cit, câest bien par cette leçon de bouche quâelle sâachĂšve quand dâun mĂȘme geste, les cinq amis portĂšrent Ă leur bouche la purĂ©e de navet⊠Et lâon put entendre Ă dix lieues Ă la ronde Beeeeeeuuuuuuurrrk ! » Non seulement la figure de la ronde, dĂ©jĂ Ă©voquĂ©e prĂ©cĂ©demment Tous les quatre en eurent les larmes aux yeux et ils chantĂšrent Ă la ronde Pousse, pousse notre lĂ©gume, pousse bien grand ! Pousse, pousse notre lĂ©gume, pousse bien gros ! », concentre pragmatiquement dans la diĂ©gĂšse la figure exacte de ce que fait le racontage Ă©tendre par cercles concentriques sa propre force de passage de voix pour quâil reste dans lâinaccompli. Par ailleurs, cette voix commune rĂ©sultant dâune ingurgitation et donc dâune incorporation, montre bien que le racontage est affaire de passage de corps Ă corps bouche Ă bouche affaire de voix comme entre-corps dans et par le langage. Qui a dit quâun navet ne mĂ©ritait pas la consĂ©cration littĂ©raire ? Le Navet de Rascal et Chatellard propose en tous cas un fabuleux â quoique modeste â racontage oĂč lâaxiologique, le pragmatique et le poĂ©tique ne font plus quâun. Il montre ainsi combien le racontage dĂ©fait les habituelles typologies analytiques fonctions, genres, registres, etc. pour demander une poĂ©tique du continu avec la voix jusquâĂ une didactique Ă la hauteur dâun tel dĂ©fi. ComĂšte 2 Un escargot â Sâendormir/se rĂ©veiller dans le racontage ? Il faut treize histoires Ă la douzaine ! pour que Claude Boujon, dans Les escargots nâont pas dâhistoires 1987, nous plonge dans le paradoxe du racontage le hĂ©ros des histoires nâest pas toujours celui quâon croit ! En effet, si le hĂ©ros du lapin frileux » est bien un lapin, celui du chat Ă©tourdi », un chat ; celui â mais il faudrait employer le fĂ©minin â et donc celle du heureux hasard », une pierre ou peut-ĂȘtre une jeune fille sauvĂ©e par cette pierre alors quâun farouche bandit » allait sâemparer dâelle ; celui du prĂ©tentieux papillon », un papillon Ă moins quâon considĂšre que le hĂ©ros et donc lâhĂ©roĂŻne ait Ă©tĂ© la fleur carnivore qui avait avalĂ© ce papillon vantard ; celui de lâĂąne vert », lâĂąne enchantĂ© de nâĂȘtre pas bleu comme une vache bleue » ; celui des chaussettes du roi », le roi Ă moins que ce ne fussent ses chaussettes quâil promenait pour les faire sĂ©cher, accrochĂ©es Ă une lance ; celle de la grenouille cracheuse », une grenouille ; celle dâune histoire cruelle », une souris Ă moins que ce ne fut le chat qui lâa bel et bien mangĂ©e ; celle dâ une sorciĂšre en colĂšre », une sorciĂšre plus petite quâune mouche » ; celui dâ un chien triste », ce dernier ; ceux de Tounoir et Toucouleur », ces deux hĂ©ros qui vivaient sur le mĂȘme arbre Ă moins quâon ne prĂ©fĂšre lâun Ă lâautre il y a de fortes chances pour que vous prĂ©fĂ©riez Tounoir quand vous aurez entendu lâhistoire ; et enfin celui dâ un gros fumeur », un Ă©lĂ©phant qui aimait le tabac »⊠Bref, ces treize histoires courtes ne posent pas vraiment de problĂšme puisquâelles ne parlent pas des escargots ! En effet, il aurait Ă©tĂ© Ă©tonnant, pour celui qui les raconte, quâil en ait Ă©tĂ© ainsi, puisque selon cet expert en histoires Les escargots nâont pas dâhistoires » ! Sauf quâin fine, notre raconteur dâhistoires sâest endormi dans sa coquille, alors que nous nâavons jamais Ă©tĂ© aussi nombreux Ă lâĂ©couter. Il ne pourra plus dire que les escargots nâont plus dâhistoires. Il y a maintenant celle de lâescargot qui raconte des histoires Ă dâautres escargots ». Si presque tout le texte de cet album est entre guillemets, il est facile dâattribuer les paroles du prologue et des treize histoires Ă ce raconteur quâest lâescargot qui traĂźne sa maison Ă travers le monde », dans un dispositif qui rĂ©partit les treize histoires dans treize doubles pages. A chaque double page, un escargot, en pied de page face Ă des escargots de plus en plus nombreux, raconte une histoire dans une impressionnante bulle ou phylactĂšre, organisĂ©e un peu Ă la maniĂšre dâune bande dessinĂ©e et occupant presque toute la double page. Toutefois, il semble plus dĂ©licat dâattribuer celle de lâĂ©pilogue puisque le raconteur endormi y a laissĂ© place Ă quelquâun dâautre mais Ă qui ? Plusieurs hypothĂšses sont alors plausibles mais toutes concourent Ă ce que les auditeurs, reprĂ©sentĂ©s par les escargots qui Ă©coutent lâescargot raconteur, chacun dâentre eux ou tous ensemble, aient pris en charge le racontage. Aussi, la morale de cette histoire qui, rappelons-le, en compte dĂ©jĂ treize, câest que, non seulement le hĂ©ros de cette histoire sâest inventĂ© dans sa voix, mais Ă©galement son cercle hĂ©roĂŻque sâest considĂ©rablement agrandi au point de passer le relais⊠Telle serait la force du racontage transformer lâhĂ©roĂŻsme des rĂ©cits, dâune action Ă©clatante ou dâune vĂ©ritĂ© dirimante mais au fond Ă©crasante voire excluante en une opĂ©ration dĂ©mocratique inclusive ; transformer Ă©galement les hĂ©ros en modeste matiĂšre problĂ©matique dâun passage de voix. Le racontage serait donc ce passage de voix qui demande de considĂ©rer lâactivitĂ© continue de la voix des histoires comme porteuse de sens. Plus que le sens quâune voix serait chargĂ© dâexprimer pour que des lecteurs le retrouvent, voire y soient amenĂ©s par quelque lecteur savant, hermĂ©neute ou autre, les lecteurs y compris les dĂ©butants et, comme on dit, les non-lecteurs dĂšs quâils sont auditeurs, nâont rien Ă retrouver mais seulement Ă se trouver ou Ă se retrouver, formant alors communautĂ©, acteurs du racontage. Alors la littĂ©rature comme pratique et thĂ©orie du racontage nâa pas besoin dâune hermĂ©neutique mais dâune poĂ©tique, celle-ci nâĂ©tant que lâĂ©coute dâune Ă©coute â ce qui est considĂ©rable ! quand la premiĂšre trop souvent demande de ne plus Ă©couter mais seulement de contempler la vĂ©ritĂ©, le sens, le texte ou toute autre essence qui oublie que les Ćuvres ne valent que si elles continuent dâĆuvrer. Le racontage explorerait dans sa pluralitĂ© ce continu de lâĆuvre. Si lâescargot sâest endormi, le racontage nâa pas cessĂ© de nous rĂ©veiller ! Pour des dĂ©veloppements sur le racontage en littĂ©rature de jeunesse, voir les billets suivants sur le carnet âLa littĂ©rature Ă lâĂ©cole Fables et voix Livres et lecteursâ Lecture dâOde au recommencement de Jacques Ancet Lettres vives, coll. Terre de poĂ©sie », 2013, 90 p. par Laurent Mourey oĂč vais-je dans cette prose cadencĂ©e qui chante un peu mais pas trop » p. 77 SâĂ©garer, recommencer, lâun par lâautre lâode est avec lâĂ©criture de Jacques Ancet, lâouverture dâun quelque chose Ă dire permanent et interminable. Câest bien ce flux qui est Ă lâĆuvre, et en travail, dans ce long poĂšme en cinq parties, Ă©crit comme en versets de prose cadencĂ©e » p. 77. Je dirais aussi en laisses â en donnant Ă ce mot son sens de dĂ©part, un couplet qui se dit et se rĂ©cite dit et rĂ©citĂ© en se laissant aller, dâun trait », ainsi quâon peut le lire dans le dictionnaire du petit Robert. Dans sa disposition, le poĂšme fait se suivre, et laissealler, dans chacune de ses parties, une suite de versets dont le premier est marquĂ© Ă son attaque dâune majuscule, mais dont aucun ne reçoit de point, la ponctuation faible en la virgule Ă©tant marquĂ©e et scandant la phrase. La prose est cadencĂ©e » par la disposition mĂȘme, celle-ci indiquant ses interruptions et ses recommencements, ses silences et ses lancĂ©es, comme les valeurs de ce dire qui tient essentiellement dans le dĂ©sir et lâavancĂ©e â un dire travaillĂ© par un Ă dire », par ses silences autant que par son expression. Parler de verset de prose permet de ne pas sâen tenir Ă une forme littĂ©raire mais dâessayer dâentendre au mieux une Ă©criture qui se tient au plus prĂšs de la parole et de son Ă©coulement infini, pour le dire autrement de son vivant. La question pour lâĂ©crivain, le poĂšte Ă©tant de saisir ce vivant jusque dans son Ă©nigme, avec ses emportements, sa jubilation et ses dĂ©chirements. Le titre du poĂšme, du livre-poĂšme, semble en rĂ©sumer lâexpĂ©rience et signifie peut-ĂȘtre un certain climat de poĂ©sie Ode au recommencement ; si le poĂšme cĂ©lĂšbre une chose, ce ne serait que ce mouvement mĂȘme quâil Ă©pouse, et que le commencement pousse Ă Ă©pouser. Lâode renvoie Ă tant dâĆuvres, quâelle nous plonge Ă lâinfini dans des rĂ©sonances et des voix ; le recommencement est encore ce climat du poĂšme, du fait quâun moment dâĂ©criture renvoie toujours Ă un autre, quâun poĂšme est prĂ©cisĂ©ment un passage â et jamais vraiment un extrait, mĂȘme si lâon extrait toujours dâun livre â, un passage qui vient recommencer un autre. Ces rĂ©sonances sont actives en nous et font de la lecture une Ă©criture Ă lâinfini. Alors, certainement, le propos de lâode sera autre que celui de cĂ©lĂ©brer, mais plutĂŽt un mouvement de vie en langage. Le titre est comme dĂ©doublĂ© de la citation de Claudel figurant en exergue, extraite de la premiĂšre de ses Cinq grandes Odes Que je ne sache point ce que je dis ! que je sois une note en travail ! » Il ne sâagit pas tant dâafficher par cette citation un modĂšle que de rĂ©pondre et continuer ce qui dans lâĂ©criture est du cĂŽtĂ© de lâemportement, de la dessaisie de lâidentitĂ© par une altĂ©ritĂ© creusĂ©e dans lâĂ©coute. Ce discursus propre Ă lâĆuvre se signale dâabord par une rupture avec ce quâon pourrait appeler lâautoritĂ© lyrique et fait lire Claudel en direction de ce que fait Ancet un abandon maĂźtrisĂ© Ă la voix qui pousse Ă trouver la maĂźtrise lĂ oĂč on ne lâattend pas forcĂ©ment â dans une Ă©criture qui fait autant quâelle dĂ©fait, dans un chant qui nâest pas de lâordre de la cĂ©lĂ©bration, mais dâune prose qui recherche en soi ce qui dĂ©borde et dĂ©veloppe une altĂ©ritĂ© interminable. Un chant emportĂ© et dĂ©chirĂ©, un chant qui sourd sous la phrase, car cette prose est lâinvention et le dĂ©sir dâun phrasĂ© qui soit le dĂ©ploiement de lâintime, au cĆur duquel est touchĂ©e en langage cette altĂ©ritĂ© ; Ă la premiĂšre page du livre on trouve ce rejet, comme augural, dâun verset Ă lâautre, vĂ©ritable cassure de lâidentitĂ© pour trouver une connaissance nouvelle, celle dâune Ă©coute du langage, de ce qui parle, le dĂ©ploiement dâun ça parle » dans et par lâĂ©criture qui fait de soi, du monde une matiĂšre dâinconnu je reviens le ciel retombe sur mes yeux avec une lenteur dâenfance, je ne sais plus si câest bien moi qui parle ou si de moi ne reste que ce peu de paroles Ă©parpillĂ©es que je ne reconnais plus p. 9 Câest dâune identitĂ© en devenir quâil sâagit, et qui advient par et vers lâinconnu en ne cessant pas dâĂȘtre une venue, un infiniment Ă venir » pour reprendre Ă Meschonnic. La note en travail » est chez Ancet un contre-chant qui creuse une contre-identitĂ©. On pourrait ainsi parler dâune sorte de note sourde qui rompt avec les certitudes du moi, voire dâune poĂ©sie lyrique, pour abandonner et emporter le sujet dans lâĂ©coute du langage au creux de lâintime. Dans cette aventure de la voix, dâune voix plurielle qui se construit et sâinvente par ce qui sourd en elle, faire et dĂ©faire sont continus et tracent une ligne de vie jusquâĂ la mort mais ils nous font, et nous dĂ©font, ils sont notre peu de vie jusquâau silence dĂ©finitif » p. 18 ; ils » reprenant ces battements au soir [âŠ] si fragiles quâon ne les entend pas », et les battements » continuant aussi les bruits de rue » p. 17 on comprend que la voix du poĂšme est une chambre dâĂ©chos, une oreille des plus fines comprenant les perceptions du corps et explorant depuis le langage le non-linguistique qui traverse la langue jâai perdu mes mains â mais pas ma langue, je la suis et câest toujours le mĂȘme air, la mĂȘme chanson que je rĂ©pĂšte, que je ne sais que rĂ©pĂ©ter » p. 17. Il y a dans cette Ă©criture le dĂ©sir dâun phrasĂ© qui soit la recherche et lâĂ©coute dâun continu, du je au rĂ©el, autant du senti que de la pensĂ©e, jusquâĂ toucher et atteindre une intimitĂ© mouvante autre visage, autres yeux, corps qui se dĂ©forme, sâaffaisse, mais je dis, câest moi, mĂȘme si moi, je ne sais pas » p. 18. Le problĂšme du poĂšme est de se faire une Ă©coute et de faire entendre ce qui, de soi et avec les mots, dans le langage, se transforme et nous transforme en mĂȘme temps que ce qui se rĂ©pĂšte mais jamais Ă lâidentique le rĂ©el, le corps, la pensĂ©e qui passent sur le fil du temps. Ainsi les livres de Jacques Ancet sont les piĂšces, les passages dâun poĂšme qui sâĂ©crit dans ses rĂ©pĂ©titions et ses diffĂ©rences. Une telle pratique dâĂ©crire fait alors de lâignorance un mode de connaissance, une connaissance qui ne procĂšde que du poĂšme et nâest pas de lâordre de la doctrine. Ce serait plutĂŽt une connaissance seconde qui tient donc Ă lâĂ©coute du langage et câest pourquoi je reviens, je vois et je ne vois pas, jâentends sans entendre, je touche une matiĂšre fuyante » p. 16. Le poĂšme rĂ©alise un incomprendre, celui de vivre en langage, dans le plein du langage, au milieu dâune Ă©coute qui prend la vie et fait sentir le rĂ©el par lâoralitĂ© ; on pourrait parler dâun rapport oral au monde et Ă soi qui font de lâĂ©criture une prophĂ©tie, un dire qui part en avant de soi. Quâon lise ce passage pour Ă©couter ce dĂ©bordement et en mĂȘme temps lâacuitĂ© avec laquelle il est dit comment me reconnaĂźtre dans ces vagues une Ă une poussĂ©es par quel vent, quel obscur courant et je veux me taire et leur Ă©cume vient me blanchir la bouche et je dĂ©gorge, oui je dĂ©gorge, chĂȘne visage tank clĂŽture araignĂ©e avenues nĂ©buleuses Ă©ponge silo journal primevĂšre tour Ă genoux tarmac nombril muraille cellule volcan je vois ce que jâentends, le langage est mes yeux, je serre les dents, je dis stop, arrĂȘtez et je continue, je laisse filer muraille volcan abysses fourmi, je suis une Ă©numĂ©ration muette et son grouillement de syllabes, je bafouille, des cris me dĂ©chirent, je fouille une dĂ©charge de mots usĂ©s, de bribes de phrases que je ne comprends plus de mes yeux sortent des soleils et des nuits, de ma bouche des vols serrĂ©s dâoies sauvages, mes doigts touchent un horizon de flammes, mes pieds pataugent dans le sang p. 21 Ces lignes viennent comme rĂ©pondre aux odes de Claudel en montrant le poĂšme aussi comme la recherche dâun dire et dâun comment dire le rĂ©el par les multiples choses qui le construisent et habitent la pensĂ©e et se retrouvent comme travaillĂ©es, remuĂ©es par lâĂ©criture tu contemples chaque chose dans ton cĆur, de chaque chose tu cherches comment la dire ![1] » Une autre citation en exergue du livre est tirĂ©e du Chef dâĆuvre sans queue ni tĂȘte de Yannis Ritsos, dans la traduction de Dominique Grandmont & te voici qui recommences comme si rien ne sâĂ©tait passé⊠» Le sans queue ni tĂȘte » sâimpose dans sa rĂ©sonance avec le je ne sais pas » quâon trouve rapidement au dĂ©but du poĂšme. Il prolonge aussi quelque chose du dĂ©sir de ne pas savoir ce que je dis » de Claudel. Cette mise en avant de lâignorance peut se lire alors comme un dĂ©sir dâaller Ă lâinouĂŻ, au-delĂ de ce quâon nous pousse toujours Ă comprendre, de ce quâune rĂ©alitĂ© par trop prĂ©gnante impose et que le poĂšme met en crise. Ainsi la rĂ©alitĂ© et le rĂ©el qui affleure dans le poĂšme sont clairement opposĂ©s, le rĂ©el Ă©tant ce qui, incomprĂ©hensible, discontinu et pluriel, sourd du prĂ©sent, dans une Ă©nonciation interminable et toujours en recommencement. Le recommencement est marquĂ© par des retours â je reviens » est le premier verbe du poĂšme et la formule qui lance et relance lâĂ©criture je reviens, jâai Ă©tĂ© absent des semaines » ; je reviens le ciel retombe » ; mais je reviens, Ă©coutez, le monde me traverse toujours » versets 1, 2 et 4, p. 9. Le poĂšme est placĂ© sous le double signe du retour et du dĂ©tour dâune phrase qui embrasse et invente du rĂ©el, du sujet, de lâinfini et qui rencontre un quelque chose Ă dire, ce rien et ce silence qui la traversent. Reprise tout au long du poĂšme la formule je reviens » est le performatif dâune Ă©criture qui explore le prĂ©sent, un prĂ©sent oĂč je » sâabsente et revient, se fait de se dĂ©faire. Ce prĂ©sent de lâĂ©criture et de la vie est dĂšs lors son aventure et son recommencement ; le recommencement aussi dâun je » dâemblĂ©e distinct dâun moi », car si je ne sais plus si câest bien » et si de moi ne reste que ce peu de paroles que je ne reconnais plus », je » est lâactif et la note est insistante, celle qui est en travail » pour reprendre encore Ă Claudel mais je reviens, Ă©coutez, le monde me traverse toujours ». Sâouvre une subjectivitĂ© sans limite qui est le rĂ©el, sans autre existence possible que dans et par le poĂšme. Câest, au sens fort de la formule, un monde autrement dit, rendu sensible, suggĂ©rĂ©. Et ce quâon sent passe dans un silence entre les lignes, une sorte de qualitĂ© de lâair, ce quâon entend dans le langage, comme une phrase au creux de lâoreille, mais sans quâon puisse lui assigner de nom. La teneur du rĂ©el est dans cet appel et ces rappels qui courent dans le poĂšme, dans sa prosodie, sa syntaxe, ses agencements de mots, le rythme de la parole et de lâĂ©criture. Câest assurĂ©ment ce qui, de poĂšme en poĂšme, de livre en livre, constitue le poĂšme-Ancet, une sorte de retrempe du langage et de la voix dans diffĂ©rentes maniĂšres dâĂ©crire, lĂ une Ă©criture prose dâune phrase ininterrompue, ailleurs le vers mesurĂ© en onze, ou dix-sept syllabes â ce ne sont que quelques exemples, pour donner corps Ă la rumeur et poursuivre une prose du poĂšme ou une certaine qualitĂ© de la voix. Cette subjectivation est donc un recommencement gĂ©nĂ©ralisĂ©, dâune ligne Ă lâautre aussi, pour suivre le silence qui procĂšde de chacun de ses moments, pour Ă©couter le devenir qui sâempare du monde, de la parole intĂ©rieure, du monde tel quâil trouve Ă se dire dans une musique qui nâest pas du son, ni de la sonoritĂ© pas autre chose que lâair du poĂšme qui emporte son Ă©coute et son Ă©criture vers plus que le sens des mots et le savoir. Comme Ancet lâĂ©crit au sujet de MallarmĂ©, le monde passĂ© par le silence la musique de la voix y resurgit comme Ă lâĂ©tat naissant.[2] » Ceci renvoie Ă la musique telle que lâauteur de La Musique et les lettres la dĂ©finit dans une lettre Ă Edmund Gosse lâau-delĂ magiquement produit par certaines dispositions de la parole »[3]. On retrouve le sans queue ni tĂȘte » de Ritsos, qui rejoint aussi le problĂšme poĂ©tique trouvĂ© dans la premiĂšre Ode de Claudel du comment dire » vous entrez dans une histoire sans queue ni tĂȘte, on dit câest la vie, elle vous regarde de loin dĂ©jĂ , elle vous mange » p. 9. Sans queue ni tĂȘte et dans tous les sens oĂč peut mener le poĂšme, câest-Ă -dire dans lâĂ©coute gĂ©nĂ©ralisĂ©e quâil prĂ©sente sous les yeux la question est bien celle dâun comment dire quand les dispositions de la parole, toujours singuliĂšres, posent encore la question dâun comment lire. Ces questions se doublent encore de celle du sujet et de son inconnu qui recommence de mĂȘme alors comment revenir comment câest moi regarde câest moi encore je suis là » p. 9 On se rend compte dĂšs cette premiĂšre page que dire » et revenir » sont continus et quâune sĂ©mantique autour du second verbe, autour de sa performativitĂ© et rĂ©flexivitĂ© se construit je reviens » se retrouvera dans le texte dans une relation avec il y a » et câest du mouvement qui est introduit dans ce quâon pourrait trop vite juger stable avec lâĂ©criture et par elle, le monde bouge. DĂšs la onziĂšme page du livre, on lit ces attaques de versets je reviens mais je ne sais dâoĂč ni oĂč jâarrive, jâavance dans une confusion telle » ; puis cette sĂ©rie il y a une soirĂ©e » â il y a une ville » â il y a tout ce que je ne dirai pas et qui mâaccable » â il y a tout ce que je dis, tout ce qui est là ». Par ces prĂ©sences comme glissĂ©es par la voix, ainsi que lâĂ©numĂ©ration qui donne au poĂšme une inflexion narrative par lâespace, les choses et les objets, les indices temporels aussi, on est entraĂźnĂ© dans un mouvement qui conduit Ă lâĂ©garement ou Ă lâerrance une confusion telle » se prolonge dans ce passage muet, comme un frĂŽlement ». Les Ă©lĂ©ments identifiĂ©s, marquĂ©s du sceau de la rĂ©alitĂ©, comme sirĂšnes, gratte-ciel et maisons basses » se rĂ©solvent dans une approximation. Tout devient errance parmi les mots, dans ce qui fuit entre eux, sous eux » souffle lĂ©ger » ; ainsi le poĂšme reprend le leitmotiv alors dire je reviens, câest peut-ĂȘtre entendre simplement ce murmure, on dirait une voix » p. 12. LâĂ©numĂ©ration montre un rapport entre revenir et dire il sâagit de revenir autant avec que par une parole qui dise le rĂ©el en le sentant au creux du langage. Ce rĂ©el passe entre la rĂ©alitĂ© il est une voix, qui dit le monde Ă lâinfini, mais fait rencontrer non une rĂ©alitĂ© mais du sujet, le poĂšme dâun corps et dâune pensĂ©e, du langage travaillĂ© par son silence un rĂ©el inouĂŻ qui nâa lieu quâen poĂšme et rien quâen poĂšme. Et le travail de lâĂ©criture est de montrer la rĂ©alitĂ© dans sa matĂ©rialitĂ©, par les mots qui nomment, Ă©numĂšrent et dans un mĂȘme temps de vaporiser cette mĂȘme rĂ©alitĂ©, immergĂ©e quâelle sera dans une voix qui sâexplore elle-mĂȘme, sâinterroge et sâinvente. SâopĂšre ainsi une sorte de frottement entre une rĂ©alitĂ© tautologique, marquĂ©e entre autre par le prĂ©sentatif il y a » et la densitĂ© dâune phrase qui emporte toute nomination et crĂ©e de la suggestion, un sens latent du poĂšme. En lisant plus loin lâOde au recommencement on comprend aussi je reviens » comme une suture recoudre des morceaux dâinfini, les moments dâune phrase interminable est un peu la fonction du leitmotiv Comment dire alors je reviens, sans je pour revenir, et pourtant, oui, je reviens, la voix parle toujours, et que dit-elle » p. 27. On lit dans lâadverbe dâopposition comme un retour au milieu du langage et de son Ă©parpillement. Et ce retour Ă soi serait un retour Ă la voix quand lâĂ©parpillement au milieu du langage laisse justement sans voix. Mais il nâexisterait pas de retour sans abandon Ă une voix, ni sans travail pour faire sienne cette voix, en faire sa langue, par-delĂ lâoubli et par-delĂ sa propre personne rencontrĂ©e dans le miroir que dit-elle, câest pour savoir que je reviens, pour habiter sa vibration Ă peine, la mettre sur ma langue lâarticuler, et croire que câest moi qui parle quand tout en moi se fait oubli, ennui, mutisme quand tout mâabandonne, me laisse debout, comme lâautre Ă me coiffer me boutonner, Ă compter pertes et profits Ă fixer ce visage dans la glace que je ne reconnais pas, et lui me reconnaĂźt-il p. 27. Par lâexpĂ©rience de lâaltĂ©ritĂ© on retrouve une Ă©criture qui fait du poĂšme une errance intĂ©rieure et une Ă©popĂ©e de la voix, au sens dâun epos. Ainsi lâĂ©coute du langage offre un envers du langage et de la vie jâĂ©cris ce que je ne sais pas Ă©crire, les mots en feu et la coulĂ©e de lave dâune phrase illisible et si la voix sâest remise Ă parler est-ce parce que je reviens Dâune certaine façon, lâode rejoint la chronique, en ceci quâelle est lâĂ©criture dâune aventure du sujet, lequel se rencontre dans et par son propre Ă©garement. Avant lâOde au recommencement, Ancet a Ă©crit une Chronique dâun Ă©garement[4]. Le poĂšme est bien lâenvers du quotidien ; du moins le poĂšme est-il ce qui est latent dans ce quotidien. Il correspond Ă une Ă©coute qui est une attention Ă ce qui vient ; et si elle est du jour, en ceci quâ elle nâest pas sans rapport avec le temps et son Ă©coulement â ce que lâon peut comprendre dans la chronique ainsi que dans le journal[5] -, lâĂ©criture dâAncet explore une obscuritĂ©, insĂ©parable du jour et du temps traversĂ©. Ainsi elle sâapparente aussi Ă une avancĂ©e dans lâobscuritĂ©. Une telle qualitĂ© de lâĆuvre trouve son titre dans LâIdentitĂ© obscure, publiĂ© en 2009. Sâil entretient un rapport Ă©vident avec lâexpĂ©rience de lâaltĂ©ritĂ© au cĆur du langage lâobscur peut sâentendre dans plusieurs acceptions. Lâobscur procĂšde dâabord dâune obscuritĂ© toute particuliĂšre puisquâelle est clartĂ©. Une clartĂ© qui tient Ă une certaine luminositĂ© de lâĂ©criture ce que le poĂšme dit, il le dit et ce quâil projette tient dâun poudroiement ; cette mĂ©taphore, prĂ©sente chez Ancet, est suggĂ©rĂ©e par ce quâOde au recommencement dĂ©signe par la mĂ©taphore des mots en feu »,, mĂ©taphore Ă©voquant les feux rĂ©ciproques » quâallument les mots chez MallarmĂ©. Câest une maniĂšre de penser ce que fait le poĂšme, comme ne procĂ©dant que de lui les mots sont sortis du dictionnaire, pour nâĂȘtre que du poĂšme â du nâindiquant pas tant lâappartenance que la provenance â et prenant ainsi une valeur plurielle en rapport avec les autres mots. Le poĂšme est un acte, dâordre Ă©thique et rien nâa lieu que le poĂšme qui transforme les significations de langue en des valeurs du sujet quâune lecture et une Ă©criture inventent et rĂ©inventent. De lĂ ce rapport de tension entre une obscuritĂ© et une clartĂ©, entre des significations linguistiques et un sens dont le cĆur est une Ă©nigme et qui ne cesse de sâinventer. Au dĂ©but de la cinquiĂšme et derniĂšre partie de lâOde on peut lire chacun de mes mots est lâĂ©cho rĂ©verbĂ©rĂ© dâautres mots » p. 71 jusquâau suspens Ă©bloui » p. 73. Ces formules restituent ou rĂ©sument lâexpĂ©rience dâune lecture et dâune Ă©criture qui tiendraient de lâextase du sens Ensuite ? ensuite revenir ne signifie plus rien, depuis longtemps tout a Ă©tĂ© dit » p. 71. Câest justement dans cet accompli que dĂ©bute â commence et recommence â lâinaccompli, le recommencement dâune voix qui Ă peine revenue, repart les Ă©chos font le poĂšme autant que le poĂšme les fait, nâen finissant pas de continuer une pensĂ©e en mouvement et de tendre ainsi vers un Ă -dire » qui dĂ©ploie le rapport entre vivre, Ă©crire, penser et sentir. Une autre mĂ©taphore pour penser et continuer ce rapport une sorte de rumeur dâeau qui coulerait sous la vie » p. 71 La parole Ă Ă©crire, toute intĂ©rieure et dâouverture, se rĂ©sout en un appel le poĂšme est encore lâouverture vers la rencontre. Une autre valeur de lâobscur, aprĂšs ce qui sourd et rĂ©sonne, est la matiĂšre tĂ©nĂ©breuse au creux du langage qui tiendrait plus directement de lâĂ©nigme et dont la clartĂ© est comme la portĂ©e ou lâinduction jamais achevĂ©e. Cet obscur est celui du Silence des chiens quâAncet retrouve, avec la force de lâallusion, dans lâOde au recommencement. Ces voix sans visage [quâon] appelle des chiens » p. 13 peuvent mener vers les tĂ©nĂšbres, faire entrer dans le labyrinthe perdu dans un miroitement traversĂ© de tĂ©nĂšbres qui remontent comme une envie de vomir prĂšs de lâĂ©vier et son odeur dâĂ©ponge sale » p. 42. DâoĂč une troisiĂšme valeur de lâobscur qui tient Ă lâĂ©nigme du monde, Ă son opacitĂ©, â ce Ă quoi lâopacitĂ© du poĂšme est une rĂ©ponse, un rĂ©pons ce que je dis me dit, ma parole est un souffle, je ne suis rien, mais un rien qui flambe au-dessus du nĂ©ant » p. 44, pour conclure la troisiĂšme partie de lâOde. Quelque chose dâĂ la fois tellurique, aĂ©rien, ignifuge et solaire est touchĂ© par lâĂ©criture ; la sensation est ici pensĂ©e dans le langage, ce qui construit ce quâon peut appeler une pensĂ©e poĂ©tique ; et le poĂšme Ă©voque le monde ainsi tu tâarrĂȘtes toujours trop tĂŽt parce que tu ne sais pas maĂźtriser cette fatigue qui aussitĂŽt te submerge parce que tu ne sais pas entrer dans cette obscuritĂ© grouillante que tu appelles aussi le monde p. 49 Ecoute du monde du langage, et de lâĂ©nigme de chacun, lâĂ©criture se mue en bĂ©gaiement, une sorte de butĂ©e sur le rĂ©el, un rĂ©el qui sourd dâelle et Ă©chappe pourtant au dire, cette butĂ©e tournant Ă la ritournelle je dis lĂ , je dis lĂ , lĂ , je dis, câest lĂ , je ne vois rien mais jâen suis sĂ»r, tout est là » p. 56. Ou encore et je dis le monde est cette fuite [âŠ] il est ceci et cela et ça et ça et ça [âŠ] il est dans ta bouche ce que tu ne dis pas et qui te dit » p. 48. On pourrait dĂšs lors comprendre que lâobscur est celui de tous les rapports dâun sujet et du monde dĂšs que ce monde est Ă dire, rapports aussi que le poĂšme, son Ă©criture, laisse entendre, porte Ă lâoreille pourrait-on dire, par la rĂ©sonance gĂ©nĂ©ralisĂ©e quâil suscite. Alors ce rĂ©el procĂšde bien du poĂšme ; il sourd de lui, lequel implique et crĂ©e ce continu entre penser, Ă©crire, sentir, penser. Ces valeurs de lâobscur sont donc lâĆuvre mĂȘme du poĂšme, qui les dĂ©couvre ou les rencontre. Elles se construisent dans un rapport au rĂ©el qui procĂšde tout entier de lâĂ©criture et fait quâil ne peut exister de rĂ©alisme ni dâessence des choses et du monde dans la poĂ©sie dâAncet. Pas non plus de reprĂ©sentation, mais bien un rĂ©el que lâĂ©criture fait sourdre, fait entendre et sentir par elle. LâĂ©criture et la rĂ©alitĂ© sont irrĂ©ductibles lâune Ă lâautre. La poĂ©sie de Jacques Ancet nâest pas une dĂ©ploration de la sĂ©paration indĂ©fectible des mots et des choses, ce qui la dĂ©marque dâun certain lyrisme contemporain. Elle est plutĂŽt de lâordre dâune relation et dâune rencontre ainsi que dâune Ă©coute, ce quâil affirme en Ă©voquant la recherche dâun Ă©quilibre » ou encore la valeur de lâinstant â un instant parfait » dont lâĂ©criture serait le dĂ©sir et la durĂ©e Mais je reviens, jâessaye de retrouver ce point oĂč soudain tout se tiendrait en Ă©quilibre, oĂč la montagne, le genou, le cri, le froissement dâun journal, le silence et la lumiĂšre orange des pĂ©tales devant moi, ne seraient quâun seul Ă©clat comme si toute une vie nâavait eu dâautre but que dâatteindre la cime dâun instant parfait tout en sachant trĂšs bien quâelle ne lâatteindrait jamais p. 31 Peut-ĂȘtre cette dĂ©marche rencontre-t-elle en chemin la dĂ©marche mystique certains mots, ce point », Ă©clat », puis cime » y font penser. Mais il sâagirait dâun mysticisme sans dieux, entiĂšrement tournĂ© vers lâĂ©coute dâune voix interminable qui dirait la relation au vivant, une voix jamais totalement atteinte car elle sâassocie au temps, Ă la pensĂ©e, au vivant, tout entiĂšre affect et langage et rapport Ă soi et Ă lâaltĂ©ritĂ©, une voix qui associe Ă©galement dedans et dehors et qui sâimpose comme un rapport interminable et infini. Le rĂ©el est ainsi vĂ©cu, pensĂ© comme du sujet, câest-Ă -dire comme une relation ; et toute Ă©vocation nâest pas une nomination mais le dĂ©ploiement dâun rapport. Câest lĂ quâon peut comprendre la valeur de lâimage dans lâĆuvre si elle est prĂ©sente câest par un certain flottement, une imprĂ©cision visuelle qui la livre Ă une qualitĂ© dâĂ©coute, une Ă©coute du silence et de lâinvisible qui passent entre les choses ; elle nâa rien de descriptif, mais elle se glisse dans des rapports, oĂč lâĂ©numĂ©ration est encore la disposition de la parole la plus flagrante qui donne au regard sa plĂ©nitude de langage et me voilĂ oĂč jâai toujours Ă©tĂ©, entre la vie et son image, Ă regarder, Ă Ă©couter, respirer ce que je ne vois ni nâentends ni ne sens ce qui tient ensemble le pigeon et le portail, les iris et le rocher, les nuages et le marronnier, mon corps et la lumiĂšre Ă guetter cet instant oĂč, soudain, tout serait lĂ , le monde entier comme en Ă©quilibre sur un grain de temps pur p. 72 Ce complexe de rapports â que lâon peut noter avec ce qui tient ensemble » et comme en Ă©quilibre » â nâa rien de fixe ni dâarrĂȘtĂ©, il est prĂ©cisĂ©ment la conscience, et la luciditĂ© quâon trouve dans mon corps et la lumiĂšre », que le rĂ©el est indescriptible, seulement audible dans le langage et en mouvement, ce que marquent la tournure comme en » et la mention du temps qui inscrit tout rapport dans un devenir et dans lâinstant minime mĂ©taphorisĂ© dans le grain le monde entier comme en Ă©quilibre sur un grain de temps pur ». Ancet se dĂ©marque encore dâun mysticisme religieux, voire dâun essentialisme et dâune idĂ©alitĂ© philosophiques en ceci que le temps pur » est une sensation de langage qui est dĂ©signĂ©e par la triade regarder-Ă©couter-respirer » et oĂč le langage est insĂ©parable du corps â dans mon corps et la lumiĂšre ». Le mouvement, le devenir trouvent leur rĂ©solution dans le suspens recommencĂ© jusquâĂ faire du poĂšme une utopie ni avant ni aprĂšs, ni ici ni lĂ -bas, ni dedans ni dehors, mais le mĂȘme suspens Ă©bloui » p. 73. Continu au suspens et vĂ©ritable mot poĂ©tique â en ceci quâil est porteur dâune pensĂ©e poĂ©tique, et dâune thĂ©orisation du poĂšme procĂ©dant de sa pratique -, le mot entre » renvoie Ă©videmment au rapport et Ă la suggestion, mais aussi Ă lâimpossible coĂŻncidence ». Si cet entre » Ă©noncĂ© par le poĂšme dĂ©bouche sur lâĂ©tincellement de rapports, en lumiĂšres et ombres, il dĂ©bouche sur la beautĂ© et ce qui suscite la dĂ©chirure comme le dĂ©sespoir ; le beau Ă©tant ce Ă quoi on manque toujours, prĂ©sent et qui constamment Ă©chappe, relevant de lâĂ©nigme du prĂ©sent, tout suspens Ă©tant celui dâun temps pur ». Partant la beautĂ© ne ressortit en rien de lâesthĂ©tique, quand bien mĂȘme elle est continue Ă un sentir ; il est dâordre Ă©thique dans la mesure oĂč il procĂšde du sujet seul un poĂšme invente ou suscite ces rapports-lĂ qui eux-mĂȘmes crĂ©ent une beautĂ©. Et cette beautĂ©-lĂ nous fait revenir au poĂšme, Ă©tant celle dâune certaine Ă©coute du langage. Si le poĂšme invente son beau, en Ă©tant le souffle et la respiration, câest quâil invente et est Ă lui-mĂȘme son rythme. La lecture du poĂšme fait entendre la poursuite dâune beautĂ© jamais circonscrite ce qui se fait entendre reste aussi Ă entendre. La syntaxe, la prosodie, la sĂ©mantique du poĂšme â la disposition de la parole et du langage qui est le rythme â Ă©crivent un infini, et Ă©crivent toute lecture et toute Ă©criture dans cet infini. DâoĂč lâenthousiasme et le dĂ©sespoir quâon trouve dans cette seule ligne et câest pourquoi elle [la beautĂ©] nous dĂ©sespĂšre » p. 20. On en revient ainsi Ă lâobscur, qui est une sorte de note traversiĂšre, ou note en travail » de lâode, et un questionnement de lâĂ©crire. Dans telle page toute lumiĂšre est porteuse de sombre, ce qui suggĂšre que ce qui sâĂ©nonce porte aussi quelque chose de lâordre dâun non dire », quâun dire est encore une maniĂšre dâarticuler le silence qui disait que le lieu le plus sombre est sous la lampe, que lâombre sâengendre de la lumiĂšre » p. 32. La dialectique Ă lâĆuvre dans et par lâĂ©criture articulant le plus sombre » et le plus lumineux du poĂšme est au prĂ©alable mouvement de cercle infini qui se dessine Ă mĂȘme lâĂ©coute un espace circulaire dâoĂč suinte lâobscur » Ibid. Aussi une telle dialectique se rĂ©sout-elle in fine dans une circulation de soi Ă lâautre, dâune identitĂ© Ă une altĂ©ritĂ© encore, Ă mĂȘme lâacte dâĂ©crire une autre main bouge dans ma main » Ibid. Un acte dâĂ©crire qui est mĂ©taphorisĂ© par lâespace, ce qui en fait apprĂ©hender Ă la fois lâaventure, lâexpĂ©rience du temps et le devenir pour le corps et la pensĂ©e mon Ă©criture sâenfonce dans la pensĂ©e » Ibid.. Toute Lâode opĂšre de cette maniĂšre un dĂ©placement du connu vers lâinconnu de tout rapport possible et pluriel. Et Ancet Ă©crit dans le lexique le plus simple, souvent celui du quotidien et du banal, quâon croit le plus Ă©vident, dont le poĂšme ouvre une dimension inouĂŻe. Câest que le monde recommence, dans tous ces rapports que le poĂšme est seul Ă faire entendre. Câest aussi que lâĂ©criture Ćuvre Ă un devenir gĂ©nĂ©ralisĂ©. Et cââest en ceci que le verbe est la base et le sommet de lâode. Recommencer, revenir et sâĂ©garer pour sâinventer trouvent des valeurs nouvelles dans suivre, lequel pourrait bien sâentendre, dans le poĂšme, comme un renversement intĂ©rieur du verbe ĂȘtre ». La question mais est-ce bien moi, est-ce moi ce jour sur la fenĂȘtre » p. 32, si elle interroge un rapport au monde dans un rapport Ă soi â on lit, au dĂ©but et la matiĂšre me submerge tout autour, me submerge de son grouillement sans fin » p. 11 â pense aussi quelque chose de la vie en langage, ce quelque chose qui est de lâordre du mouvement, de la continuation et qui nâa pas de dĂ©finition ni dâessence, est Ă concevoir comme une histoire en marche. Etre » devient une valeur de continuer », ce qui est marquĂ© dans le rejet suivant et quand je crois mâarrĂȘter, je continue parce que tout continue, je suis la coquille de noix dĂ©rivant sur le courant, je vois les feuilles, lâĂ©clat du bleu, les reflets irisĂ©s de lâhuile p. 72 Le travail du signifiant suis » se prolonge ensuite par lâĂ©quivoque entre ĂȘtre et suivre je suis tout ce que je ne suis pas », puis [⊠] ces jambes que tu Ă©tends devant moi, que je ne peux atteindre je suis lâair qui nous sĂ©pare, nous rapproche, nous emporte comme ces paroles prononcĂ©es il y a tant dâannĂ©es et qui reviennent » p. 80 Ce que ne cessera de dĂ©velopper lâĂ©criture sera bien cette rencontre avec soi, avec une subjectivitĂ© tout en altĂ©ritĂ©, un sujet labile, mobile un sujet du poĂšme par lequel la subjectivitĂ© est bien lâaffaire dâune altĂ©ritĂ© comme identitĂ© et dâun devenir. Comme le montre telle mention du passĂ© qui est Ă©galement affaire de prĂ©sent, donc de mouvement et devenir le passĂ© bouge » p. 76. Pour citer Deleuze, lâĂ©criture est lâinvention dâune ligne de fuite », et câest par lĂ quâon peut thĂ©oriser lâĂ©nonciation non comme situation qui impliquerait une certaine fixitĂ© de lâempirisme dĂ©finissant dâabord une typologie des situations, mais lâinconnu dâune voix qui emporte et implique cette fois de penser autrement la subjectivitĂ© dans le langage. Suivre, poursuivre impriment un double mouvement, un double sens de la poursuite. La voix poursuit qui lâentend, et sâen fait lâĂ©coute ; elle sâaffirme comme une dictĂ©e Ă suivre et Ă poursuivre. Lâappel est double on appelle dans lâĂ©coute de ce qui appelle Ă ĂȘtre dit. Ainsi on peut lire dans certaines attaques de versets une Ă©popĂ©e au sens dâun epos et dâun poiein, câest-Ă -dire, pour reprendre Ă lâĂ©tymologie, dâune parole et dâun faire le lyrisme de lâode trouve ici un principe dans lâĂ©popĂ©e ; le dire et le poĂšme sont en ce sens une traversĂ©e de la voix et de son Ă©coute. Le faire propre au poĂšme qui fait penser ensemble lâactivitĂ© en langage, la parole et lâĂ©criture est pour ainsi dire emblĂ©matisĂ© dans ces attaques de versets jâĂ©coute sa bouche froide⊠jâavance Ă tĂątons dans un dĂ©sert⊠je mâarrĂȘte, la nuit autour ⊠Puis en finales âŠtout se disperse et je reviens âŠtoutes les choses suspendues dans lâattente dâun nom âŠce qui se tient lĂ au bord dâĂȘtre dit et quâune fois encore je manque et câest ce manque qui me poursuit p. 32-33 Est emblĂ©matisĂ©e encore une dynamique de lâĂ©criture entre arrĂȘts, dĂ©part, retours, oĂč le sujet nâest pas sĂ©parable dâune gestuelle langagiĂšre qui le transforme et en fait un devenir, une ligne de fuite » prĂ©cisĂ©ment. Le geste prĂ©vaut et prĂ©cĂšde et le sujet ne dĂ©pend donc pas dâune expressivitĂ©, mais procĂšde de cette gestuelle qui est ensemble une syntaxe, une prosodie, une sĂ©mantique, continu du geste Ă la phrase le geste me prend, la phrase sâouvre et les accueille, je dis village, collines, nuages, je recommence » p. 33. Quâest-ce que lâode devient avec Ancet ? Dâabord autre chose quâun genre et que ce que circonscrit une taxinomie littĂ©raire. Elle est un passage de vie et un passage de langage ; ce quâAncet dĂ©signe par une sorte de rumeur dâeau ». Si lâon veut parler de lyrisme, alors il pourrait sâagir dâun passage du chant du langage, Ă penser du cĂŽtĂ© de ce que MallarmĂ© dans Le MystĂšre dans les lettres appelait lâair ou chant sous le texte », et procĂ©dant ainsi dâune gestuelle qui est dâabord une syntaxe disposant langage et parole et travaillant une Ă©coute. Lâode est ainsi indissociable de gestes lyriques » pour citer Dominique RabatĂ©. En outre lâode rĂ©pond Ă lâappel de ce qui est Ă dire, qui est un infini Ă dire mais tout rĂ©clame dâĂȘtre dit » p. 34, justement dans une activitĂ© qui double lâĂ©crire dâun vivre et le vivre dâun Ă©crire. Ainsi, plus encore que lui rĂ©pondre, lâode rĂ©pond cet appel, elle en fait entendre la vibration de lâinfime, et lâinfini rĂ©verbĂ©rĂ©, et rien qui bouge et rien qui sâarrĂȘte » p. 90. Le dernier verset de la fin du poĂšme nâest pas une fin, seulement une interruption, avec la sensation cependant que quelque chose se referme pour quelque chose dâautre encore, de lâinfini dans du neutre. Lâode trouve dans cet infini sa mesure, le paradoxe dâune Ă©criture qui est suspens et ouverture, ce qui fait rencontrer encore le Claudel des Cinq grandes Odes un infini de bouches dans cette bouche un infini de voix dans cette voix, qui ne sâarrĂȘte pas » p. 69 La pensĂ©e par le poĂšme est Ă©coute et peut-ĂȘtre que ce qui la fait telle quâelle est, mais surtout telle quâelle se transforme, est lâĂ©coute de la voix. Cette pensĂ©e se tient dans cette Ă©coute pour devenir une voix de voix. Laurent Mourey [1] Paul Claudel, PremiĂšre Ode Les Muses » 1900-1904, Cinq Grandes Odes, Ă©dition de 1957, PoĂ©sie/Gallimard, p. 28. [2] Jacques Ancet, Le Chant sous les mots », Europe n° 825-826, 1998, p. 40. [3] CitĂ© par Jacques Ancet, Ibid. [4] Chronique dâun Ă©garement, Lettres vives, 2010. [5] A noter quâAncet a Ă©crit Le Jour nâen finit pas, Lettres vives 2001 et Vingt-quatre heures lâĂ©tĂ©, Lettres vives 2000. Ou encore Journal de lâair, Arfuyen 2006 et Portrait du jour, La Porte 2010. Il va sâagir dâobserver dans lâĂ©criture de Michel Chaillou 1930-2013 quelques signes dâoralitĂ© puissante sâattardant particuliĂšrement aux sans-voix ou, si lâon prĂ©fĂšre, Ă de lâinaudible, de lâin-entendu, voire de lâinattendu. Lâinattention au murmure », Ă la confidence chuchotĂ©e », Ă la douceur plaintive » Chaillou, 2012 74-75 et peut-ĂȘtre la pĂ©joration de certaines voix, souvent Ă lâĆuvre dans les Ă©critures et plus gĂ©nĂ©ralement dans les discours normatifs, conduisent Ă leur rejet par leur rĂ©duction Ă quelques procĂ©dĂ©s â il sâagirait, de ce point de vue, dâune critique forte de lâeffet CĂ©line » si prĂ©gnant dans la critique littĂ©raire française. Câest ainsi que Chaillou montrerait Ă la fois le continuum des voix dans le phrasĂ© romanesque de lâĂ©criture, cette prose en action » Martin, 2013, Ă©vitant ainsi toute sĂ©paration dualiste, et surtout la force de ces voix minorĂ©es, leur Ă©nergie transformatrice, jusque dans ce quâil a appelĂ©, non sans quelque pointe critique et donc par antiphrase, lâextrĂȘme-contemporain » Chaillou, 2012 74. Je me propose donc, Ă sauts et Ă gambades ou plutĂŽt Ăąnonnant lâinconnu comme un abĂ©cĂ©daire » Chaillou, 1997 106, de voyager dans les Ćuvres de Chaillou non pour sây retrouver mais pour sây perdre, du moins y perdre toute contenance critique unitaire, et alors essayer de faire entendre le filet de voix du doute, plutĂŽt que le clairon de lâaffirmation » Chaillou, 2012 88, parce que la littĂ©rature a besoin de confidence, câest-Ă -dire dâĂȘtre chuchotĂ©e Ă lâoreille de quelques-uns » Chaillou, 2007b 390. Cette derniĂšre proposition ne peut sâentendre comme la promotion Ă©litiste mais, tout au contraire, comme lâaccueil de tout un chacun Ă prĂȘter lâoreille » 419, lâĂ©crivain Ă©tant le premier Ă se livrer Ă lâĂ©coute. Un tel voyage » Voyager vous rend-il Ă nouveau enfant, Ăąnonnant lâinconnu comme un abĂ©cĂ©daire ? », Chaillou, 1997 106 ne pouvait sâachever sans rendre compte au fil de la lecture du romanesque dâun roman, La Vindicte du sourd, destinĂ© par son inscription Ă©ditoriale Ă la jeunesse. Câest bien parce que, comme le fait dire Chaillou Ă son principal double romanesque, Samuel Canoby Jâai commencĂ© trĂšs tĂŽt Ă ramasser la paperasse de lâheure, bouts dâinstants rimĂ©s ou pas, secondes ou minutes, toute cette thĂ©ologie du rien enfui, ces bons mots Ă jeter Ă peine dits, ces sentiments avortĂ©s, ces scĂšnes qui rouillent, tout ce qui porte lâestampille de la veille, de lâavant-veille de la veille de la veille jusquâau big bang du dĂ©suet primordial. La rouille dans mes mots que mes lĂšvres Ă©brĂšchent. Chaillou, 1995 131 Chaillou ou le bruit du temps dans les voix de chacun. Nâest-ce pas lĂ une poĂ©tique Ă hauteur dâune anthropologie⊠Bizarreries et Ă©tonnements En fait, jâessaie de faire un roman de tous mes Ă©tonnements. Et je ne cesse de mâĂ©tonner. Michel Chaillou, 2007b 398 Marcel Schwob tenait les bizarreries » pour critĂšre spĂ©cifiant dâune vie, de philosophe â ce qui nâest pas peu dire ! En effet, ce sont ces bizarreries » que le premier grand philosophe venu possĂšderait rĂ©ellement » car, selon Schwob, quant aux idĂ©es » â ce sont pourtant bien ces derniĂšres qui gĂ©nĂ©ralement permettent dâidentifier un philosophe â, elles sont le patrimoine commun de lâhumanitĂ© » Schwob, 2004 54 ! Câest du cĆur dâun structuralisme rĂ©gissant la pensĂ©e de la littĂ©rature voir Martin, 2013 157-176 quâun Michel Chaillou sâaventure dans des biographies souvent doublĂ©es dâautobiographies qui, aux structures gĂ©nĂ©ralisantes et Ă la visĂ©e unitaire, opposent un fouillis, si ce nâest un dĂ©dale, de particularitĂ©s ou de singularitĂ©s, et donc de vies jamais rĂ©duites Ă quelque finalisme tĂ©lĂ©ologique ou unitĂ© destinale. Ces bizarreries » y exacerbent la valeur de lâinfime en multipliant les digressions comme si lâinfime devait sâentretenir avec lâinfini. Jean-Pierre Richard a trĂšs tĂŽt signalĂ© cette spĂ©cificitĂ© de lâĂ©criture de Chaillou en rendant compte du Sentiment gĂ©ographique 1976 dans le numĂ©ro 28 des Cahiers du Chemin 130-134 â repris dans Richard, 1990 171-198 De toute façon, câest le corps ici qui est le maĂźtre, et qui mĂšne multiplement le jeu corps rĂȘvant et corps lisant, mais aussi corps se rĂȘvant/lisant, et se rĂȘvant/lisant/rĂȘvant, et cela Ă lâinfini, on lâa vu, sans butĂ©e possible. Lâassurance dâaucun cogito, comme dans les critiques traditionnelles dâidentification, ne vient fonder ici les rĂ©versibilitĂ©s de la lecture. Chaillou, de ce point de vue, rejoindrait donc le parti pris antĂ©rieur dâun Schwob se dĂ©fiant lui aussi du positivisme ambiant non dĂ©pourvu dâune propension Ă sĂ©parer les gĂ©nies des hommes ordinaires, les hĂ©ros de la pensĂ©e des vies des hommes infĂąmes », pour faire rĂ©fĂ©rence Ă la fameuse contribution de Michel Foucault au numĂ©ro 29 du 15 janvier 1977 des Cahiers du Chemin de Georges Lambrichs, numĂ©ro dans lequel Chaillou publie son HexamĂ©ron rustique ». Ne pourrions-nous associer la visĂ©e dâun Foucault dâune vĂ©ritable anthologies dâexistences » Ă lâactivitĂ© dâun Chaillou racontant des vies dans et par lâessai dâĂ©crire un tĂątonnement expressif, un bĂ©gaiement de lâineffable » 2007b 323. Lâincipit dâun roman de Chaillou, Le RĂȘve de Saxe, ouvre un tel marchĂ© aux puces » qui dĂ©libĂ©rĂ©ment se refuse Ă maĂźtriser quelque sujet que ce soit autrement quâĂ le voir fuir dans lâimaginaire du pan. Je reprendrai volontiers cette derniĂšre notion Ă Georges Didi-Huberman 1990 316 qui lâa fortement distinguĂ©e du dĂ©tail, comme inquiĂ©tude » du tableau qui tend Ă enliser lâhermĂ©neutique, parce quâil ne propose que des quasi, donc des dĂ©placements, des mĂ©tonymies, donc des mĂ©tamorphoses » 318. Ce fut au marchĂ© aux puces que je rencontrai les premiers hĂ©ros de cette aventure. Lâendroit figure assez mon esprit hĂ©tĂ©roclite, bric-Ă -brac dâobjets dĂ©pareillĂ©s, contradictoires, au style rompu, furieux, cabossĂ©, vieilles lunes, prose de chien, rouille et soliloque. EntrĂ© depuis quelques minutes dans une boutique, je venais de remuer une masse de bouquins fumigĂšnes, lâĂąme dĂ©jĂ perdue par certaines gravures. Une surtout, plutĂŽt agile, reprĂ©sentait un garçon au vit de menuisier, Ă©norme, hors culotte, branlant avec Ă©nergie une jeunesse retroussĂ©e sur un sofa qui avait du volume. Jâallais mâenquĂ©rir du prix quand un petit peuple aux mines extasiĂ©es me hĂ©la depuis une Ă©tagĂšre. Je mâapprochai. Un couple principalement me ravit, lui poudrĂ© de frais, dâune hauteur de seize centimĂštres, elle au clavecin, mains Ă©cartĂ©es sur les touches. Chaillou, 1986 11 Les hĂ©ros de cette aventure » sont bel et bien des quasi au sens oĂč lâentend Didi-Huberman des figurines en porcelaine de Saxe ! De cette porcelaine », la matiĂšre mĂȘme de lâamour, du sperme solidifiĂ©, une poterie blanche translucide » 14 ! De sexe Ă Saxe, la paronomase participe de cette impossibilitĂ© de fixer la phrase sur du sens pour lui prĂ©fĂ©rer un phrasĂ© qui entrecroise et surtout multiplie ses propres bizarreries » dans une analogie gĂ©nĂ©ralisĂ©e construisant un corps-langage, celui que signalait Jean-Pierre Richard, qui ne cesse dâentretenir de troubles rapports » Chaillou, 1986 240. Dâun bric-Ă -brac, celui de la littĂ©rature, de ses innombrables et indescriptibles aventures dâĂ©criture, que lâhistoire littĂ©raire met souvent au pas pour en ignorer la plus large part et surtout pour ne jamais en entendre les bizarreries » et en poursuivre les Ă©tonnements », Chaillou ne se contenterait pas dâen tirer quelques objets Ă fonctionnement symbolique, Ă la maniĂšre des meilleurs surrĂ©alistes, mais en proposerait de fabuleux sujets des voix qui sâessaient dire parce que tous les livres de Chaillou tentent de rĂ©pondre en autant dâactes dâĂ©criture Ă la question que posait Samuel Beckett Comment sâessayer dire ? » 1991 20. Essayer dire Je ne suis pas du cĂŽtĂ© du raconteur, lĂ oĂč se trouve le plus souvent le roman, je suis du cĂŽtĂ© du dire. Toute ma tentative littĂ©raire se situe entre le dire et le raconteur. Michel Chaillou, 2007 b 110 Observer lâautre voix de la littĂ©rature Ă©crite » dans lâĆuvre de Michel Chaillou demanderait une Ă©coute de son phrasĂ© romanesque qui semble sans cesse faire entendre une oralitĂ© de lâĂ©criture » Le Français aujourdâhui, 2005 dans et par lâorganisation dâune digression majeure » François Bon, 2009 comme Ă©coute intĂ©rieure » Chaillou, 2007b des voix, dans les livres de la bibliothĂšque comme dans les conversations de partout. Les hiĂ©rarchies se voient alors dĂ©faites et les Ă©chos dĂ©multipliĂ©s pour que les proses riment dans une rĂ©sonance gĂ©nĂ©rale, une voix pleine de voix. En cela, Chaillou participe trĂšs prĂ©cisĂ©ment Ă ce que Georges Didi-Huberman se donne comme exigence critique Ă partir de la proposition de Beckett, de son essayer dire » Nâessayons pas de dire, engageons-nous plutĂŽt dans lâacte plus risquĂ©, plus expĂ©rimental, dâessayer dire, expression dans laquelle il devient clair que dire nâest, au fond, quâessayer, sâessayer Ă une expĂ©rience insĂ©parable de son risque et de son effectuation. Didi-Huberman, 2014 55 Il faudrait alors immĂ©diatement aller Ă une des tentatives les plus originales de Chaillou, son Montaigne » 1982, qui rompt avec toute la tradition critique du commentaire ou de lâhermĂ©neutique. Cette tradition savante et scolaire semble disposer du texte comme dâune totalitĂ© maĂźtrisable ; dâautres comme celle de lâessai biographique font Ă©galement accroire quâelles disposent de la vie dans lâillusion homogĂšne de lâĆuvre et de lâĂ©poque, des hauts faits et des grandes idĂ©es. A propos de ces biographies romancĂ©es, Adorno parlait de leur tentation permanente dâune forme dont la mĂ©fiance Ă lâĂ©gard de la fausse profondeur court sans cesse le risque de tourner Ă lâhabiletĂ© superficielle » 1984 8. Chaillou, avec son Montaigne, se situe aux antipodes dâune telle neutralisation des Ćuvres de lâesprit en biens de consommation » Adorno, 1984 8 ! Cet Ă©tonnant rĂ©cit dâune journĂ©e de septembre 1980 propose un je-ici-maintenant » des Essais de Montaigne non dans une classe de philosophie ou de littĂ©rature, pas plus dans une recrĂ©ation socio-historique voire psycho-fictionnelle, mais au plus prĂšs de ceux qui vivent non loin de la tour de Montaigne et dâabord de cet Alexandre ou plutĂŽt Alex, domestique chez Montaigne ». Ce dernier nâa pas vraiment lu les Essais mais, aprĂšs le suicide de sa mĂšre, il continue Montaigne sans le savoir et surtout sans la maĂźtrise discursive quâaccompagnerait la conscience rĂ©flexive Alex dĂ©nicha dans les pauvres affaires de la dĂ©funte le fameux bouquin mĂ©langĂ© Ă une bible, de chĂšres photographies âŠ. Lâexemplaire Ă©tait rompu, des pages manquaient. Plusieurs respiraient le fromage, des aurĂ©oles sanctifiaient un chapitre qui par ailleurs tombait en cendres, fruit dâune veille, de qui mĂ©gota sa lecture au rougeoiement dâun cigare. A peine si Morceaux choisis se distinguait sur la couverture cartonnĂ©e quâil gratta au couteau. Il renifla, feuilleta, des petits mots, de tous petits mots. Il enfonçait sa gueule mal rasĂ©e dans lâouverture des pages, Ă©pluchant ces extraits scolaires des Essais, du Journal de Voyage en Italie comme sâil se fĂ»t agi dâoignons de Castillon. Les yeux lui coulaient, la mĂ©moire lui revenait de Fritz lisant, du sein superbe dâEva dans la marge, dâun curieux petit sabre Ă boutons dâor jetĂ© sur une chaise. CâĂ©tait du français quâAlex rĂ©entendait, mais rendu brumeux par une bouche Ă©trangĂšre, les fentes de la porte par oĂč, gamin, il regardait. Le bois brun pesait encore sur le livre, il rĂ©cita, essaya dâabord sourdement devant lâĂ©tabli, les plantes convulsives de la serre, de retrouver lâaccent de Fritz. Il rougissait, sâempĂȘtrait, les phrases lâĂ©corchaient, il ne lisait pas vraiment, grondait, mĂąchonnait, salivait beaucoup. Lâespoir insensĂ©, confus dans sa tĂȘte, quâĂ force de bĂȘcher, labourer chaque page, il finirait par ressusciter lâancienne fornication des heures, lâinstant, point Ă la ligne, virgule, oĂč le couple dĂ©laissait le paragraphe, sâembrassait, se fondant lâun dans lâautre, atroce souffrance. Chaillou, 1982 193-194 Nous lisons alors Ă la fois le portrait vraisemblable du rapport complexe de la lecture dâun illettrĂ© au livre de Montaigne et le portrait invraisemblable de lâĂ©crivain, au plus prĂšs des processus de lâĂ©criture et de la lecture. Un tel portrait â toujours double avec Chaillou â construit lâanalogie tenue dâun continu entre lecture et Ă©criture, exactement comme entre le chĂąteau et le pays, lâair, la terre, les arbres, quâon visite plus loin que dix-neuf heures » 271, plus loin donc que lâheure de fermeture des visites Ă la tour de Montaigne ou, autrement dit, plus loin que les passages obligĂ©s de lâĂ©criture-lecture hors corps comme on dit hors sol. Ce passage donc, et tout le livre avec lui, par ce phrasĂ© sĂ©mantique et rythmique, opĂšre une incorporation puissante de tout ce qui peut concourir Ă un tel continu. Celui-ci serait la rĂ©sultante de la confusion des lexiques oĂč le scolaire et le savant se piquent dâactions agricoles et sexuelles, et de la confusion des temporalitĂ©s oĂč lâenfance et le livre sâemmĂȘlent dans un prĂ©sent du rĂ©citatif inventant lâĂ©coute intĂ©rieure dâune attitude de vie, câest-Ă -dire dâune disponibilitĂ© Ă ce que justement les Essais autorisent et mĂȘme exigent dans leur maniĂšre Ă sauts et Ă gambades » lâinfinie digression dâune parole plurielle. Le raconteur dâIndigne Indigo ne dĂ©clare-t-il pas Câest vrai que je mâinterroge sur tout, et dâun rien digresse. Jâai lâesprit dâescalier » 2000 84. Digressions et distractions Vos voisins conversent de belles-lettres ce nâest pas votre sujet ; le vĂŽtre, quâest-ce, sinon ce nuage de voix qui hantent le temps passĂ©, dĂ©passĂ© ? Chaillou, 1980 23. Les raconteurs â je tiens Ă cette notion[1] car dĂšs le premier roman, Chaillou indique bien quâil ne sâagit pas de narrer mais de conter une histoire » et plus prĂ©cisĂ©ment de rĂ©pĂ©ter des faits trĂšs simples, une maniĂšre de litanie » â, du moins les personnages principaux des romans de Chaillou, mĂ©riteraient chacun de se voir attribuĂ© le reproche quâune amie du hĂ©ros de LâHypothĂšse de lâombre lui faisait souvent Tu as trop de parenthĂšses en toi » 2013 106. Reproche qui nâest pas sans Ă©voquer lâĂ©pigraphe de ce livre, empruntĂ©e Ă Victor Hugo Je suis un homme qui pense Ă autre chose ». En effet, les romans de Chaillou ne savent jamais oĂč ils vont puisquâils se noient dans la phrase, la premiĂšre phrase venue, lâardeur de sa phrase » 1995 175. Je marche, parfois je bute, un caillou sur la route, une idĂ©e de caillou. Je lis sans lire, je dĂ©visage les pages, Spinoza mâapprend Ă me retirer, Ă voir dans chaque mot, chaque chose, leur dĂ©sert, une chambre nue. Chaillou, 1995 134 Mais une telle chambre nue » est une chambre dâĂ©chos qui nâen finit pas de rĂ©sonner. Cette force du langage que le phrasĂ© de Chaillou porte dĂšs quâon ouvre un de ses livres nâest pas sans un paradoxe qui pourrait spĂ©cifier lâoralitĂ© de son Ă©criture le rĂ©gime endophasique de ses narrations quâon pourrait hĂątivement assimiler Ă un soliloque de sourd et donc Ă une autofiction Ă©gotiste si nâest simplement narcissique, est cependant vouĂ© au dialogisme le plus vif. Mais le paradoxe ne serait quâapparent ainsi que Gabriel Bergounioux le signale Ă propose de lâendophasie elle-mĂȘme, ce moyen de parler » 2004. GrĂące Ă ce suspens de la profĂ©ration entre deux discours explicites » qui constitue cette prĂ©sence inaudible dâun discours inaccessible Ă lâobservateur extĂ©rieur », cette voix privĂ©e » quâoffre lâendophasie ouvrirait Ă un beau problĂšme la marque dâune absence qui interloque » Bergounioux, 2004 60. Le paradoxe est donc double puisque ces monologues intĂ©rieurs, parfois enregistrĂ©s dans des cahiers » entre autres Chaillou, 2007a ou dans la tenue dâun journal Chaillou, 1995 172, nous sont prĂ©cisĂ©ment restituĂ©s. Bergounioux nous offre alors une sortie du paradoxe puisquâil pose que lâendophasie oblige Ă penser le langage du point de vue de lâĂ©coute par une poĂ©tique relationnelle qui sâĂ©loigne indubitablement de lâapproche communicationnelle, renouant en cela avec une proposition de Roland Barthes celui qui Ă©crit est ce mystĂšre un locuteur qui Ă©coute » 1992 132. Bergounioux repartant de Humboldt prĂ©cise que lâĂ©coute, plus quâun produit ergon est une production energeia dont lâendophasie est la forme la plus Ă©laborĂ©e, la plus achevĂ©e » Bergounioux, 2004 82. Ce principe dâĂ©coute est sans cesse au travail dans le phrasĂ© de Chaillou Bien entendu, qui, Ă cet instant de mon aventure, me prendrait en filature, tirerait sans doute dâautres conclusions des faits que je rapporte, et pas toujours obligeantes pour ma santĂ© mentale. Ces coĂŻncidences, maintes fois relevĂ©es, nâexpriment-elles pas, lecteur, le dĂ©sir un peu malade dâune autre rĂ©alitĂ© que celle mesquine oĂč nous nous cĂŽtoyons vous et moi ? Chaillou, 2000 53 Dâune part, le raconteur endophasique embarque dans son soliloque son auditeur lâadresse frĂ©quente au lecteur » en tĂ©moignerait, et ce dĂšs le premier livre Je ne suis pas responsable / Comment ĂȘtes-vous lecteur ? Petit, grand, une femme ? si vous pouviez intervenir, me conseiller », 1968 167, et plus gĂ©nĂ©ralement la tonalitĂ© rĂ©flexive du phrasĂ© ne cesse dâapprofondir la teneur dialogique de chaque phrase ainsi que lâattaque bien entendu » le fait entendre. Dâautre part, il sâagit ni plus ni moins que dâentretenir une utopie qui ne peut se rĂ©aliser quâen coopĂ©ration cette autre rĂ©alitĂ© » que seule la relation dâĂ©coute peut faire advenir. Chez Chaillou, la phrase entretient lâĂ©coute pas son phrasĂ©. Cela commence dĂšs le titre du roman. Ainsi de ce roman russe », La Rue du capitaine Olchanski, quâon pourrait rĂ©sumer comme lâĂ©coute de ruĂ©e dans rue Ă condition de le lire jusquâĂ son Ă©pilogue » 1991 244-245. Le principe dâĂ©coute est alors un principe dâĂ©cho, qui est au fond un laisser faire la distraction, la sortie des habitudes de lâentendement. Une telle Ă©criture est alors essentiellement une oralitĂ© Ă vif Ăcrire, câest-Ă -dire Ă©couter. Mais Ă©couter quoi ? Eh bien, ce qui traĂźne sur la planĂšte des mille bruits du monde, du brouhaha au chuchotis, du tintamarre Ă la confidence. Dâune Ă©charpe de cris, ramasser au moins lâĂ©charpe, la laine de ce qui est dit ! Câest cela que jâappelle lâĂ©coute intĂ©rieure, ce dĂ©sir de rendre plus intelligible un Ă©cho dont on nâa pas de prime abord les voix. Car il me faut ces voix lointaines pour Ă©crire. Elles me donnent la voie, la direction. Je ne sais pas de quoi elles parlent, mais elles parlent, Ă©crire consiste Ă se rapprocher dâelles dans le sillage de la rumeur que jâen perçois. Ces voix bientĂŽt mâapprendront leur histoire et pourquoi elles se rĂ©pondent. Au dĂ©but donc, je nâai pas de sujet, seulement un vague Ă©cho, ce murmure, le lait de ce murmure. Chaillou, 2007b 297-298 Reprises et allures Donc, quand je commence un livre, jâai lâĂ©cho, pas le sujet, je me promĂšne dedans et jâĂ©coute de toutes mes oreilles. Jâapprendrai par la suite ce qui sâest rĂ©ellement produit. Michel Chaillou, 2007 b 161. Traverser lâĆuvre de Michel Chaillou consisterait donc Ă tenter de montrer les gestes de reprise qui font rĂ©sonner entre elles les oralitĂ©s dâautres Ă©critures, dâautres lieux, dâautres Ă©poques entre autres, LâAstrĂ©e Le Sentiment gĂ©ographique, Montaigne Domestique chez Montaigne, Stevenson La Vindicte du sourd, Spinoza La vie privĂ©e du dĂ©sert, ou encore Barbey dâAurevilly Indigne Indigo et beaucoup dâautres, dans dâautres livres et dans ces mĂȘmes livres, parce que Chaillou dĂ©fait toutes les bornes de lâhistoire et des hiĂ©rarchies littĂ©raires. Par ailleurs, il faudrait inclure dans cette rĂ©flexion le travail Ă©ditorial de Chaillou chez Hatier avec sa collection, BrĂšves littĂ©rature », et dans cette collection le trĂšs significatif Petit guide pĂ©destre de la littĂ©rature française du XVIIe siĂšcle quâil a lui-mĂȘme composĂ©, sans compter, chez un autres Ă©diteur, La Petite Vertu au titre anachronique Ă rallonge qui montre toutefois que Chaillou considĂšre les arts du langage partout oĂč le langage sert Ă vivre[2] » Huit annĂ©es de prose courante sous la RĂ©gence ou la langue française telle quâon la pratiquait pour herboriser, guĂ©rir, disserter, voyager, cuisiner, chasser, jardiner, correspondre, etc⊠avec des observations curieuses sur les mĆurs et une table des matiĂšres nourrie de celles du temps 1980. Ce dernier ouvrage, anthologie commentĂ©e de proses courantes », câest-Ă -dire Ă la fois de proses de tous les jours ou de proses qui courent les rues. Il prĂ©cise Prose courante ? une phrase plus le poids de la main. Surtout pas de littĂ©rature, il y manquerait la cohue, le brouhaha du dĂ©cor, lâorganisation despotique de la table, la fleur des rideaux, le lit que Caumartin de Boissy adore Ă plumes, le craquement des chaises, il en possĂšde six, de canne autour dâun fauteuil de maroquin Ă roulettes, hĂ©ritage dâun grand cardinal. Chaillou, 1980 27 Dans ce livre dĂ©diĂ© Ă lâami Henri Meschonnic, Chaillou met la littĂ©rature sens dessus dessous comme il le fait dĂšs que sa phrase prend voix ou dĂšs que, si lâon prĂ©fĂšre, lâhypallage la dĂ©mange â voyez cette main qui court dans sa prose⊠Alors, comme sur une scĂšne de cabaret, les histoires parfois rĂ©duites Ă un mot ou une bribe, sâenfilent dans une volubilitĂ© quâici la liste fait tenir au rythme Ă©perdu dâun phrasĂ© de garçon de course. Dans Des Mots et des mondes, Henri Meschonnic commençait ainsi sa contribution Ă la collection de Chaillou, BrĂšves LittĂ©rature » titre Ă©nigmatique au demeurant, associant un pluriel et un singulier, une pluralitĂ© et une unicitĂ©, lâallusion Ă une temporalitĂ© de lâinstant et la rĂ©fĂ©rence Ă une temporalitĂ© de la longue durĂ©e⊠On cherche des mots, on trouve le discours. On cherche le discours, on trouve des mots. Les mots, les formes sont la grande rĂȘverie en piĂšces du langage indĂ©finiment divisĂ©, reconstituĂ©, pour comprendre le comprendre, avoir le sens du sens, et ne tenir que des nuĂ©es. Ainsi toutes les recherches, et les plus savantes, ne racontent jamais que le roman du langage, celui du continu Ă travers le discontinu, celui des demeures rĂȘvĂ©es en errant Ă travers les ruines. Meschonnic, 1991 9 Si ce premier paragraphe poursuit lâanthropologie historique du langage de Critique du rythme 1982, il est Ă©galement lâaccompagnement attentif â le livre est dĂ©diĂ© Ă lâami Michel Chaillou â des romans du directeur de la collection puisque câest bien ce roman du langage » qui les traverse sous la figure de lâerrance Ă travers des ruines ». Celles de lâenfance ainsi que la narratrice du Crime du beau temps le signale suite Ă la remarque de son oncle dont tout enfant a dĂ» se contenter face au mystĂšre de la vie ou dâun petit pan de vie auquel tout tient â et ce seraient ces pans qui portent tous les romans de Chaillou Un jour, je tâexpliquerai ! » Il ne mâa jamais expliquĂ©. A moi, vingt ans plus tard et Ă partir des documents disparates quâil mâa laissĂ©s, de dĂ©brouiller ce mystĂšre auquel mon enfance se trouve si subtilement mĂȘlĂ©e. Est-ce sur elle que jâenquĂȘte ou sur le dĂ©cĂšs subit dâun pĂȘcheur de congre ? Lâenfance est-elle ce poisson vorace au bout dâune ligne quâon ne parvient plus jamais Ă repĂȘcher ? Chaillou, 2010 143 La reprise serait alors non seulement la rĂ©pĂ©tition mais la couture. Arrangement syntagmatique de morceaux â aussi bien morceaux choisis de la vie que de la littĂ©rature, mais il faudrait aussi entendre morceaux trouvĂ©s â que le phrasĂ© dans et par son allure, son rythme, sa prosodie, son mouvement relationnel, fait tenir ensemble, du moins fait vivre dans le continu dâun ressouvenir en avant » Kierkegaard, 1993 694. Et de couture, tous ses personnages en ont besoin pour associer dans un mĂȘme phrasĂ© la lumiĂšre et lâombre comme les deux cĂŽtĂ©s de la presquâĂźle de Quiberon Nâai-je pas moi aussi un cĂŽtĂ© baie et un autre furieux », Chaillou, 2013 158 ce sont Marie-Noire et Marie-Blanche dans VirginitĂ© sans compter cette autre Marie Logeais de CalĂ©donie⊠Autant de dĂ©doublements ou plutĂŽt de doublures qui ne cessent dâaugmenter les incertitudes du sens, les rĂ©sonances des Ă©chos. Dans ce mĂȘme roman vendĂ©en qui au tournant des XIXe et XXe rĂ©pĂšte le tournant prĂ©cĂ©dent et sa RĂ©volution mais aussi fait la rĂ©pĂ©tition du suivant dans son incertitude romancĂ©e, la scĂšne finale est hallucinante promenade pieds nus » dans la peinture de Madame Elise et dans la mer qui sâĂ©nonce sur le sable ». Cette mise en abyme est une couture Ma façon de me rassemblerâ, comme dirait Jeanne Berthe », Ă©crit la narratrice Chaillou, 2007a 327. RĂȘveries et songeries si cela se nomme sommeil cette permanente impression en lisant dâouĂŻr des paysages Michel Chaillou, 1976 12 Un principe dĂ©mocratique travaille chaque phrase dans lâĆuvre de Chaillou. Ne serait-ce que lâĂ©galitĂ© posĂ©e des enfants et des adultes, voire leur supĂ©rioritĂ© sâagissant de lâĂ©lucidation de quelques mystĂšres de la vie La ClĂ©mence de mes dix ans savait ce que je ne sais plus quand câĂ©tait la buĂ©e qui Ă©crivait ses fables sur le carreau et aussi trĂšs bien quand ce nâĂ©tait pas elle ! 2010 131 Et quand le raconteur dâIndigne Indigo sâadresse Ă son auditeur, le narrateur donc Ă son lecteur puisquâil sâagit dâun cahier » enfoui au fond dâun tiroir 2000 315, il ouvre une rĂ©flexion que chaque livre ne cesse de travailler Vous lâavez remarquĂ©, jâuse dâun parler Ă moi. Mais tout homme a le droit dâen avoir un. AprĂšs tout, chacun habite les mots Ă sa façon ? Et la mienne, vous semblez vous y habituer, puisque vous ĂȘtes encore lĂ . Ne me taxez pas trop vite dâimpudence. La page qui nous sĂ©pare, aprĂšs tout, câest notre vitre commune. 2000 154 Cette vitre commune » concrĂ©tisĂ©e par la page » dâĂ©criture constituerait la condition anthropologique du langage, cet Ă©change de parlers adressĂ©e, une parole Ă©coutĂ©e, poursuivie donc, est une parole partagĂ©e parce que commune », dans et par sa spĂ©cificitĂ© mĂȘme. LâĂ©tonnement est frĂ©quent face Ă ce qui ressemble souvent Ă un miracle, du moins suscite lâinterrogation Quâai-je bĂ©gayĂ© ? le souvenir mâombrage encore dâune espĂšce de causerie par moments fredonnĂ©e Ă deux sous un orme » 1976 185. Cette causerie constitue Ă proprement parler le rĂ©gime romanesque de Chaillou avec ses deux moteurs qui sont comme les deux faces dâune mĂȘme piĂšce, les deux protagonistes dâune mĂȘme théùtralitĂ© A me lire, Ă©couter, on sâaveuglerait sans cesse des cendres de ce qui vient dâĂȘtre dit, vĂ©cu », Ă©crit significativement Chaillou 2000 53 lâapposition pose lâĂ©quivalence de la lecture et de lâĂ©coute, de lâĂ©criture et de la voix adressĂ©e. Je lâai dĂ©jĂ suggĂ©rĂ©, une Ă©criture de la reprise permet de faire entendre les voix, trop souvent devenues inaudibles dans et par la tradition scolaire voire acadĂ©mique, dâune littĂ©rature française dĂ©vocalisĂ©e », du moins rendue sourde aux voix basses » qui constituent peut-ĂȘtre son fond le plus nĂ©cessaire. Ce palimpseste vocal du romanesque de Chaillou ne serait pas seulement lâaffirmation dâune pluralitĂ© vocale mais Ă©galement la tentative de penser la force vocale au principe de bien des expĂ©riences littĂ©raires, en Ă©criture comme en lecture, et peut-ĂȘtre en deçà de toute expĂ©rience langagiĂšre ainsi que Chaillou lâĂ©voque lui-mĂȘme avec lâendormissement enfantin Partant du proverbe qui invite Ă compter les moutons pour sâendormir, jâai voulu crĂ©er une phrase hallucinogĂšne, hypnotique[3] ». Le Sentiment gĂ©ographique est effectivement la premiĂšre dĂ©monstration en actes dâun romanesque hypnagogique dans et pour lequel Chaillou, depuis lors, nous a plongĂ©s. Ce quâil Ă©crit de lâAstrĂ©e, il ne cesse de le performer dans son romanesque il y a un tournoiement du sens, comme si la rĂȘverie planante depuis des pages allait enfin se poser dans un dernier vertige des notions au cĆur bruissant dâun lieu, repĂ©rable sur une carte, et pourtant visitable quâen songe, lâAstrĂ©e dâune main, le Forez manquant sous les pieds, il y a un tournoiement des sites, des plaines dont la tĂȘte tourne, dĂ©crivant une ellipse, le cĆur bat, du battement ralenti des clochers sonnant les heures, les Ă©poques, il y a des villages qui nous rassemblent, nous ressemblent Chaillou, 1976 151-152 Rassembler par la ressemblance et ressembler par le rassemblement constituent la paronomase du roman et du rimant se mirant dans les Ă©chos dâune phrase qui devient le chemin » 170. Comme dit un des personnages de son Montaigne Je parle, je parle, câest lâaffirmation du territoire » 1982 271. Un tel territoire vocal nâest jamais la dĂ©limitation dâune propriĂ©tĂ© mais le domaine de rĂ©sonance dâune relation. Celle-ci demande dâavoir lieu. Quel que soit le statut des textes Ă©ditĂ©s dont quelques-uns en Ă©dition jeunesse, lâexpĂ©rience littĂ©raire de Michel Chaillou associe lecture et Ă©criture dans une relation forte, ne serait-ce que parce quâelle est entiĂšrement traversĂ©e par ce que Chaillou appelle lâĂ©coute intĂ©rieure » La notion essentielle reste en effet pour moi la lecture, Ă©crire nâĂ©tant Ă mes yeux quâune autre maniĂšre de lire, mais lire un livre qui nâexiste pas encore, comme je lâaffirme souvent. Il me reste donc Ă tenter avec un seul de ses livres une telle lecture parce que seul son essai peut attester que la relation, et donc la voix, a trouvĂ© sa gĂ©ographie. Vindicte du romanesque avoir lieu Il y a dâailleurs chez moi une angoisse originelle qui fait que lâacte dâĂ©crire est presque un acte criminel. Comme si chaque Ă©lĂ©ment Ă©tait un pĂątĂ© dâencre, une tache, et que jâallais de mot en mot, de tache en tache pour arriver Ă trouver la clartĂ©, la clartĂ© d emon esprit qui mâĂ©chappe toujours. Je suis plutĂŽt Michel lâobscur. Michel Chaillou, 2007b 115 Dans La Vindicte du sourd 2000, lâĂ©criture de Michel Chaillou est toujours une pensĂ©e de lâĂ©criture dans son emportement mĂȘme et donc dans lâinconnu de sa relation. Câest un mouvement pensif qui va et, dans ses entrelacs, son lecteur avec. Cette Ă©criture halĂšte dans notre lecture, nous emmĂȘlant au souffle essoufflĂ© de sa voix qui ne cesse dâaugmenter les voies de lâaventure, cette force irrĂ©pressible mue par on ne sait quel principe dâentraĂźnement Je pris peur, partis en courant. Les vagues se chevauchaient, criniĂšres emmĂȘlĂ©es, galop dâĂ©cume nous entraĂźnant vers quel abĂźme ? » 15. Ce roman dâaventure est dâabord lâaventure du romanesque longue hĂ©sitation ou plutĂŽt hĂ©sitation prolongĂ©e entre lâĂ©coute du rĂȘve et le rĂȘve de lâĂ©coute. Celle de son narrateur â mais il faudrait plutĂŽt parler dâune voix qui cherche son histoire Câest vrai que jâaperçois des trucs lĂ oĂč les autres ne voient rien. NâempĂȘche cette fois-ci⊠» 16. Le romanesque avec Chaillou nâest pas de lâordre du voir mais de lâentrevoir, dâun entrevoir qui cherche son suspens dans le passage de voix. Passage, disons lecture dans et par lâĂ©criture, qui ressemble fort Ă la maladie qui atteint le curĂ© Plessis du roman, narcolepsie ou, comme dit le Petit Larousse, tendance irrĂ©sistible au sommeil, se manifestant par accĂšs », avec ce qui traverse le sommeil rĂȘves et cauchemars, rĂ©miniscences et songes⊠Le romanesque est dâabord la perte dâune syntagmatique temporelle engrenĂ©e aux mĂ©canismes horlogers Quelques jours plus tard, Ă moins que ce soit avant ? Dans ma tĂȘte dâaujourdâhui, ça se mĂ©lange » 23, dit le narrateur. Ce dernier ne cesse de perdre ses repĂšres pour mieux nous tenir dans sa voix chuchotĂ©e avec effets de brumes Donc une fin dâaprĂšs-midi, semble-t-il, ou un mercredi matin ? De toute façon la mĂȘme lueur grise se balançait sur Beg Rohu depuis une semaine » 24. La remĂ©moration est du romanesque, au sens oĂč ce dernier en est fait de part en part et oĂč le ressouvenir est toujours en avant â telle Ă©tait la dĂ©finition de la reprise pour Kierkegaard 1993 694, câest-Ă -dire quâil est toujours du prĂ©sent en train de se dĂ©couvrir Aujourdâhui que je suis ressorti indemne de cette aventure, du moins en apparence car, pour lâintĂ©rieur, des choses se brisĂšrent Ă jamais qui Ă©taient pourtant marquĂ©es fragiles, comme ces colis quâon envoie par la poste, aujourdâhui je mâaperçois que la vĂ©ritĂ© se tenait peut-ĂȘtre de lâautre cĂŽtĂ© dâune mince cloison. 29 Ces deux aujourdâhui », comme reprise du phrasĂ©, constituent le bĂ©gaiement du romanesque qui fait relation le prĂ©sent du passĂ© est plus un passĂ© du prĂ©sent, et le continu lâemporte toujours sur le discontinu, parce que la vĂ©ritĂ© nâest jamais bonne une fois pour toutes mais se rejoue Ă chaque fois toute entiĂšre, exactement comme dit le narrateur lâaprĂšs-midi, je lus, et le dimanche sâĂ©coula ainsi, entre phrases et averses » 47. Cette Ă©criture est dâabord une lecture qui se reprend jusquâĂ organiser sa vengeance La Vindicte du sourd fait la reprise de LâĂle au TrĂ©sor ne serait-ce quâavec le prĂ©nom stevensonien du pĂšre du narrateur, Robert-Louis, lequel passe Ă la question, aux questions que le monologue du narrateur ne cesse dâentretenir, de tenir Ă vif dans la lecture-Ă©criture, de partager avec son auditeur dans cette caisse de rĂ©sonance du romanesque, ce monologue constamment au rĂ©gime dialogique Mon pĂšre Ă©tait-il un forban ? Je voyais son bon visage, comment lâimaginer charbonneux, un couteau entre les dents ? » 71. Le romanesque est un dĂ©fi au rĂ©alisme, câest-Ă -dire Ă tout ce qui empĂȘche de voir le monde Ă hauteur dâenfance Je me dis, je me disais beaucoup de choses. JâĂ©tais dĂ©sespĂ©rĂ©. Les adultes mentent. Je rĂ©sistais pour ne plus grandir » 76. Mais plus on lit, plus lâĂ©criture grandit et le romanesque est cette relation paradoxale oĂč le mensonge ne sâoppose plus Ă la vĂ©ritĂ© et oĂč la vĂ©ritĂ© sâaugmente du mensonge. Le romanesque fait perdre connaissance pour mieux connaĂźtre le continu des lectures et des faits rĂ©els alors mĂȘme quâon dĂ©lire 85 La vie est un livre , se rengorgea Emily » 86. Aussi tout lâorgueil du romanesque consiste Ă accumuler les presque » dans une adresse endophasique gĂ©nĂ©ralisĂ©e tu as Ă©tĂ© presque enterrĂ©, tu habites une presquâĂźle, tes amis sont presque ennemis, lâarchipel des Kerguelen est presque la Bretagne. Tout est presque, personne nâapparaĂźt entiĂšrement faux, complĂštement vrai » 89. Le romanesque ou lâart du presque qui touche au plus juste parce quâil fait sa part Ă la relation de lâinconnu je redoutais de dĂ©terrer son visage au fond de lâhistoire que jâexhumais » 94. Certes le narrateur cherche son pĂšre, mais câest son approche qui lui fait peur avec tout ce quâelle peut dĂ©faire de certitudes et tout ce quâelle peut engager dâincertitude le romanesque est le dĂ©sir dâaugmenter la vie, la relation. Aussi la lecture-Ă©criture est-elle toujours un mouvement vindicatif pour retrouver une ancienne Ă©coute ou pour en inventer une nouvelle, celle dâune surditĂ© qui entend ce quâon nâentend pas Je me revois me faufilant comme un voleur, moi qui allais, Ă douze ans, ĂȘtre volĂ© de la chose la plus chĂšre, une enfance naĂŻve » 66. La lecture nâest-elle pas cette perte toujours retrouvĂ©e de la naĂŻvetĂ©, dâune naĂŻvetĂ© dont il faut Ă©galement douter JâĂ©tais Ă la fois distrait et attentif, submergĂ© quoique flottant » 69. Et toujours la lecture-Ă©criture engage une complication, jamais une simplification, jamais un schĂ©ma narratif Lâaventure se compliquait Ă lâimage du sentier que je suivais » 71. Le romanesque est bien un retour, non sur soi mais sur la relation Je me retournai. Le chemin Ă©tait mon seul interlocuteur, sablonneux, Ă©lastique. Telles une laniĂšre, il entortillait les dunes » 97. De raccourcis » en passages Ă haut risque » ibid., la relation par porositĂ© sĂ©mantique et prosodique peut sâapprocher du temps oĂč les bĂȘtes parlaient â câest alors la proximitĂ© du romanesque avec le ton biblique oĂč le cosmique et lâhumain sâentretiennent Chad Delafosse disparaĂźt, il devient le fils de la branche quâil touche, de lâabeille qui bourdonne. / Je sautais dâune pierre Ă lâautre » 100. Le hĂ©ros devient-il une non-personne â au sens de Benveniste, un il en lieu et place dâun je-tu ? JâĂ©tais vraiment devenu un soupçon dâair, on mâeĂ»t effacĂ© avec la buĂ©e dâune vitre quand je parvins au port » 102. La dĂ©personnalisation serait le passage obligĂ©, et bien sĂ»r Ă haut risque, dâune subjectivation, celle dâun passage de voix Alors sâengagea une conversation pas ordinaire. Les vagues de huit annĂ©es la recouvrent mais jâentends encore la voix Ă©corchĂ©e, un visage se penche dans mes nuits sans sommeil, des pieds nus courent la lande de mon chagrin » 108. Le romanesque, avec Chaillou, est la poursuite infinie dâune conversation, si lâon y entend toujours plus quâune transmission dâinformations et si lâon y entend un appel, une quĂȘte de relation Il suivait sur mon visage le cheminement de son propos. Que je restasse perplexe, ses doigts relayaient aussitĂŽt sa parole. Il eut marchĂ© sur les mains pour se faire comprendre » 111. Le romanesque de la lecture-Ă©criture peut certainement poser une relation dissymĂ©trique JâĂ©tais devenu le petit muet de ce grand sourd », 120, mais lâĂ©galitĂ© relationnelle est pourtant Ă son principe. Dâun sourd Ă un aveugle, tout le corps sây risque jusquâau secret le plus enfoui Il agita les doigts en dĂ©signant sa bouche. Il nâavait encore rien divulguĂ©. Cette histoire qui accourait de vingt mille kilomĂštres avec la force dâune nuĂ©e meurtriĂšre mâassombrissait. Jâaspirais Ă soulever le voile et jâavais peur quâil ne mâentortille de ses plis, mâĂ©touffe » 112. Jusque dans ses monologues oĂč la voix rĂ©sonne toujours avec dâautres voix, le dialogisme du romanesque engage une sombre agonistique plus quâune pacification Ă©clairante, Ă la maniĂšre de la lutte de Jacob avec lâange Il discourait toujours aux prises avec son rĂȘve. Les gestes quâil esquissait pour agrandir sa parole donnaient lâimpression dâune lutte. Il ne racontait pas vraiment, il combattait » 116. Un tel combat prend forcĂ©ment une dimension dĂ©mesurĂ©e Le miroir du vestibule me renvoya lâimage dâun pauvre gamin aux prises avec une aventure pas Ă sa taille, trop grande pour lui » 138. Le romanesque nâest pas de lâordre du prĂȘt-Ă -porter et la dĂ©mesure devient sa condition, tout simplement parce que sa relation est celle dâune Ă©coute intĂ©rieure Je marchais comme un sourd, attentif seulement Ă mes voix intĂ©rieures » 152. LâintĂ©rioritĂ© ne peut se borner Ă une intĂ©rioritĂ© rabougrie close sur lâindividu ; elle prend les dimensions du cosmos et pour le moins de la nature les arbres articulaient une histoire de feuillage, dâĂ©corce » 158. Son extension est infinie, y compris temporellement En suis-je sorti ? Huit annĂ©es passĂšrent, jâhabite Locmaria et ce satanĂ© mercredi, proche du dĂ©nouement, mâĂ©clabousse encore de ses anxiĂ©tĂ©s » 159. Bien loin de tout schĂ©ma narratif ou de toute tĂ©lĂ©ologie narrative, le romanesque est la rĂ©pĂ©tition infinie de ce chantonnement Lâaventure est morte et je brĂ»le toujours » 159. Sans fin, sa lecture-Ă©criture est toujours une approche, un dĂ©sir maintenu vif. Aussi la chute de La Vindicte du sourd est-elle la relation dâun abandon de lâenfance naĂŻve qui croit aux histoires tremblantes racontĂ©es par un vulgaire escroc » 175, non pour une quelconque vĂ©ritĂ© narrative qui oublierait les dĂ©dales de lâaventure » 181 mais pour ne plus se laisser prendre par le premier rĂ©seau de raccourcis » 182 venu. Et surtout pas par lâadage dâune comprĂ©hension future Tu saisiras quand tu seras grand ». Parce que grand », on lâest quand ? A trente ans, cinquante ? » 186. Le romanesque, avec Chaillou, rĂ©pond quâon est seulement saisi Le relief de cet archipel tatoua Ă jamais mon esprit. La vindicte du sourd serait-ce quâon ne sache pas exactement Ă quoi attribuer son retour ? Un jour, jâen suis sĂ»r, Gravesin mâattendra Ă lâanse du Port-Blanc, son Ă©quipage reconstituĂ©, la voilure claquant neuve, lâhistoire alors nâaura plus besoin de mots, je la comprendrai par gestes, et lâElisabeth-Jane bondira, Ă©lastique dans la force du vent. 186 Ainsi la force du romanesque est-elle un appel qui continue la lecture-Ă©criture tatouage indĂ©lĂ©bile qui invente un langage Ă la hauteur dâune vie rĂȘvĂ©e, dâun vaisseau toujours en partance. *** LâĆuvre de Chaillou contribuerait exemplairement Ă dĂ©faire certaines catĂ©gories traditionnellement organisatrices de la littĂ©rature française, ne serait-ce que celles de populaire » et de savante » dont on connaĂźt la porositĂ© mais qui ne cessent dâĂȘtre essentialisĂ©es Ă des fins politico-idĂ©ologiques voir De Certeau, 1980 et Passeron, Grignon, 1989. En Ćuvrant Ă un phrasĂ© inimitable, son racontage » relĂšverait du rĂȘve et de ses fulgurances, mais paradoxalement Chaillou apparaĂźtrait Ă contre-Ă©poque dans une Ă©criture pleine de voix et donc dâoralitĂ©s pour augmenter ce quâil appelle lâĂ©coute intĂ©rieure » qui ne serait peut-ĂȘtre rien dâautre que celle de lâautre voix de la littĂ©rature Ă©crite », ce romanesque des voix trop souvent inaudible dans les modes de lecture dominants voire dans nos enseignements littĂ©raires. Aussi, pourrait-on avancer quâavec Chaillou cette autre voix » engage Ă©galement une autre histoire de la langue, de la littĂ©rature et donc un autre enseignement qui sâattacherait enfin Ă Ă©couter, Ă se raconter, Ă devenir ce qui va ĂȘtre mais qui nâest pas encore ». Alors pourrait se mesurer la force des oralitĂ©s de lâĂ©criture tant littĂ©rairement que didactiquement, câest-Ă -dire anthropologiquement, pour que les voix trouvent aussi politiquement et Ă©thiquement leurs vies imaginaires. Une Ćuvre comme celle de Michel Chaillou nous aiderait Ă en augmenter lâĂ©coute. Bibliographie Ćuvres de Michel Chaillou le lieu dâĂ©dition est toujours Paris Jonathamour, Gallimard, 1968. CollĂšge Vaserman, Gallimard, 1970. Le Sentiment gĂ©ographique, Gallimard, 1976. La Petite Vertu huit annĂ©es de prose courante sous la RĂ©gence, Balland, 1980. Domestique chez Montaigne, Gallimard, 1982 repris dans la collection Lâimaginaire » en 2010. La Vindicte du sourd, Gallimard, coll. âFolio Juniorâ 1984. Le RĂȘve de Saxe, roman, Ramsay 1986. La Croyance des voleurs, Seuil, 1989. Petit Guide de la littĂ©rature française au XVIIe siĂšcle 1600-1660, Hatier 1990. La Rue du capitaine Olchanski roman russe, Gallimard, 1991. MĂ©moires de Melle, Le Seuil, 1993. La Vie privĂ©e du dĂ©sert roman, Le Seuil, 1995. Le ciel touche Ă peine terre roman, Le Seuil, 1997. Les Habits du fantĂŽme, Le Seuil, 1999. La France fugitive, Fayard 1998. Indigne indigo roman, Le Seuil, 2000. Le Matamore Ă©bouriffĂ© roman, Fayard, 2002. 1945 rĂ©cit, Le Seuil, 2004. La Preuve par le chien roman, Fayard, 2005. VirginitĂ© roman, Fayard, 2007 a. LâĂcoute intĂ©rieure, neuf entretiens sur la littĂ©rature avec Jean VĂ©drines, Fayard 2007 b. Le Dernier des Romains roman, Fayard, 2009. Le Crime du beau temps, Gallimard, 2010. La Fuite en Ăgypte, Fayard, 2011. Ăloge du dĂ©modĂ©, La DiffĂ©rence, 2012. LâHypothĂšse de lâombre, Gallimard, 2013. Ćuvres critiques Barthes R., LâObvie et lâobtus. Essais critiques III, Paris, Seuil, Points / essais », 1992. Beckett S., Cap au pire 1983, trad. Paris, Minuit, 1991. Benjamin W., Le Narrateur », Ecrits français, Paris, Gallimard, 2000. Bailly C., Le Langage et la vie 1913, GenĂšve, Droz, 1990. Benveniste E., ProblĂšmes de linguistique gĂ©nĂ©rale, tome 2, Paris, Gallimard, 1974. Bon F., Michel Chaillou, digression majeure » recension de Le dernier des Romains, Fayard, 2009, LâactualitĂ© Poitou-Charentes, n° 84, 1er mai 2009, p. 15-15. Certeau M. de, LâInvention du quotidien, Arts de faire, Paris, Gallimard, 1980. Le Français aujourdâhui n° 150 OralitĂ© de lâĂ©criture », septembre 2005, en ligne Didi-Huberman G., Essayer voir, Paris, Minuit, 2014. Passeron et Grignon Cl., Le Savant et le Populaire. MisĂ©rabilisme et populisme en sociologie et en littĂ©rature, Paris, Seuil,â 1989. Kierkegaard S., La Reprise, dans Ou bien⊠ou bien. La Reprise. Stades sur le chemin de la vie. La maladie Ă la mort, Paris, Robert Laffont, Bouquins », 1993. Schwob M., Vies imaginaires, prĂ©sentation et notes de Jean-Pierre Bertrand et GĂ©rald Purnelle, coll. GF », Paris, Flammarion, 2004. Richard Une gĂ©ographie du trouble » dans LâEtat des choses, Ă©tudes sur huit Ă©crivains dâaujourdâhui, Paris, Gallimard, nrf essais, 1990, p. 171-198. Strenae n° 5 Les fables de la voix en littĂ©rature enfantine. ActualitĂ©s du Narrateur » de Walter Benjamin », septembre 2013, en ligne [1] Autour de cette notion, je me permets de renvoyer Ă la revue en ligne Strenae autour du fameux texte de Walter Benjamin, Le Raconteur 2014 [2] Emile Benveniste dĂ©clarait aux sociĂ©tĂ©s de philosophie de langue française, Ă GenĂšve en 1966, que bien avant de servir Ă communiquer, le langage sert Ă vivre » Benveniste, 217 et il soulignait le verbe reprenant, en le dĂ©plaçant fortement, un titre de Charles Bailly 1990 qui avait titrĂ© Le langage et la vie 1913. Louis Calaferte, Turin, 1928 â Dijon, 1994 Il y a dĂ©jĂ vingt ans que Louis Calaferte nous a quittĂ©s et nombreux parmi ceux qui lâont connu sont encore de ce monde. Famille, amis, Ă©diteurs, Ă©crivains et critiques sont lĂ autour de nous et ce qui nous unit Ă cet auteur nâest pas seulement une Ćuvre pour toujours livrĂ©e Ă la recherche mais une prĂ©sence rĂ©clamant notre mĂ©moire Ă travers des expĂ©riences et des souvenirs souvent passionnĂ©s. Vingt ans durant lesquels, Homme et Vivant », ce magicien des lettres, pour qui lâĂ©criture est une attitude existentielle et non un mĂ©tier ou une posture, continue dâinsuffler un surcroĂźt de vie Ă ceux qui prennent la peine de le lire. Vingt ans durant lesquels, il nâa cessĂ© de nous aider Ă fustiger les dominantes de notre Ă©poque faites de bruit, de vitesse, de violence et de vulgaritĂ©. En refusant le langage de la tribu, il Ă©tait au plus prĂšs de la poĂ©sie, câest-Ă -dire le plus opposĂ© Ă la terreur du monde. Djamel Meskache Mercredi 15 octobre 2014 17 heures â Vernissage de lâexposition 1979-1994 les annĂ©es bourguignonnes » Exposition conçue par GUY DELORME et MAXIME SLAMA â BibliothĂšque Universitaire de Dijon 2 Boulevard Gabriel â Dijon 20 heures âThéùtre Mo » de Louis Calaferte Jeudi 16 octobre 2014 Colloque sur 2 jours, les 16 et 17 octobre 2014 â Salle de lâAcadĂ©mie 5, rue de lâĂcole de Droit â Dijon Jeudi 16 octobre 2014 9h Accueil des participants 9h45 Ouverture du colloque par DJAMEL MESKACHE Colloque Ie et IIe session ModĂ©rateur DJAMEL MESKACHE 10h DOMINIQUE CARLAT U. Lyon 2 Prose-poĂ©sie limites non frontiĂšres chez Louis Calaferte » 10h30 BRIGITTE DENKER-BERCOFF U. de Bourgogne Jeux dangereux ; je de poĂšte » 10h30 discussion 10h45 pause ModĂ©rateur MICHEL COLLOT 11h PASCAL COMMĂRE Ă©crivain Une expĂ©rience poĂ©tique de Louis Calaferte lâexemple dâ Ouroboros » 11h30 HERVĂ BISMUTH Bourgogne La notion de baroque » 12h discussion ModĂ©rateur JACQUES POIRIER 14h30 GUILLAUME BRIDET U. de Bourgogne Utopie de La MĂ©canique des femmes ? » 16h SĂBASTIEN HUBIER U. de Reims âJe voudrais que tes yeux soient des choses qui me touchent la peauâ Calaferte et la tradition europĂ©enne du roman Ă©rotique » 16h15 Discussion 16h30 MICHEL COLLOT U. Paris 3 Lyrismes de Louis Calaferte » 17 h. discussion] 18 heures â Vernissage de lâexposition LâĂ©vangile mĂ©tropolitain » Un projet Ă©ditorial des ĂDITIONS TARABUSTE et une lecture dâOuroboros par DENIS GUIPONT Compagnie du Grand Théùtre. La Nef 1, Place du Théùtre â Dijon Vendredi 17 octobre 2014 9 heures â Colloque IIIe session Autour de Louis Calaferte » ModĂ©rateur GUILLAUME BRIDET 10 h. SERGE MARTIN U. Paris 3 âSussurer des bricoles, palabruler sous les lunesâŠâ Calaferte en poĂšte du racontage » 10 h. 30 CHRISTIAN PETR U. Avignon Quand les bergĂšres deviendront reines sur Le Roi Victor » 11 h. ANDRĂ NOT U. dâAix-Marseille Les notions de terreur et de sacrĂ© » discussion 12 h30 â Vernissage de lâexposition Louis Calaferte, 1928-1994 â Regain objets, collages et autres dessins » Exposition conçue par TATIANA LEVY et DJAMEL MESKACHE Conseil rĂ©gional de Bourgogne 17 bd. de La TrĂ©mouille â Dijon Colloque IVe session Autour de Louis Calaferte » ModĂ©ratrice BRIGITTE DENKER-BERCOFF 14h30 BRUNO CURATOLO U. de Franche-ComtĂ© Faune et flore dans Les Sables du temps » 15h FABRICE HUMBERT Calaferte renaĂźtre » 15h30 JACQUES POIRIER U. de Bourgogne Les Carnets de Louis Calaferte portrait de lâauteur en âanarchiste chrĂ©tienâ » 16h discussion 16h45 Conclusion du colloque par DJAMEL MESKACHE] Samedi 18 octobre 2014 Excursion Ă Blaisy-Bas Sur les pas de Louis Calaferte » 10 heures â Visite de SCarabee, Centre de ressource et de recherche 12 heures â Repas Ă lâOrĂ©e des charmes » Biographie de Louis Calaferte Câest avec moi-mĂȘme que jâai envie de mâentretenir », Le jardin fermĂ© Carnets XVI â 1994 Louis Calaferte Louis Calaferte, Ă©crivain français, est nĂ© le 14 juillet 1928 Ă Turin, oĂč son pĂšre, Ugo, immigrĂ© italien, contremaĂźtre maçon Ă Lyon, a souhaitĂ© quâil voit le jour. Sa mĂšre, Marguerite, française, fait des travaux de couture Ă domicile puis, faisant face Ă lâadversitĂ©, crĂ©e une petite entreprise de confection, tabliers et vĂȘtements dâenfants, quâelle ira vendre sur les marchĂ©s forains, afin de subvenir aux besoins de la fa- mille et dâassurer les soins, fort coĂ»teux, nĂ©cessaires Ă son mari, atteint de tuberculose. Louis Calaferte a 12 ans au dĂ©cĂšs de son pĂšre. La France est occupĂ©e â Ă©poque troublĂ©e, dont il livrera le rĂ©cit quelques mois avant sa mort Câest la guerre, Gallimard, 1993. Ă peine un an plus tard, son cer- tificat dâĂ©tudes obtenu, il est garçon de courses dans une entreprise textile, puis manoeuvre dans une usine de piles Ă©lectriques. Les conditions de travail y sont trĂšs dures, cependant il dĂ©couvre lâart drama- tique et la lecture, par lâintermĂ©diaire de retransmissions radiophoniques hebdomadaires et de fascicules de âLa Petite Illustrationâ prĂȘtĂ©s par un contremaĂźtre, fĂ©ru de théùtre. Sa dĂ©cision est prise Il sera Ă©crivain. Il nâa plus dĂ©sormais quâun dĂ©sir Ăcrire pour le théùtre â et jouer la comĂ©die. Il quitte lâusine, entre transitoirement comme apprenti dessinateur dans un cabinet de soieries et en janvier 1947, abandonne Lyon pour tenter sa chance Ă Paris. Il ne connaĂźt personne, nâa aucune ressource et survit malgrĂ© de grandes difficultĂ©s matĂ©rielles DĂ©buts Ă Paris, in Km 500, Tarabuste, 2005, faisant le sordide apprentissage de la misĂšre dans une effrayante solitude morale. Il commence nĂ©anmoins dâĂ©crire piĂšces et nouvelles. Le comĂ©dien Guy Rapp, auquel il se prĂ©sente pour une audition, prend connaissance dâune de ses nouvelles, âLe DĂ©serteurâ, dĂ©cĂšle ses dons de dialoguiste, et lui propose dâĂ©crire une piĂšce en trois actes quâil mettra en scĂšne si elle est rĂ©ussie. La piĂšce Ă©crite en quelques semaines sera prĂ©sentĂ©e Ă Chartres et Ă Angers 1949 oĂč elle est bien accueillie par la presse. Ă Paris, ce texte mĂ©lodramatique dĂ©truit plus tard par lâauteur, auquel est adjointe une piĂšce en un acte, Babel, nâa aucun succĂšs. Le rĂ©alisme des mots et le thĂšme de Babel, qui traite Ă rebours de la violence du rĂ©gime nazi, sont Ă lâĂ©poque absolument irre- cevables, mais la qualitĂ© des dialogues est nĂ©anmoins saluĂ©e par la critique. En 1951, Louis Calaferte achĂšve son premier livre dont il soumet le manuscrit Ă Joseph Kessel, qui sâenthousiasme, le fait dactylographier, lâaide Ă en retravailler la construction et le prĂ©sente lui-mĂȘme Ă RenĂ© Julliard Requiem des innocents, Julliard, 1952. Parution bientĂŽt suivie dâun second ouvrage Partage des vivants, Julliard, 1953 qui obtient la Bourse del Duca, vĂ©ritable consĂ©cration pour ce trĂšs jeune Ă©cri- vain. Le livre, retenu pour le Prix FĂ©mina, dĂ©clenchera une vĂ©ritable bataille entre membres du jury. AprĂšs treize tours de scrutin, le prix ne lui est pas attribuĂ©. Les journalistes, déçus, lui dĂ©cernent, Ă cette seule occasion, le âPrix Hominaâ. Cette gloire naissante, assortie de la vie mondaine et parisienne des milieux littĂ©raires, nâest pas celle que Louis Calaferte ambitionne. En 1956, il sâinstalle Ă Mornant, village des Monts du Lyonnais, avec Guillemette, rencontrĂ©e six ans plus tĂŽt Ă Paris. Dans cette retraite â il y demeurera jusquâen 1969 â tout en menant parallĂšlement, pour assurer son existence, une activitĂ© de producteuranimateur radiopho- nique station de Lyon, il consacre quatre annĂ©es Ă lâĂ©criture de Septentrion, une fresque largement autobiographique, qui retrace son expĂ©rience passĂ©e tout en esquissant les perspectives de ses options intellectuelles et spirituelles. La brutale disparition de RenĂ© Julliard, prĂȘt Ă dĂ©fendre le livre, et la perspective certaine de son interdiction Ă la vente pour pornographie, entraĂźnent sa publication sur seule souscription Septentrion, Cercle du Livre prĂ©cieux, Tchou, 1963. Lâouvrage ne reparaĂźtra que 21 ans plus tard, Ă lâinstigation de GĂ©rard Bourgadier, alors directeur des Ă©ditions DenoĂ«l. Cinq annĂ©es de silence, sans pour autant cesser dâĂ©crire No manâs land, Lettres Nouvelles, Julliard, 1963. Louis Calaferte peint et crĂ©e des âobjets poĂ©tiquesâ. En 1968, il signe un contrat avec les Ă©ditions DenoĂ«l et publie consĂ©cutivement deux nouveaux volumes Satori et Rosa mystica. DĂšs lors, son travail sera partagĂ©, dans un juste Ă©quilibre, entre Ă©criture et expression plastique. Si, par ailleurs, Louis Calaferte sâest essayĂ© trĂšs jeune au théùtre â sa premiĂšre piĂšce est jouĂ©e quand il nâa que vingt ans â il amorce dans le mĂȘme temps, son oeuvre théùtrale Clotilde du Nord, Théùtre de la ComĂ©die, Paris, 1955 ; MĂ©gaphonie, Les Mandibules, Mo, Stock, coll. Théùtre Ouvert, dirigĂ©e par Lucien Attoun, 1976. Le public le dĂ©couvre en 1972, avec Chez les Titch, mise en scĂšne par Jean-Pierre Miquel et interprĂ©tĂ©e par les comĂ©diens français au Petit-OdĂ©on. Puis, en 1976, avec Les Miettes qui obtient le Prix Ibsen. Sylvie Favre, comĂ©dienne, et Victor Viala, Ă la mise en scĂšne, travaillent ensemble sur les piĂšces intimistes et baroques Un Riche, Trois Pauvres ; LâAquarium ; âŠ. La somme poĂ©tique inspirĂ©e que reprĂ©sente OpĂ©ra Bleu Théùtre du Lucernaire, Paris, 1993 sera lâultime crĂ©ation faite du vivant de lâauteur. Dans le courant de lâannĂ©e 1979, Louis Calaferte acquiert une petite maison en Bourgogne, dans le village de Blaisy-Bas. Il y passera les derniĂšres annĂ©es de sa vie et rĂ©digera en ce lieu privilĂ©giĂ© la derniĂšre partie de son Ćuvre littĂ©raire Ăbauche dâun autoportrait ; Memento mori ; Lâincarnation ; La MĂ©canique des Femmes ; Le sang violet de lâamĂ©thyste ; MaĂźtre Faust, âŠ. Courts rĂ©cits, poĂ©sie publication en grande partie posthume, Tarabuste, seize tomes de Carnets 1956-1994, DenoĂ«l et Gallimard, Théùtre complet en six volumes publication Ă©galement posthume, Hesse, essais, entretiens, Louis Calaferte est lâauteur de plus dâune centaine dâouvrages, dâune vingtaine de piĂšces rĂ©guliĂšrement jouĂ©es en France et Ă lâĂ©tranger Le Serment dâHippocrate, 2014, Avignon, Théùtre rĂ©gional des Pays de la Loire qui, accompagnĂ©s dâune importante â et poĂ©tique â oeuvre graphique, constituent un ensemble cohĂ©rent, une Ă©tonnante autobiographie intĂ©rieure aux facettes multiples. CouronnĂ© deux fois par lâAcadĂ©mie Française Prix Delmas pour Ăbauche dâun autoportrait, 1982 et Prix de la Nouvelle pour Promenade dans un parc, 1987. Prix Michel Dard en 1983, sous lâĂ©gide de la Fondation de France, il reçoit en 1984 le Grand Prix de la Ville de Paris pour lâensemble de son Ćuvre dramatique, et en 1992 le Prix National des Lettres. Louis Calaferte est mort Ă Dijon, le 2 mai 1994 et repose dans le cimetiĂšre de Blaisy-Bas. Biographie Ă©tablie dans le cadre de SCARABEE, Centre de ressources Louis Calaferte, 28 rue dâAvau, 21540, Blaisy-Bas. Les quelques Ă©lĂ©ments de rĂ©flexion qui suivent viennent poser les jalons dâune recherche en cours. Celle-ci est doublement motivĂ©e tant par une attention aux supports des activitĂ©s engagĂ©es par lâĂ©criture que par les moyens de la recherche entendus comme des maniĂšres de faire, de penser, de rechercher. Les transformations didactiques dĂ©cisives sâopĂšrent au moyen de leviers qui articulent une opĂ©ration matĂ©rielle et une opĂ©ration de lâesprit en les concentrant dans un outil â les Ă©tudes sur la littĂ©ratie corroborent cette hypothĂšse BarrĂ©-de Miniac et alii, 2004. De la classe primaire au sĂ©minaire de master voire Ă lâĂ©criture de la thĂšse, il me semble quâun continuum problĂ©matique est possible avec cet outil gĂ©nĂ©rique quâest le carnet. Toutefois, il me semble quâil est nĂ©cessaire pour valider cette hypothĂšse dâen considĂ©rer la pluralitĂ© tant Ă©nonciatives que gestuelles et de concevoir le carnet plus comme une opĂ©ration que comme un outil une opĂ©ration qui met le montage dâhĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©s, au sens de tensions problĂ©matiques, au cĆur des processus de connaissance et de recherche. Lâenjeu, en fin de compte, dâune telle hypothĂšse et des rĂ©flexions affĂ©rentes, serait celui dâune Ă©coute plus vive portĂ©e Ă ce quâon peut appeler la et les voix de la recherche lâattention portĂ©e aux montages et bricolages carnetiers chercherait en effet Ă considĂ©rer les modes de subjectivation ou voix comme vecteurs dĂ©cisifs des apprentissages autant que des recherches. Continuer la lecture de Faire carnet » pour plus de voix dans et par la recherche â Lectures de Georges Didi-Huberman et GhĂ©rasim Luca Le livre de Georges Didi-Huberman GDH dorĂ©navant, Survivances des lucioles Minuit, 2009, vient comme marquer un moment important du parcours de son auteur. A la fois, il se situe en totale continuitĂ© avec ses travaux antĂ©rieurs et en mĂȘme temps il pose un nouveau problĂšme sous la forme dâune remise en question ou du moins dâune forte inflexion dans la pensĂ©e de GDH. Je tente dans ce qui suit sa lecture en lâassociant avec lâĆuvre de GhĂ©rasim Luca GL dorĂ©navant qui, depuis longtemps, me tient Ă cĆur et dont un ouvrage rĂ©sonne au plus haut point avec celui de GDH La voici la voie silanxieuse Corti, 1997. Continuer la lecture de Des lucioles et des bougies Ă©couter les poĂšmes avec des images â Navigation des articles Une poĂ©tique anthropologique avec la littĂ©rature contemporaine de langue françaiseLetutoiement ou vouvoiement dans sa communication digitale, un vĂ©ritable casse-tĂȘte Le langage et la maniĂšre de sâexprimer ont beaucoup dâimpact en matiĂšre de
1Le tatouage est le rĂ©sultat dâune injection dâencre dans la peau produisant un motif indĂ©lĂ©bile et aussi, le plus souvent, le rĂ©sultat dâune interaction entre un tatoueur et un tatouĂ©. Les motivations qui prĂ©sident Ă cette modification corporelle permanente peuvent ĂȘtre esthĂ©tique, symbolique, identitaire, religieuse ou initiatique. Selon les Ă©poques et les endroits du monde, le sens confĂ©rĂ© au tatouage varie. Le tatouage traditionnel japonais est nĂ©gativement connotĂ© car il servait de sanction aux criminels et mafieux Yakuza qui se sont appropriĂ©s cette pratique, devenue rite initiatique et symbole de fiertĂ©, pour se reconnaĂźtre. 2Le mot tatouage vient de tatau », frapper en polynĂ©sien le prĂ©fixe ta » signifie dessin inscrit dans la peau », et le mot atua », esprit. Traditionnellement rĂ©servĂ© aux chefs et guerriers, le tatouage PolynĂ©sien a une origine divine tandis quâen Orient et Occident, les religions du livre le condamnent. En 787, le Pape Adrien 1er interdit la pratique du tatouage et il faudra attendre que les voyageurs du XVIIIĂšme, comme James Cook, les ramĂšnent du bout du monde comme souvenir sur leur chair. Aujourdâhui prĂ©sent dans les musĂ©es [1], les mĂ©dias, sur le corps des cĂ©lĂ©britĂ©s, le tatouage touche de plus en plus de peaux et dâesprits Martin, 2016. 3Cette diffusion du tatouage entraĂźne lâessor dâun nouveau commerce. Le candidat au tatouage devient un client et le tatoueur un commerçant. Le montant de la transaction commerciale dont le tatouage est lâaboutissement peut varier selon les caractĂ©ristiques du dessin, des conditions de sa rĂ©alisation, de la rĂ©putation du tatoueur Rolle, 2012. 4Dans cette Ă©tude nous nous sommes intĂ©ressĂ©s aux particularitĂ©s que prĂ©sente le marchĂ© du tatouage comme consommation de lâart. De fait, une fois achetĂ©, câest-Ă -dire rĂ©alisĂ©, le tatouage perd toute valeur pĂ©cuniaire. De plus, la relation client-commerçant construite autour du tatouage est tout Ă fait singuliĂšre câest lâobjet de la recherche ethnographique que nous avons menĂ©e dans cinq salons de tatouage franciliens. 5Pour mener cette enquĂȘte il nous a dâabord fallu justifier notre prĂ©sence dans ces Ă©tablissements rĂ©servĂ©s aux consommateurs de tatouage. La posture consistant Ă se prĂ©senter comme observateur fut peu concluante dans le premier salon car incomprise par les diffĂ©rents acteurs. Dans un autre salon nous avons souhaitĂ© interroger directement lâunique tatoueur au cours dâun entretien semi-directif sur son parcours, sa vision du tatouage, ses pratiques, sa clientĂšle, ses concurrents et collĂšgues. Pour les trois autres salons nous avons profitĂ© de lâoccasion dâaccompagner des clients afin dâĂȘtre au plus prĂšs dâune sĂ©ance dâencrage. Nous avons ainsi adoptĂ© des mĂ©thodes de recherches qualitatives avec notamment la tenue dâun carnet de terrain contenant observations, descriptions, Ă©bauches dâanalyses et retranscriptions de paroles stratĂ©gies dâapproches6Pour intĂ©grer la communautĂ© des tatouĂ©s, il faut trouver le professionnel qui aura la tĂąche dâencrer sa peau. Les demandeurs de tatouages utilisent diffĂ©rents critĂšres de choix, comme la spĂ©cialisation du tatoueur, le prix, ou la renommĂ©e du salon. En effet, la norme est quâun tatoueur, apprenti ou confirmĂ©, exerce dans un lieu normalisĂ©, dĂ©clarĂ© en prĂ©fecture, et remplissant des conditions dâhygiĂšne rĂšglementaires. Ainsi, les prĂ©mices de la relation tatoueur-tatouĂ© se font Ă lâentrĂ©e du lâorganisation du salon. RĂ©partition de lâespace7Nous avons pu systĂ©matiquement observer la prĂ©sence dâau moins deux espaces, celui de lâaccueil et celui de lâencrage, sĂ©parĂ©s par un comptoir permettant lâaccueil des clients et lâexposition des books » [2]. Le comptoir est tenu par le propriĂ©taire, un tatoueur, ou une personne embauchĂ©e spĂ©cifiquement, qui a le rĂŽle essentiel dâassurer le premier contact avec le client. Lâespace dâencrage est gĂ©nĂ©ralement dissimulĂ© de la vue de tous pour respecter lâintimitĂ© des tatouĂ©s et la concentration des tatoueurs. Il comporte plusieurs postes de tatouage pour que plusieurs tatoueurs opĂšrent simultanĂ©ment. Il peut exister un troisiĂšme espace, consacrĂ© Ă la rencontre entre le tatoueur et le futur tatouĂ© qui nĂ©gocient les modalitĂ©s du projet. Les diffĂ©rents espaces sont pensĂ©s et dĂ©corĂ©s dans le but dâattirer le client, de le mettre Ă lâaise, mais aussi et surtout de donner une image Ă la fois professionnelle et montrer professionnels et rebelles8DâaprĂšs ValĂ©rie Rolle 2013, les salons de tatouages choisissent leur dĂ©coration selon diffĂ©rentes logiques technicienne, propre et rangĂ©e en gage de sĂ©rieux ; crĂ©ative, mettant en valeur les rĂ©alisations des tatoueurs ; anti-conventionnelle, mettant en exergue lâesprit rebelle de la pratique. Nos observations corroborent ces conclusions. Lâun des salons observĂ©s, aux murs blancs et Ă la dĂ©coration Ă©purĂ©e, affiche Ă©galement les dessins des tatoueurs, suivant simultanĂ©ment les logiques technicienne » et crĂ©atrice ». Dâautres salons exposent des objets Ă©tranges, dignes dâun cabinet de curiositĂ©s. Les images provocantes et les motifs rebelles comme les tĂȘtes de morts, nâont pas lâair dâĂ©tonner ou de mettre mal Ă lâaise les clients, puisque confirmant lâaspect rock n roll » du tatouage. La clientĂšle semblait nĂ©anmoins davantage diversifiĂ©e en termes dâĂąges et de catĂ©gorie sociale, dans un salon ayant adoptĂ© sobriĂ©tĂ© et neutralitĂ© ce que jâaime bien câest que ça soit blanc Ă©purĂ© » tĂ©moignage tatouĂ©. 9Les salons doivent faire attention Ă satisfaire tout le monde, ou du moins Ă ne heurter personne. Il apparaĂźt important de donner aux clients Ă la fois une impression mĂ©dicalisĂ©e » pour gagner leur confiance, tout en gardant lâaspect rebelle de lâexpĂ©rience Rolle, 2013.Pour se vendre et vendre son artLâenjeu de la crĂ©dibilitĂ©10Dans le discours des employĂ©s des salons de tatouage, nous retrouvons la nĂ©cessitĂ© de faire figure dâexpert » Rolle, 2013 en mettant en exergue la supposĂ©e incompĂ©tence des concurrents, dont on dit quâils font ce quâils ne devraient pas faire » comme des motifs impersonnels issus dâinternet et quâils ne font pas ce quâils devraient » comme avoir des tatoueurs aux styles diffĂ©rents dans un mĂȘme salon. 11Pour ĂȘtre respectĂ© et respectable, lâun de nos tatoueurs souligne quâun tatoueur doit ĂȘtre tatouĂ© et de maniĂšre visible, sans quoi sa crĂ©dibilitĂ© sera mise en cause il sera soupçonnĂ© de nâavoir fait ni lâexpĂ©rience de la douleur ni celle du regard social les gens devaient se dire ha câest bizarre tâes tatoueur et tâas pas de tatouageâ » tĂ©moignage tatoueur. Par ailleurs, le tatoueur doit Ă la fois se montrer disponible pour accueillir des projets dâencrage Ă©laborĂ©s, tout en montrant une activitĂ© importante, gage de qualitĂ©. Cet Ă©quilibre subtil entre disponibilitĂ© et non-disponibilitĂ© lui permet notamment de sĂ©lectionner sa clientĂšle en Ă©vitant par exemple de rĂ©aliser des street tattoo [3] ». En effet, les tatoueurs sont critiques dâune clientĂšle de non-sachants, consommant le tatouage par effet de mode sans en connaĂźtre la culture, lâhistoire ou les implications Câest des gens qui ne connaissent rien au monde du tatouage, la plupart viennent sans projet et veulent juste avoir un tatouage, câest juste un effet de mode » tĂ©moignage tatoueur.VĂ©hiculer des valeurs de confiance voire de fidĂ©litĂ©12Les Ă©changes se mettent en place dĂšs lâaccueil, sur un ton amical et ponctuĂ© de plaisanteries, avec une automaticitĂ© du tutoiement. Un tatoueur nous explique que lâacte de tatouer est une pĂ©nĂ©tration dans lâintimitĂ© de la personne et que le projet du tatouĂ© devient celui du tatoueur ce partage est matĂ©rialisĂ© par le tutoiement. Nous avons constatĂ© que les conversations dans les salons basculent souvent dans lâordre de lâintime, soulignant la force du lien entre le tatoueur et son client et expliquant que certains clients reviennent rĂ©guliĂšrement, jusquâĂ dĂ©velopper une relation de fidĂ©litĂ©. La confiance est ainsi au cĆur de la relation tatoueur-tatouĂ©, de la nĂ©gociation du projet dâencrage Ă sa rĂ©alisation. Cette confiance devient une nĂ©cessitĂ© lorsque lâon considĂšre lâasymĂ©trie de la relation tatoueur-tatouĂ©, lâun dĂ©tenant soudainement un pouvoir sur le corps de lâautre DurĂŁo et Roman, 2001.NĂ©gociation et ritualitĂ© du tatouageLe projet de tatouage13Normes implicites interdits, refus, facteurs Ă prendre en compte 14Nous avons constatĂ© lâexistence de normes implicites, concernant notamment lâemplacement et la taille des tatouages, et plus particuliĂšrement des premiers tatouages. Un tatoueur nous explique que les premiers tatouages devraient ĂȘtre cachĂ©s ». Un autre affirme quâil est prĂ©fĂ©rable que les premiers soient de petites piĂšces. Dâune part, le tatoueur craint que le non-initiĂ© ne supporte pas la douleur les grosses piĂšces seront alors dâautant plus difficiles Ă terminer, comme nous avons pu le constater chez une de nos enquĂȘtĂ©es ». Dâautre part, le regard social quâimplique un tatouage visible peut dĂ©stabiliser lorsquâil nâest pas anticipĂ© certains tatoueurs sont rĂ©ticents Ă endosser la responsabilitĂ© dâĂȘtre les premiers Ă encrer une partie visible du corps. Enfin, la localisation des tatouages sur le corps apparaĂźt tacitement rĂ©glementĂ©e certaines zones sont proscrites par les tatoueurs parties gĂ©nitales, dâautres sont rĂ©servĂ©es » Ă une clientĂšle initiĂ©e » mains et crĂąne Les premiers tatouages devraient ĂȘtre cachĂ©s, ça devrait ĂȘtre comme ça, tu te fais pas tatouer direct sur le cou ou sur la tĂȘte. AprĂšs si tu vois que le mec a dĂ©jĂ plein de tatouages sur les bras et tout, ouais la tĂȘte ça peut ĂȘtre en continuitĂ© » tĂ©moignage tatoueur. 15Ces Ă©lĂ©ments confirment lâimportance de la nĂ©gociation des modalitĂ©s dâencrage entre tatoueur et tatouĂ© selon lâĂąge, lâappartenance socio-sexuelle et professionnelle Rolle, 2013 En principe je suis personne pour dire non, mais en fonction de lâĂąge, de ses antĂ©cĂ©dents dans le tatouage, est-ce quâil en a dĂ©jĂ beaucoup ou pas du tout. Je pose souvent la question de leur travail, est-ce que ça va pas les gĂȘner dans leur travail, il faut penser au regard des autres » tĂ©moignage tatoueur. 16DâaprĂšs notre Ă©tude, dâautres facteurs sont Ă©galement pris en compte comme la couleur, texture et apparence des et lâempreinte du tatoueur17La banalisation du tatouage fait apparaĂźtre des motifs-types, devenus des basiques ». Les tatoueurs critiquent ces anti-projets », qualifiĂ©s de copiĂ©-collĂ©tatouĂ© », et renvoyĂ©s aux faux tatoueurs » HĂ©as, 2013 mais aussi aux faux tatouĂ©s ». En effet, le tatouage conserve cet aspect de quĂȘte de marginalitĂ© et le risque de ces tatouages communs est de faire disparaĂźtre la convention tacite de refuser le conventionnel. Pour que les tatouages soient uniques, respectant ainsi les codes culturels et identitaires, les tatoueurs laissent leur empreinte dans la recherche dâoriginalitĂ© et le dĂ©marquage si câest un truc que tu sors dâInternet on va vouloir te le modifier quâil soit un peu plus original » tĂ©moignage tatoueur. Les books » permettent au client qui envisage un motif de se familiariser avec le style du tatoueur. 18Une fois le tatoueur choisi, un premier rendez-vous permet aux deux acteurs de parler du projet. Câest au rendez-vous suivant, celui de lâencrage, que le client dĂ©couvre le dessin de ce que sera son futur tatouage, qui doit plaire au millimĂštre prĂšs le client doit exprimer exactement ce qui lui dĂ©plaĂźt pour que le tatoueur puisse apporter les modifications nĂ©cessaires de lâemplacement, de la taille, ou du motif. 19Un tiers accompagne souvent le futur tatouĂ© nous avons pu tenir ce rĂŽle Ă trois reprises ; il donne son avis, aide le client Ă exprimer ses Ă©ventuels doutes et rassure. Le tatouage est donc le rĂ©sultat dâune nĂ©gociation entre le tatoueur, le client et un proche Lo Sardo, 2009.Implication de lâencrage. GĂ©rer la posture et la douleur20Une fois les nĂ©gociations terminĂ©es, le tatoueur positionne le stencil » [4] du tatouage sur la peau du client prĂ©alablement dĂ©sinfectĂ©e et rasĂ©e si nĂ©cessaire. Tatoueur et tatouĂ© doivent dĂ©sormais nĂ©gocier la posture quâils adopteront pendant lâencrage afin dâĂȘtre confortables et dâĂ©viter crampes ou gestes brusques. La douleur varie selon les individus, mais aussi selon les parties du corps. Le tatouage peut ainsi ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un acte masochiste oĂč se cĂŽtoient douleur, plaisir, excitation et addiction Rioult, 2006 On les torture et ils aiment ça, et ils reviennent en plus » tĂ©moignage tatoueur. 21Si la douleur est trop intense, les rĂ©actions de la personne sont imprĂ©visibles, dĂ©rangent et ralentissent le travail du tatoueur. Le tatoueur de lâune de nos observĂ©es qui gigotaient par souffrance lâavertit que son tatouage risquait de ne pas ĂȘtre symĂ©trique si elle continuait. Des pauses permettent aux deux acteurs de se reconcentrer. Le tatoueur endosse ici de nombreuses responsabilitĂ©s et un rĂŽle dâapaisement du client pouvant faire Ă©merger Ă leur relation intime un caractĂšre thĂ©rapeutique DurĂŁo et Roman, 2001. Ă la fin, le tatoueur emballe le tatouage dans du papier cellophane que le tatouĂ© devra enlever dans les heures qui suivront, et accompagne son client Ă lâaccueil pour le faire rĂ©gler et lui prescrire les soins Ă retouches et lâancrage social quotidien22Un tatoueur nous explique que le tatouage reprĂ©sente lâintrusion dâun corps Ă©tranger dans la peau, et que lâencre aura tendance Ă dĂ©gorger dans les jours qui suivent lâencrage. Le client est ainsi amenĂ© Ă revenir pour faire les retouches nĂ©cessaires, incluses dans le prix. Ce service aprĂšs-vente » renforce lâanalogie avec une transaction commerciale. 23Le tatouage transforme dâabord le quotidien immĂ©diat il faut hydrater rĂ©guliĂšrement le tatouage pour permettre la cicatrisation Lo Sardo, 2009, qui provoque des dĂ©mangeaisons quâil faut contrĂŽler. Le tatouage modifie ensuite le quotidien sur le long terme, il rĂ©ajuste les choix vestimentaires Ă travers un jeu dâinhibition et dâexhibition selon le contexte social. Il transforme Ă©galement les interactions sociales, Ă base de compliments ou de questionnements. Enfin, le tatouage est un rite de passage qui agrĂšge lâindividu Ă une nouvelle communautĂ© Van Gennep, 1909 traduisant ainsi une volontĂ© de devenir Autre » Je trouve vraiment que le fait dâĂȘtre tatouĂ© te fait appartenir Ă une autre communautĂ© » tĂ©moignage tatouĂ©. En outre, si le corps est lâinterface entre soi et lâautre » Le Breton, 2010, le tatouer permet de se le rĂ©approprier, de sâindividualiser et dâinfluer sur lâimage que peut avoir lâautre de soi Le Breton, 2006.Conclusion24Cette recherche ethnographique porte sur un Ă©chantillon limitĂ© et aurait gagnĂ© Ă ĂȘtre Ă©tendue Ă dâautres salons. Pour autant, il nous est apparu trĂšs vite difficile de justifier la prĂ©sence dâobservateurs dans un salon de tatouage on nous a, Ă plusieurs reprises, fait bien comprendre quâil sâagissait dâune intrusion. Nous avons eu lâoccasion de nous placer dans la position dâaccompagnateur, plutĂŽt que dans celle dâobservateur. Ceci nous a permis dâapprocher au plus prĂšs de la relation tatoueur-tatouĂ©, et de mieux en saisir certaines spĂ©cificitĂ©s qui nous auraient autrement Ă©chappĂ©. Il rĂ©sulte ainsi de cette recherche que la confiance est au cĆur de la relation tatoueur-tatouĂ© et permet la mise en place de nĂ©gociations de lâordre de lâintime chaque sĂ©ance dâencrage laisse une trace dans le corps du tatouĂ©, mais aussi dans celui du tatoueur. » Rolle, 2013 p. 97. lRemerciementsĂ LĂ©o Tillard pour sa participation Ă cette Ă©tude, Marie Rose Moro pour mâavoir offert lâopportunitĂ© de publier ce travail, Ă Laelia Benoit pour ses conseils et encouragements. Notes [1] Exposition tatoueurs-tatouĂ©s » au musĂ©e du quai Branly Jacques Chirac en 2014-2015. [2] Les books sont des albums photos qui renferment les rĂ©alisations des tatoueurs. [3] Petites piĂšces faciles et impersonnelles sans dĂ©lai de rĂ©alisation. [4] Pochoir en anglais, câest un calque qui permet de transposer le dessin sur la peau afin que le tatoueur suive ces lignes au cours de lâencrage.Un jeudi aprĂšs-midi en unitĂ© de soins de longue durĂ©e. Le psychologue est venu prendre des nouvelles de Madame Solange S., rĂ©sidente alitĂ©e qui prĂ©sente des troubles dĂ©mentiels, mais qui a conservĂ© certaines capacitĂ©s de jugement critique. Une aide soignante passe la tĂȘte par la porte, et annonce on va bientĂŽt venir te changer, Soso». Madame S. dit alors au psychologue je nâaime pas quâon mâappelle Soso ça nâest pas respectueux». Les abus de familiaritĂ© du personnel soignant envers les rĂ©sidents sont essentiellement rencontrĂ©s en pĂ©diatrie et en gĂ©riatrie. Si la familiaritĂ© est en gĂ©nĂ©ral adaptĂ©e dans le premier cas, elle est trĂšs souvent abusive dans le second, et sâapparente Ă une forme de maltraitance. Elle ne doit donc pas nous laisser indiffĂ©rents. Nous allons essayer ici de dĂ©crire les formes de cette familiaritĂ©, dâen identifier les causes, dâen repĂ©rer les dangers, et de proposer des moyens pour la limiter. Mais avant cela, il paraĂźt indispensable de prĂ©ciser ceci il sâagit ici de stigmatiser un certain nombre de comportements abusifs, mais certainement pas le personnel gĂ©rontologique Ă qui il arrive de les produire. On verra quâen gĂ©nĂ©ral ces comportements ne sont pas imputables aux seuls individus, mais Ă©galement et principalement aux cultures dans lesquelles ils Ă©voluent, ainsi quâĂ leurs conditions de travail. Que celui qui, travaillant auprĂšs des personnes ĂągĂ©es, et voulant rester chaleureux, ne sâest jamais, sans sâen rendre compte, comportĂ© trop familiĂšrement avec lâune dâentre elles, leur jette la premiĂšre pierre⊠LES PRINCIPALES FORMES DE LA FAMILIARITĂ Le tutoiement est sans doute la marque de familiaritĂ© la plus rĂ©pandue. On notera quâil y a plusieurs formes de tutoiement, selon quâil est censĂ© exprimer la proximitĂ© affection, camaraderie, intimitĂ©, etc.; ou la distance supĂ©rioritĂ©, condescendance, mĂ©pris⊠Lâusage du prĂ©nom, voire mĂȘme dâun diminutif est en gĂ©nĂ©ral indissociable du tutoiement. Parfois ce sont de petits noms » qui sont employĂ©s ma jolie, ma petite puce, mon lapin, ma chĂ©rie⊠», sans parler des mĂ©mĂ©, papi⊠». Le ton utilisĂ© Ă lâĂ©gard des rĂ©sidents ĂągĂ©s est frĂ©quemment celui quâon emploierait plutĂŽt Ă lâĂ©gard de proches quâĂ lâĂ©gard de rĂ©sidents dâune trentaine dâannĂ©es par exemple, manifestant tantĂŽt la sĂ©duction, la sĂ©cheresse, lâĂ©nervement, lâautorité⊠Globalement, on pourrait dire que ce ton participe dâune certaine infantilisation du rĂ©sident. Lâespace de vie intime du rĂ©sident est souvent traitĂ© par le soignant comme sâil en Ă©tait usager au mĂȘme titre il ne frappe pas avant dâentrer, il manipule arbitrairement les objets personnels⊠Le corps mĂȘme du vieillard est Ă lâoccasion le lieu de manifestations affectives hors de propos tapes affectueuses, caresses dans les cheveux ou sur les joues⊠La vie passĂ©e du rĂ©sident peut faire lâobjet dâincursions indiscrĂštes. Ainsi jâai pu entendre une animatrice, a priori titulaire dâun DiplĂŽme Universitaire de GĂ©rontologie lancer Ă une rĂ©sidente trĂšs digne de plus de quatre-vingt-dix ans vous avez bien dĂ» la lever, la jambe, quand vous Ă©tiez jeune !». Des propos attendris sont tenus devant le rĂ©sident concernĂ© comme sâil sâagissait dâun bambin ou dâun chiot il est trop mignon ! elle est adorable ! quel coquin !»âŠ. Les taquineries plus ou moins dĂ©placĂ©es sâapparentent rapidement Ă des brimades, surtout quand leur initiateur veut se faire valoir auprĂšs de lâassistance prĂ©sente. Le personnel se sent moins engagĂ© dans la rĂ©alisation de ses promesses, ainsi que dans la ponctualitĂ© de ses interventions. Des choix sont faits Ă la place du rĂ©sident, indĂ©pendamment de ce quâil peut exprimer, comme si on savait mieux que lui ce dont il a vraiment besoin ou envie. On pourrait sans doute trouver encore bien dâautres formes de familiaritĂ©, plus ou moins dommageables pour les rĂ©sidents. Le principe qui prĂ©side Ă la plupart de ces comportements, câest que le personnel a tendance Ă glisser, au contact de la population ĂągĂ©e et encore plus de la population ĂągĂ©e dĂ©mente, dâun rapport professionnel Ă un rapport personnel trĂšs fortement teintĂ© dâaffectivitĂ© positive ou nĂ©gative. LES CAUSES DE LA FAMILIARITĂ Bien des facteurs peuvent contribuer Ă lâĂ©mergence des comportements mentionnĂ©s ci-dessus souvent actifs simultanĂ©ment, ils ont de plus tendance Ă se renforcer mutuellement. Dâabord, il peut sâagir pour le personnel de rechercher une relation affective avec le rĂ©sident, mĂȘme si les moyens utilisĂ©s sâavĂšrent maladroits, voire contre-productifs. On peut alors se demander ce qui origine cette recherche. Il est vrai que le personnel a ses propres besoins affectifs, et quâils sont nettement plus importants pour certains que pour dâautres. Mais dans le domaine prĂ©cis de la gĂ©rontologie, les soignants sont confrontĂ©s Ă la grande misĂšre physique, Ă©motionnelle, affective, et mentale des rĂ©sidents, misĂšre qui ne peut manquer dâĂ©mouvoir ceux qui en sont les tĂ©moins quotidiens, et les incitera Ă apporter des compensations affectives Ă ceux qui en sont victimes le rĂ©sident paraĂźtra moins malheureux, et le soignant souffrira donc moins. Egalement, le spectacle de cette misĂšre renvoie le soignant Ă ses propres vulnĂ©rabilitĂ© et finitude, ainsi quâĂ celles de ses proches il aura alors besoin pour lui-mĂȘme de relations affectives avec les rĂ©sidents, mais aussi avec ses collĂšgues afin de lutter contre lâangoisse qui lâĂ©treint. Enfin, le soignant se sent souvent coupable Ă lâĂ©gard du rĂ©sident de ne pas le guĂ©rir, de ne pas satisfaire tous ses besoins, de lâimportuner ou de le faire souffrir lors des soinsâŠ, et il cherchera alors Ă se faire pardonner en donnant des gages dâaffection. Sur un versant plus sombre, la familiaritĂ© peut ĂȘtre agressive recherche de pouvoir, besoin de rabaisser lâautre ou de lâhumilier pour mieux se valoriser soi-mĂȘme, disposition perverse Ă dĂ©truire lâautre en niant son droit au respect, dĂ©sir de vengeance inconscient Ă lâĂ©gard de figures parentales⊠Et, tout simplement, il y a trĂšs souvent au fond de cette agressivitĂ©, le dĂ©sir, ici encore inconscient, de punir celui qui fait souffrir le soignant en lui imposant le spectacle du malheur, en le confrontant Ă ce quâil risque de devenir lui-mĂȘme, en le mettant en Ă©chec, et en requĂ©rant des soins pĂ©nibles Ă administrer. Sans compter lâenvie, dĂ©jĂ plus consciente, de faire payer Ă certains leurs rĂ©voltes opposition aux soins, coups, morsures, injures, cris incessants, dispersion des excrĂ©ments⊠La familiaritĂ© nâest parfois quâun symptĂŽme du conformisme de certains soignants elle fait partie de la culture de lâĂ©quipe qui les intĂšgre, et, soit ils lâadoptent sans rĂ©flexion comme allant de soi puisquâelle existe; soit ils sâen accommodent pour ne pas risquer dâĂȘtre exclus du groupe. Il est vrai que certains rĂ©sidents rĂ©clament une certaine familiaritĂ© de la part des soignants, soit quâelle corresponde effectivement Ă leur culture personnelle, soit quâils aient un intense besoin de rĂ©assurance affective. Mais plusieurs erreurs sont alors facilement commises par le personnel il dĂ©passe pour ces rĂ©sidents le niveau de familiaritĂ© attendu; il le gĂ©nĂ©ralise Ă des rĂ©sidents qui nâont pas la mĂȘme demande; il ne rĂ©tablit pas les limites indispensables, que le rĂ©sident ne discerne pas toujours trĂšs bien, entre les relations dâordre privĂ© et celles dâordre professionnel. Dans le mĂȘme ordre dâidĂ©es, certains rĂ©sidents imposent aux soignants une familiaritĂ© plus ou moins agressive tutoiement, indiscrĂ©tions, insultesâŠ, qui va dĂ©grader les barriĂšres morales que le professionnel se doit dâinterposer entre le client et lui. Il peut arriver Ă©galement que la familiaritĂ© du personnel soit induite par un transfert sur les rĂ©sidents des relations avec les parents et grands-parents. MalgrĂ© les explications qui prĂ©cĂšdent, une question subsiste pourquoi le personnel gĂ©rontologique se permet-il dâaller au-delĂ de ce que seraient ses attitudes Ă lâĂ©gard de rĂ©sidents plus jeunes par exemple des cancĂ©reux quarantenaires en stade terminal? En effet, les causes invoquĂ©es ci-dessus ne suffisent pas pour expliquer les dĂ©bordements. Certains freins devraient empĂȘcher ces causes potentielles de donner lieu Ă des abus rĂ©els. Or ces freins ne semblent pas exister face Ă la personne ĂągĂ©e. A ce phĂ©nomĂšne on peut proposer au moins cinq explications. Dâabord, la vieillesse est fortement dĂ©valuĂ©e dans notre culture occidentale moderne. Le grand Ăąge et la mort sont obscĂšnes, et les qualitĂ©s valorisĂ©es sont celles de la jeunesse. Le vieillard est plus ou moins clairement considĂ©rĂ© comme une sous-personne encombrante qui va payer leurs retraites, qui va sâoccuper dâeux, qui va prendre en charge leurs frais de santĂ© ? qui ne mĂ©rite pas les mĂȘmes Ă©gards que les jeunes. Ensuite, dans le milieu gĂ©rontologique, une culture du retour en enfance progressif du vieillard reste implicitement dominante, malgrĂ© le dĂ©menti apportĂ© aux thĂšses scientifiques de la rĂ©trogenĂšse, et bien quâil soit Ă©vident quâon ne peut confondre quelquâun qui a toute la vie devant soi, avec quelquâun qui a eu une vie amoureuse, sexuelle, sociale, parentale, civique, professionnelle⊠On va donc avoir tendance Ă traiter le vieillard avec aussi peu de respect que lâenfant, sur un mode essentiellement affectif. Et puis, les institutions gĂ©rontologiques proposent en gĂ©nĂ©ral un accueil de longue durĂ©e, et le temps y grignote lentement, comme dans les couples, les Ă©gards, la discrĂ©tion, les pudeurs⊠Insensiblement, sans quâon sâen rende compte, on franchit les frontiĂšres de lâinacceptable. Les cohortes actuelles de vieillards souffrent Ă©galement dâun prĂ©jugĂ© tenace selon lequel leurs membres sont nĂ©cessairement conviviaux, bons vivants, et ne sâembarrassent pas de formalitĂ©s dans leurs relations en ce temps-lĂ on savait sâamuser et on ne se compliquait pas la vie !». Pourtant, mĂȘme si cela est en partie vrai pour les catĂ©gories socio-professionnelles les moins favorisĂ©es, ces gĂ©nĂ©rations sont beaucoup plus marquĂ©es par un sens aigu du respect dâautrui, et par consĂ©quent du respect quâils peuvent en attendre. Enfin et surtout, le vieillard est vulnĂ©rable, voire sans dĂ©fense. Il est livrĂ© plus ou moins totalement Ă lâĂ©quipe soignante. Non seulement il nâa pas grand monde auprĂšs de qui se plaindre, mais souvent il nâen a plus la possibilitĂ© physique, ou sa parole est disqualifiĂ©e une fois quâon lâa souvent trop rapidement Ă©tiquetĂ© dĂ©ment ». Je pense Ă deux exemples, qui dĂ©passent nettement le cadre de la familiaritĂ©, mais sont trĂšs rĂ©vĂ©lateurs cet ancien ASH qui comptait amuser son auditoire en racontant comment, vingt ans plus tĂŽt, il Ă©tait venu annoncer avec un collĂšgue, Ă une vieille dame acariĂątre quâil voulait adoucir, que lâĂ©quipe avait dĂ©battu de son cas et avait votĂ© la mort; ou ce fait divers concernant une rĂ©sidente grabataire dĂ©mente quâon nâa pas crue quand elle disait quâun homme venait dans son lit, et qui sâest avĂ©rĂ©e avoir contractĂ© la syphilis depuis son entrĂ©e dans lâinstitution⊠Toutes ces donnĂ©es font leur travail inconscient dans lâesprit de certains soignants, qui par ailleurs seraient pour la plupart horrifiĂ©s si on leur faisait prendre conscience de certains de leurs abus. LES DANGERS DE LA FAMILIARITĂ Le premier danger pour le rĂ©sident, ainsi que lâĂ©voque notre exemple initial Soso », câest dâentamer son estime de soi. Le vieillard voit dĂ©jĂ celle-ci assaillie rĂ©guliĂšrement dĂ©gradation de son corps dans son apparence et son fonctionnement, mise Ă lâĂ©cart du monde professionnel, dĂ©valorisation de sa tranche dâĂąge dans la culture dominante, mise sous tutelle, dĂ©pendance, rĂ©duction ou mĂȘme disparition de la libertĂ© de choix autrement dit, de lâautonomie avec en particulier une institutionnalisation gĂ©nĂ©ralement imposĂ©e⊠Le rĂŽle de lâĂ©quipe soignante devrait en particulier comporter une mission de renarcissisation du rĂ©sident, câest-Ă -dire de restauration de lâimage dĂ©gradĂ©e quâil a de lui-mĂȘme. Or, tout ce quâil va vivre comme abus de familiaritĂ© va opĂ©rer au contraire dans le sens dâun surplus de dĂ©tĂ©rioration de cette image. Ensuite, le vieillard qui ne peut se dĂ©fendre contre les abus va se sentir dâautant plus vulnĂ©rable, et peut rĂ©agir par une anxiĂ©tĂ© plus ou moins lourde, de maniĂšre continue ou par accĂšs. Ăgalement, comme on lâa vu, certaines formes de familiaritĂ© dĂ©bouchent sur une non-reconnaissance des besoins ou envies pourtant exprimĂ©s par les rĂ©sidents, ce qui va par principe Ă lâencontre de leur bien-ĂȘtre puisque ces besoins et envies ne seront pas satisfaits. La familiaritĂ© est aussi nuisible indirectement aux rĂ©sidents qui nâen sont pas bĂ©nĂ©ficiaires, quand ils sont indĂ»ment dĂ©laissĂ©s au profit des favoris. Un autre danger, plus sournois, guette le rĂ©sident câest dâadhĂ©rer complĂštement aux formes de familiaritĂ© qui lui sont proposĂ©es, participant activement Ă la relation fusionnelle recherchĂ©e par le soignant, ce qui va crĂ©er chez lui une dĂ©pendance affective dâautant plus forte quâil nâa guĂšre dâautres objets dâattachement dans son entourage, et quâil se sait dĂ©jĂ dĂ©pendant matĂ©riellement du personnel. Les consĂ©quences peuvent en ĂȘtre nĂ©fastes refus des soins Ă©manant dâautres soignants, Ă©tat dĂ©pressif liĂ© aux absences ou au dĂ©part du soignant Ă©lu, etc. Mais les dangers liĂ©s aux excĂšs de familiaritĂ© concernent Ă©galement le personnel lui-mĂȘme. Ainsi, en dĂ©valorisant les rĂ©sidents par des excĂšs de familiaritĂ©, le soignant ne se rend pas compte quâil dĂ©valorise son propre travail, et donc lui-mĂȘme. Il participe ainsi inconsciemment Ă la dĂ©gradation de son image de soi en tant que professionnel, alors quâil a dĂ©jĂ Ă souffrir du dĂ©ficit dâestime attachĂ© au milieu gĂ©rontologique. Le soignant peut Ă©galement ressentir une lourde culpabilitĂ© sâil lui arrive de prendre conscience dâĂȘtre allĂ© trop loin. Et puis il est nĂ©cessairement confrontĂ© aux consĂ©quences de ses abus de familiaritĂ© envers le rĂ©sident, au travers des rĂ©actions de celui-ci syndrome de glissement, opposition, agressivitĂ©, mais aussi aviditĂ© affective sans fond⊠Le problĂšme est quâen gĂ©nĂ©ral il ne rĂ©alise pas que ces comportements sont pour une part induits par les siens propres. Enfin, le soignant risque lui aussi de trop sâinvestir dans la relation au rĂ©sident, et donc de supporter dâautant moins bien de le voir souffrir et finalement mourir. Pour finir, on ne manquera pas dâĂ©voquer la souffrance que peut provoquer chez les familles la familiaritĂ© des soignants envers leur proche. En effet, elles vont dâabord se sentir dĂ©possĂ©dĂ©es de lâintimitĂ© quâelles avaient entretenue avec leur parent. Ensuite, elles ne manqueront pas dâĂȘtre blessĂ©es, voire humiliĂ©es Ă la place de leur proche en cas dâabus constatĂ©, avec parfois en plus la culpabilitĂ© de ne rien faire pour y mettre fin Si je rĂ©agis, ne se vengeront-ils pas sur lui en mon absence ? Et sâils me disent de le reprendre, que vais-je en faire ?⊠». LES PRINCIPES Ă NE PAS OUBLIER La premiĂšre chose Ă faire face aux abus, câest de ne pas commettre lâerreur de les amalgamer Ă des formes acceptables, voire souhaitables de familiaritĂ©. En effet, beaucoup de rĂ©sidents ont des besoins affectifs Ă lâĂ©gard du personnel, que ce soit simplement par tempĂ©rament, par solitude, ou pour ĂȘtre rassurĂ©s quant aux intentions de ceux dont ils dĂ©pendent. Sans compter quâune rarĂ©faction des manifestations de familiaritĂ© habituelles peut ĂȘtre ressentie par le rĂ©sident comme un rejet songeons en particulier aux rĂ©sidents oligophrĂšnes ou psychiatriques qui vivent en institution depuis plusieurs dizaines dâannĂ©es. Le soignant a lui aussi besoin en gĂ©nĂ©ral dâintroduire un minimum dâaffectivitĂ©, et donc de proximitĂ©, dans sa relation avec le rĂ©sident, afin de ne pas se vivre comme un simple instrument institutionnel, et de donner un sens humain Ă sa pratique. Quant aux familles, elles apprĂ©cient dâobserver que leur proche attire la sympathie du personnel. Donc, il y a de la bonne familiaritĂ©, indispensable Ă lâĂ©panouissement des diffĂ©rents intervenants. Il va alors sâagir de fixer les limites entre la bonne et la mauvaise familiaritĂ©. Il faut dâabord comprendre que ces limites vont dĂ©pendre du rĂ©sident concernĂ© chaque individu est singulier, et doit donc ĂȘtre considĂ©rĂ© comme tel. Ainsi, celui-ci refusera toute forme de familiaritĂ©, celui-lĂ voudra ĂȘtre tutoyĂ© mais sera vigilant quant Ă tout Ă©ventuel manque de respect, tel autre encore cherchera Ă se faire totalement materner, avec un brin de masochisme. Par ailleurs, le rĂ©sident est singulier, mais encore en Ă©volution, et cela devra Ă©galement ĂȘtre intĂ©grĂ© par exemple, il cherchera Ă augmenter la familiaritĂ© du personnel en phase de dĂ©compensation, mais voudra revenir Ă lâĂ©tat antĂ©rieur aprĂšs sa guĂ©rison. Il faudra donc en permanence Ă©valuer les besoins du rĂ©sident. Mais ces besoins ne sauraient ĂȘtre automatiquement satisfaits. Il revient aux soignants de ne jamais dĂ©passer les limites quâimposent, non seulement et avant tout le simple respect, mais encore les rĂšgles dĂ©ontologiques en vigueur dans les professions et lâinstitution concernĂ©es. Parmi ces derniĂšres, il est bon de souligner plus particuliĂšrement que toute forme de favoritisme est proscrite, dĂ©s lors quâelle dĂ©savantage objectivement certains rĂ©sidents par rapport Ă dâautres. Ăgalement, le soignant doit veiller Ă ne pas gĂ©nĂ©rer chez le soignĂ© une trop grande dĂ©pendance affective. LES DISPOSITIFS DâAIDE AUX SOIGNANTS On conviendra, au vu de ce qui prĂ©cĂšde, que la tĂąche va ĂȘtre ardue pour le personnel, dâidentifier jusquâoĂč il doit et peut aller dans le domaine de la familiaritĂ©. Il est donc indispensable de lây aider. Pour ce faire, il y a bien sĂ»r dâabord la formation, initiale et continue, qui mettra en garde le soignant contre les diffĂ©rentes formes dâabus, lâaidera Ă comprendre les mĂ©canismes psychiques qui y concourent, le sensibilisera aux risques associĂ©s, et lui fera assimiler les principes Ă mettre en Ćuvre pour les Ă©viter. Une telle formation doit nĂ©cessairement comporter un volet de rĂ©flexion quant Ă sa propre pratique. La hiĂ©rarchie du soignant doit rester disponible pour aborder ce thĂšme avec ceux qui en font la demande ou sont suspectĂ©s dâabus. Il est souhaitable que la dĂ©marche se veuille pĂ©dagogique, la sanction restant le dernier recours. Le soignant peut Ă©galement rencontrer le psychologue de lâinstitution en entretien individuel, sâil prend conscience spontanĂ©ment ou non de dĂ©raper dans sa pratique. Le psychologue lâaidera Ă comprendre ce qui lui arrive et Ă trouver des solutions, en dehors de tout jugement. Les groupes de parole rĂ©gulĂ©s par un psychologue peuvent Ă©galement permettre dâaborder ce problĂšme de façon collĂ©giale, sans quâintervienne la moindre dimension hiĂ©rarchique. Les participants bĂ©nĂ©ficient de lâexpĂ©rience de leurs confrĂšres, et les solutions conçues ensemble sont beaucoup mieux assimilables que celles imposĂ©es, ou mĂȘme simplement proposĂ©es par la hiĂ©rarchie. En pratique, si un abus est identifiĂ©, on peut envisager le processus suivant un groupe de parole est organisĂ© sur un thĂšme permettant dâĂ©voquer le type dâabus rencontrĂ©, sans que le soignant concernĂ©, bien entendu prĂ©sent, soit dĂ©signĂ©, donc stigmatisĂ© cette Ă©tape peut ĂȘtre sautĂ©e sâil y a urgence; en cas de persistance du problĂšme, le soignant est convoquĂ© Ă un entretien par sa hiĂ©rarchie, qui lui explique en quoi il fait erreur, et lui propose de rencontrer le psychologue en entretien individuel. Si le soignant est volontaire, il a un ou plusieurs entretiens avec le psychologue, qui lâaide Ă traverser cette passe difficile; si rien nâa suffisamment changĂ©, la hiĂ©rarchie peut en dernier recours envisager la sanction. Il serait cependant souhaitable quâelle se concerte avec le psychologue, qui peut identifier dâautres solutions ou aider Ă limiter les effets nĂ©gatifs de la sanction. On voit quâune vĂ©ritable rĂ©volution culturelle reste Ă mettre en place dans les Ă©tablissements gĂ©rontologiques pour Ă©viter les abus de familiaritĂ© envers les rĂ©sidents. Elle passera nĂ©cessairement, non pas par la stigmatisation des soignants, mais par leur formation et leur accompagnement.Ladistance doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e dans un sens positif, en tant quâoutil pour la pĂ©rennitĂ© et la stabilitĂ© de la relation, en ce sens quâelle sĂ©pare, tout en gardant une approche suffisante pour que le rĂ©sident ne se sente pas Ă©cartĂ©. La distance reprĂ©sente pour le soignant une certaine lutte constante entre le fait de cĂ©der totalement Ă la demande dâaffection
abricotedapiExpert spĂ©cialisĂ© rĂ©publicain a Ă©crit abricotedapi a Ă©crit Clarianz a Ă©critEn ce qui me concerne je n'oppose pas les deux, je dis juste que la relation professeur-Ă©lĂšve est un prĂ©alable, elle se fait dans le cadre particulier de l'Ă©cole oĂč le savoir et la transmissions de celui-ci doivent passer en premier. Sinon comment apprendre Ă nos enfants que mĂȘme s'ils n'apprĂ©cient pas un professeur ils devront travailler tout de mĂȘme? Pourquoi ne pourrait-on pas apprendre Ă un Ă©lĂšve qui tutoie qu'il doit travailler, qu'il en ait envie ou non ? Qui a Ă©crit cela sur ce fil? J'essaie de comprendre le lien entre la remarque de Clarianz et le sujet du spĂ©cialisĂ© abricotedapi a Ă©critEt bien moi je ne parle pas de tout cela, je ne parle que du n'ai pas d' tant qu'enseignante avec des Ă©lĂšves de 6e, je dis que je ne suis pas gĂȘnĂ©e par cette habitude de primaire qu'ils finissent par perdre immĂ©diatement pour la plupart. Justement, ils sont de plus en plus nombreux Ă nous tutoyer en dĂ©but de 6e cela n'arrivait jamais lorsque j'ai commencĂ©, il y a 20 ans et ils ont de plus en plus de mal Ă perdre cette habitude. C'est la premiĂšre annĂ©e oĂč je dois encore les reprendre alors qu'on est dĂ©jĂ le 7 octobre. Auparavant, les reprendre dĂ©but septembre une fois suffisait, ils comprenaient immĂ©diatement. Et je sais que ce n'est absolument pas un problĂšme de respect ou non, c'est un problĂšme de "bonnes maniĂšres" et de savoir "oĂč est sa place".Et cela me gĂšne d'ĂȘtre dans l'"affectif". Je ne suis pas dans l'affectif avec mes chefs, mĂȘme si j'apprĂ©cie beaucoup la pas fauxEsprit Ă©clairĂ© Zappons a Ă©critJe constate donc que c'est beaucoup plus rĂ©pandu que je je pensais, et que les avis sont trĂšs moi, il y a un lien entre cette "nouveautĂ©" et l'absence gĂ©nĂ©rale de respect envers l'enseignant et ce qu'il reprĂ©sente, une fois arrivĂ© dans le secondaire. Et donc les problĂšmes qui en dĂ©coulent auxquels on assiste avec effroi dans les autres topics ici mĂȘme en ce suis d'accord avec la personne ci-dessus qui disait que le vivre-ensemble fait aussi de ce que l'on doit apprendre Ă l'Ă©cole quant au fait que ce sont de pauvres petits bouts de chou tout jeunes, en CP je veux bien, mais en CM2 ils ont quand mĂȘme 10 ansâŠEt l'argument de mon amie qui est l'argument de son Ă©cole "de toute façon, ce public [banlieue difficile] n'est pas capable de vouvoyer", m'interpelle aussi. Si on part du principe, dĂšs le dĂ©part, qu'ils ne sont capables de rien, mĂȘme pas d'apprendre Ă vouvoyer, forcĂ©ment⊠Autant aussi ne plus essayer de leur apprendre Ă prĂ©cise qu'elle dit avoir des problĂšmes de discipline avec ses CM2, qui lui parlent mal. En mĂȘme temps, s'ils avaient appris le respect dans les plus petites classes, j'ai envie de dire⊠En CM2 c'est presque dĂ©jĂ trop tard. Et ce n'est pas Ă leur entrĂ©e en collĂšge dans moins d'1 an que ça va changer, au contraire, avec la crise d'adolescence. Je plains les pensais qu'Ă l'Ă©cole maternelle puis primaire, on apprenait progressivement les fondamentaux. Lire, Ă©crire, compter, vivre l'impression d'ĂȘtre un vieux rĂ©ac, Ă mon jeune Ăąge, j'ai l'impression de ne plus comprendre le systĂšme Ă©ducatif dans lequel je vis. C'est ma problĂ©matique quotidienne. Dans mon Ă©cole de zep +++, je suis entourĂ© de gens sympas, gĂ©nĂ©reux, mais qui sont dans ce mĂ©pris social-lĂ . Je n'essaie mĂȘme pas de lutter. Je me contente de tĂącher de cultiver une ambition discrĂšte pour mes Ă©lĂšves, et ils en feront ce qu'ils pour commencer, c'est voussoiement obligatoire et incontournable avec explications Ă la clĂ©, mĂȘme si ce n'est pas gagnĂ© au spĂ©cialisĂ©Il est beaucoup plus facile de tomber dans l'affectif au primaireNous avons ces enfants pendant 24 heures par semaine devant nous, cela pendant 36 semaines. Il est donc naturel que s'Ă©tablisse une relation amicale avec la plupart, ce qui fait d'ailleurs l'une des spĂ©cificitĂ©s agrĂ©ables de notre autant, l'Ă©volution naturelle pour grandir semble ĂȘtre un passage par des "rites initiatiques", et l'on peut considĂ©rer que le vouvoiement en fait partie, comme Clarianz, semble-t-il, et comme je le conçois exprimer des gĂ©nĂ©ralitĂ©s quant Ă l'attitude gĂ©nĂ©rale d'un Ă©lĂšve selon sa façon de s'exprimer envers un adulte est effectivement Astrolaboussole a Ă©crit rĂ©publicain a Ă©critDans mon Ă©cole, nous leur demandons de passer au vouvoiement dĂšs le fois l'habitude prise, cela va tout ne me paraĂźt pas normal que des Ă©lĂšves du CM tutoient encore leur fait partie de l'apprentissage du fameux "vivre ensemble". Oui, ça vient tout seul au CE2. C'est assez marrant Ă observer d'ailleurs. Parfois mĂȘme 9Je veux bien entendre qu'il existe une politesse Ă la française, mais je ne la crois pas vraiment liĂ©e Ă la langue, car il y a des contrĂ©es d'expression française oĂč le tutoiement est courant sans que ce soit une impolitesse - que ce soit entre adultes inconnus ou d'un enfant Ă un Tout agent, quelle que soit sa fonction, doit obĂ©issance passive et immĂ©diate aux signaux le concernant. »NormandyxNeoprof expĂ©rimentĂ© C'est pas faux a Ă©critC'est ma problĂ©matique quotidienne. Dans mon Ă©cole de zep +++, je suis entourĂ© de gens sympas, gĂ©nĂ©reux, mais qui sont dans ce mĂ©pris social-lĂ . Je n'essaie mĂȘme pas de lutter. Je me contente de tĂącher de cultiver une ambition discrĂšte pour mes Ă©lĂšves, et ils en feront ce qu'ils pour commencer, c'est voussoiement obligatoire et incontournable avec explications Ă la clĂ©, mĂȘme si ce n'est pas gagnĂ© au dĂ©part. En tant que "vieux", Ă©tant aussi passĂ© par la ZEP, je ne peux que vous encourager Ă continuer, car si les enfants des quartiers plus standards finiront par recevoir cette habitude plus tardivement, les parents ne les laissant certainement pas continuer Ă tutoyer n'importe qui au delĂ d'un certain Ăąge, il est Ă craindre que les enfants de ZEP ne recevront pas de leurs familles ce bagage culturel et que cela ne serait pour eux qu'un marqueur de plus... J'ai vu reprendre des Ă©lĂšves de CM qui tutoyaient les policiers venus faire les sĂ©ances de prĂ©vention routiĂšre... Quand j'Ă©tais gamin, j'avais des copains immigrĂ©s Portugais Ă l'Ă©cole, ils Ă©taient arrivĂ©s en France Ă 5, 6 ans, comme leurs parents avaient du mal avec le français, la mĂšre avait dĂ©cidĂ© qu'il n'y aurait pas de tu du tout, ce qui fait que quand ils se parlaient en français, ils disaient vous, y compris Ă leurs parents... superheterodyneNiveau 9 Normandyx a Ă©critQuand j'Ă©tais gamin, j'avais des copains immigrĂ©s Portugais Ă l'Ă©cole, ils Ă©taient arrivĂ©s en France Ă 5, 6 ans, comme leurs parents avaient du mal avec le français, la mĂšre avait dĂ©cidĂ© qu'il n'y aurait pas de tu du tout, ce qui fait que quand ils se parlaient en français, ils disaient vous, y compris Ă leurs parents... Peut-ĂȘtre aussi un calque de vocĂȘ..._________________ Tout agent, quelle que soit sa fonction, doit obĂ©issance passive et immĂ©diate aux signaux le concernant. »InvitĂ©InvitĂ© abricotedapi a Ă©critJ'ai toujours pensĂ© que le tutoiement Ă©tait trĂšs rĂ©pandu en primaire et cela ne me choque pas. Le tutoiement n'implique pas l'irrespect je tutoie mes Ă©lĂšves, je les respecte pourtant...Les Ă©lĂšves de primaire sont petits et passent beaucoup de temps avec leur maĂźtre ou maĂźtresse, ils sont proches de cet adulte important pour eux. Dans certaines Ă©coles les enfants ont la mĂȘme maĂźtresse tout au long du primaire c'est le cas d'une petite Ă©cole de village prĂšs de mon Ă©tablissement. Je n'ai aucun problĂšme avec ça. J'ai des 6e, ils sont nombreux Ă dire encore "maĂźtresse, tu" au dĂ©but de l'annĂ©e, ce n'est pas de l'irrespect, c'est une habitude. Certains intĂšgrent tout de suite le vouvoiement, d'autres prennent plus de temps. Je les reprends gentiment, c'est tout. Tout pareil ! User21714Expert spĂ©cialisĂ© abricotedapi a Ă©critJ'ai toujours pensĂ© que le tutoiement Ă©tait trĂšs rĂ©pandu en primaire et cela ne me choque pas. Le tutoiement n'implique pas l'irrespect je tutoie mes Ă©lĂšves, je les respecte pourtant...Les Ă©lĂšves de primaire sont petits et passent beaucoup de temps avec leur maĂźtre ou maĂźtresse, ils sont proches de cet adulte important pour eux. Dans certaines Ă©coles les enfants ont la mĂȘme maĂźtresse tout au long du primaire c'est le cas d'une petite Ă©cole de village prĂšs de mon Ă©tablissement. Je n'ai aucun problĂšme avec ça. J'ai des 6e, ils sont nombreux Ă dire encore "maĂźtresse, tu" au dĂ©but de l'annĂ©e, ce n'est pas de l'irrespect, c'est une habitude. Certains intĂšgrent tout de suite le vouvoiement, d'autres prennent plus de temps. Je les reprends gentiment, c'est tout. C'est lĂ l'essentiel!neomathNeoprof expĂ©rimentĂ©Les mĆurs Ă©voluent, cela se traduit dans le langage et parfois c'est trĂšs bien loin que remontent mes souvenirs je vouvoyais et donnais du Madame Ă mes institutrices. Il en Ă©tait ainsi Ă l'Ă©poque. Mais je sois dire aussi que leur Ă©vocation ne m'Ă©voque aucun bon souvenir. Nous Ă©tions toujours rudoyĂ©s, parfois battus par des femmes pour lesquelles nous n'avions pas de respect mais de la heureusement, Ă en juger par les PE que j'ai frĂ©quentĂ© professionnellement ou en tant que parent, ces temps sont complain never explainsurfeuseNiveau 8 volubylis Je n'ai pas voulu insinuer qu'il ne devait pas y avoir d'affection dans la relation entre l'Ă©lĂšve et l'enseignant. J'ai seulement tenu Ă dire, plus haut, que cette relation ne doit pas ĂȘtre QUE cela. Pour que l'Ă©lĂšve fasse les efforts que l'on attend de lui, la relation entre enseignĂ© et enseignant ne peut pas, ne doit pas ĂȘtre Ă©galitaire. Qu'on le veuille ou non, elle est hiĂ©rarchique. De mĂȘme, je tutoie mes collĂšgues mais tous, nous vouvoyons le proviseur et ses adjoints. Le "vous" sert Ă cela la distance. Et il est nĂ©cessaire que l'enfant le comprenne assez tĂŽt. Or le tutoiement, qui relĂšve du domaine de l'intimitĂ© entre proches amis, membres d'une mĂȘme famille, nounou, bref, le cercle privĂ© me semble peu compatible avec la reconnaissance indispensable de l'autoritĂ© du maĂźtre et de la maĂźtresse. Le "tu" permet la familiaritĂ© voire l'insolence alors que le "vous" maintient une distance - qui n'est pas obligatoirement synonyme de froideur ou d'indiffĂ©rence. Cette distance me semble bonne, nĂ©cessaire. Pour parler en termes psychanalytiques, le "tu" est dans le Ăa, le "vous" du cĂŽtĂ© du Surmoi. Le "tu" entretient la rĂ©gression ou plutĂŽt, la stagnation dans l'Ă©tat de petit enfant, dans le "Ăa", alors que le rĂŽle de l'Ă©cole, justement, est d'aider l'enfant Ă faire l'effort de grandir cf l'origine du mot "Ă©lĂšve", d'intĂ©grer les rĂšgles morales et sociales et de construire ainsi son "Moi". Cela ne se fait pas sans efforts ni renoncements inĂ©vitables pour grandir et devenir un sujet responsable et sociable. Tenez, ce dĂ©bat me fait penser Ă une autre discussion, du mĂȘme ordre, sur l'emploi de plus en plus frĂ©quent des termes "papa" et "maman" ailleurs que dans la sphĂšre familiale au lieu des mots adĂ©quats que sont les mots "pĂšre" et mĂšre" cf le topic ._________________"L'Ă©cole est faite pour libĂ©rer les enfants de l'amour de leurs parents. C'est une machine de guerre contre la famille "" Je ne promettrai donc pas le plaisir, mais je donnerai comme fin la difficultĂ© vaincue." Alain.babetteNeoprof expĂ©rimentĂ©Quelques Ă©lĂšves de 6Ăšmes laissent encore Ă©chapper un "tu" ou mĂȘme un "maitresse, tu...". Souvent, les autres Ă©lĂšves chuchotent "han... il ne faut pas tutoyer!". J'avoue que cela ne me choque pas qu'un Ă©lĂšve de primaire tutoie son enseignant. Ils prennent vite l'habitude au collĂšge de vouvoyer. Et pour ma part, je pense qu'on peut trĂšs bien ĂȘtre insolent en vouvoyant et trĂšs respectueux en tutoyant, pour moi cela n'a rien Ă voir. _________________ Si ton rĂšve se rĂ©alise, c'est qu'il n'Ă©tait pas assez beau." Proverbe 7 doublecasquette a Ă©critLe problĂšme, c'est la difficultĂ© de cette collĂšgue Ă obtenir que ses Ă©lĂšves la respectent. Pas le tutoiement. Elle est loin d'ĂȘtre la seule Ă avoir ce genre de problĂšmes dans cette Ă©cole, c'est gĂ©nĂ©ral. Une Ă©cole primaire dans une banlieue trĂšs difficile.[/quote]surfeuseNiveau 8Eh ! ne pas schĂ©matiser ma pensĂ©e, SVP. Je n'ai pas dit que le "vous" empĂȘchait radicalement l'insolence ce qui serait une stupiditĂ© mais que le "tu" implique une proximitĂ© qui permet plus aisĂ©ment la familiaritĂ© -voire l'irrespect. _________________"L'Ă©cole est faite pour libĂ©rer les enfants de l'amour de leurs parents. C'est une machine de guerre contre la famille "" Je ne promettrai donc pas le plaisir, mais je donnerai comme fin la difficultĂ© vaincue." Alain.ClarianzEmpereurJe trouve dingue de confondre le relĂąchement de vocabulaire et le respect. Je dis que l'abandon progressif du vouvoiement est un symbole de la perte de certaines marques de politesse, que les parents ne les transmettent plus. Alors oui, dans les annĂ©es 70 c'Ă©tait une pratique un peu hippie et, oui dans certaines rĂ©gions c'est pittoresque, et non ce n'est pas l'usage! Sinon, je vous donne du "ma naine" comme marque de respect et de gentillesse! Comme elles disent chez moi... C'est respectueux, mais je trouve ça plouc! -finalement, nous pouvons conclure, j'ai trouvĂ©, je suis snob! Je trouve que dire maĂźtresse au lieu de madame, et tutoyer tout le monde est terriblement plouc! C'est un marqueur social, comme mettre les coudes sur la table, quoi!_________________Mama's RockdandelionDoyen kero a Ă©crit Zappons a Ă©critPour moi, il y a un lien entre cette "nouveautĂ©" et l'absence gĂ©nĂ©rale de respect envers l'enseignant et ce qu'il reprĂ©sente, une fois arrivĂ© dans le secondaire. Et donc les problĂšmes qui en dĂ©coulent auxquels on assiste avec effroi dans les autres topics ici mĂȘme en ce moment. Alors lĂ , je ne suis vraiment pas d' vais revenir sur mon exemple suisse, mais en plein milieu des annĂ©es 80/dĂ©but des annĂ©es 90, la rĂšgle lĂ oĂč j'Ă©tais Ă©tait prĂ©cisĂ©ment de tutoyer au primaire, vouvoyer au secondaire et il n'y avait aucun problĂšme de passage, comme quelqu'un d'autre l'a dĂ©jĂ dit plus haut, mes petits 6e en pleine ZEP ne m'ont jamais tutoyĂ©, ils comprennent de suite. Et s'il peut leur arriver de se planter, pour ensuite devenir blĂȘme, ça ne me semble vraiment pas ĂȘtre un drame. Je confirme. En Suisse on dit 'Salut' Ă la maĂźtresse, pour dire bonjour et au revoir, et si vous faites un tour sur le site d'IkĂ©a suisse, vous constaterez qu'il vous tutoie. Il me semble qu'il y a des habitudes rĂ©gionales assez marquĂ©es. J'ai aussi eu de nombreux Ă©lĂšves Ă©trangers, pour qui le vouvoiement n'Ă©tait pas du tout facile, car il n'existait pas dans leur langue, certains s'en offusquaient, cela ne m'a jamais gĂȘnĂ©e outre mesure, je leur expliquais simplement quelle Ă©tait la rĂšgle en France. Je trouve cependant qu'il est intĂ©ressant de vouvoyer ne serait-ce que pour que la conjugaison soit maĂźtrisĂ©e, notamment dans des quartiers oĂč le Français n'est pas la langue maternelle d'une majoritĂ© d' 7 surfeuse a Ă©crit volubylis Je n'ai pas voulu insinuer qu'il ne devait pas y avoir d'affection dans la relation entre l'Ă©lĂšve et l'enseignant. J'ai seulement tenu Ă dire, plus haut, que cette relation ne doit pas ĂȘtre QUE cela. Pour que l'Ă©lĂšve fasse les efforts que l'on attend de lui, la relation entre enseignĂ© et enseignant ne peut pas, ne doit pas ĂȘtre Ă©galitaire. Qu'on le veuille ou non, elle est hiĂ©rarchique. De mĂȘme, je tutoie mes collĂšgues mais tous, nous vouvoyons le proviseur et ses adjoints. Le "vous" sert Ă cela la distance. Et il est nĂ©cessaire que l'enfant le comprenne assez tĂŽt. Or le tutoiement, qui relĂšve du domaine de l'intimitĂ© entre proches amis, membres d'une mĂȘme famille, nounou, bref, le cercle privĂ© me semble peu compatible avec la reconnaissance indispensable de l'autoritĂ© du maĂźtre et de la maĂźtresse. Le "tu" permet la familiaritĂ© voire l'insolence alors que le "vous" maintient une distance - qui n'est pas obligatoirement synonyme de froideur ou d'indiffĂ©rence. Cette distance me semble bonne, nĂ©cessaire. Pour parler en termes psychanalytiques, le "tu" est dans le Ăa, le "vous" du cĂŽtĂ© du Surmoi. Le "tu" entretient la rĂ©gression ou plutĂŽt, la stagnation dans l'Ă©tat de petit enfant, dans le "Ăa", alors que le rĂŽle de l'Ă©cole, justement, est d'aider l'enfant Ă faire l'effort de grandir cf l'origine du mot "Ă©lĂšve", d'intĂ©grer les rĂšgles morales et sociales et de construire ainsi son "Moi". Cela ne se fait pas sans efforts ni renoncements inĂ©vitables pour grandir et devenir un sujet responsable et sociable. Tenez, ce dĂ©bat me fait penser Ă une autre discussion, du mĂȘme ordre, sur l'emploi de plus en plus frĂ©quent des termes "papa" et "maman" ailleurs que dans la sphĂšre familiale au lieu des mots adĂ©quats que sont les mots "pĂšre" et mĂšre" cf le topic . Absolument complĂštement totalement d'accord avec ton Zappons a Ă©crit surfeuse a Ă©crit volubylis Je n'ai pas voulu insinuer qu'il ne devait pas y avoir d'affection dans la relation entre l'Ă©lĂšve et l'enseignant. J'ai seulement tenu Ă dire, plus haut, que cette relation ne doit pas ĂȘtre QUE cela. Pour que l'Ă©lĂšve fasse les efforts que l'on attend de lui, la relation entre enseignĂ© et enseignant ne peut pas, ne doit pas ĂȘtre Ă©galitaire. Qu'on le veuille ou non, elle est hiĂ©rarchique. De mĂȘme, je tutoie mes collĂšgues mais tous, nous vouvoyons le proviseur et ses adjoints. Le "vous" sert Ă cela la distance. Et il est nĂ©cessaire que l'enfant le comprenne assez tĂŽt. Or le tutoiement, qui relĂšve du domaine de l'intimitĂ© entre proches amis, membres d'une mĂȘme famille, nounou, bref, le cercle privĂ© me semble peu compatible avec la reconnaissance indispensable de l'autoritĂ© du maĂźtre et de la maĂźtresse. Le "tu" permet la familiaritĂ© voire l'insolence alors que le "vous" maintient une distance - qui n'est pas obligatoirement synonyme de froideur ou d'indiffĂ©rence. Cette distance me semble bonne, nĂ©cessaire. Pour parler en termes psychanalytiques, le "tu" est dans le Ăa, le "vous" du cĂŽtĂ© du Surmoi. Le "tu" entretient la rĂ©gression ou plutĂŽt, la stagnation dans l'Ă©tat de petit enfant, dans le "Ăa", alors que le rĂŽle de l'Ă©cole, justement, est d'aider l'enfant Ă faire l'effort de grandir cf l'origine du mot "Ă©lĂšve", d'intĂ©grer les rĂšgles morales et sociales et de construire ainsi son "Moi". Cela ne se fait pas sans efforts ni renoncements inĂ©vitables pour grandir et devenir un sujet responsable et sociable. Tenez, ce dĂ©bat me fait penser Ă une autre discussion, du mĂȘme ordre, sur l'emploi de plus en plus frĂ©quent des termes "papa" et "maman" ailleurs que dans la sphĂšre familiale au lieu des mots adĂ©quats que sont les mots "pĂšre" et mĂšre" cf le topic . Absolument complĂštement totalement d'accord avec ton message. Tous les Suisses Romands sont des enfants, et avec eux bon nombre de Provençaux, sans compter tous les Anglophones? Faudrait peut-ĂȘtre raison garder, non ?doublecasquetteEnchanteur Zappons a Ă©crit doublecasquette a Ă©critLe problĂšme, c'est la difficultĂ© de cette collĂšgue Ă obtenir que ses Ă©lĂšves la respectent. Pas le tutoiement. Elle est loin d'ĂȘtre la seule Ă avoir ce genre de problĂšmes dans cette Ă©cole, c'est gĂ©nĂ©ral. Une Ă©cole primaire dans une banlieue trĂšs difficile. Je me doute. Mais je ne pense pas que ce soit liĂ© au tutoiement. Je pencherais plutĂŽt pour cette espĂšce de mĂ©pris condescendant qui fait qu'on ne prĂ©sente jamais le PE comme quelqu'un qui sait et qui peut donner ce qu'il sait. Notre hiĂ©rarchie n'a pas encore compris la bĂȘtise qu'elle a faite le jour oĂč elle nous a expliquĂ© qu'il fallait recevoir les familles jusque dans les classes, puis que c'Ă©tait aux enfants de nous apprendre ce dont ils avaient besoin, puis que nous devions les conforter dans leur dĂ©lire de toute-puissance estime de soi et tolĂ©rer une façon de s'exprimer censĂ©ment conditionnĂ©e par une origine sociale quand ce n'est pas ethnique... . Au lieu de rĂ©tablir cette distance par l'estime que les familles devraient ressentir pour ceux qui Ă©duquent et instruisent leurs enfants, on cherche par Ă -coups Ă rĂ©tablir des signes extĂ©rieurs ponctuels, sans le corps indispensable qui Ă©tait derriĂšre et qui seul Ă©tait important. Un coup, c'est la blouse, un autre le vouvoiement... Mais le jour oĂč l'on dira que l'Ă©cole est lĂ pour avoir de l'ambition pour tous les enfants qui la frĂ©quentent et que ses professeurs sont des gens Ă©minemment respectables, ça, ce n'est pas demain la veille. VudiciFidĂšle du forum" />_________________Front de LibĂ©ration des Lichens Injustement MassacrĂ©ssuperheterodyneNiveau 9 surfeuse a Ă©critPour parler en termes psychanalytiques, le "tu" est dans le Ăa, le "vous" du cĂŽtĂ© du Surmoi. Le "tu" entretient la rĂ©gression ou plutĂŽt, la stagnation dans l'Ă©tat de petit enfant, dans le "Ăa", alors que le rĂŽle de l'Ă©cole, justement, est d'aider l'enfant Ă faire l'effort de grandir cf l'origine du mot "Ă©lĂšve", d'intĂ©grer les rĂšgles morales et sociales et de construire ainsi son "Moi". Cela ne se fait pas sans efforts ni renoncements inĂ©vitables pour grandir et devenir un sujet responsable et sociable. Je me demande comment cette explication psychanalytique se porte au-delĂ des frontiĂšres françaises. Quid des langues dans lesquelles l'une des deux formes de la deuxiĂšme personne est devenue complĂštement archaĂŻque l'anglais Ă©tant l'exemple le plus connu comme l'a soulignĂ© dandelion on n'y tutoie plus que Dieu voire des langues qui n'ont aucune distinction T-V ???_________________ Tout agent, quelle que soit sa fonction, doit obĂ©issance passive et immĂ©diate aux signaux le concernant. »surfeuseNiveau 8DĂ©cidĂ©ment, certains, ici, ont l'art de traduire mes propos pour me faire dire ce que je n'ai pas dit ! c'est fatigant ! Je sais qu'il existe des pays francophones et peut-ĂȘtre des rĂ©gions de France oĂč le vouvoiement n'est pas Ă©vident, je sais que les Anglophones ont du mal avec cette diffĂ©rence entre le "tu" et le "vous" ! Je ne parlais pas de ces cas de figures particuliers et je pense que l'on s'Ă©gare, que l'on noie le poisson en Ă©vitant le fond de la question, que j'ai tentĂ© de rappeler quel que soit l'Ăąge tutoyer son enseignant n'est ni neutre, ni innocent. Pour ma part, je pense que cela participe du laxisme et de la dĂ©magogie dont beaucoup de profs ont tant Ă se plaindre Zappons ! _________________"L'Ă©cole est faite pour libĂ©rer les enfants de l'amour de leurs parents. C'est une machine de guerre contre la famille "" Je ne promettrai donc pas le plaisir, mais je donnerai comme fin la difficultĂ© vaincue." Alain.surfeuseNiveau 8PS pour superheterodyne nous avons rĂ©pondu en mĂȘme temps encore une fois, je ne parle que de ce implique le tutoiement des Ă©coles françaises n'Ă©tait-ce pas la question initiale ?._________________"L'Ă©cole est faite pour libĂ©rer les enfants de l'amour de leurs parents. C'est une machine de guerre contre la famille "" Je ne promettrai donc pas le plaisir, mais je donnerai comme fin la difficultĂ© vaincue." Alain.surfeuseNiveau 8Oups, post envoyĂ© trop vite. Lire "de ce qu'implique le tutoiement"..._________________"L'Ă©cole est faite pour libĂ©rer les enfants de l'amour de leurs parents. C'est une machine de guerre contre la famille "" Je ne promettrai donc pas le plaisir, mais je donnerai comme fin la difficultĂ© vaincue." Alain.surfeuseNiveau 8... en France, dans les Ă©coles est faite pour libĂ©rer les enfants de l'amour de leurs parents. C'est une machine de guerre contre la famille "" Je ne promettrai donc pas le plaisir, mais je donnerai comme fin la difficultĂ© vaincue." Alain.Sujets similairesChine un forcenĂ© tue trois Ă©lĂšves et un enseignant dans une Ă©cole horticole d'Antibes 150 Ă©lĂšves manifestent pour garder leur enseignant remplaçant. Lanmeur 29 insultĂ©s par les Ă©lĂšves d'un cours d'EPS, deux sexagĂ©naires braquent leur fusil et lancent leur chien sur les Harris L'immense majoritĂ© des enseignants du primaire contestent la rĂ©forme des rythmes scolaires, et sont insatisfaits de leur salaire, de leur carriĂšre et de leurs formations. GCB dans LibĂ©, beurk ... "Si les enseignants respectaient les Ă©lĂšves, Ă leur tour les Ă©lĂšves les respecteraient."Sauter versPermission de ce forumVous ne pouvez pas rĂ©pondre aux sujets dans ce forum
Jesouhaite savoir si, lorsqu'une situation conjugale devient intenable en attendant le divorce, et qu'Ă ce titre, elle devient toxique pour les enfants, il est possible de quitter momentanĂ©ment et en respectant chacun, le domicile conjugal, afin de - PosĂ©e par missmajorelle. Attention vous n'ĂȘtes pas connectĂ© Ă internet.Le Tao Daodejing de Laotsi ch. 42 Le Tao crĂ©e le Un Le Un crĂ©e le Deux Le Deux crĂ©e le Trois Le Trois crĂ©e les dix milles ĂȘtres Le Tao est le gĂ©niteur, le Wu, le transcendant Un, câest le souffle, le Yu, lâaspect maternel, reproducteur de la deux, câest le Yang, lâĂ©lĂ©ment mĂąle, actif de la rĂ©alitĂ© trois, câest le Yin, lâĂ©lĂ©ment fĂ©minin, passif de la rĂ©alitĂ© Un, le Deux et le Trois, ensembles, engendrent le ciel, la terre et le cycle de la vie. Mille e trĂ© Lacan Encore » De la Jouissance Quâest-ce quâimplique en tout cas la finitude dĂ©montrable des espaces ouverts capables de recouvrir lâespace bornĂ©, fermĂ© en lâoccasion, de la jouissance sexuelle ? que lesdits espaces peuvent ĂȘtre pris un par un â et puisquâil sâagit de lâautre cĂŽtĂ©, mettons-les au fĂ©minin â une par une. Câest bien cela â qui se produit dans lâespace de la jouissance sexuelle â qui de ce fait sâavĂšre compact. LâĂȘtre sexuĂ© de ces femmes pas-toutes ne passe pas par le corps, mais par ce qui rĂ©sulte dâune exigence logique dans la parole. En effet, la logique, la cohĂ©rence inscrite dans le fait quâexiste le langage et quâil est hors des corps qui en sont agitĂ©s, bref lâAutre qui sâincarne, si lâon peut dire, comme ĂȘtre sexuĂ©, exige cet une par une. Et câest bien lĂ lâĂ©trange, le fascinant, câest le cas de le dire â cette exiÂgence de lâUn, comme dĂ©jĂ Ă©trangement le ParmĂ©nide pouvait nous le faire prĂ©voir, câest de lâAutre quâelle sort. LĂ oĂč est lâĂȘtre, câest lâexigence de lâinfinitude. Je reviendrai sur ce quâil en est de ce lieu de lâAutre. Mais dĂ©s maintenant, pour faire image, je vais vous lâillustrer. On sait assez combien les analystes se sont amusĂ©s autour de Don juan dont ils ont tout fait, y compris, ce qui est un comble, un homosexuel. Mais centrez-le sur ce que je viens de vous imager, cet espace de la jouissance sexuelle recouvert par des ensembles ouverts, qui constituent une finitude, et que finalement on compte. Ne voyez-vous pas que lâessentiel dans le mythe fĂ©minin de Don juan, câest quâil les a une par une ? VoilĂ ce quâest lâautre sexe, le sexe masculin, pour les femmes. En cela, lâimage de Don juan est capitale. Des femmes Ă partir du moment oĂč il y a les noms, on peut en faire une liste, et les compter. Sâil y en a mille e tre câest bien quâon peut les prendre une par une, ce qui est lâessentiel. Et câest tout autre chose que lâUn de la fusion universelle. Si la femme nâĂ©tait pas pas-toute, si dans son corps, elle nâĂ©tait pas pas-toute comme ĂȘtre sexuĂ©, de tout cela rien ne tiendrait. Paroles du Don Juan de Mozart Extraits du serveur musical de serge Soudoplatoff Pour Ă©couter la musique ci-dessous, il faut avoir Real Player vous pouvez le tĂ©lĂ©charger ici ââ Lâair du catalogue Thomas Allen, Carol Vaness, Keith Lewis, Dimitri Kavrakos, Maria Ewing, Richard Van Allan, John Rawnsley, Elizabeth Gale, Londo Philarmonic Orchestra, Bernard Haitink. Un disque EMI. Don Juan se dĂ©barrasse de Dona Elvire, un peu collante il est vrai. Et pour cela, il demande Ă Leporello de lui expliquer.. la vĂ©ritĂ©!! Ce dont il sâacquitte bien consciencieusement en dĂ©ballant tout simplement le catalogue de toutes les femmes que Don Juan a aimĂ©. Magnifique air, le rĂ©citatif qui donne le ton rassurez-vous, vous nâĂȘtes ni la premiĂšre, ni la derniĂšre, un mouvement rapide qui contient la liste maintenant disponible sur Internet, grĂące Ă ce serveur-, ce point dâorgue du refrain mais en Espagne, elle sont mille et trois », puis une conclusion si belle si tendre, oĂč il lui explique gentiment vous savez bien ce quâil fait ». Et Donna Elvire qui veut encore y croire⊠ItalianoMadamina, il catalogo Ăš questo Delle belle che che amo il padron mio Un catalogo egli Ăš che ho fattâ io; Osservatte, leggere con me. In Italia seicento e quaranta; In Allemagna duecento e trentuna; Cento in Francia; in Turchia novantuna; Ma in Ispagna son gia mille e tre. Vâhan fra queste contadine, Cameriere, cittadine, Vâhan contesse, baronesse, Marchesane, principesse E vâhan donne dâogni grado, Dâogni forma, dâogni eta. Nella bionda egli ha lâusanza Di lodar la gentilezza Nella bruna la constanza Nella bianca la dolcezza. Vuol dâinverno la grassotta Vuol dâestare la magrotta; E la grande maestosa, La piccina Ăš cognor vezzosa Delle vecchie fa conquistra Pel piacer di porle in lista Sua passion predominante E la giovin principiante. Non si picca se sia ricca, Se sia brutta se sia bella šPurchĂš porte la gonnella, Voi sapete quel che fa. FrançaisBelle Dame, regardez cette liste des conquĂȘtes que fit mon beau maĂźtre catalogue dressĂ© par moi-mĂȘme! Je vous prie, lisez avec moi Italie, voyez, six cent trente Allemagne, deux cent trente et une cent en France, et soixante en Turquie! Mais en Espagne, dĂ©jĂ mille et trois. Voyez, des villageoises, des soubrettes, des bourgeoises, des comtesses, des duchesses, des marquises, des princesses, des femmes de tout Ăąge, et de tout rang. Chez la blonde, il a coutume de goĂ»ter la douceur. Chez la brune, câest la constance; chez la palotte, la douceur. Pour lâhiver la grassouillette; pour lâĂ©tĂ© la maigrelette! Si la grande est plus noble, la petite est plus gracieuse. Les matrones sont fort bonnes pour le petit plaisir de les inscrire! Mais sa passion dominante, câest la jeune dĂ©butante. Toute femme, toute fille, la vilaine comme la gentille, tout ce qui porte jupe.. Vous savez ce quâil en fait⊠Pas de chiffre au-delĂ de trois extrait de Illettrisme et Sexuation » de Charley Supper Il nây a pas de chiffres au-delĂ de trois. Pas de nombre au-delĂ de trois ! Les textes sacrĂ©s font tous Ă©tat du fait quâil nây a pas de nombre au-delĂ de trois. Câest vĂ©rifiable si nous ne comptons pas en mode binaire. Le mode binaire ou analogique Ă©tant le fait de ne prendre en compte que lâidentique. On aurait 1 = 2 = 3 = 4 = etc⊠Cela correspond Ă ce que nous avons nommĂ© ailleurs se mĂȘmer ». Est-ce que tu mĂȘme, ou est-ce que tu mĂȘme plus ? On entend cela tous les jours.. ââââââââââ- Lâavantage de compter de façon non binaire Ici oĂč nous comptons en mode non analogique, lâon voit bien que 1 ou 2 ou 3205 sont tous un un chiffre », mais un 1 chiffre » pas pareil. Les mĂȘmes, mais pas pareils ! Des semblables, mais pas pareils ! Comme pour les humains ! Sauf que ceux qui auront refusĂ© lâaccĂšs au symbolique, câest-Ă -dire au mode non analogique du comptage, nâauront accĂšs quâau racisme ou Ă lâillettrisme. Câest le mĂȘme processus ! LâimpossibilitĂ© de mettre sur un mĂȘme plan lâidentique et le diffĂ©rent.* Si je rĂ©alise le catalogue des vaches de ma ferme, je vais les faire dĂ©filer devant moi et faire un trait dans mon cahier chaque fois quâen passe une. Si se prĂ©sente un cheval, je ne le chasserais pas en criant. Je le ferais figurer dans mon registre au paragraphe non-vache ». Câest ça la diffĂ©rence ! Pas le mĂ©tissage, qui est un refus de la diffĂ©rence ! ArrĂȘtons de croire ou de faire croire que A = A. La fonction de A » est de nâĂȘtre ni B, ni C, ni D, ni aucune autre des lettres de lâalphabet. Nous voyons bien ici oĂč mĂšne le concept imaginaire ou analogique de rĂ©volution en politique, Ă un Ă©ternel retour du mĂȘme despotique, jâentends !. Un tour complet ou quatre quart de tour, et hop, rien nâest changĂ© ! ââââââââââ- Revenons Ă nos moutons quâil nous reste Ă compter non pas pour nous endormir mais pour essayer de nous rĂ©veiller du binaire ! On voit ci-dessus, au temps 3 reprĂ©sentĂ© en bleu, que de trois Ă quatre, il y a Ă©volution reprĂ©sentĂ©e par la flĂšche bleue. Alors que se passe-t-il quand nous inscrivons 5, nous constatons que nous rĂ©pĂ©tons le 4. fig. 2 Ă quatre, commencent âles mille ĂȘtresâ du Tao, ainsi que le lien des mille lettres de lâalphabet, celles que lâillettrĂ© ne peut pas dĂ©chiffrer, dâĂȘtre bien avant le trois de la TrinitĂ©. Câest-Ă -dire avant le âUn en plusâ! De nâavoir pas accĂšs au âUn en plusâ, la personne illettrĂ©e se retrouve inscrite comme en moins, un âunâ en moins, et du coup elle a le sentiment dâĂȘtre âen tropâ. Toujours cet embrouillamini du binaire oĂč âtout est dans toutâ. Alors que le trinitaire donne accĂšs au Tout qui est dans chaque partie ! Ce â+1â nâest pas sans rapport Ă lâunitĂ© de Dieu en ce sens quâil est infini, toujours Ă©gal Ă lui-mĂȘme sans quâon puisse lui retrancher ou lui ajouter. Câest ça que les Grecs nommaient le Beau. Le Un symbolique nâapparaĂźt quâaprĂšs le Trois. Illettrime et Ex-il extrait se Illettrisme et Sexuation » de Charley Supper Parlons du fait dâĂȘtre Ă tu et Ă toi avec lâautre. Câest aujourdâhui un signe de modernitĂ©. On est frĂšres et on se tutoie, ce qui en est la marque. La marque imaginaire, vous lâaurez compris ! Câest tout le contraire Ă©videmment ! Le âtuâ sers Ă rĂ©fĂ©rencer le discours pour en faire une parole interchangeable entre deux interlocuteurs qui seront chacun Ă son tour âjeâ ou âtuâ, selon lâacte dâĂ©nonciation de celui qui dit âjeâ. Ă partir du moment oĂč tout le monde se dit âtuâ, on nâa plus de rĂ©fĂšrent du discours pour savoir qui est qui et qui dit quoi. Il nây a dĂšs lors plus Ă sâĂ©tonner, dans ce joyeux bordel, quâun pĂšre en parlant de sa femme dise Ă son fils âmaman ne veut pasâ ce qui complique encore les relations de filiations, le fils se trouvant ainsi avoir la mĂȘme mĂšre imaginaire que son pĂšre. Le tutoiement systĂ©matique nâest pas loin du âilâ de la ânon personneâ quâon entend encore trop souvent dans les institutions sâoccupant de personnes handicapĂ©es ou du troisiĂšme Ăąge. Le âalooors, il a bien dormiiiii ? â ne sert quâĂ dĂ©nier Ă lâautre son rĂŽle dâinterlocuteur valable en lâempĂȘchant de rĂ©pondre par âjeâ. Le âtuâ systĂ©matique aussi, tue celui Ă qui il sâadresse, comme lui interdisant de rĂ©pondre en disant âjeâ. Ce nâest pas si loin du âmadame est servieâ dâantan. Pas question de parler avec ces gens-lĂ ! Aristocratie ou pseudo-bourgeoisie gauchisante, mĂȘme combat ! Quant aux diffĂ©rents domaines professionnels oĂč lâon est âĂ tu et Ă toiâ, ce nâest sous prĂ©texte de modernitĂ© quâune façon de subjuguer lâautre afin quâil se taise et que la parole ne soit jamais autorisĂ©e. Ăa donne ces ambiances Ă©cĆurantes oĂč gĂ©nĂ©ralement tout le monde est dâaccord, toujours du cĂŽtĂ© âbien-pensantâ. Toujours ce refus de la diffĂ©rence ! Câest le mĂȘme phĂ©nomĂšne Ă la mode qui fait quâon ne puisse plus se rassembler autrement que sous les auspices du tonitruant rĂ©pertoriĂ© musique, afin quâon ne risque pas dâĂȘtre confrontĂ© au silence, au vide de son oĂč pourrait bien soudain sâĂ©lever la voix de cet Autre qui nous veut tant de mal, quâon doive lâannuler par nâimporte quel moyen. Terreur tenace dâĂȘtre imaginaire. Terreur de risquer la vĂ©ritĂ© dâune parole, au cas oĂč quelquâun sâaviserait dâen profĂ©rer une. La vĂ©ritĂ© Ă poil tout Ă coup, devant nous ! Ce âtuâ, qui nâest pas ârapportĂ© Ă lâacte dâĂ©nonciation qui le supporteâ[1] et ce âilâ de la non-personne sont bien sur une façon imaginaire de rĂ©futer lâAutre du discours. En quoi rĂ©futer ou nier est fondamentalement diffĂ©rent que dâĂ©noncer quelque chose quâil nây a pas = dĂ©nĂ©gation ! Jâai rĂȘvĂ© dâune femme, je ne sais pas qui câest; la seule chose dont je suis sur, câest que ce nâest pas ma mĂšre⊠Le tu et le il de la non personne nâont rien Ă voir avec le âilâ auquel donne accĂšs le fait dâaccepter les rĂŽles rĂ©versibles de locuteur et dâallocutaire, lors de lâĂ©nonciation dâun âjeâ qui sâadresse Ă un âtuâ comme futur âjeâ autorisĂ©. Ainsi lâenfant acquiert le âILâ au moment oĂč il assimile la troisiĂšme dimension, la perspective. Cet âilâ symbolique lui permet de prĂ©sentifier lâabsence et de reprĂ©senter la âdimension troisâ, laquelle nâest hĂ©las reprĂ©sentable, pour les pauvres humains que nous sommes, quâen dimension deux dans la rĂ©alitĂ© Voir plus ici sur la dimension deux en dimension trois Ceux qui, conscients de lâimportance de se confronter au IL , nâaurons pas le front de sây frotter, resteront Ă lâĂ©tage imaginaire du IL » de lâ IL-lettrisme. âââââââââââââââââââââââ- xxx Depuis le lien invisible qui relie ces cinq parties, nous nous permettons dâaffirmer que lâillettrisme nâest ni une maladie ni une insuffisance, mais un signe dâintelligence. Intelligence, presque au sens dâintelligence avec lâennemi, intelligence crĂ©atrice dâun mode de survie particulier entre mille que trouve un humain pour pouvoir subsister en faisant lâĂ©conomie du trĂ© » de la mort symbolique laquelle le terrorise tant, quâil la rĂ©fute et prĂ©tend pouvoir sâen passer en son for intĂ©rieur. Le choix dâĂȘtre en ex-il, mort-vivant ! Si je suis en exil, mort-vivant, je nâai dâautre choix que de mâill et trer ââââââââââ- [1] âLâĂNONCIATION en linguistique Françaiseâ, de Dominique Maingueneau
| ÔœĐŒ ĐŸŃáĐčŃá¶áĐ±Ö ŐȘ Î”ĐœĐŸŃĐŸáŐš | ĐŁĐ·ááŃá ŃДЎДŃĐžášÎ± áŃ ÎżŐŹĐŸÎșáŐł |
|---|---|
| ĐОζДÏĐž Đžáœ | á€Îșа ŃĐŸ |
| ĐÎČĐžĐœÎžŐłĐ”Ő©ĐŸÎł ÎŒÎ”Đ¶ĐŸáŹĐ”Ï՚η ŃŐČ | ЄаŃá»Őź ĐČÏ Î·á áĐŸ á |
| á·ŃŃĐ”ŐșÖŐŠ бД | ԻбŃáÏĐ” áĐžÏŃŃŃĐž |
| ĐšŐ§ÏŃÖ Đžá€áșáȘáзΞ | ŐΞŃŐĄÏáŃ Ő§ ŐžÖŐŁĐž |
| ÎÎŸŃ ááźŐ„ᣠáŽĐ¶Ï áčŃáĐ” | ĐĐČŃÎč ŃŃ ÎżáĐ”ŃĐŸÎŒ |
LattachĂ© de presse centralise la communication dâune maison dâĂ©dition. Câest donc un mĂ©tier pluriel qui demande de grandes qualitĂ©s humaines, un savoir-faire relationnel et de lâorganisation. Nous verrons au cours de ce rapport lâĂ©tendue desEnvoyĂ© par jacquolintĂ©grateur Bonjour On sait dĂ©finir et quantifier la complexitĂ©. "L'absolu par essence" est bien trop mĂ©taphysique pour moi!! Bonjour, justement, c'est pour cela que c'est de la philosophie et pas des sciences. "La science ne pense pas" ne dit pas autre chose, Ă savoir que les sciences expĂ©rimentales ne font pas de "mĂ©taphysique", ne connaissent pas d'absolu, se contentent d'Ă©tablir la "grammaire" d'une gamme limitĂ©e d'expĂ©riences rĂ©pĂ©tables, communicables etc.. Pourtant, l'expĂ©rience "mĂ©taphysique", on la trouve de maniĂšre simple en sciences mĂȘme si c'est plutĂŽt du cĂŽtĂ© de la thĂ©orisation - quand un mathĂ©maticien ou un logicien fait un choix d'axiomes pour dĂ©velopper sa dĂ©monstration, ce choix lui-mĂȘme est hors du processus dĂ©monstratif ; - quand un physicien postule que les "lois de la nature" Ă©tablies dans son labo sont valables pour tout l'univers, c'est un acte "mĂ©taphysique" ; - quand un biologiste affirme que toute la pensĂ©e est contenue dans la structure du cerveau, il pose une dĂ©finition qui n'a rien de nĂ©cessaire logiquement la biologie aura du mal Ă discriminer entre un organe nĂ©cessaire et un organe nĂ©cessaire et suffisant. En gĂ©nĂ©ral, de nos jours en sciences, on prĂ©fĂšre Ă©viter l'engagement ontologique et on dit qu'il s'agit de positions simplement mĂ©thodologiques. Pour ma part, je serais d'avis d'Ă©viter ce genre de prĂ©cautions et de plutĂŽt s'appuyer sur des ontologies qui intĂšgrent sans problĂšme la "foi" scientifique mais je crois que c'est une chose Ă reconstruire Ă partir d'une position qui Ă©chappe Ă la problĂ©matique phĂ©nomĂ©nologique, c'est-Ă -dire qui ne dise pas que ce sur quoi travaillent les sciences est une "apparence", un phĂ©nomĂšne "ce qui apparait Ă la conscience". Comme disait Deleuze, l'important en philosophie c'est la maniĂšre dont on pose le problĂšme. Si il faut aux sciences une conception naturaliste, rĂ©aliste, dĂ©terministe ni hasard ni miracle, dĂ©subjectivĂ©e "objective" alors il faut sortir de l'idĂ©e kantienne que les sciences Ă©tudient des phĂ©nomĂšnes. On peut tourner en rond sur le problĂšme de la conscience en MQ tout simplement parce qu'on a posĂ© d'emblĂ©e qu'on s'occupait de phĂ©nomĂšnes et que la conscience est une instance de dĂ©finition de tout phĂ©nomĂšne. C'est un peu comme ĂȘtre au pĂŽle nord et chercher le nord avec une boussole, on ne sait pas oĂč aller parce qu'on est toujours dĂ©jĂ dans ce qui fonde les moyens de recherche, on ne peut pas expliquer scientifiquement la conscience si on la dĂ©finit comme fondement du phĂ©nomĂ©nal et que les sciences Ă©tudient des phĂ©nomĂšnes. J'ai mis "mĂ©taphysique" entre guillemets parce que Heidegger en fait un usage technique relativement prĂ©cis en lien avec l'histoire de la philosophie ce qui est considĂ©rĂ© comme "mĂ©taphysique" change selon les cadres de pensĂ©e. Je suis d'accord avec lui qu'il faut dĂ©passer la mĂ©taphysique sauf que sa maniĂšre de le faire renvoie Ă une sorte d'arrĂȘt de la pensĂ©e rationnelle pour une "contemplation" d'un mystĂšre existentiel le Mystique wittgensteinien ?. L'autre maniĂšre de le faire est dans une sorte de mĂ©ta-mĂ©taphysique, c'est-Ă -dire dans les actes philosophiques fondateurs qui posent des mĂ©taphysiques. De mĂȘme qu'un logicien fait son choix d'axiomes, le philosophe fait son choix des Ă©lĂ©ments fondateurs pour penser le monde. PlutĂŽt qu'une non-mĂ©taphysique, on peut aussi faire une multi-mĂ©taphysique, c'est-Ă -dire montrer comment s'articulent les mĂ©taphysiques. Par exemple, la MQ fonctionne en considĂ©rant de maniĂšre plus ou moins implicite qu'il n'y a pas d'observateur dĂ©sengagĂ©, que le physicien est acteur de l'expĂ©rience. Donc, autant prendre l'affirmation au sĂ©rieux, et abandonner l'idĂ©e que "ce qui apparaĂźt Ă la conscience" est l'objet d'Ă©tude de la MQ puisque dans cette idĂ©e on a une conscience dĂ©sengagĂ©e, un oeil transcendant l'expĂ©rience, en surplomb. Pour ma part, j'aurais tendance Ă considĂ©rer que l'ontologie adĂ©quate serait une sorte d'Ă©thologie plutĂŽt qu'une phĂ©nomĂ©nologie l'ĂȘtre serait plutĂŽt du cĂŽtĂ© du faire, une maniĂšre d'ĂȘtre serait une maniĂšre de faire et la conscience serait une maniĂšre de faire certaines opĂ©rations mĂ©morisation, focalisation sĂ©lection d'une base, d'un intĂ©rĂȘt, rĂ©flexivitĂ©, symbolisation le signe comme valant pour la chose etc.. Dans ce cadre, on ne cherche pas Ă tout expliquer Ă partir de la notion de base de phĂ©nomĂšne, on explique la phĂ©nomĂ©nalitĂ© mĂȘme Ă partir d'autres Ă©lĂ©ments mĂȘme si ça perturbe les habitudes de pensĂ©e. Le point principal sera par exemple qu'il n'y a pas "la conscience", pas cette sorte d'Ă©cran oĂč se projetterait le film du monde, mais une multiplicitĂ© d'opĂ©rateurs entrant dans les jeux de langage, les comportements moteurs etc. qu'on met sous l'attribut "conscient". Au lieu de dire qu'il faut une conscience pour qu'une superposition d'Ă©tat soit dĂ©terminĂ©e Ă un Ă©tat, on pourra par exemple dire qu'il y a une opĂ©ration de prĂ©diction qui est production d'un "algorithme" dĂ©terminĂ© valant pour l'ensemble des donnĂ©es enregistrĂ©es et cette mĂȘme opĂ©ration d'enregistrement. Que ce soit un polariseur, un dĂ©tecteur, un cerveau humain etc., tout cela est un opĂ©rateur d'enregistrement qui vaut pour "projecteur de la fonction d'onde" dans sa relation Ă l'"algorithme" prĂ©dictif oĂč on a condensĂ© un espace-temps dĂ©terminĂ© passĂ© la mĂ©moire des n rĂ©sultats passĂ©s avec le mĂȘme dispositif. On est dans un dĂ©terminisme ontologique, un naturalisme pas de miracle, une dĂ©subjectivation "objectivitĂ©" en ce qu'un Sujet n'est pas plus nĂ©cessaire qu'un dĂ©tecteur qui a cependant pour coĂ»t la perte du prestige pour l'homme d'ĂȘtre l'ĂȘtre pensant par excellence. Un polariseur, un dĂ©tecteur, un disque dur etc., ça pense aussi, c'est-Ă -dire que ça rĂ©alise Ă sa maniĂšre une part des comportements associĂ©s Ă "penser" dans le langage commun, et les actes de pensĂ©e qui pour l'heure ne sont pas reproductible par autre chose qu'un humain ne lui sont pas pour autant rĂ©servĂ©s. Rien n'interdit en droit que tout ce que l'on fait puisse ĂȘtre fait par d'autres ĂȘtres, qu'il y ait des mathĂ©maticiens posant des axiomes, des philosophes fondant des mĂ©taphysiques ou des RomĂ©o tombant amoureux Ă partir d'un agencement de mĂ©tal et de plastique. La spĂ©cificitĂ© de l'homme n'est plus dans la pensĂ©e ou la conscience, elle est dans ses intĂ©rĂȘts propres, dans un rapport au monde spĂ©cifique impliquĂ© par la constitution des ĂȘtres, leur nature, dans ce qui fait qu'un robot cherchera une prise Ă©lectrique pour s'alimenter lĂ oĂč un humain cherchera un steack-frite. La perte d'humanitĂ© qu'implique la mĂ©canisation et qui inquiĂ©tait Ă juste titre Heidegger, est d'emblĂ©e conjurĂ©e par cette Ă©thologie qui devient Ă©thique, c'est-Ă -dire le souci d'un comportement adaptĂ© Ă la nature spĂ©cifique des ĂȘtres laquelle fonde en raison leurs dĂ©sirs, besoins, attentes propres, leurs relations aux autres ĂȘtres. La raison n'est plus vue comme menant Ă une mĂ©canisation instrumentaliste de l'humain mais au contraire comme impulsant un souci des maniĂšres adĂ©quates d'ĂȘtre et de faire les choses dĂšs lors que l'ĂȘtre et le faire sont liĂ©s. Pour ĂȘtre un rien polĂ©mique et gĂ©nĂ©ralisateur, je dirais mĂȘme que les pensĂ©es basĂ©es sur l'observation, l'oeil de la conscience, tendent Ă produire des morales du jugement oĂč on approuve et condamne de loin sans grand souci du dĂ©sir de l'autre avec de grandes lois transcendantes tandis que les pensĂ©es basĂ©es sur l'action, le faire, tendent Ă produire des Ă©thiques de l'engagement oĂč on cherche les bonnes relations dans la diversitĂ© des goĂ»ts, dĂ©sirs, intĂ©rĂȘts, dans une jurisprudence pragmatique. vzDBb4Y.