Dansma pratique, je pose l'usage du vouvoiement comme un dogme, mais je me garde aussi de rester crispé sur cette position; mais cela va dépendre uniquement de la qualité et de l'histoire de la relation qui s'est construite avec le patient, c'est à dire si, et seulement si, le tutoiement, ou l'usage du prénom, en devenant possible apporte quelque
Tout d'abord, vous devrez acheter un kit de conversion. Cela devrait coĂ»ter environ 300 ÂŁ plus TVA. Ensuite, la cloison aura besoin d'une intervention chirurgicale pour accueillir le collecteur d'Ă©chappement du Ford Transit diesel. Et le tunnel de transmission devra Ă©galement ĂȘtre modifiĂ© afin de dĂ©gager le carter du dĂ©marreur. Un tranchage et un dĂ©coupage supplĂ©mentaires sont nĂ©cessaires pour retirer le support moteur cĂŽtĂ© conducteur conduite Ă  droite, qui est remplacĂ© par le nouveau support moteur fourni dans le kit de conversion. Le kit de conversion comprend Ă©galement un nouveau carter de volant moteur et un adaptateur de manchon de boĂźte de vitesses. Selon le type de moteur, vous devrez peut-ĂȘtre Ă©galement installer un ventilateur Ă©lectrique. Une certaine fabrication peut Ă©galement ĂȘtre nĂ©cessaire pour un raccordement d'Ă©chappement en fonction du type de tuyau de descente d'Ă©chappement montĂ© sur le collecteur du moteur Transit. Il convient Ă©galement de noter que le compromis pour la meilleure consommation de carburant du Ford Transit diesel est la perte d'une grande partie du couple Ă  bas rĂ©gime. Lorsque vous vendez, vous pouvez Ă©galement constater que le moteur Ford Transit n'est pas la conversion la plus populaire et cela affectera la valeur de revente.

Letutoiement pouvant ĂȘtre aussi respectueux que le vouvoiement, nous ne voyons aucun intĂ©rĂȘt Ă  l’utiliser, surtout qu’il crĂ©e de la distance, de la verticalitĂ© et de la non-rĂ©ciprocitĂ©. Bref, tout le contraire de ce qu’on souhaite au niveau des relations humaines dans une sociĂ©tĂ© citoyenne. En ce sens,

Le texte ci-dessous a Ă©tĂ© rĂ©digĂ© Ă  partir d’une intervention dans le cadre du sĂ©minaire “Penser/enseigner le sens du langage” que j’anime lors de la sĂ©ance du 10 mars 2016 au centre BiĂšvre de l’UniversitĂ© Sorbonne nouvelle Paris 3. Il a Ă©tĂ© prononcĂ© aprĂšs l’intervention de Melissa Melodias en thĂšse sous ma direction sur le rythme dans l’oeuvre de Pasolini sur un autre livre de Georges Didi-Huberman, PassĂ© citĂ©s par JLG on peut la lire Ă  cette adresse Ă  venir. Je remercie les participants au sĂ©minaire pour la discussion qui a suivi. j’avais dĂ©jĂ  publiĂ© un billet qui reprenait une communication autour de La Disparition des lucioles faite le 4 mars 2010 associant Georges Didi-Huberman et GhĂ©rasim Luca Continuer la lecture de Georges Didi-Huberman le sens du langage sept courtes remarques en marge de quelques livres → Dans sa Lettre Ă  John E. Jackson[1] », Yves Bonnefoy a racontĂ© la genĂšse de Douve et, plus prĂ©cisĂ©ment, ce qu’il appelle le passage vers les poĂšmes de Douve » un rĂ©cit abandonnĂ© en vue d’une reprise de ce nom propre ». Il semblerait que l’Ɠuvre de Bonnefoy, tant poĂ©tique que philosophique voire esthĂ©tique, ne se soit constituĂ©e que dans et par l’hĂ©sitation, certainement entre les genres et ici d’un rĂ©cit aux poĂšmes[2], mais bien plus encore entre ce que Bonnefoy lui-mĂȘme appelle le lieu » et la voix », entre une identification opacitĂ© de l’en-soi[3] » et une transsubjectivation. En effet, bien plus qu’une hĂ©sitation gĂ©nĂ©rique, Bonnefoy engage toute Ă©criture sous le signe du poĂšme, non comme genre mais comme acte de poĂ©sie[4] » et plus prĂ©cisĂ©ment comme pensĂ©e de la prĂ©sence » L’Ordalie, note, 1974 puisque dans sa recherche[5] » il a vite compris que la fiction va plus vite Ă  la forme figĂ©e que le poĂšme » 98. Resterait que le mouvement de l’écriture se constituerait bel et bien comme une dĂ©sagrĂ©gation » 99 de la pluralitĂ© premiĂšre que Bonnefoy signale d’ailleurs de maniĂšre assez pĂ©jorative comme le morne tableau des polysĂ©mies habituelles dans ce qui demeure Ă©criture » ibid.. Cette orientation fondamentale et, l’on pourrait dire, fondatrice chez Bonnefoy est bien celle qui tente de remonter d’une absence – car toute signification, toute Ă©criture, c’est de l’absence – Ă  une prĂ©sence » jour enseveli que la poĂ©sie dĂ©gage comme la bĂȘche la source » ibid.. Si, Bonnefoy prĂ©cise in fine qu’ en poĂ©sie il n’y a jamais que des noms propres » un visage, non une essence » ibid., 100, ce qui impliquerait la force d’un continu vocal, d’une voix qui rĂ©pond Ă  un appel, resterait qu’un tel processus n’est pas loin d’évoquer l’alĂštheia dans la conception d’Heidegger, c’est-Ă -dire comme transport plus que rapport, ou du moins dans celle des prĂ©socratiques relus par les philosophes contemporains de Bonnefoy, disons par exemple Jean Beaufret[6]. L’hypothĂšse de cette contribution sera donc de souligner les motifs de cette hĂ©sitation qui, du brouillage » qu’elle opĂšre peut aller jusqu’au blocage[7] » du poĂšme. Elle ne visera nĂ©anmoins qu’à tenter d’apercevoir une telle disposition cardinale dans cette Ɠuvre dĂ©cisive publiĂ©e en 1953 qu’est Du mouvement et de l’immobilitĂ© de Douve[8], dont on aperçoit d’emblĂ©e, par la formulation, ce brouillage » et ce blocage[9] » puisque Du mouvement de Douve » construit prosodiquement un continu rĂ©sonant puissant que l’intercalation de la seconde et contradictoire opĂ©ration mobilisant l’écriture, de l’immobilitĂ© » aprĂšs celle du mouvement », vient comme dĂ©faire en son cƓur. La pluralitĂ© sous la prĂ©sence une expĂ©rience de la tension Dominique Combe a notĂ© combien Les MĂ©tamorphoses d’Ovide constituait l’arriĂšre-plan du mouvement’ de Douve, soumise Ă  d’incessantes transformations[10] ». Combe montre ainsi qu’effectivement un pĂŽle de la pluralitĂ© nourri, entre autres, de lectures et réénonciations, est Ă  l’Ɠuvre dans Douve ; mais il faudrait aussitĂŽt prĂ©ciser combien un tel pĂŽle est travaillĂ© par son opposĂ©, celui qui tente de rĂ©dimer une telle pluralitĂ©, et alors apercevoir combien une telle pluralitĂ© vive ne se constitue finalement que comme arriĂšre-plan », soubassement », voire moment dĂ©passĂ©, du moins dĂ©passable, dans une dialectique de l’écriture qui engagerait la pluralitĂ© sous la prĂ©sence, sous son unitĂ© homogĂ©nĂ©isante atteinte dans et par le poĂšme. Douve vient continuer chez Bonnefoy un amour du surrĂ©alisme dont il prĂ©cise qu’il rĂ©vĂ©lait – et paraissait mĂȘme rendre immĂ©diatement et facilement praticable – ce qu’on a nommĂ© plus tard l’écriture, c’est-Ă -dire l’écoute que l’on peut faire durer, dans les mots que nous traçons sur la page, de la pluralitĂ© des voix qui hantent notre inconscient et troublent d’ailleurs dĂ©jĂ  notre parole ordinaire[11] ». Douve, le personnage qui construit l’unitĂ© du livre voire le continu de sa vocalitĂ©, est multiple voire indĂ©finissable. Il semble Ă©vident qu’il faille parler de personnage puisque la premiĂšre section de Douve pose un Théùtre » 45-63 mĂȘme si Bonnefoy invente une théùtralitĂ© du poĂšme qui fait de la persona plus un porte-voix qu’une consistance psycho-narrative en variant les modalitĂ©s de la venue sur la scĂšne du poĂšme. Ce que j’essaie d’apercevoir en suivant les scĂšnes de ce Théùtre ». En I, le voir du narrateur multiplie les formes de vie de Douve courir », lutter », se rompre » et jouir ». En II, la vie ensemble permet d’entendre des reprises de voix comme cousus par un plutĂŽt » qui indique bien que Douve engage des choix qui, certes, dessinent un destin mortel mais affirment quoiqu’en dise le narrateur une ivresse imparfaite de vivre ». En III, si Douve semble prise dans et par ce destin, ses gestes » et ses seins » poursuivent une pluralitĂ© constitutive que le finale, tu rĂ©gnais enfin absente de ma tĂȘte », tente de rĂ©cupĂ©rer dans une absence destinale homogĂ©nĂ©isĂ©e. En IV, les naissances de Douve Ă  chaque instant », bien Ă©videmment ramenĂ©es in fine au verbe mourir », sont confirmĂ©es au moins par deux Ă©tats signalĂ©s par le narrateur lande rĂ©sineuse endormie prĂšs de moi » et village de braise ». Que Douve puisse passer de la lande » au village » montrerait Ă  l’envi le pouvoir mĂ©tamorphique de son mouvement » propre. En V, le statut du dernier vers dĂ©roge par le trop plein Ă  la mĂ©trique par trop mĂ©canique des alexandrins prĂ©cĂ©dents et surtout du premier quatrain puisque dĂ©jĂ  le deuxiĂšme vers dĂ©casyllabique du second quatrain dĂ©rogeait ces gestes de Douve » rythment anaphoriquement par trois fois ce dernier vers tout en pestant contre la mĂ©trique immobilisante alors mĂȘme que le sĂ©mantisme voudrait y conduire, Ă  l’immobilitĂ©. En VI, mĂȘme si la disparition est mise en scĂšne, le questionnement adressĂ© multiplie les figures de l’interlocutrice riviĂšre souterraine » ; lente falaise d’ombre, frontiĂšre de la mort », Douve qui est in fine accueillie par des bras muets », les arbres d’une autre rive » et donc disparaĂźtre multiplement. Ce que poursuit la scĂšne VII avec les quatre qualifiants blessĂ©e confuse », prise », complice » et ensablĂ©e ». Toutefois le distique final 12+6 achĂšve cette pluralitĂ© dans un beau geste de houille » qui va ouvrir une dislocation » des menuiseries faciales » en VIII pour laisser opĂ©rer la musique ». Est-ce alors une vocalitĂ© encore pleine de voix ou dorĂ©navant Douve disant PhĂ©nix » ainsi que la scĂšne IX conclut en concentrant dans cette figure mythologique toute la persona de Douve pourtant ĂȘtre dĂ©fait » mais que l’ĂȘtre invincible rassemble ». Si la scĂšne X engage une reprise de Je vois Douve Ă©tendue » Ă  l’incipit de X, XII, XIV, c’est bien pour arrĂȘter de l’adresse dialogique Je te vois Ă©tendue ». Ce principe de reprise fait toutefois entendre non une rĂ©pĂ©tition mais une rĂ©sonance ou, en l’occurrence, un Ă©cho qui ne cesse de prolonger la vocalitĂ© de Douve, mais c’est pour la laisser se dĂ©faire sous l’ombre unitaire de l’araignĂ©e massive ». La scĂšne XI prĂ©pare ce qui rĂ©duira Ă  une prosopopĂ©e toute voix possible ; aussi l’accumulation couverte », parcourue », soumise », parĂ©e » organise-t-elle plus une tĂ©lĂ©ologie qu’une aventure Fontaine de ma mort prĂ©sente insoutenable » conclut dans le bĂ©gaiement consonantique en /t/. La scĂšne XII renoue avec la tension premiĂšre puisque Douve rayonne » ; aussi la scĂšne XIII renoue avec le tutoiement mĂȘme si l’affirmation quasiment christique, Ceci est une image », dĂ©fait toutes les images », c’est-Ă -dire les profĂ©rations vocales d’une pluralitĂ© de Douve et donc de la relation on passe bien de ton visage » au mot visage » qui n’a plus de sens » oĂč le rĂ©alisme l’emporte sur le nominalisme. Mais les revenants des yeux », des thorax », des tĂȘtes » de toutes parts » de la scĂšne XIV montrent combien le poĂšme est tirĂ© par un nominalisme foncier que rĂ©itĂšre le tutoiement de la scĂšne suivante qui toutefois rĂ©duit le visage » dĂ©jĂ  Ă©voquĂ© Ă  un profil » et un dernier sourire » pour voir se calciner / le vieux bestiaire cĂ©rĂ©bral », c’est-Ă -dire cette multiplication des revenants. S’apercevrait ici – mais n’est-ce pas toute la tension qui agite entiĂšrement Douve – ce que Georges Didi-Huberman appelle le point de vue de la survivance et du dĂ©sir inconscient qui la soutient » en maintenant vive la question Pourra-t-on jamais prĂ©voir ce qui, du passĂ©, est appelĂ© Ă  survivre et Ă  nous hanter dans le futur[12] ? » Toute la scĂšne XVI indique cette tension entre le dynamisme des survivances nos pentes » et des soleils » voire aux Ă©tages infĂ©rieurs » et l’immobilisation d’une fin Demeure », filet vertical de la mort » et l’espace funĂšbre ». Mais mĂȘme la mort est dĂ©multipliĂ©e dans des incorporations, un peu Ă  la maniĂšre des planches de VĂ©sale, que la scĂšne XVII rejoue en un maintenant » rĂ©pĂ©tĂ© cinq fois Ă  la rime pour autant de recommencements de Douve. Ce que viendrait confirmer la scĂšne suivante, certes comme compte rendu d’une rencontre post-mortem mais bien vive, cette rencontre oĂč le narrateur avoue, Ă  contre poĂšme puisque vivante, de ce sang qui renaĂźt et s’accroĂźt oĂč se dĂ©chire le poĂšme » je soutiens l’éclat de tes gestes ». La scĂšne XIX rĂ©tablira le poĂšme » ainsi entendu Ă  la fois par sa mĂ©trique assurĂ©e en deux quatrains d’alexandrins pour ne laisser pavoiser » que des liasses de mort » sur le sourire » de la morte. Est-ce l’échec d’une pluralitĂ© vive de la voix que cette ouverture tentĂ©e dans l’épaisseur du monde », ainsi que l’affirme le dernier vers de ce Théùtre » inaugural de Douve ? Le poĂšme est-il condamnĂ© Ă  l’ouvert conçu comme ozone majeur » et donc chute ou vertige, tentative vouĂ©e Ă  l’échec ? Le Théùtre » qui ouvre Douve pose une tension forte qu’il nous faut poursuivre mĂȘme si nous avons d’ores et dĂ©jĂ  aperçu combien toute pluralitĂ© comme caractĂšre dynamique du mouvement de Douve en tant que persona, c’est-Ă -dire rĂ©sonateur vocal, est rapidement destinĂ©e Ă  se soumettre Ă  ce que Bonnefoy appelle la PrĂ©sence ». En l’occurrence, une telle PrĂ©sence » constituerait pour le poĂšme un rĂ©gime destinal il fallait que » Ă  la tonalitĂ© hiĂ©ratique roulant sur les /r/ du second verset de la scĂšne pĂ©nultiĂšme. Verset bien mesurĂ© par l’alexandrin et d’un site funĂšbre oĂč ta lumiĂšre empire » serti entre 144-4-4-2-syllabes dĂ©coupage peut-ĂȘtre plus prosodique que mĂ©trique et un 74-3-syllabes, oĂč les preuves » s’achĂšvent dans l’épreuve » il fallait qu’ainsi tu parusses aux limites sourdes, et d’un site funĂšbre oĂč ta lumiĂšre empire, que tu subisses l’épreuve ». Est-ce le seul moyen d’assurer le continu du poĂšme d’ainsi le condamner Ă  dĂ©chirer sa vocalitĂ© plurielle pour une unitĂ© destinale ? Le continu sous l’unitĂ© le blocage aprĂšs le brouillage Avant d’en venir Ă  la derniĂšre sĂ©quence de Douve, Vrai lieu », et donc d’observer combien elle tente d’assurer une vĂ©ritĂ© destinale Ă  la relation ou voix engagĂ©e par Douve dans sa pluralitĂ© mĂȘme, le Théùtre » inaugural a d’emblĂ©e posĂ© cette tension entre unitĂ© et pluralitĂ©, nous l’avons vu, en l’orientant dĂ©cisivement et, peut-on oser le dire, malheureusement de la voix vers le lieu, d’un continu pluriel vers une totalitĂ©-unitĂ©. Toutefois Bonnefoy maintient la tension avec la sĂ©quence qui suit ne serait-ce que par le titre au pluriel, Derniers gestes », mĂȘme si l’on devait tout de suite ajouter 
 pour une geste ». Il semble que ce soit bien le cas puisque malgrĂ© cette pluralitĂ© rejouĂ©e maintes fois dans la sĂ©quence comme un continu vocal, celle-ci se voit soumise au rĂ©gime plus puissant des figures tutĂ©laires unifiantes du seul tĂ©moin », du vrai nom », du PhĂ©nix » et du vrai corps » pour s’achever par un art poĂ©tique » qui invoque une autre figure rĂ©ductrice, la MĂ©nade ». Jean-Pierre Richard remarquait incidemment combien ces figures » d’autres viendront dans les sĂ©quences suivantes telles Cassandre, voix ardente de la catastrophe, le phĂ©nix, mort brĂ»lĂ© et ressorti vivant de sa brĂ»lure, la salamandre, chair qui se fait pierre et traverse le feu » qui possĂšdent un grand pouvoir de retentissement » ont, d’autre part, l’inconvĂ©nient de mettre en quelque façon la rĂȘverie, et donc le rĂ©el, Ă  distance, de rĂ©soudre en elles le paradoxe au lieu de nous obliger Ă  en Ă©pouser personnellement le trajet ? » Et le poĂ©ticien de s’interroger A ce niveau d’universalitĂ© et d’abstraction, le mythe est-il donc si loin du concept[13] ? » On ne peut que pousser cette interrogation de Richard pour confirmer combien Bonnefoy oriente l’écriture mythique non du cĂŽtĂ© de l’epos mais bien toujours du muthos, non du cĂŽtĂ© de l’aventure vocale dans et par son continu trans-subjectif mais plutĂŽt de la vĂ©ritĂ© quand les mythes, dans leur pluralitĂ© mĂȘme, n’ont ni vĂ©rification ni sanction autre que celle d’une reprise infinie, de réénonciations qui constituent un racontage continuĂ©e au sens de Walter Benjamin[14]. Contentons-nous de quelques remarques sur Vrai nom » 73 qui rĂ©duit les gestes Ă  un seul geste ou une seule geste, celui de la nomination Je nommerai » mĂȘme si cette activitĂ© est dynamisĂ© par des effets de liste quatre Ă©lĂ©ments dans le premier quatrain puis trois complĂ©ments au verbe dĂ©truire » dans le septiĂšme vers, reprise du et » lançant dans le dernier quatrain que renforce la reprise anaphorique des deux derniers vers dans mes mains » et dans mon cƓur ». Reste que la vision est orientĂ©e dĂ©cisivement vers ce pays qu’illumine l’orage ». La dramatisation du dĂ©sert » Ă  l’orage » en passant par la guerre » construit une apparition qu’ouvre la nomination comme un baptĂȘme Je te nommerai » sous une aurore naissante » pour reprendre le titre du livre de Jacob Böhme paru en 1612 mais cette vocalitĂ© de l’adresse comme appel Je viens » est toutefois ramassĂ©e prĂ©alablement par le titre dans le vrai nom » qui Ă©teint toute Ă©nonciation-relation. La confirmation de cette orientation est forte dans le distique final de Vrai corps » Douve, je parle en toi ; et je t’enserre / Dans l’acte de connaĂźtre et de nommer » 77. Douve n’est plus la voix possible d’une aventure du poĂšme rĂ©sonnant puisqu’au J’écoute » d’un Apollinaire[15], est prĂ©fĂ©rĂ© un nommer ». Mais Douve parle » ! Ainsi titre la troisiĂšme sĂ©quence mĂȘme si la rĂ©ciprocitĂ© dialogique est dĂšs le premier quatrain reversĂ© Ă  la nomination plus qu’à la relation A peine si je sens ce souffle qui me nomme ». Reste que cette rĂ©ciprocitĂ© rĂ©introduit du vocal toutefois insituable Quelle divine ou quelle Ă©trange voix » bien qu’assignĂ© Ă  un sĂ©jour EĂ»t consenti d’habiter mon silence ? » la relation se voit alors sortie du langage. C’est tout le paradoxe des poĂšmes qui suivent et titrent Une voix » puis Une autre voix » alors mĂȘme que la dĂ©sĂ©nonciation de la relation est engagĂ©e aussi n’est-il plus question que d’absence de toute densitĂ© » la sĂ©paration s’effectue entre une pauvre parole » et un plus grand cri qu’ĂȘtre ait jamais tentĂ© ». Si alors, encore, Douve parle » et que Une voix » se fait entendre au moins deux fois dans les poĂšmes qui suivent, c’est pour confirmer cette relation impossible que la poĂ©sie du poĂšme instaure, cette mort de la relation, cette houille » 88 Je ne suis que parole intentĂ©e Ă  l’absence / L’absence dĂ©truira tout mon ressassement / Oui, c’est bientĂŽt pĂ©rir de n’ĂȘtre que parole, / Et c’est tĂąche fatale et vain couronnement » 89. N’ĂȘtre que parole », dans et par ce qui s’entend comme un psittacisme reprises de que parole », de l’ absence » signalĂ©es comme ressassement » gĂ©nĂ©ralisĂ©, pointe une dĂ©faillance quasi ontologique du langage que le poĂšme n’a plus qu’à rĂ©pĂ©ter sans voix Tais-toi », Et parole vĂ©cue mais infiniment morte », 92, comme l’a justement ressassĂ© tout un mallarmĂ©isme de l’universel reportage ». Aussi, Douve fait passer insensiblement le poĂšme de la voix dans sa pluralitĂ© au lieu dans son implacable unicitĂ©. Le programme est trĂšs clairement indiquĂ© Ă  l’incipit de la quatriĂšme section qui paradoxalement semble concrĂ©tiser toute la dĂ©marche avec un nom de lieu L’orangerie » Ainsi marcherons-nous sur les ruines d’un ciel immense, / Le site au loin s’accomplira / Comme un destin dans la vive lumiĂšre » 93. Le lyrisme vient mĂȘme cĂ©lĂ©brer cette orientation O terre d’un destin ! » 95. Pourtant, l’adresse et donc la relation vocale reprend dans La salamandre » puis dans les poĂšmes qui suivent jusqu’à cette dĂ©claration L’orangerie sera ta rĂ©sidence » 104. Mais ce statisme d’un habiter le monde appelle alors la VĂ©ritĂ© », titre du dernier poĂšme auquel, certes, s’ajoute un distique. Cette vĂ©ritĂ© » est explicitement une illumination dĂ©voilante Le soleil tournera, de sa vive agonie / Illuminant le lieu oĂč tout fut dĂ©voilĂ© ». Le site perd alors toute historicitĂ© pour devenir fondation d’une ontologie pleine tout », un Vrai lieu » comme si tous les autres lieux Ă©taient faux ! S’expliquerait alors le fait que la tonalitĂ© mĂ©trique qui dispose une sĂ©rie sĂ©mantique Ă  la rime derriĂšre la maison » guĂ©rison » et oraison » 107, c’est-Ă -dire le soin et la priĂšre jusque dans la Chapelle Brancacci », poĂšme suivant 108 qui souligne in fine le vain chemin des rues impures de l’hiver », l’impossibilitĂ© des passages, des retours de vie. Le poĂšme est condamnĂ© Ă  cĂ©lĂ©brer le lieu du combat » 109-110 ou, n’est-ce pas la mĂȘme chose, le lieu de la salamandre » 111 tenir au sol et retenir son souffle dernier vers, 111 rĂ©sument cette thĂ©ologie nĂ©gative Ce sera dans la nuit et par la nuit », 110 que la figure du dernier cerf » 112 va rejouer dans un vrai lieu » d’autant que si soudain » il s’évade », est dĂ©clarĂ©e inutile » toute poursuite » ! Le poĂšme se fond dans la mĂ©canique cĂ©leste Le jour franchit le soir, il gagnera / Sur notre nuit quotidienne » pour cĂ©lĂ©brer dans ce que Jean-Pierre Richard appelle une rĂȘverie de l’à travers[16] » O notre force et notre gloire, pourrez-vous / Trouer la muraille des morts ? » 113. Si la prosodie s’intensifie dans ces roulements des /r/, elle laisse aussi le poĂšme s’achever dans un quasi murmure qui Ă©teint l’adresse qui perd sa voix, au sens d’une relation ouvrant Ă  des rapports autant qu’à des histoires – les uns et les autres engageant d’incessants mouvements –, pour mieux trouver son site, son immobilitĂ© le lieu des essences immuables qu’aucune nuit quotidienne » ne peut alors dissimuler. Aucune dĂ©monstration vĂ©ridictionnelle dans ce qui prĂ©cĂšde autre qu’une tentative d’écoute de ce qui hĂ©site Ă  mĂȘme l’écriture de Douve. Antoine Raybaud a relevĂ© l’ambiguĂŻtĂ© du Tu, non simplement dans la dĂ©ploration sur la frontiĂšre de la perte, mais sur les chemins et dans les espaces de l’égarement du perdu ». Il montrait que, consĂ©quemment, le Je est Ă  la fois aux prises avec la traversĂ© d’un lieu 
, et, en mĂȘme temps, la scĂšne et le mobile de multiples mĂ©moires, et par lĂ , d’une parole mĂ©morielle, inĂ©puisable mise en scĂšne paroliĂšre de beaucoup de cultures, leur reviviscence dispersĂ©e en Ă©chos entrecroisĂ©s et en perspectives Ă©clatĂ©es[17] ». Il semblerait donc que sa lecture se soit orientĂ©e en sens inverse de notre mise en perspective et ait proposĂ© une vision du vrai lieu » comme tumultueux et fragmentaire, celui-lĂ  », dĂ©faisant donc ce que Bonnefoy, semble-t-il, prĂ©suppose bel et bien l’unitĂ©-totalitĂ© d’un vrai corps » et d’un vrai nom »  Mais Raybaud avait bien signalĂ© qu’une telle pluralitĂ© n’aboutit pas Ă  un continu du poĂšme puisqu’il soulignait combien cette pluralisation est, d’une part, seulement esquissĂ©e » et, d’autre part, dispersion[18] » plus que relation. D’aucuns avaient d’ores et dĂ©jĂ  repĂ©rĂ© des inflexions fortes dans l’Ɠuvre d’Yves Bonnefoy aprĂšs l’écriture de Douve Philippe Jaccottet signalait combien Dans le leurre du seuil se distinguait des prĂ©cĂ©dents livres publiĂ©s par Bonnefoy puisque, dans ce livre de 1975, le poĂšme, enfin, ne se joue plus sur un théùtre mental, dans le monde trompeur des essences. Il a pour la premiĂšre fois pris pied dans la rĂ©alitĂ© concrĂšte, nommable, d’un lieu, particulier, d’une saison datable[19] 
 ». Et Bonnefoy reprendra lui-mĂȘme le motif de l’inflexion en notant, dans Le Nuage rouge, que Dans le leurre du seuil ouvrait Ă  la PrĂ©sence, oui, et cette fois plĂ©niĂšre autant qu’immanente, et avec mĂȘme des mots Ă  sa disposition, on le voit mots quotidiens, de parole ». L’intensification de la PrĂ©sence » cette fois plĂ©niĂšre » qui passerait paradoxalement par un prosaĂŻsme du choix des mots ou de l’énonciation mots quotidiens, ou de parole » ne me semble pas modifier l’hĂ©sitation cardinale de l’écriture de Bonnefoy que j’ai tentĂ© de souligner dans Douve. Resterait Ă  poursuivre le travail d’observation mais la formulation mĂȘme de Bonnefoy indique bien qu’au contraire, il s’agira de rendre plĂ©nier ce qui ne l’était pas encore ; bref, Bonnefoy a bel et bien engagĂ© son Ă©criture dans une hĂ©sitation entre le lieu et la voix qui assigne celle-ci et donc sa pluralitĂ© interne et externe Ă  l’unicitĂ© de celui-lĂ  Je crie, regarde, / Le signe est devenu le lieu » 288 quand le poĂšme comme relation fait de tout signe de vie un signe de voix. Jean-Pierre Richard signalait, dans le registre d’attention qu’il a su admirablement dĂ©velopper, que chez Bonnefoy l’usure pathĂ©tise l’objet et le temporalise, mais sans en attaquer vraiment le grain[20] » ; on pourrait ajouter que toute la construction de Bonnefoy ne le permet pas puisque si, pour lui, il y a un dire parmi les hommes, une parole sans fin[21] », ce n’est pas pour en observer avec surprise les granulations voire pour en exalter la pluralitĂ©, mais tout au contraire pour que le poĂšme s’immobilise dans une dĂ©rĂ©liction statique puisqu’il ajoute, mais n’est-ce pas une matiĂšre aussi vaine et rĂ©pĂ©titive que l’écume, le sable ou tous ces astres vacants ? Quelle misĂšre que le signe[22] ! » Oui, mais la parole est irrĂ©ductible au signe dĂšs que voix et relation ! Ce que paradoxalement montreraient Ă  l’envi les poĂšmes de Bonnefoy eux-mĂȘmes dans leur hĂ©sitation entre le signe et le poĂšme[23] », le lieu et la voix, l’unitĂ© et le continu. [1] Yves Bonnefoy, Lettre Ă  John E. Jackson » 1980 dans Entretiens sur la poĂ©sie 1972-1990, Paris, Mercure de France, 1990, p. 88-116. La citation est Ă  la p. 94. [2] Roberto Mussapi et Jean-Yves Masson n’hĂ©sitent pas Ă  maintenir l’indĂ©cision gĂ©nĂ©rique ne serait-ce qu’en titrant leur Ă©tude Douve, un thriller mĂ©taphysique » dans Yves Bonnefoy, Paris, L’Herne, 2010. [3] Je cite ici une formulation de Jean-Pierre Richard dont l’étude de fĂ©vrier 1961 reprise dans Onze Ă©tudes sur la poĂ©sie moderne Paris, Seuil, 1964, p. 254-285 nourrit ce travail alors mĂȘme que Richard propose d’emprunter la voie mauvaise » la voie Ă  la fois enchanteresse et malĂ©fique du concept » que dĂ©nonce Bonnefoy ! OĂč Richard pointe tout au long de sa lecture la vision de l’hĂ©sitation chez Bonnefoy Tous les essais de l’Improbable, et mĂȘme quelques poĂšmes de Douve ou de Hier rĂ©gnant dĂ©sert, nous racontent ainsi la prĂ©sence, nous disent ce qu’elle est et comment la chercher, mais ne nous engagent pas, concrĂštement, dans cette quĂȘte » p. 259. L’hĂ©sitation passe d’ailleurs de Bonnefoy Ă  Richard quand ce dernier avoue qu’avec Bonnefoy, mieux vaut s’abandonner Ă  ses poĂšmes La meilleure façon de les lire, me semble-t-il, serait de s’enfoncer aveuglĂ©ment dans leur ressassement et dans leur nuit, de laisser rĂ©sonner en soi leur note sourde, d’ouvrir son regard Ă  leur matitĂ© », pour aussitĂŽt ajouter contradictoirement qu’ il faudrait aussi les traverser comme des Ă©piphanies 
, bref, il faudrait dĂ©crire, si ces mots possĂšdent quelque sens, les catĂ©gories sensibles de la prĂ©sence chez Bonnefoy » p. 260-261 ! Mais le poĂ©ticien s’y perdra dans cette consistance » p. 281 et devra recourir Ă  nouveau au concept, Ă  ce qu’il va appeler la double vĂ©ritĂ© de la prĂ©sence et de la conscience » p. 283. [4] Yves Bonnefoy, Entretien avec John E. Jackson » 1976 dans Entretiens sur la poĂ©sie, op. cit., p. 85. [5] Yves Bonnefoy, Lettre Ă  John E. Jackson » 1980 dans Entretiens sur la poĂ©sie, op. cit., p. 94. Les indications de pages qui suivent renvoient Ă  cette Lettre ». [6] Voir, entre autres, Pierre Jacerme, Martin Heidegger et Jean Beaufret un dialogue », Revue philosophique, 4/2002, p. 387-402. Voir, en particulier, la p. 396. [7] Voir Patrick Quillier, Entre bruit et silence Yves Bonnefoy, MaĂźtre de Chapelle ? Esquisses acroamatiques », LittĂ©rature n° 127, 2002, p. 18. [8] Yves Bonnefoy, Du mouvement et de l’immobilitĂ© de Douve 1953 dans PoĂšmes, Paris, Gallimard, PoĂ©sie », 1982, p. 43-113. DorĂ©navant, les seules indications de pages vont Ă  cette Ă©dition. [9] Ibid. [10] Dominique Combe, L’ultime Rome’ Yves Bonnefoy et la latinitĂ© », Europe n° 890-891, juin-juillet 2003, p. 161. [11] Yves Bonnefoy, Lettre Ă  John E. Jackson » 1980 dans Entretiens sur la poĂ©sie, op. cit., p. 90. [12] Georges Didi-Huberman, L’image survivante, Histoire de l’art au temps des fantĂŽmes selon Aby Warburg, Paris, Minuit, 2002, p. 512. C’est l’auteur qui souligne. [13] Jean-Pierre Richard, Onze Ă©tudes
, op. cit., p. 274. [14] Walter Benjamin, Le Raconteur, trad. Sibylle Muller, Strasbourg, CircĂ©, 2014. Bonnefoy aurait certainement pu souscrire Ă  une des orientations de Benjamin La mort est la sanction de tout ce que le raconteur peut relater. C’est Ă  la mort qu’il a empruntĂ© son autoritĂ© » p. 21. Mais une telle orientation engage la mĂ©moire comme un vĂ©ritable bien commun », prĂ©cise Georges Didi-Huberman dans un commentaire serrĂ© de cet essai de Benjamin Blancs soucis, Paris, Minuit, 2013, p. 110. Bonnefoy me semble Ă©viter un tel engagement. [15] Guillaume Apollinaire, Sur les prophĂ©ties », Calligrammes, PoĂšmes de la paix et de la guerre 1913-1916 dans ƒuvres poĂ©tiques, Paris, Gallimard, PlĂ©iade, 1965, p. 186-187. [16] Jean-Pierre Richard, Onze Ă©tudes
, op. cit., p. 280. [17] Antoine Raybaud, Le tu de Douve » dans Michel Collot et Jean-Claude Mathieu dir. PoĂ©sie et altĂ©ritĂ©, Paris, Presses de l’École normale supĂ©rieure, 1990, p. 61-70. La citation et celle qui suit vient du paragraphe conclusif. [18] Ibid., p. 69. [19] Philippe Jaccottet, Une lumiĂšre plus mĂ»re », L’Arc n° 66, paris, 1976, p. 25. [20] Jean-Pierre Richard, Onze Ă©tudes
, op. cit., p. 281. [21] Yves Bonnefoy, L’arriĂšre-pays, GenĂšve, 1972, Albert Skira, p. 22. [22] Ibid. [23] Je reprends ici le titre de l’ouvrage de Henri Meschonnic Paris, Gallimard, 1975 qui a osĂ© Ă©crire que le deuil sied Ă  la poĂ©tisation » dans CĂ©lĂ©bration de la poĂ©sie, Lagrasse, Verdier, 2001, p. 114. Il y aurait alors Ă  tout reprendre pour apercevoir que Bonnefoy n’est pas tant portĂ© par la mort, telle mort, que par le deuil
 Mais nous retrouverions Ă©galement ce que nous avons peut-ĂȘtre qu’aperçu ici une essentialisation-poĂ©tisation qui perd le continu et la pluralitĂ© de la voix pour le lieu, le poĂšme pour la poĂ©sie
 SĂ©minaires de Serge Martin UniversitĂ© Sorbonne nouvelle Paris 3 en 2015-2016 programmes prĂ©cis Ă  venir – pour information, tous ces sĂ©minaires sont ouverts Ă  tous Ă  condition d’accepter de faire partie de la liste de diffusion qui est distribuĂ©e Ă  chaque sĂ©ance Au premier semestre du 21 septembre au 17 dĂ©cembre 12 sĂ©ances Un sĂ©minaire de M1, le jeudi matin de 9h Ă  11h LittĂ©rature et enseignement anthologie de voix » certains aspects de ce sĂ©minaire paraĂźtront sur ce carnet Trois sĂ©minaires de M2 – le mercredi de 13h Ă  15h ThĂ©ories et didactiques de la littĂ©rature une question de voix » on peut le suivre sur ce carnet Ă  l’onglet 7 – le jeudi de 13h Ă  15h LittĂ©rature de jeunesse poĂ©tique et didactique du racontage » on peut le suivre Ă  cette adresse Ă  l’onglet 4 – le mercredi de 15h Ă  17h MĂ©thodologie du mĂ©moire de recherche voies et voix de l’essai comme expĂ©rience de recherche » on peut le suivre en allant Ă  cette adresse Toute l’annĂ©e SĂ©minaire avec Aline BergĂ© maĂźtresse de confĂ©rences Ă  Paris 3 au MusĂ©e du Quai Branly de 17h30 Ă  19h30 les jeudis 15 octobre, 19 novembre et 10 dĂ©cembre 2015 ; 21 janvier, 18 fĂ©vrier, 17 mars, 7 avril et 12 mai 2016 Histoires de gestes littĂ©rature et anthropologie seconde saison » Au second semestre SĂ©minaire doctoral avec CĂ©cile Leguy professeure Ă  Paris 3 Ă  Censier les mercredis 27 janvier, 3 et 24 fĂ©vrier, 9 et 23 mars et 13 avril 2016, de 14h Ă  16h Gestes et voix une anthropologie poĂ©tique des arts du langage seconde saison » SĂ©minaire doctoral avec Jean-Louis Chiss professeur Ă  Paris 3 Ă  Censier les jeudis 28 janvier, 4 et 18 fĂ©vrier, 10 et 24 mars et 14 avril 2016, de 14h Ă  16h Penser/enseigner le sens du langage premiĂšre saison » Nous proposons ici une Ă©dition critique de quelques comptes rendus de Jarry, sans introduction thĂ©orique ou contextualisation prĂ©alable tout est dans les notes. Et nous avons fait choix de laisser le lecteur les dĂ©couvrir Ă  sa guise
 G. La NatalitĂ© en France en 1900 Bernard.2 On comptait, en France, 32 naissances sur mille habitants en 18013. Il n’y en avait plus que 22 en 18954, et ce chiffre ne s’est relevĂ©, depuis 1898, qu’à 22,15. Or, le coefficient des dĂ©cĂšs se maintenant actuellement Ă  22,26, la France se dĂ©peuple7, ou plutĂŽt se dĂ©peuplerait sans l’immigration et peut-ĂȘtre la collaboration personnelle des immigrants8. Quelle est la cause de cette dĂ©population ? Car le coef­ficient des mariages est demeurĂ© constant 7,49. Mais la plu­part sont infĂ©conds10, soit que les conjoints abusent, pour diverses raisons, Ă  Paris plus qu’en tout autre pays, du restraint moral de Malthus11 ; et, de fait, les restraints moraux » des meilleurs faiseurs se fabriquent Ă  Paris12, comme leur nom l’indique ; soit que beaucoup de Français soient, selon l’observation du Dr Émile Maurel, hĂ©rĂ©do-arthritiques Ă  la troisiĂšme et Ă  la quatriĂšme gĂ©nĂ©rationA, Ă©tat dĂ» lui-mĂȘme Ă  la suralimentation azotĂ©e13. Le vrai coupable serait, dit-on, l’alcoolisme14. M. Bourneville, sur 1 000 enfants idiots, imbĂ©ciles, Ă©pileptiques, recueillis Ă  BicĂȘtre, Ă©tablit que 500 seraient conçus par des pĂšres ou mĂšres alcooliques15. Nous nous rĂ©voltons contre la partiale absurditĂ© de cet argument, car, du moment qu’il y a balance Ă©gale, nous pouvons conclure aussi bien que 500 sur 1 000 des Ă©pileptiques et idiots susmentionnĂ©s sont conçus par des parents sains. C’est d’ailleurs une loi que les tares ne sont jamais immé­diatement hĂ©rĂ©ditaires16. Le premier descendant d’un alcoo­lique n’est pas alcoolique scrofuleux17 quelquefois, et pas toujours. Le Dr Laborde18 et plusieurs Ă©minents mĂ©decins s’élĂšvent contre l’alcoolisme Ă  sa premiĂšre pĂ©riode, Ă  qui ils reprochent sa fĂ©condation immanquable, inconsciente et bru­tale, parce que cette pĂ©riode est celle de l’excitation en mĂȘme temps gĂ©nitale et spĂ©cialement gĂ©nĂ©rique19 ; mais dont les produits sont eux-mĂȘmes incapables de se reproduire20. Ces mĂȘmes spĂ©cialistes conviennent aussi que les non-alcoo­liques sont frĂ©quemment impuissants21. Nous tirerons, de ces sophismes mĂȘmes, leur conclusion qui les rĂ©futera les non-alcooliques, les gens sains22 actuels, sont assimilables Ă  de trĂšs anciens descendants d’alcooli­ques, et ceci explique qu’ils soient, le plus souvent, comme les fils d’alcooliques, inaptes Ă  la reproduction. NousB prĂ©sentons la clĂ© de cette mĂ©thode dans une loi, que nous appellerons formule de l’alcoomĂštre repopulateur, laquelle nous paraĂźt un pendant parfaitement valable Ă  la thĂ©orie malthu­sienne connue, de l’accroissement gĂ©omĂ©trique des nais­sances et arithmĂ©tique des ressources alimentaires du globe Pour que la population croisse en progression arithmĂ©tique23, il faut que l’alcoolisme nombre des alcooliques et degrĂ© de leur alcoolisation croisse en progression gĂ©omĂ©trique24. Variantes a gĂ©nĂ©rations b reproduction. Les seuls reproducteurs valides, les alcooliques, ne font souche que d’une gĂ©nĂ©ration, parce que celle-ci, suivant une loi d’alternance, n’est pas elle-mĂȘme alcoolique. Il faudrait, pour qu’elle le fĂ»t, soumettre ses tissus mithridatisĂ©s Ă  une intoxication alcoolique supĂ©rieure dans des proportions dĂ©terminĂ©es. La plus Ă©lĂ©mentaire logique conseille Ă  l’hygiĂ©niste et au lĂ©gislateur de donner tous ses soins Ă  cette alcoolisation mĂ©thodiquement crois­sante. Nous Mme Hudry-Menos La Femme Schleicher.25 Étude glorificatrice de la femme Ă  travers les Ăąges, tant ceux de l’histoire26 que ceux de son individuelle existence27. La femme n’est pas plus faible, physiquement, ni cĂ©rĂ©bralement que l’homme, ou plutĂŽt elle ne l’est devenue que par des siĂšcles d’asservissement28 ; elle n’est pas non plus l’éter­nelle malade29 la rupture pĂ©riodique des follicules de Graaf n’est pas une maladie30. D’oĂč lĂ©gitimitĂ© de toutes les revendi­cations actuelles du fĂ©minisme31
 Une, nous semble-t-il, manque. Puisque les femmes postulentA l’accĂšs Ă  toutes les fonctions sociales32B, qu’elles se prĂ©valent d’illustrations surtout guerriĂšres33, telles que Jeanne d’Arc34 et Jeanne Hachette35, qu’elles sont gĂ©nĂ©rale­ment plus patriotes que les hommes, il nous semblerait urgent avant toute autre rĂ©forme, d’étendre Ă  leur sexe les glorieuses prĂ©rogatives du service militaire36. Variantes a demandent barrĂ© postulent b tous les emplois sociaux barrĂ© toutes les fonctions sociales Albert de Pouvourville L’Empire du Milieu Schleicher.37 Voici, prĂ©sentĂ© dans un prĂ©cis historique et gĂ©ographique38 excellent39, ce peuple chinois, vers qui l’Europe se tourne40 ; peuple de civilisation si absolue qu’elle est immuable41, contrepied de la nĂŽtre42, ce qui donne Ă  penser peu de bien de la nĂŽtre. 2600 ans avant l’ùre chrĂ©tienne, les Chinois se servaient usuellement de la boussole43 ; en 2000, ils connaissaient l’astronomie et le calendrier44 ; en 1000, la sphĂ©ricitĂ© de la Terre et son aplanissement aux pĂŽles45 ; en 400 avant JĂ©sus-Christ, la poudre et les canons46. De tous temps, leurs beaux-arts atteignirent une perfection que nous ne commençons qu’à dĂ©couvrir. L’Europe se bat contre les Fils du Ciel47 pour obĂ©ir Ă  cette loi que la barbarie attaque toujours la civilisation48. Elle peut momentanĂ©ment vaincre, parce que, dit M. de Pouvour­ville49, il n’y a pas d’armĂ©e permanente en Chine, aucune considĂ©ration ne s’attache au mĂ©tier des armes50 dans le peuple, on ne recrute comme soldats que les mendiants et les vagabonds ; et les familles n’envoient Ă  l’armĂ©e, comme officiers, que ceux de leurs fils dont on ne saurait rien faire, ou qui ont mal tournĂ© 51». En France, constaterons-nous, Ă  l’aurore du XXe siĂšcle, la crĂ©dulitĂ© et l’enthousiasme populaires sont restĂ©s aussi avides de lĂ©gendes belliqueuses qu’aux temps fabuleux. De nombreux Français n’ont-ils pas, tout rĂ©cemment, cru voir de leurs yeux par un phĂ©nomĂšne d’hallucination collective qui n’est pas rare chez les peuples jeunes ce mythe solaire52, grandiose Ă  vrai dire, du Guerrier dans les langues germa­niques, Krieger53 et KrĂŒger54 ? Quant aux sages Jaunes, ils ne voudront la guerre que le jour oĂč ils seront trop serrĂ©s les uns contre les autres ; ils sortiront, mais bon grĂ© mal grĂ©55 et seulement pour accomplir l’antique prĂ©diction des lettrĂ©s du temps des Ming, l’exode de six cents millions d’hommes, qui changera la couleur du sang humain56. LĂ©on Walras ÉlĂ©ments d’économie politique pure Pichon.57 Appliquer Ă  l’économie politique ou thĂ©orie de la richesse sociale58 l’analyse mathĂ©matique, en un motA en faire une science exacte59, est une idĂ©e rĂ©centeB elle date de 1854 et du livre Entwickelung des Gesetze des Menschlichen Verkehrs60, oĂč Gossen61 Ă©nonçaC les systĂšmes d’équations dont les fermages, les salaires et les intĂ©rĂȘts62 sont les racines. En 1871 William Jevons63, professeur d’économie politique Ă  Manchester, publia chez Macmillan sa Theory of Political Economy64, qui repose toute sur ce qu’il appelle Ă©quation d’échange 65». À peu prĂšs en mĂȘme temps, un Suisse, LĂ©on Walras66, for­mulait une loi d’échange rigoureusement identique, la condition de satisfaction maxima 67». Les Ă©conomistes non mathĂ©maticiens, qui ont pour tous thĂ©orĂšmes des clichĂ©s La libertĂ© humaine ne se laisse pas mettre en Ă©quation ; – les frottements sont tout dans les sciences morales, ne peuvent faire que la thĂ©orie de la dĂ©termination des prix en libre concurrence ne soit une thĂ©orie mathĂ©ma­tique68. Raisonner non mathĂ©matiquement, c’est en somme faire de fausse mathĂ©matique69 tantĂŽt dĂ©terminer une mĂȘme inconnue au moyen de nE Ă©quations, tantĂŽt faire servir une seule Ă©quation Ă  dĂ©terminer n inconnues70. Il est douteux que de telles mĂ©thodes puissent ĂȘtre indĂ©finiment opposĂ©es Ă  celle qui veut constituer l’économie politique pure en science exacte71, et soient bonnes Ă  autre chose qu’à obtenir des solutions propres Ă  charmerF l’espritG par leur variĂ©tĂ©. Voici une des formules de M. Walras Les prix ou les rap­ports des valeurs d’échange sont Ă©gaux aux rapports inverses des quantitĂ©s de marchandises Ă©changĂ©es72. Cette loi a Ă©tĂ© prouvĂ©e historiquement de façon trĂšs apparente ; l’émission de 30 Ă  40 milliards d’assignats a abaissĂ© de 100 Ă  2,5 ou 3 la valeur de l’intermĂ©diaire d’échange73. On ne peut rĂ©pĂ©ter cette magnifique expĂ©rience aussi souvent qu’il le faudrait, dit M. Walras, pour convaincre les adversaires de la loi de la quantitĂ©74 ; et c’est pourquoi il est fort heureux que l’éco­nomie soit une science oĂč le raisonnement vient supplĂ©er au dĂ©faut ou Ă  l’incertitude de l’expĂ©rience. 75» Nous verrions volontiers, au contraire, un savant modeste Ă©diter pour quelques millions de papier-monnaie76, Ă  seule fin d’enH obser­ver ensuite avec sĂ©rĂ©nitĂ© la rĂ©action. Il ne fera que per­fectionner la mĂ©thode des grands Ă©tablissements financiers, lesquels ont ouvertement en circulation du papier pour une valeur triple c’est le chiffre le plus usitĂ© de leur encaisse mĂ©tallique. Le mĂ©tal est un poids mort, un sabot de frein77, disent les Ă©conomistes amĂ©tallistes ; la sociĂ©tĂ© n’est pas plus constituĂ©e pour liquider qu’un chariot pour s’arrĂȘter ; il doit seulement pouvoir. 78» À quoi bon, puisque le Monde, le plus vieil Ă©tablissement d’échange, ne peut pas non plus embrayer ? Mais il ne faudrait pas conclure que nous soyons aucunement hostile Ă  la thĂ©orie, jusqu’à prĂ©sent Ă©sotĂ©rique, de la fabrication de la monnaie fiduciaire79 en libre concurrence80. Variantes a c’est-Ă -dire barrĂ© en un mot b moderne barrĂ© rĂ©cente c formula barrĂ© Ă©nonça d maximum barrĂ© maxima e deux barrĂ© n f distraire barrĂ© charmer g l’esprit addition interlinĂ©aire h en addition interlinĂ©aire Almanach du PĂšre Ubu pour le XXe siĂšcle en vente partout.81 Revue des plus rĂ©cents Ă©vĂ©nements politiques82, littĂ©raires, artistiques83, coloniaux84, par-devant le pĂšre Ubu. Un trait de la silhouette de ce pantin est mis en lumiĂšre ici, qui n’avait point servi dans Ubu roi ni sa contrepartie Ubu enchaĂźnĂ© nous parlons de la
 pataphysiqueA » du personnage, plus simplement son assurance Ă  disserter de omni re scibili85, tantĂŽt avec compĂ©tence, aussi volontiers avec absurditĂ©, mais dans ce dernier cas suivant une logique d’autant plus irrĂ©futable que c’est celle du fou ou du gĂąteux Il y a deux sortes de rats, professe-t-il par exempleB, le rat des villes et le rat des champs ; osez dire que nous ne sommes pas un grand entomologiste86 ! Le rat des champs est plus prolifique, parce qu’il a plus de place pour87C Ă©lever sa progĂ©niture88
 » L’almanach est illustrĂ© de trĂšs synthĂ©tiques89 dessins de Pierre Bonnard et accompagnĂ© de musique nouvelle90 par Claude Terrasse91. Variantes a la pataphysique b par exemple addition interlinĂ©aire c place oĂč Jean S. BarĂšs Gramaire françaize Le RĂ©formiste.92 Monsieur Jean S. BarĂšs, qui fait, depuis quatre ans, dans Le RĂ©formiste, une campagne en faveur de la sinplificacion ortografique 93», vient de publier la prĂ©zente gramaire destinĂše a mĂštre a la portĂše des intĂ©lijences seulement moyĂšnes, les rĂšgles lojiques et sinples » de sa nouvelle ortografe ». On permĂ©tra ainsi aus enfants », dit-il, d’apprendre une grande partie des chozes qu’il faut savoir pour faire bone figure dans la bataille de la vie, pendant les anĂšes qu’ils perdent actuĂ©lement pour graver dans leur mĂ©moire la multitude de caprices et de convencions dont la seule Ă©nonciacion rĂ©volte tout esprit de lojique. 94» Il semble que M. Jean S. BarĂšs n’ait point considĂ©rĂ© que l’orthographe n’est pas une science qu’on apprenne selon des rĂšgles, mais un usage, une habitude et en quelque sorte une mode. Elle se transforme continuellement, ainsi que le prouvent les sans cesse nouvelles Ă©ditions des dictionnaires, et le jour oĂč elle s’avouera dĂ©finitivement codifiĂ©e, c’est que la langue dont elle est le costume sera morte. Si les grammairiens ont dĂ©duit des habitudes du peuple et du caprice des grands Ă©crivains ce qu’on appelle conventionnellement des rĂšgles d’orthographe et de syntaxe, afin de faciliter d’écrire aux enfants, et, comme dit M. Jean S. BarĂšs, aus intĂ©lijences moyĂšnes », ces soi-disant rĂšgles ne sont que des constatations de faits, comme celle-ci, par exemple le participe s’accorde en telles circonstances, – de mĂȘme qu’onA dirait les feuilles de tels arbres tom­bent en automne. C’est un phĂ©nomĂšne de la nature et il ne sert d’yB contredire95. Il suit de lĂ  que les exceptions de cesC rĂšgles» sont des rĂšgles aussi, mais qui s’appliquent Ă  un seul ou Ă  un petit nombre de cas. Vouloir uniformiser l’orthographe, c’est la tĂąche utopique poursuivie par Le RĂ©formiste, en mĂȘme temps que la supression des octrois, le relĂšvement de l’agriculture, la dĂ©centralizacion administrative et l’établissement d’un ser­vice militaire pareil pour tous. Il dĂ©zire Ă©tablir l’égalitĂ© et dĂ©grever le nĂ©cessaire en grevant le superflu 96»  mĂȘme dans les motsD. Cette utopie ne laisse pas d’ĂȘtre inquiĂ©tante, car, de par maints assentiments universitaires et officiels, peu s’en faut qu’elle ne soit rĂ©alisĂ©e97. Les intĂ©lijences moyĂšnes » apprendront Ă  Ă©crire plus facilement, mais
 les autres, dont le temps est bien aussi pré­cieux, seront-elles forcĂ©es d’apprendre Ă  lire ceE volapĂŒk98 ? Enfin, n’accusons point M. Jean S. BarĂšs d’avoir inventĂ© la grammaireF des fautes d’orthographe sans doute l’idĂ©e et la substance lui en furent-elles fournies par nos filles, nos femmes et nous-mĂȘmes
 qui sommes encore bien capables de refaire des fautes contre cette grammaireF des fautes ! Variantes a comme on barrĂ© de mĂȘme qu’on b n’y a rien Ă  y barrĂ© ne sert d’y c des prĂ©tendues barrĂ© de ces d mĂȘme dans les mots. ne figure pas e le barrĂ© ce f le dictionnaire g le dictionnaire Notes 1 G. M. est Georges MĂ©ran, nĂ© Ă  Bordeaux en 1843, avocat Ă  Bordeaux et maire d’Arcachon information due Ă  Bertrand Marchal ; qu’il en soit ici chaleureusement remerciĂ©. 3 Voir LNF, p. 20. Le nombre 1801 est une invention de Jarry. 4 Voir Ibid. 5 Voir Id., p. 21. 6 Voir Ibid. Jarry recopie improprement 22,1 » Ă  la place de 21,2 », permutant 2 » et 1 ». 7 Voir Id., p. 19. 8 Citation indirecte, Jarry modifiant naturalisation des Ă©trangers » en collaboration personnelle des immigrants » [L]a France [
] ne se dĂ©peuple pas, grĂące Ă  l’immigration et Ă  la naturalisation des Ă©trangers [
] » Id., p. 24-25. 9 Cette information ne se trouve pas dans le livre de Georges MĂ©ran. 10 Citation indirecte [
] la plupart des mariages infĂ©conds sont dus Ă  l’hĂ©rĂ©do-arthritisme [
] » Id., p. 28. 11 Citation indirecte De Malthus on ne connaĂźt que le restraint moral et la progression gĂ©omĂ©trique et arithmĂ©tique [
] » Id., p. 123. Remarquons que l’italique n’est pas de la main de Jarry elle est dĂ©jĂ  prĂ©sente dans ce passage de LNF [
] ce qu’il appelle le restraint moral [
] » Id., p. 46. 12 Voir Id., p. 54. En rĂ©alitĂ©, contrairement Ă  ce que laisse entendre Jarry, Malthus ne prĂŽnait nullement l’usage de prĂ©servatifs, comme l’admet implicitement Georges MĂ©ran dans Id., p. 46 la remarque de Jarry entre ainsi en contradiction avec le propos de LNF. Par moral restreint », rĂ©sume Annie Vidal, Malthus entend la chastetĂ© hors mariage et l’ajournement du mariage pour les pauvres, idĂ©e qui en elle-mĂȘme n’avait rien de rĂ©volutionnaire, le contrĂŽle des naissances par la nuptialitĂ© Ă©tant une pratique courante avant le XIX° siĂšcle » Annie Vidal, La pensĂ©e dĂ©mographique, Doctrines, thĂ©ories et politiques de population, Grenoble, Presses Universitaires de Grenoble, 1994, p. 49. 13 Citation indirecte, Jarry modifiant affirme » verbe qui sous-entend l’énoncĂ© d’une vĂ©ritĂ© scientifique en selon l’observation » formule qui suggĂšre la prĂ©sence d’une subjectivitĂ©, la perception par les sens Ă©tant, de plus, sujette Ă  l’erreur, comme aime Ă  le rĂ©pĂ©ter Jarry dans ses chroniques Un hygiĂ©niste, le docteur Emile Maurel, agrĂ©gĂ© Ă  la FacultĂ© de MĂ©decine de Toulouse, affirme que la plupart des mariages infĂ©conds sont dus Ă  l’hĂ©rĂ©do-arthritisme Ă  la troisiĂšme et Ă  la quatriĂšme gĂ©nĂ©ration ; cet Ă©tat est dĂ» lui-mĂȘme Ă  la suralimentation azotĂ©e [
] » LNF, p. 28. 14 Sur les liens qui existent Ă  cette Ă©poque entre l’alcoolisme et le problĂšme de la dĂ©population, voir Didier Nourrisson, Le buveur au XIX° siĂšcle, Albin Michel, 1990, p. 186-187. 15 Citation indirecte, Jarry modifiant avaient Ă©tĂ© » en seraient » Sur mille enfants idiots, imbĂ©ciles, Ă©pileptiques, recueillis Ă  BicĂȘtre, M. Bourneville Ă©tablit que la moitiĂ©, soit cinq cents, avaient Ă©tĂ© conçus par des pĂšres ou mĂšres alcooliques » LNF, p. 35. 16 Jarry renverse le sens du passage suivant [
] le boiteux engendre un boiteux, le bossu des bossus, le fou des fous ; la tare physique se lĂšgue et se perpĂ©tue de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration ; il en est de mĂȘme de la tare morale, car il n’est pas que des contagions physiques, et c’est par l’hĂ©rĂ©ditĂ©, par l’atavisme que les philosophes expliquent les erreurs invĂ©tĂ©rĂ©es de l’esprit humain persistant d’ñge en Ăąge, de siĂšcle en siĂšcle, et que la science ne dĂ©truit qu’aprĂšs de longs efforts » Id., p. 90. 17 Georges MĂ©ran ne le spĂ©cifie pas. Jarry puise par consĂ©quent cette information ailleurs. Camille Raot Ă©crit par exemple dans NatalitĂ© Les descendants d’ivrognes fournissent une proportion considĂ©rable [
] de scrofuleux [
] » AbbĂ© Camille Raot, NatalitĂ©, Librairie Ch. Poussielgue, 1901, p. 86. 18 Jean-Baptiste-Vincent Laborde 1830-1903. Voir, au sujet de ce mĂ©decin, la chronique La morale murale ». 19 Citation indirecte, Jarry ajoutant le terme immanquable », qu’il met en relief par le biais de l’italique, Ă©cartant l’adverbe particuliĂšrement », et maniant l’hyperbole car il ne s’agit pas de la parole de plusieurs Ă©minents mĂ©decins » mais de celle du seul Laborde Mais il faut encore insister sur le rĂŽle doublement lamentable de la passion alcoolique, ajoute M. Laborde, dans la procrĂ©ation pour ainsi dire inconsciente et ainsi particuliĂšrement brutale, Ă  la premiĂšre pĂ©riode de l’alcoolisme, c’est-Ă -dire Ă  la pĂ©riode d’excitation en mĂȘme temps gĂ©nitale et spĂ©cialement gĂ©nĂ©rique, et par suite sur les consĂ©quences hĂ©rĂ©ditaires dĂ©sastreuses qui en sont le rĂ©sultat fatal » LNF, p. 41. 20 Jarry s’inspire du passage suivant, modifiant impuissants » en incapables » Ces rĂ©sultats sont connus, c’est l’engendrement d’enfants impuissants Ă  se reproduire, criminels et affaiblis » Id., p. 42. 21 Allusion au passage suivant Il est facile d’apprĂ©cier les consĂ©quences de pareils rĂ©sultats c’est ici que l’hygiĂ©niste soucieux de la conservation de la race devrait intervenir pour rendre stĂ©riles les copulations des alcooliques, et fĂ©condes celles des gens sains. Tel est le problĂšme il semble insoluble. » Id., p. 42 En effet, la formulation jarryque [c]es mĂȘmes spĂ©cialistes conviennent aussi que les non-alcoo­liques sont frĂ©quemment impuissants » se construit sur la formulation suivante de Georges MĂ©ran c’est ici que l’hygiĂ©niste soucieux de la conservation de la race devrait intervenir pour rendre stĂ©riles les copulations des alcooliques, et fĂ©condes celles des gens sains », Jarry rebondissant sur la maladresse d’expression pour faire affleurer le sens, lorsque l’on pousse cette maladresse Ă  son paroxysme, qui s’y trouve apparemment recelĂ© s’il s’agit de rendre fĂ©condes » les copulations » des non-alcooliques, cela peut supposer, indĂ©pendamment de l’utilisation des contraceptifs Ă  laquelle Georges MĂ©ran fait allusion, que Jarry Ă©carte pour les besoins de son propos volontairement mĂ©thodique, que celles-ci sont stĂ©riles. 22 Jarry renverse l’affirmation suivante [
] ces dĂ©gĂ©nĂ©rĂ©s, ces pervers, produits de l’alcoolisme, et eux-mĂȘmes alcooliques. » Id., p. 36 23 La progression arithmĂ©tique est 1 2 3 4, etc. 24 La progression gĂ©omĂ©trique est 1 2 4 8 16, etc. Jarry s’inspire pour l’énoncĂ© de ce thĂ©orĂšme fantaisiste de celui de Malthus, reproduit dans le livre de Georges MĂ©ran La doctrine de Malthus telle qu’il l’a formulĂ©e est peu connue dans son ensemble et dans ses consĂ©quences ; on n’en a retenu que deux points le premier est la thĂ©orie de l’accroissement gĂ©omĂ©trique dans les naissances et arithmĂ©tique dans les ressources alimentaires que peut fournir notre globe » Id., p. 45. 26 Toute la premiĂšre partie est en effet consacrĂ©e Ă  la femme dans les diverses civilisations et aux diverses PĂ©riodes de l’Histoire. » 27 Toute la seconde partie est en effet consacrĂ©e Ă  [l]’évolution individuelle de la femme ». 28 Citation indirecte, Jarry Ă©cartant le terme moralement » et modifiant sĂ©culaire » en des siĂšcles », intellectuellement » en cĂ©rĂ©bralement » la femme est une crĂ©ature anĂ©miĂ©e physiquement, intellectuellement et moralement par une servitude sĂ©culaire [
] » LF, p. 208 ; Hudry-Menos Ă©voque en outre l’asservissement gĂ©nĂ©ral de la femme » Id., p. 116. 29 Voir Id., p. 6, 117. 30 Citation indirecte, Jarry resserrant la formulation chaque mois [
] doit se rompre » en rupture pĂ©riodique » [
] chaque mois, un ou plusieurs de ces Ɠufs, appelĂ©s par le mĂ©decin follicules de Graaf, doit se rompre [
]. Cette rupture de follicule n’est pas une maladie [
] » Id., p. 115-116. 31 Jarry s’inspire fortement, pour sa formulation qui commence par La femme n’est pas plus faible [
] », du passage suivant, en Ă©pousant la structure puisque l’utilisation qu’il fait des mots asservissement », malade », fĂ©minin[sme] » rejoint en tout point l’ordre de succession de ces termes mĂȘme si Jarry modifie fĂ©ministes » en fĂ©minisme » au sein du texte originel [E]n ces derniĂšres annĂ©es des groupes de femmes se sont partout formĂ©s pour protester contre cet asservissement maintenu malgrĂ© la transformation des idĂ©es et des mƓurs. La science ne fait plus d’elle un ĂȘtre inachevĂ©, un homme arrĂȘtĂ© dans son dĂ©veloppement. Elle sait qu’elle est une force distincte de la force masculine, – non une malade [
] ; et elle s’efforce, partout oĂč son Ă©mancipation est assez avancĂ©e, de fortifier son corps, son intelligence et son Ăąme. C’est ce qu’on a appelĂ© les Revendications fĂ©ministes
 » Id., p. 208 ; voir aussi Id., p. 215-216. La plus importante modification Ă  laquelle procĂšde Jarry tient au fait qu’il renverse le lien logique qui suggĂšre une simple explication C’est ce qu’on » en lien de consĂ©quence exprimĂ© par D’oĂč ». 32 Voir Id., p. 212, 213. 33 Voir Id., p. 62, 103. 34 Voir Id., p. 61, 62. 35 Voir Id., p. 66. 36 Le RĂ©formiste prĂŽnait dĂ©jĂ  l’établissement d’un service militaire pareil pour tous » Jean S. BarĂšs, Gramaire Françaize, Aus bureaus du RĂ©formiste, 1900, p. 105, phrase que Jarry cite dans son compte rendu du livre de BarĂšs. Or, Jarry avec cette affirmation il nous semblerait urgent [
] service militaire » fait implicitement rĂ©fĂ©rence au livre de BarĂšs qu’il chronique puisqu’il Ă©crira dans l’Almanach illustrĂ© du PĂšre Ubu de 1901 notre grande revendication fĂ©ministe, le service militaire non plus pour tous mais pour toutes » Alfred Jarry, ƒuvres complĂštes, I, textes Ă©tablis, prĂ©sentĂ©s et annotĂ©s par Michel ArrivĂ©, Gallimard, collection BibliothĂšque de la PlĂ©iade, 1972, p. 587. 38 Citation indirecte d’un passage qui concerne paradoxalement un autre ouvrage Description gĂ©ographique, prĂ©cis historique, institutions sociales, religieuses, politiques, notions sur les sciences, les arts, l’industrie et le commerce » EM, p. 180. Voir aussi Id., p. 9. 39 Jarry dresse l’éloge de EM en cherchant Ă  balayer les doutes exprimĂ©s par son auteur voir Id., p. 7, 8. 40 Allusion Ă  la phrase suivante [L]es tendances internationales actuelles contraignent la France Ă  se tourner vers les choses de l’ExtrĂȘme-Orient [
] » Id., p. 9. 41 Citation indirecte, Jarry ajoutant le terme absolu » [
] le problĂšme apparaĂźt formidable, quand l’étude se porte sur un peuple d’une civilisation antique, achevĂ©e, immuable dĂ©sormais [
] » Id., p. 8. Voir aussi Alfred Jarry, ƒuvres complĂštes, II, Ă©dition Ă©tablie par Henri Bordillon, avec la collaboration de Patrick Besnier et Bernard Le Doze, Gallimard, collection BibliothĂšque de la PlĂ©iade, 1987, p. 93. 42 Voir EM, op. cit. 43 Hyperbole ou erreur de lecture de Jarry l’introduction de la boussole a lieu selon EM quelques annĂ©es aprĂšs [
] 1110 avant JĂ©sus-Christ » Id., p. 118. 44 Citation indirecte [
] une civilisation dĂ©jĂ  Ă©clairĂ©e, 2000 avant JĂ©sus-Christ. À cette Ă©poque, [
] on connaissait l’astronomie et le calendrier [
] » Id., p. 118. 45 Citation indirecte, Jarry modifiant aplatissement polaire » en aplanissement aux pĂŽles » En 1000 avant JĂ©sus-Christ, le premier code pĂ©nal fut instituĂ© [
]. À la mĂȘme Ă©poque remont[e] [
] la connaissance de la sphĂ©ricitĂ© de la terre et de son aplatissement polaire. » Id., p. 118-119. 46 Citation indirecte Quatre cents ans avant JĂ©sus-Christ, les Chinois connurent les propriĂ©tĂ©s de la poudre Ă  canon [
] » Id., p. 119. 47 Expression prĂ©sente dans EM voir notamment Id., p. 164, 170. 48 Jarry fait allusion au passage suivant La race blanche, qui, Ă  cause de son petit nombre et de son Ă©loignement, est contrainte d’avoir, en Chine, recours Ă  la puissance de ses engins de guerre et de destruction, rencontrera un obstacle vivant et perpĂ©tuel Ă  son expansion, dans la personne de ces lettrĂ©s souriants, qui puisent dans la soliditĂ© de leur instruction et dans l’anciennetĂ© de leurs doctrines la conscience de leur force morale et l’espoir de l’immortalitĂ© de leur rĂ©sistance. » Id., p. 98. 49 Albert de Pouvourville 1861-1939 fut officier militaire, orientaliste, occultiste et poĂšte. 50 Voir Albert de Pouvourville, La Chine des Mandarins, Schleicher frĂšres, 1901, p. 136-139. 51 Voir EM, p. 83. 52 Jarry exprimera diffĂ©remment cette idĂ©e dans l’Almanach illustrĂ© du PĂšre Ubu de 1901 voir Alfred Jarry, ƒuvres complĂštes, I, textes Ă©tablis, prĂ©sentĂ©s et annotĂ©s par Michel ArrivĂ©, Gallimard, collection BibliothĂšque de la PlĂ©iade, 1972, p. 590. 53 Guerrier » en allemand. 54 Allusion Ă  la venue le 24 novembre 1900 Ă  Paris de Paul KrĂŒger 1825-1914, prĂ©sident de la rĂ©publique du Transvaal et plus spĂ©cifiquement Ă  la maniĂšre dont il fut acclamĂ© par les personnes amassĂ©es Ă  son passage. 55 Citation indirecte BientĂŽt le Chinois n’aura plus de place en Chine. [
] Et la race dĂ©borde ; le jour oĂč les Chinois seront trop serrĂ©s les uns contre les autres, bon grĂ© mal grĂ©, il leur faudra bien sortir de chez eux. » EM, p. 176. 56 Citation indirecte, Jarry abandonnant le terme formidable » dans la formulation exode formidable », laissant de cĂŽtĂ© la formulation renouvellera la face du vieux monde » ainsi que le terme sages » qu’il utilise ailleurs et modifiant sang des hommes » en sang humain » [
] c’est le Japon qui mĂšnera, Ă  travers les steppes chinoises, sibĂ©riennes et russes, l’exode formidable de six cents millions d’hommes que prĂ©dirent les sages lettrĂ©s du temps des Ming et qui renouvellera la face du vieux monde et changera la couleur du sang des hommes » Id., p. 177-178. 58 Citation indirecte [
] l’économie politique pure est aussi la thĂ©orie de la richesse sociale. » Économica, p. 11. 59 Citation indirecte Walras affirme que sa mĂ©thode veut constituer l’économie politique pure comme une science exacte. » Id., p. 21 60 Allusion Ă  un autre livre de LĂ©on Walras Études d’économie sociale ThĂ©orie de la rĂ©partition de la richesse sociale voir LĂ©on Walras, Études d’économie sociale ThĂ©orie de la rĂ©partition de la richesse sociale, Lausanne, F. Rouge et Cie, 1936, p. 373. Le titre complet de l’ouvrage de Gossen est Entwickelung der Gesetze des menschlichen Verkehrs und der daraus fliessenden Regeln fĂŒr menschliches Handeln et signifie exposition des lois de l’échange et des rĂšgles de l’industrie qui s’en dĂ©duisent ». 61 Hermann Heinrich Gossen 1810-1858, Ă©conomiste. 62 Walras utilise cette formulation pour faire rĂ©fĂ©rence Ă  ses propres travaux voir Économica, p. 3, Ă  ceux de Walras Jevons Id., p. 17, mais jamais Ă  ceux de Gossen. 63 William Stanley Jevons 1835-1882, logicien et Ă©conomiste anglais. 64 Citation indirecte [
] j’ai eu connaissance d’un ouvrage sur le mĂȘme sujet, intitulĂ© The Theory of Political Economy, publiĂ© en 1871 chez Macmillan & C°, Ă  Londres, par M. W. Stanley Jevons, professeur d’économie politique Ă  Manchester. » Id., p. 2. 65 Voir LĂ©on Walras, ÉlĂ©ments d’économie politique pure ; ou, ThĂ©orie de la richesse sociale, L. Corbaz & Cie, 1874, p. VII. 66 LĂ©on Walras 1834-1910, Ă©conomiste, occupa la chaire d’économie politique de l’UniversitĂ© de Lausanne Suisse. 67 Citation Ă  la fois directe et indirecte, Jarry modifiant Ă©quation » en loi » et maximum » en maxima » [
] Ă©quation d’échange [
] qui est rigoureusement identique Ă  celle qui me sert Ă  moi-mĂȘme de point de dĂ©part et que j’appelle condition de satisfaction maximum. » Economica, p. 2. 68 Citation indirecte [
] Ils ne feront pas que la thĂ©orie de la dĂ©termination des prix en libre concurrence ne soit une thĂ©orie mathĂ©matique [
] » Id., p. 21. Le passage en italique est de la main de Jarry. 69 La premiĂšre partie de cette phrase naĂźt du passage suivant [
] ils seront toujours » obligĂ©s d’aborder l’économie politique sans les ressources nĂ©cessaires et, en ce cas, de faire Ă  la fois de trĂšs mauvaise Ă©conomie politique pure et de trĂšs mauvaise mathĂ©matique. » Ibid. 70 La seconde partie de cette phrase naĂźt entiĂšrement du passage suivant, Jarry remplaçant deux » et deux, trois et quatre » en n » [
] ces Messieurs se rĂ©servent tantĂŽt de dĂ©terminer une mĂȘme inconnue au moyen de deux Ă©quations et tantĂŽt de faire servir une seule Ă©quation Ă  dĂ©terminer deux, trois et quatre inconnues [
] » Ibid.. 71 Citation indirecte [
] et l’on doutera, je l’espĂšre, qu’une telle mĂ©thode puisse ĂȘtre indĂ©finiment opposĂ©e Ă  celle qui veut constituer l’économie politique pure comme une science exacte » » Id., p. 21. 72 Voir LĂ©on Walras, ÉlĂ©ments d’économie politique pure thĂ©orie de la richesse sociale, Ă©dition dĂ©finitive, revue et augmentĂ©e par l’auteur, R. Pichon et R. Durand-Auzias, 1926, p. 49. 73 Citation indirecte C’est ainsi qu’on vit des Ă©missions de 30 Ă  40 milliards d’assignats abaisser dans la proportion de 100 Ă  2,50 ou 3 la valeur de l’intermĂ©diaire d’échange » Id., p. 354. 74 La loi dite de la quantitĂ© est la loi de proportionnalitĂ© inverse de la valeur de la monnaie Ă  sa quantitĂ©. » Id., p. 353. Sur les adversaires » de cette loi, voir Id., p. 353-354. 75 Voir Id., p. 354. 76 La rĂȘverie mĂ©thodique de Jarry naĂźt de sa lecture du passage suivant Nous verrons, en Ă©conomie politique appliquĂ©e, quelles sont les consĂ©quences Ă©normes » de la loi de la quantitĂ© qui met tout l’équilibre du marchĂ© Ă  la merci des exploiteurs de mines et des Ă©metteurs de billets de banque et de chĂšques. » Id., p. 353. 77 Les sabots ou blocs de frein » appartenant au monde ferroviaire peuvent effectivement ĂȘtre en mĂ©tal voir A. Flamache, Alphonse Huberti et A. StĂ©vart, TraitĂ© d’exploitation des chemins de fer, volume 4, partie 1, Mayolez, 1899, p. 385. 78 Cette citation ne se trouve dans aucun ouvrage de Walras. 79 Se dit des valeurs fictives, fondĂ©es seulement sur la confiance accordĂ©e Ă  celui qui les Ă©met » Dir. Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siĂšcle français, historique, gĂ©ographique, mythologique, bibliographique
, tome 8, Administration du Grand Dictionnaire Universel, 1866-1890, p. 336. 80 Jarry reviendra sur cette partie de son compte rendu dans sa chronique L’échĂ©ance dans ses rapports avec le suicide » parue dans La Revue blanche du 15 novembre 1901. 82 Voir Confessions d’un enfant du siĂšcle, commentaires du pĂšre Ubu Sur les ÉvĂ©nements rĂ©cents » Alfred Jarry, ƒuvres complĂštes, I, textes Ă©tablis, prĂ©sentĂ©s et annotĂ©s par Michel ArrivĂ©, Gallimard, collection BibliothĂšque de la PlĂ©iade, 1972, p. 581-593. 83 Voir Conseils aux capitalistes et perd-de-famille » Id., p. 620-621. 84 Voir Ubu colonial » Id., p. 601-611, Tatane, Chanson pour faire rougir les nĂšgres et glorifier le PĂšre Ubu » Id., p. 616-619 et Philologie, Examen du PĂšre Ubu au Saint-Sulpice colonial » Id., p. 612-615. 85 Signifie de toutes les choses que l’on peut savoir ». Le Pic de la Mirandole fut le pĂšre de cette expression, tombĂ©e dans le langage courant voir GDU, tome 12, p. 936. 86 L’entomologiste est celui qui s’occupe » des insectes Dir. Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siĂšcle français, historique, gĂ©ographique, mythologique, bibliographique
, tome 9, Administration du Grand Dictionnaire Universel, 1866-1890, p. 717. 87 Dans l’Almanach de 1901 figure oĂč » voir Alfred Jarry, ƒuvres complĂštes, I, textes Ă©tablis, prĂ©sentĂ©s et annotĂ©s par Michel ArrivĂ©, Gallimard, collection BibliothĂšque de la PlĂ©iade, 1972, p. 606. Comme l’indique la variante C, Jarry s’attache Ă  corriger la leçon de cet Almanach. 88 Citation de la section Ubu colonial » voir Id., p. 606. 89 Allusion aux dessins de Bonnard prĂ©sents dans la section Alphabet du PĂšre Ubu » Id., p. 584-585 les dessins sont synthĂ©tiques en ce sens qu’ils reprĂ©sentent successivement La faim » Id., p. 584, La jubilation du PĂšre Ubu » Ibid., La fĂ©rocitĂ© » Ibid., L’admiration » Id., p. 585 et La douleur » Ibid.. 90 Voir La partition de Tatane » Id., p. 618. 91 Au sujet de Terrasse, voir Patrick Besnier, Alfred Jarry, Fayard, 2005, p. 261-262. 93 Voir GF, p. 1. Professeur puis directeur du RĂ©formiste, revue se voulant en effet organe de la simplification de l’orthographe française », BarĂšs fit paraĂźtre, avant Gramaire françaize, L’Ortografe simplifiĂ©e et les autres rĂ©formes nĂ©cessaires, toujours aus bureaus du RĂ©formiste ». 94 Voir GF, p. 7. 95 Jarry rĂ©pond ici Ă  BarĂšs qui cherche Ă  dĂ©montrer le manque absolu de science, de lojique et d’esprit de suite de l’ancien sistĂšme [
] » Id., p. 6-7. 96 Jarry cite en partie l’annonce du RĂ©formiste prĂ©sente dans GF. 97 Voir Remy de Gourmont, La culture des idĂ©es, prĂ©face de Charles Dantzig, Robert Laffont, collection Bouquins », 2008, p. 433. 98 SystĂšme de langue universelle mis en place par John Martin Schleyer en 1879, qui s’imposa pendant six annĂ©es avant d’ĂȘtre remplacĂ© par l’EspĂ©ranto Chaque lettre n’a qu’un seul et mĂȘme son », et l’orthographe est toujours rĂ©duite Ă  sa plus simple expression, puisque les mots sont toujours Ă©crits tels qu’ils se prononcent et vice versa. » Dir. Pierre Larousse, Grand dictionnaire universel du XIXe siĂšcle français, historique, gĂ©ographique, mythologique, bibliographique
, deuxiĂšme supplĂ©ment, Administration du Grand Dictionnaire Universel, 1866-1890, p. 1995. DeuxiĂšme partie du travail sur l’oralitĂ©, Ă  partir d’une lecture de Meschonnic. 1er billet Meschonnic affirme que le lieu de la voix est le lieu de la poĂ©sie, et c’est un lieu historique. Le lieu de la voix n’est pas le mĂȘme dans la tradition française et dans la tradition anglo-amĂ©ricaine, parce que le rapport du poĂšme Ă  l’oral, au parlĂ©, au langage ordinaire, n’y est pas le mĂȘme. De Wordsworth Ă  Hopkins, Ă  Pound et Ă  Eliot, la nouveautĂ© poĂ©tique s’est toujours faite en anglais dans un rapport nouveau au parlĂ©, jusqu’aux beatniks et Ă  Charles Olson. La voix y est nĂ©cessairement situĂ©e par le primat, ou l’histoire, de l’oralitĂ© »[1]. Il dit aussi que OralitĂ© et spatialitĂ©, dans des rapports divers selon les cultures, sont insĂ©parables. L’oralitĂ© demanderait une anthropologie comparĂ©e de la diction, des modes d’oralitĂ©, autant que des techniques du corps »[2]. Ces propos m’ont incitĂ©e Ă  tenter l’expĂ©rience d’écriture qui va suivre. Ce texte m’a Ă©tĂ© inspirĂ© par la venue Ă  Besançon de John Giorno, poĂšte amĂ©ricain, le 5 dĂ©cembre 2013. John Giorno est un poĂšte amĂ©ricain de l’immĂ©diat aprĂšs Beat generation », ayant entretenu des relations avec les artistes du pop-art. Il a participĂ© au film de Wahrol Sleep, durant lequel on le voit dormir pendant cinq heures. Il est l’auteur d’un nombre important d’enregistrements sonores de poĂšmes et de performances, en lien avec d’autres artistes et auteurs Warhol mais aussi Ginsberg, John Cage, Burroughs, etc., artistes ayant explorĂ© continuellement le rapport du poĂšme au langage ordinaire du quotidien, et le rapport continuĂ© du poĂšme au corps corps du poĂšte, corps de l’auditeur spectateur. En tĂ©moigne par exemple l’expĂ©rience Dial a poem », qui permettait Ă  n’importe quelle personne de tĂ©lĂ©phoner Ă  une ligne dĂ©diĂ©e pour se voir offrir par rĂ©pondeur un poĂšme enregistrĂ©. On pourrait s’interroger sur le devenir de la voix lorsqu’elle est ainsi figĂ©e sur un support faussement adressĂ©, puisque l’auditeur au tĂ©lĂ©phone n’a pas accĂšs Ă  la voix unique du poĂšte dans un moment unique de relation parlĂ©e, mais ce type de dispositif permet tout de mĂȘme de mesurer la relation Ă©troite, dans la tradition du dire anglo-saxon, qui s’établit entre voix du poĂšte et texte poĂ©tique. Celui-ci part souvent de l’oral et du parlĂ©, et s’attache Ă  des supports oraux. La bibliographie de Giorno est beaucoup plus fournie en discographie qu’en supports Ă©crits. De nombreuses vidĂ©os de ses performances sont disponibles sur internet. Son cĂ©lĂšbre Thanks for nothing » peut ĂȘtre visionnĂ© ici CrĂ©dits photos Image extraite de Sleep Talking, vidĂ©o de de Pierre Huyghe 1998, d’aprĂšs Sleep, de Andy Warhol 1963, Institut d’Art Contemporain de Villeurbanne/RhĂŽne-Alpes, en dĂ©pĂŽt au MusĂ©e de Grenoble. Montage photo de J. Giorno, performance de “Thanks for noting”, MusĂ©e des Beaux-Arts de Besançon, [1] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 289-290 [2] Idem, p. 275 _____________________________________________________________________________ Johnny sleeps nothing As a sleeper he was sleeping his voice inside Et sa voix le rĂ©veille et le porte Il se lĂšve parmi les sleepers John dort et se lĂšve uniquement quand sa voix se rĂ©veille Je me souviens comme je le voyais dormir sur sa chaise Nuit du musĂ©e Alone Un peu vieillard Et soudain il se lĂšve C’est le moment de dire le poĂšme qui le porte Comme on dit le souvenir de tĂȘte sans papier il danse dans sa voix et nous porte et rĂ©veille On se souvient comme on dormait avant lui Et on entend du John et du Thanks for Nothing Et aprĂšs il repart Il redort Il renuit le sleeper Thanks for coming you Johnny and don’t you sleep too long you John Ne meurs pas ce soir toi aussi Le texte qui suit est extrait d’un travail rĂ©alisĂ© dans le cadre du cours de Serge Martin, “ThĂ©orie et didactique de la littĂ©rature”, que j’ai suivi pour mon Master 2 Ă  distance “ Didactique du français langue Ă©trangĂšre/seconde et langues du monde” au premier semestre de l’annĂ©e 2014-2015. Je publie deux extraits, dont le premier, ci-dessous, est consacrĂ© Ă  ma lecture de Critique du rythme, Anthropologie historique du langage, de Henri Meschonnic, paru en 1982 aux Ă©ditions Verdier. 2Ăšme billet AUTOUR DE LA NOTION D’ORALITE L’oralitĂ© Ă©laboration d’un concept par diffĂ©renciation. OralitĂ©, Ă©crit, oral, parlĂ© L’oralitĂ© n’est pas l’opposĂ© de l’écrit et dĂ©borde la notion d’oral. Ce n’est en tout cas pas l’oral au sens sociologique et ethnologique du terme le style formulaire enfermĂ© dans des schĂšmes. Dans Critique du rythme, l’auteur dĂ©clare que l’oralitĂ© Ă©chappe Ă  la simple opposition avec l’écrit », et que l’oralitĂ© s’étend hors des littĂ©ratures orales »[1]. Ainsi, la pluralitĂ© des modes de signifier, et des inscriptions de l’énonciation, dissĂ©mine l’oralitĂ© dans l’écrit comme dans le parlĂ© »[2]. Le parlĂ© se comprend ici comme maniĂšre de s’exprimer oralement. Cependant le parlĂ© n’est pas l’oralitĂ©. L’oralitĂ© peut s’y diffuser, mais pas nĂ©cessairement Il y a donc des Ă©critures orales, et des discours parlĂ©s sans oralitĂ©. Il y a les imitations du parlĂ© qui sont aussi autre chose que l’oralitĂ©. Autant que le transcrit est autre que l’écrit »[3]. L’oralitĂ© est un mode de signifiance fort, dont ne sont pas pourvus tous les discours oraux. Le poĂšme le porte au plus haut point La voix qui dit le poĂšme n’est pas la voix qui parle, parce qu’elle ne dit pas la mĂȘme chose »[4]. Un corollaire du rythme A toutes ces catĂ©gories, Meschonnic prĂ©fĂšre la citation de Hopkins l’oralitĂ© serait “le mouvement de la parole dans l’écriture” »[5]. Ainsi, l’auteur revendique la nĂ©cessitĂ© de dĂ©finir une notion anthropologique et poĂ©tique de l’oralitĂ© », fondĂ©e sur le primat du rythme et de la prosodie dans le sĂ©mantique, dans certains modes de signifier, Ă©crits ou parlĂ©s »[6]. Dans la partie Critique de l’anthropologie du rythme », Meschonnic Ă©tablit sa conception du rythme, comme matiĂšre de sens, et il l’associe par apposition et coordination Ă  celle d’oralitĂ©. Les deux notions sont donc indissociables, et indissociables aussi de la notion de sujet notion elle-mĂȘme Ă  entendre du cĂŽtĂ© du processus, de la subjectivisation Le rythme comme sĂ©mantique, et oralitĂ©, est une subjectivisation spĂ©cifique du langage »[7]. Ainsi liĂ© Ă  l’oralitĂ©, rappelons que le rythme est histoire et signifiance du sujet, sur un mode autre que celui du signe, et qui ne se met pas en signes »[8]. Dans l’oralitĂ©, le sens comme rapport le dire et le dit L’oralitĂ© selon Meschonnic n’est donc pas le simple fait de la parole orale, comme nous venons de le voir. C’est, tout comme celle de rythme, une notion qui dĂ©signe une activitĂ© du sujet, activitĂ© de signifiance par laquelle le sens dĂ©borde le signe. L’oralitĂ© est d’abord une dynamique, et la voie du sens. Or ce mode de signifiance n’est pas fermĂ©. Il rebondit, se forme et se reforme Ă  l’infini, selon les rapports que l’oralitĂ© entretient avec ce qui est dit. L’oralitĂ© est donc un rapport, une relation, une dialectique pourrait-on dire la production du sens en tant que rapport entre le dire et le dit. Ainsi Meschonnic pose que l’oralitĂ© est le rapport nĂ©cessaire, dans un discours, du primat rythmique et prosodique de son mode de signifier Ă  ce que dit ce discours »[9], ou encore c’est un rapport nĂ©cessaire entre la diction, la voix et le dit » p. 281. De mĂȘme que le rythme est en interaction avec le sens » p. 82, de mĂȘme, l’oralitĂ© n’est pas sĂ©parable de dire quelque chose, et, dans une certaine mesure, de ce qui est dit. [
] Dire n’est pas intransitif. Ce qu’on dit est aussi dans le dire » p. 280. C’est ainsi que Changer de diction, c’est changer le poĂšme, le discours » p. 291 le sens et la maniĂšre dont ce sens se tisse dans une oralitĂ© unique. HistoricitĂ© de l’oralitĂ©, historicitĂ© de la voix La caractĂ©ristique essentielle de l’oralitĂ©, comme celle du rythme d’ailleurs, est celle d’une double marque, Ă  la fois lieu du plus intime et lieu d’une historicitĂ©, collectivitĂ©, manifestation culturelle l’oralitĂ© est historique » p. 280. Meschonnic souligne dans la mĂȘme page le lien de l’historicitĂ© et de l’oralitĂ© » et rappelle que l’on peut repĂ©rer dans les manifestations orales de l’oralitĂ© des traditions du dire » p. 281. Il illustre ces traditions par plusieurs exemples de poĂštes ou prosateurs ayant dit leurs textes. Leur idiosyncrasie s’y entend, mais aussi leur inscription historique et sociale. Le sujet intime est aussi un individu social. La diction a un statut culturel » p. 280. En ce sens, ce qui est dit de l’oralitĂ© se dit aussi de la voix historicitĂ© de la voix » p. 280. Meschonnic rĂ©itĂšre sur la voix l’articulation intime / collectif qui lui est chĂšre, qu’il a avancĂ©e au sujet du rythme, puis de l’oralitĂ© la voix, votre voix unique, n’est pas seulement individuelle. Elle a, outre ses caractĂšres physiologiques, des marques culturelles situĂ©es » p. 280 ou bien encore la voix, qui semble l’élĂ©ment le plus personnel, le plus intime, et comme le sujet, [est] immĂ©diatement traversĂ©e par tout ce qui fait une Ă©poque, un milieu, une maniĂšre de placer la littĂ©rature, et particuliĂšrement la poĂ©sie, autant qu’une maniĂšre de se placer. Ce n’est pas seulement sa voix qu’on place. C’est une piĂšce du social, qu’est tout individu » p. 284-285. Et ce statut culturel de la voix [
] fait partie des conditions de production du poĂšme, ou du discours en vers » p. 280. OralitĂ© vs oralisation la voix comme Ă©criture Si le statut culturel de la voix fait partie des conditions de production du poĂšme, c’est bien que la voix n’est pas seulement aprĂšs le poĂšme texte puis diction, le dire aprĂšs le dit. La voix est dans le poĂšme, en amont de sa diction. Elle le façonne, comme creuset oĂč se sont dĂ©posĂ©s des liens d’intersubjectivitĂ© qui façonnent Ă  leur tour l’émergence d’une voix propre, ici au sens d’écriture. Car la voix n’est pas forcĂ©ment dans l’oralisation non plus elle se lit. Et l’auteur oralisera de telle maniĂšre que la voix est dĂ©jĂ  prĂ©sente dans son texte. Il y a continuitĂ© entre voix et Ă©criture, Ă©criture et voix. Ainsi, Meschonnic, Ă  l’occasion d’une analyse de la lecture de Gogol[10], prĂ©cise Il y a ainsi plus qu’une continuitĂ© entre l’écrit et la diction, il y a cette diction parce qu’il a cette Ă©criture. Gogol a la diction de son Ă©criture »[11] . La voix se dit comme elle s’écrit la voix est Ă©criture. Pistes didactiques Meschonnic prĂ©cise qu’une anthropologie du langage est double, selon le parlĂ©, selon l’écrit. L’oralitĂ© n’y est pas la mĂȘme. Directement accessible Ă  l’anthropologie dans le parlĂ©, elle passe nĂ©cessairement pour l’écrit, par une poĂ©tique, qui ne peut ĂȘtre qu’une poĂ©tique historique, et non formelle, pour situer les modes de signifiance »[12]. La poĂ©tique, lorsqu’elle s’intĂ©resse donc aux textes Ă©crits, doit le faire selon une recherche de l’inscription de l’oralitĂ©, Ă  travers le primat du rythme. Meschonnic prĂ©cise que cette entreprise n’est pas des plus aisĂ©es, elle passe par la recherche des traces du corps dans l’écrit Le plus difficile est de savoir ce qui reste du corps dans l’écrit, dans l’organisation du discours en tant que telle »[13]. Un des Ă©lĂ©ments d’analyse du texte Ă©crit avec des Ă©lĂšves pourra dĂšs lors se porter sur la ponctuation, pour y traquer le rythme oral, dont la ponctuation peut justement ĂȘtre le rendu »[14]. On peut s’appuyer par exemple sur le travail rĂ©alisĂ© par GĂ©rard Dessons sur les Feuillets d’Hypnos de RenĂ© Char. Dessons y Ă©tudie de maniĂšre dĂ©taillĂ©e le rĂŽle de la ponctuation et de la typographie, du point de vue d’une anthropologie du rythme[15]. De maniĂšre plus globale, dans une approche de l’oralitĂ©, du rythme des textes comme ensembles d’activitĂ©s encore ouverts et dynamiques, Serge Martin rappelle dans son carnet La littĂ©rature Ă  l’école »[16] que les Ɠuvres sont toujours prises dans les ciseaux de l’hermĂ©neutique et de l’esthĂ©tique, du sens et de la forme, du dire et du choisir. Or, ce qui compte c’est de faire vivre les Ɠuvres en privilĂ©giant leur activitĂ©, leur force qui est Ă  mĂȘme de nous faire sujet d’un faire et non d’un rĂ©pĂ©ter ou d’un reproduire, sujet d’une Ă©mancipation et non d’une soumission ». Il propose des activitĂ©s de reformulation car les reformulations des Ɠuvres ont pour ambition de faire Ă©couter, voir ce que l’Ɠuvre nous fait et d’en poursuivre l’activitĂ© »[17]. Plusieurs types d’activitĂ©s sont proposĂ©s, autour du dire-lire-Ă©crire, toujours liĂ©s, qui rendront les Ă©lĂšves actifs de leur propre faire, dans la continuitĂ© de l’énonciation des Ɠuvres. L’oralitĂ© Ă©tant une notion Ă  historiciser, il faudra, pour en approcher l’aspect oral, faire Ă©couter aux Ă©lĂšves de nombreux enregistrements de poĂšmes, par des lecteurs amateurs, des comĂ©diens et par les auteurs eux-mĂȘmes, pour essayer de caractĂ©riser l’oralitĂ© dans les voix, et leurs aspects culturels. L’expĂ©rience est possible grĂące Ă  plusieurs sites, selon les auteurs et pĂ©riodes, dont ceux-ci, dĂ©jĂ  frĂ©quentĂ© en cours et Nous manquons ici d’espace pour proposer les activitĂ©s prĂ©cises que nous proposerions dans nos classes de FLM / FLS. La prĂ©sentation dĂ©taillĂ©e de telles activitĂ©s fera l’objet d’une partie intĂ©grale de notre mĂ©moire de Master 2, PoĂ©sie en FLS / FLM pour une didactique de la relation par l’oralitĂ© » titre provisoire, avec l’élaboration d’une sĂ©quence didactique articulĂ©e autour de textes poĂ©tiques au programme, et hors programme. [1] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 706 pour les deux citations. [2] Henri Meschonnic, Qu’entendez-vous par oralitĂ©? », Langue française, n°56, 1982. p. 6-23. consultĂ© le 02 janvier 2015, p. 16 [3] Ibid., p. 14 [4] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 289 [5] Henri Meschonnic, Qu’entendez-vous par oralitĂ© », op. cit., p. 18 RĂ©fĂ©rence chez Hopkins non fournie par Meschonnic. [6] Idem [7] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 660 [8] Ibid., p. 690 [9] Ibid., p. 280. Toutes les rĂ©fĂ©rences suivantes renvoient au mĂȘme ouvrage, Critique du rythme, op. cit. [10] Cet exemple d’oralitĂ© figure dans Critique du rythme, op. cit., p. 281. Meschonnic y Ă©voque la lecture orale que donne Gogol du Manteau, tel que le rapporte et l’analyse Eikenbaum ». La rĂ©fĂ©rence Ă  Eikenbaum donnĂ©e par Meschonnic en note est la suivante Boris EIKHENBAU, Skvov’literaturu, p. 173-174, traduit dans Tzvetan Tdorov, ThĂ©orie de la littĂ©rature, Seuil, 1965, p. 214-215. [11] Henri Meschonnic, Critique du rythme, op. cit., p. 281 [12] Ibid., p. 646 [13] Ibid., p. 654 [14] Henri Meschonnic, Qu’est-ce que l’oralitĂ© », op. cit., p. 16, Ă  propos d’une critique de Barthes qui prĂ©tend que le corps se perd dans le passage Ă  l’écrit clichĂ© de la lettre morte dans Roland Barthes, Le Grain de la voix, Entretiens 1962-1980, Seuil, 1981. [15] GĂ©rard Dessons, Le PoĂšme, Paris, Armand Colin, 2011, p. 149-150 [16] consultĂ© le 13 dĂ©cembre 2014 [17] Idem. Nathalie Sarraute Ă©crit ce texte dans la suite qui constitue l’Usage de la parole Gallimard, 1980. Ce texte – mais Sarraute appelle cette sĂ©rie des “drames” p. 97 – se prĂ©sente dans le sommaire suivant qui fait se succĂ©der ces dissonances interlocutives frĂ©quentes dans la conversation – Ă  moins que ces dissonances ne caractĂ©risent ce qu’elle appelle la sous-conversation Note avant lire Encore faudrait-il discuter une telle dichotomie puisque toute conversation par le conversationnel ou la relation dĂ©borde constamment les bornes de la conversation ; en ce sens Sarraute avait raison d’explorer la notion mais il faudrait Ă©viter de retrouver alors la dichotomie qui exhaucerait de tous ses mouvements la conversation qui ne se limite pas Ă  l’échange de paroles et qu’on a l’habitude d’affubler du qualificatif d’ordinaire comme s’il y avait une surface et une profondeur; la sous-conversation est l’ordinaire des conversations ordinaires
 C’est cet ordinaire qui dĂ©borde les modĂšles Ă©pistĂ©mologiques y compris linguistiques, que l’écriture peut montrer. Sarraute nous le montre avec beaucoup de force
 Ich sterbe. 9 A trĂšs bientĂŽt 19 Et pourquoi pas ? 35 Ton pĂšre. Ta soeur. 47 Le mot Amour. 63 EsthĂ©tique. 81 Mon petit. 95 Eh bien quoi, c’est dingue
 107 Ne me parlez pas de ça. 119 Je ne comprends pas. 139 Nathalie Sarraute, L’usage de la parole, Gallimard, 1980. Il s’agit donc d’un “drame” qui prend son dĂ©part dans un “mot” on observe aussitĂŽt que la notion de “mot” est ici entendu par Sarraute comme phrasĂ© d’un discours autant sinon plus que comme segment sĂ©mantique – ce que montrerait Ă  l’envi les “conditions” Ă  remplir p. 97 et 98. Sarraute va alors s’ingĂ©nier dans une progression raconteuse – l’adresse Ă  l’auditoire par la demande d’écoute sans cesse requise, fait toute l’oralitĂ© de ce texte qui de plus met en scĂšne un drame, donc une oralitĂ© maximale redoublĂ©e du “maintenant, si vous avez encore quelques instants Ă  perdre” inaugural au “n’est-ce pas” suivi d’une question qui s’achĂšve sur “de pareilles histoires” en passant par les connecteurs logiques et temporels d’un racontage qui ne cesse de se rappeler au lecteur interpellĂ© “croyez-vous?”; “peut-ĂȘtre ĂȘtes-vous tentĂ©s d’en rester là” et intĂ©grĂ© dans la communautĂ© des “gens vivants et sains d’esprit”, du moins considĂ©rĂ© Ă  Ă©galitĂ© du raconteur. Tout le rĂ©gime d’une histoire racontĂ©e par le fil de la dĂ©monstration par l’interrogation sur la diĂ©rĂšse elle-mĂȘme qui associe l’écouteur au raconteur jusqu’à la remĂ©moration partagĂ©e “qui ne nous ne l’a Ă©prouvĂ©â€. Mais ce racontage, s’il est un drame du racontage lui-mĂȘme, est aussi un essai sur le langage, sur ses ressorts invus, inconnus mĂȘmes aux linguistes
 Pour cela Sarraute utilisera tous les subterfuges du fabuliste allant mĂȘme jusqu’à dĂ©mĂ©taphoriser les mĂ©taphores in fine en reprenant les Ă©lĂ©ments successifs de l’essai par le racontage fabuleux “il serait stupĂ©fait de toute cette agitation, de ces troupes traversant les frontiĂšres, de ces fils qui enserrent, de ces mots-fusĂ©es, de ces remorques, de ces langues Ă©trangĂšres, de ces boeufs, de ces vapeurs brĂ»lantes, de ces bulles, de ces jeux, de toutes ces contorsions, de ces tremblantes tentatives
” La tentative de Sarraute est alors magistrale pour dĂ©faire la notion traditionnelle de “cheville”, cet â€œĂ©lĂ©ment de remplissage”, “nullement nĂ©cessaire Ă  la syntaxe ni au sens” ; pour Michel Pougeoise Dictionnaire de poĂ©tique, Belin, 2006 Ă  qui j’emprunte ces premiers Ă©lĂ©ments dĂ©finitionnels, en poĂ©sie la cheville est proscrite et signe la mĂ©diocritĂ© d’une oeuvre” p. 101. Mais la dĂ©monstration serait faite avec Sarraute qu’une conversation pourrait au fond se rĂ©sumer Ă  une cheville ! C’est pourquoi les dissonances importent plus que les accords promus par la pragmatique conversationnaliste pour une histoire de cette linguistique Ce qui est certain c’est qu’il n’y a pas de vĂ©ritĂ© du discours de la conversation si l’on prĂ©fĂšre ici mais qu’il y a Ă  chercher une poĂ©tique qui est aussi une Ă©thique et une politique de la relation dans et par le langage la moindre petite cheville touche
 Ă  vif ! Dans ce livre qui reprend nombre de ses travaux, Michel Espagne fait le point sur ce qu’il appelle avec Michael Werner, les transfert culturels » voir leur ouvrage Transferts. Les relations interculturelles dans l’espace franco-allemand, Editions Recherche sur les civilisations 1985. Ce livre rĂ©cent est principalement consacrĂ© au domaine russe en rapport avec le domaine allemand d’abord et le domaine français. Mais ce sont plus des itinĂ©raires, des lieux, des notions tous critiques qui permettent de suivre des passages plus que de fixer des termes nationaux. Il nous fait souvent dĂ©couvrir des aspects mĂ©connus par exemple Vladimir Propp chapitre 11 et ses recherches sur le comique alors qu’il est connu seulement pour sa morphologie du conte dont les racines sont allemandes alors que les exergues de Goethe ont Ă©tĂ© effacĂ©s dans la version anglaise lue par LĂ©vi-Straus
. La leçon principale d’études extrĂȘmement prĂ©cises et documentĂ©s peut se rĂ©sumer par le concept de resĂ©mantisation ». Il faut aussitĂŽt prĂ©ciser que celle-ci n’est pas rĂ©ductible aux processus traductifs mais demande d’observer les rĂ©manentes ». Ce sont en effet de nouvelles vies offertes Ă  des processus culturels oubliĂ©s ou effacĂ©s que ces transferts permettent, avec les effets de dĂ©calage et les modes de transposition des dĂ©placements d’un genre Ă  l’autre » p. 12. Encore faut-il ajouter qu’aucun transfert n’est Ă  proprement parler bilatĂ©ral, il est souvent multilatĂ©ral. Pour reprendre l’exemple de Propp, sa pratique de l’allemand comme langue maternelle le dispose Ă  une grand familiaritĂ© avec les travaux d’histoire et d’ethnologie religieuse Ă©manant de l’école du philologue Herman Usener et Ă  beaucoup d’autres issus de cette Ă©cole de Bonn “qui se dĂ©veloppe Ă  partir de la thĂ©orie des Dieux d’un contemporain de Humboldt, Friedrich Gottlieb Welcker” p. 225-226 ; mais Propp a Ă©galement lu Frobenius et Franz Boas, “fondateur allemand de l’anthropologie amĂ©ricaine”. La rĂ©sultante est connue mais pas le processus que montre bien Espagne “mĂ©tamorphose gĂ©nĂ©rique oĂč les moments d’histoire de la religion, sorte de comparatisme philologique issu de l’Ecole de Usener, se transforment dans l’approche des contes russes en Ă©tude structurale et morphologique” p. 229. On sait ce que deviendra ce travail dans le contexte français avec les Ă©tudes narratologiques, le dĂ©bat avec LĂ©vi-Strauss qui reconnut l’antĂ©rioritĂ© des travaux de Propp dans la genĂšse de l’ethnologie structurale, sans toutefois percevoir “l’arriĂšre-plan des rĂ©fĂ©rences allemandes de Propp” p. 221. Aussi, ces transferts ouvrent-ils le plus souvent Ă  des rĂ©interprĂ©tations » qui deviennent des innovations radicales » p. 17. C’est que rien en permet de penser que la notion de culture elle-mĂȘme soit unique et homogĂšne dans les trois aires culturelles mises en prĂ©sence, qu’elle Ă©chappe aux rĂ©interprĂ©tations qu’implique le jeu des Ă©changes » p. 84. Apparaissent alors forcĂ©ment de nouvelles cohĂ©rences » p. 172 et pas seulement des dĂ©marquages », des copies » mais bien des recrĂ©ations » p. 226. L’exemple vraiment probant est celui de Vladimir Propp pour lequel la tentative de comprendre le phĂ©nomĂšne du rire sert de support Ă  une translation de la philologie allemande dans le folklore russe » p. 236. On est donc trĂšs loin d’une conception des passages comme forme de dĂ©pendance. Non seulement la direction des passages peut s’inverser, mais ce qui est accueilli dans le nouveau contexte ne l’est vraiment qu’au terme d’une resĂ©mantisation, d’un changement de nature plus important que les traductions proprement dites » p. 270. Si dans les sciences humaines, les transferts se jouent des frontiĂšres disciplinaires ou les utilisent comme des moyens d’imprimer les diffĂ©rences, les formes d’appropriation » p. 271 mais en plus la pĂ©riphĂ©rie, russe en l’occurrence, est Ă  remettre au centre » pour expliquer les imbrications philosophiques franco-allemandes des annĂ©es 1930 » et plus gĂ©nĂ©ralement doit-on parler d’un moment russe » dans l’histoire des sciences humaines françaises et allemandes. Le 7 novembre 2014 BIBLIOTHEQUE DE L’INSTITUT CERVANTES 11, avenue Marceau – 75 016 Paris JournĂ©e d’etude Poesie poĂšmes Passage de voix 7 nov StĂ©phane MallarmĂ© Ă  propos de L’aprĂšs-midi d’un faune de Debussy “Je croyais l’avoir mis en musique moi-mĂȘme; c’est une transposition du mĂȘme au mĂȘme.” OEuvres complĂštes, PlĂ©iade, p. 870 Walter Benjamin par GisĂšle Freund, Paris. 1936. Il s’agit de considĂ©rer cette notion peu employĂ©e Ă  ce jour dans les Ă©tudes littĂ©raires et qui me semble dĂ©cisive pour une approche thĂ©orique et didactique des faits littĂ©raires le racontage. Cette notion poursuit la rĂ©flexion de Walter Benjamin publiĂ©e en 1936. On peut lire une Ă©dition rĂ©cente de ce texte avec un long commentaire de Daniel Payot paru chez CircĂ© en 2014. L’intĂ©gralitĂ© du texte de Benjamin pris Ă  ses Écrits français Paris, Gallimard, Folio Essais, 1991 est disponible en suivant ces deux liens et On trouvera ensuite un dossier de prĂ©sentation et d’analyse de ce texte Ă  cette adresse J’aimerais livrer ici quelques Ă©lĂ©ments biographiques liĂ©es Ă  sa conceptualisation que j’emprunte Ă  l’introduction de l’ouvrage Ă  paraĂźtre trĂšs prochainement aux Ă©ditions de l’Harmattan, collection “Enfance et langage”, sous le titre suivant PoĂ©tique de la voix. Le racontage de la maternelle Ă  l’universitĂ©. Et ce qu’il raconte, Ă  son tour, devient expĂ©rience en ceux qui Ă©coutent son histoire. Benjamin, 2000-III 121 Un essai expĂ©rientiel Ce livre est issu de deux expĂ©riences l’enseignement et la recherche. J’ai enseignĂ© la littĂ©rature jeunesse dans le primaire, pour la formation Ă  cet enseignement et dans l’enseignement supĂ©rieur. J’ai par ailleurs conduit, parallĂšlement Ă  ces enseignements et formations, une rĂ©flexion thĂ©orique et didactique qui voulait d’abord rĂ©pondre Ă  l’injonction narratologique ou symbolique dĂšs que littĂ©rature, injonction qui me semblait laisser de cĂŽtĂ© la dynamique des Ɠuvres et des lectures. En effet, la vulgate narratologique ou psychanalytique et ses applications du schĂ©ma narratif ou actantiel ou encore le rĂ©ductionnisme symbolique et son instrumentalisation psychologisante dans les classes et les formations, ne permettaient pas de concevoir la littĂ©rature comme une expĂ©rience d’écoute et donc comme un passage de voix. Il me faudrait certes situer sur les plans historique, didactique et thĂ©orique, ces deux expĂ©riences en regard de cette injonction, laquelle a suivi puis a Ă©tĂ© concomitante Ă  l’injonction thĂ©matique si ce n’est moralisatrice, mais des ouvrages Martin, 1997 ou articles antĂ©rieurs ont plus ou moins dĂ©jĂ  tentĂ© de cerner, avec quelques hypothĂšses, une telle configuration pratique et thĂ©orique Ă  la suite d’autres auteurs PĂ©ju, 1981. Aussi, j’aimerais proposer ici, tant Ă  l’enseignant qu’au formateur et au chercheur, un opĂ©rateur pour la pratique et la thĂ©orie de la littĂ©rature avec les Ɠuvres celui que m’a semblĂ© offrir la notion de racontage ». Dans un premier temps, je croyais avoir affaire Ă  un nĂ©ologisme et Ă  un terrain vierge qui n’auraient alors pas du tout permis de constituer un levier de transformation des pratiques et des rĂ©flexivitĂ©s, puisque tout aurait Ă©tĂ© Ă  reconsidĂ©rer. Mais je me suis vite rendu compte que le terme, peu employĂ©, l’est plus souvent de maniĂšre pĂ©jorative au sens de propos frivoles voire ridicules mĂȘme si quelques judicieux emplois littĂ©raires paraphrastiques RĂ©age, 1969 123 ou conceptualisations critiques plus rĂ©centes Ă  propos des littĂ©ratures caribĂ©ennes Deblaine, 2009 200 lui confĂšrent Ă  nouveau une valeur forte. Resterait qu’un tel terme recouvre nĂ©anmoins des faits de langage et de sociĂ©tĂ© plus que familiers dĂšs qu’on aperçoit qu’il peut opĂ©rer un lĂ©ger dĂ©placement Ă  partir du contage ». LĂ©ger mais dĂ©cisif dĂ©placement pour que se dĂ©ploie son potentiel conceptuel qui permet de dissocier l’oralisation de l’oralitĂ©, cette derniĂšre des traditions populaires ou exotiques – deux Ă©loignements, dans le temps et dans l’espace, qui sĂ©parent quand il faudrait conjoindre. Si, comme les dĂ©veloppements de l’anthropologie dynamique AugĂ©, 2011 nous l’ont appris, les traditions ne sont que des activitĂ©s au prĂ©sent des discours tout comme les lointains ne se construisent que dans des rapports Ă  l’ici de ces mĂȘmes discours, alors le racontage permettrait de poser la voix, le passage de voix, au centre de la problĂ©matique de la littĂ©rature, c’est-Ă -dire des Ɠuvres vives, avec les enfants voire les adolescents. Cette trouvaille lexicale puis notionnelle associant poĂ©tique et didactique, assez hasardeuse Ă  ses dĂ©buts, rĂ©sultait Ă  la fois de l’expĂ©rience pratique et thĂ©orique personnelle mais aussi des travaux rencontrĂ©s au cƓur de mon expĂ©rience. Il me faut aussitĂŽt signaler, parmi ces derniers, le texte de Walter Benjamin 2000-III 114-151, Der ErtzhĂ€ler 1936 traduit gĂ©nĂ©ralement comme Le Narrateur », et que j’appelle depuis longtemps Le raconteur » – une traduction toute rĂ©cente vient de me rassurer dans ce choix Benjamin, 2014. Ce texte a constituĂ© le levier dĂ©cisif de ma recherche. Depuis lors, j’ai tentĂ© d’en confirmer l’heuristique mais Ă©galement d’en fournir l’ancrage historique dans une tradition didactique et thĂ©orique. Toutefois, ce serait oublier que tout est parti de la lecture des Ɠuvres elles-mĂȘmes. Aussi, tout comme ce livre proposera dans ses marges des lectures au plus prĂšs de quelques Ɠuvres, j’aimerais commencer par deux d’entre elles qui offriront deux moyens de faire sentir immĂ©diatement au lecteur de cet essai, ce qu’opĂšre in vivo la notion de racontage. ComĂšte 1 Un navet – Mettre en bouche Le livre de Rascal, illustrĂ© par Isabelle Chatellard, Le Navet 2000, passerait inaperçu si l’on se contentait de le situer dans la tradition des contes de randonnĂ©e, qui plus est dans celle prĂ©cisĂ©ment du conte de la tradition russe, Ă  savoir Le Gros Navet de TolstoĂŻ traduit par Roger Giraud dans les deux Ă©ditions illustrĂ©es par Niam Scharkey et par GĂ©rard Franquin au PĂšre Castor 1999 et 2002 ou dans celle illustrĂ©e par Lucile Butel avec une traduction d’Isabelle Balibar chez Gautier-Languereau 1985, et, parmi bien d’autres réécritures plus ou moins heureuses, dans les albums oĂč alternent les navets et les carottes Praline Gay-Para 2008, Marie Torigoe 2004, Betty et Michael Paraskevas 2002, Alan Mets 2000 sans compter le potiron avec Françoise Bobe 1999 ou la racine gĂ©ante » avec Kazuo Imamura 1987 et encore l’énorme rutabaga » avec Natha Caputo 1954. Mais Le Navet de Rascal et Chatellard tiendrait sa spĂ©cificitĂ© de la maniĂšre dont il construit assez simplement mais avec une force remarquable un racontage exemplaire. Nous y trouvons tout d’abord un savoureux mĂ©lange des rythmes de la randonnĂ©e, des mouvements du rĂ©cit et des questions de la fable. Les reprises dialogales Aide-nous Ă  transporter » / planter » / arroser » ; que me donnerez-vous pour ma peine ? » et prosodiques grand et gros lĂ©gume » ainsi que les accumulations d’actions et de personnages jusqu’au dĂ©compte final Une cuillerĂ©e pour Puce. Deux pour LĂ©zard. Trois pour Canard. Quatre pour ChĂšvre. Et tout le reste dans son assiette » organisent un rythme de la randonnĂ©e qui ne peut qu’ĂȘtre celui d’un raconteur dont la mĂ©moire narrative est d’abord une mĂ©moire partagĂ©e qui permet Ă  l’auditeur de progressivement entrer dans la fabrique du racontage. De la mĂȘme façon, les mouvements du rĂ©cit qui font alterner l’augmentation personnages de plus en plus grands, s’ajoutant Ă  la diĂ©gĂšse en mĂȘme temps que le temps saisonnier passe et la diminution finale de la douce purĂ©e » distribuĂ©e de maniĂšre inĂ©gale et croissante, montrent le jeu de la croissance et de la dĂ©croissance au cƓur du racontage, puisque plus il progresse et plus la connaissance des auditeurs augmente, et donc plus la convivialitĂ© et le partage d’un commun se construit ensemble, mais Ă©galement plus le risque de la sĂ©paration et de la fin du racontage approche, mĂȘme si l’on sait que les auditeurs diront encore » ! Enfin, Ă  ces mouvements du rĂ©cit viennent se joindre les questions de la fable qui associe les temporalitĂ©s et les rapports d’échange entre les personnages dans une progression asymĂ©trique mĂ©tamorphosant ce court rĂ©cit en un court traitĂ© fort pĂ©dagogique mĂȘlant une petite Ă©conomie politique et une anthropologie sociale du don et du contre-don oĂč le rĂȘve initial de l’individu Quelle aubaine ! Je la planterai et, lorsqu’elle deviendra un grand et gros lĂ©gume, j’aurai de quoi me nourrir ma vie entiĂšre », aux prises avec la nĂ©cessaire association des compĂ©tences, semble se heurter aux dures conditions du rĂ©el et au rapport de forces inĂ©gales. La leçon de la morale porte d’ailleurs, comme souvent chez La Fontaine, plus une problĂ©matisation aux rĂ©ponses incertaines qu’une moralisation Ă©vidente en effet, l’association n’est pas ici la solution Ă  tous les maux alors mĂȘme qu’elle est inĂ©vitable. Toutefois, la fable problĂ©matique portĂ©e par les mouvements du rĂ©cit et les rythmes de la randonnĂ©e trouverait heureusement son compte dans et par le racontage lui-mĂȘme puisque, outre la force prosodique dĂ©jĂ  signalĂ©e tout au long du rĂ©cit, c’est bien par cette leçon de bouche qu’elle s’achĂšve quand d’un mĂȘme geste, les cinq amis portĂšrent Ă  leur bouche la purĂ©e de navet
 Et l’on put entendre Ă  dix lieues Ă  la ronde Beeeeeeuuuuuuurrrk ! » Non seulement la figure de la ronde, dĂ©jĂ  Ă©voquĂ©e prĂ©cĂ©demment Tous les quatre en eurent les larmes aux yeux et ils chantĂšrent Ă  la ronde Pousse, pousse notre lĂ©gume, pousse bien grand ! Pousse, pousse notre lĂ©gume, pousse bien gros ! », concentre pragmatiquement dans la diĂ©gĂšse la figure exacte de ce que fait le racontage Ă©tendre par cercles concentriques sa propre force de passage de voix pour qu’il reste dans l’inaccompli. Par ailleurs, cette voix commune rĂ©sultant d’une ingurgitation et donc d’une incorporation, montre bien que le racontage est affaire de passage de corps Ă  corps bouche Ă  bouche affaire de voix comme entre-corps dans et par le langage. Qui a dit qu’un navet ne mĂ©ritait pas la consĂ©cration littĂ©raire ? Le Navet de Rascal et Chatellard propose en tous cas un fabuleux – quoique modeste – racontage oĂč l’axiologique, le pragmatique et le poĂ©tique ne font plus qu’un. Il montre ainsi combien le racontage dĂ©fait les habituelles typologies analytiques fonctions, genres, registres, etc. pour demander une poĂ©tique du continu avec la voix jusqu’à une didactique Ă  la hauteur d’un tel dĂ©fi. ComĂšte 2 Un escargot – S’endormir/se rĂ©veiller dans le racontage ? Il faut treize histoires Ă  la douzaine ! pour que Claude Boujon, dans Les escargots n’ont pas d’histoires 1987, nous plonge dans le paradoxe du racontage le hĂ©ros des histoires n’est pas toujours celui qu’on croit ! En effet, si le hĂ©ros du lapin frileux » est bien un lapin, celui du chat Ă©tourdi », un chat ; celui – mais il faudrait employer le fĂ©minin – et donc celle du heureux hasard », une pierre ou peut-ĂȘtre une jeune fille sauvĂ©e par cette pierre alors qu’un farouche bandit » allait s’emparer d’elle ; celui du prĂ©tentieux papillon », un papillon Ă  moins qu’on considĂšre que le hĂ©ros et donc l’hĂ©roĂŻne ait Ă©tĂ© la fleur carnivore qui avait avalĂ© ce papillon vantard ; celui de l’ñne vert », l’ñne enchantĂ© de n’ĂȘtre pas bleu comme une vache bleue » ; celui des chaussettes du roi », le roi Ă  moins que ce ne fussent ses chaussettes qu’il promenait pour les faire sĂ©cher, accrochĂ©es Ă  une lance ; celle de la grenouille cracheuse », une grenouille ; celle d’une histoire cruelle », une souris Ă  moins que ce ne fut le chat qui l’a bel et bien mangĂ©e ; celle d’ une sorciĂšre en colĂšre », une sorciĂšre plus petite qu’une mouche » ; celui d’ un chien triste », ce dernier ; ceux de Tounoir et Toucouleur », ces deux hĂ©ros qui vivaient sur le mĂȘme arbre Ă  moins qu’on ne prĂ©fĂšre l’un Ă  l’autre il y a de fortes chances pour que vous prĂ©fĂ©riez Tounoir quand vous aurez entendu l’histoire ; et enfin celui d’ un gros fumeur », un Ă©lĂ©phant qui aimait le tabac »  Bref, ces treize histoires courtes ne posent pas vraiment de problĂšme puisqu’elles ne parlent pas des escargots ! En effet, il aurait Ă©tĂ© Ă©tonnant, pour celui qui les raconte, qu’il en ait Ă©tĂ© ainsi, puisque selon cet expert en histoires Les escargots n’ont pas d’histoires » ! Sauf qu’in fine, notre raconteur d’histoires s’est endormi dans sa coquille, alors que nous n’avons jamais Ă©tĂ© aussi nombreux Ă  l’écouter. Il ne pourra plus dire que les escargots n’ont plus d’histoires. Il y a maintenant celle de l’escargot qui raconte des histoires Ă  d’autres escargots ». Si presque tout le texte de cet album est entre guillemets, il est facile d’attribuer les paroles du prologue et des treize histoires Ă  ce raconteur qu’est l’escargot qui traĂźne sa maison Ă  travers le monde », dans un dispositif qui rĂ©partit les treize histoires dans treize doubles pages. A chaque double page, un escargot, en pied de page face Ă  des escargots de plus en plus nombreux, raconte une histoire dans une impressionnante bulle ou phylactĂšre, organisĂ©e un peu Ă  la maniĂšre d’une bande dessinĂ©e et occupant presque toute la double page. Toutefois, il semble plus dĂ©licat d’attribuer celle de l’épilogue puisque le raconteur endormi y a laissĂ© place Ă  quelqu’un d’autre mais Ă  qui ? Plusieurs hypothĂšses sont alors plausibles mais toutes concourent Ă  ce que les auditeurs, reprĂ©sentĂ©s par les escargots qui Ă©coutent l’escargot raconteur, chacun d’entre eux ou tous ensemble, aient pris en charge le racontage. Aussi, la morale de cette histoire qui, rappelons-le, en compte dĂ©jĂ  treize, c’est que, non seulement le hĂ©ros de cette histoire s’est inventĂ© dans sa voix, mais Ă©galement son cercle hĂ©roĂŻque s’est considĂ©rablement agrandi au point de passer le relais
 Telle serait la force du racontage transformer l’hĂ©roĂŻsme des rĂ©cits, d’une action Ă©clatante ou d’une vĂ©ritĂ© dirimante mais au fond Ă©crasante voire excluante en une opĂ©ration dĂ©mocratique inclusive ; transformer Ă©galement les hĂ©ros en modeste matiĂšre problĂ©matique d’un passage de voix. Le racontage serait donc ce passage de voix qui demande de considĂ©rer l’activitĂ© continue de la voix des histoires comme porteuse de sens. Plus que le sens qu’une voix serait chargĂ© d’exprimer pour que des lecteurs le retrouvent, voire y soient amenĂ©s par quelque lecteur savant, hermĂ©neute ou autre, les lecteurs y compris les dĂ©butants et, comme on dit, les non-lecteurs dĂšs qu’ils sont auditeurs, n’ont rien Ă  retrouver mais seulement Ă  se trouver ou Ă  se retrouver, formant alors communautĂ©, acteurs du racontage. Alors la littĂ©rature comme pratique et thĂ©orie du racontage n’a pas besoin d’une hermĂ©neutique mais d’une poĂ©tique, celle-ci n’étant que l’écoute d’une Ă©coute – ce qui est considĂ©rable ! quand la premiĂšre trop souvent demande de ne plus Ă©couter mais seulement de contempler la vĂ©ritĂ©, le sens, le texte ou toute autre essence qui oublie que les Ɠuvres ne valent que si elles continuent d’Ɠuvrer. Le racontage explorerait dans sa pluralitĂ© ce continu de l’Ɠuvre. Si l’escargot s’est endormi, le racontage n’a pas cessĂ© de nous rĂ©veiller ! Pour des dĂ©veloppements sur le racontage en littĂ©rature de jeunesse, voir les billets suivants sur le carnet “La littĂ©rature Ă  l’école Fables et voix Livres et lecteurs” Lecture d’Ode au recommencement de Jacques Ancet Lettres vives, coll. Terre de poĂ©sie », 2013, 90 p. par Laurent Mourey oĂč vais-je dans cette prose cadencĂ©e qui chante un peu mais pas trop » p. 77 S’égarer, recommencer, l’un par l’autre l’ode est avec l’écriture de Jacques Ancet, l’ouverture d’un quelque chose Ă  dire permanent et interminable. C’est bien ce flux qui est Ă  l’Ɠuvre, et en travail, dans ce long poĂšme en cinq parties, Ă©crit comme en versets de prose cadencĂ©e » p. 77. Je dirais aussi en laisses – en donnant Ă  ce mot son sens de dĂ©part, un couplet qui se dit et se rĂ©cite dit et rĂ©citĂ© en se laissant aller, d’un trait », ainsi qu’on peut le lire dans le dictionnaire du petit Robert. Dans sa disposition, le poĂšme fait se suivre, et laissealler, dans chacune de ses parties, une suite de versets dont le premier est marquĂ© Ă  son attaque d’une majuscule, mais dont aucun ne reçoit de point, la ponctuation faible en la virgule Ă©tant marquĂ©e et scandant la phrase. La prose est cadencĂ©e » par la disposition mĂȘme, celle-ci indiquant ses interruptions et ses recommencements, ses silences et ses lancĂ©es, comme les valeurs de ce dire qui tient essentiellement dans le dĂ©sir et l’avancĂ©e – un dire travaillĂ© par un Ă  dire », par ses silences autant que par son expression. Parler de verset de prose permet de ne pas s’en tenir Ă  une forme littĂ©raire mais d’essayer d’entendre au mieux une Ă©criture qui se tient au plus prĂšs de la parole et de son Ă©coulement infini, pour le dire autrement de son vivant. La question pour l’écrivain, le poĂšte Ă©tant de saisir ce vivant jusque dans son Ă©nigme, avec ses emportements, sa jubilation et ses dĂ©chirements. Le titre du poĂšme, du livre-poĂšme, semble en rĂ©sumer l’expĂ©rience et signifie peut-ĂȘtre un certain climat de poĂ©sie Ode au recommencement ; si le poĂšme cĂ©lĂšbre une chose, ce ne serait que ce mouvement mĂȘme qu’il Ă©pouse, et que le commencement pousse Ă  Ă©pouser. L’ode renvoie Ă  tant d’Ɠuvres, qu’elle nous plonge Ă  l’infini dans des rĂ©sonances et des voix ; le recommencement est encore ce climat du poĂšme, du fait qu’un moment d’écriture renvoie toujours Ă  un autre, qu’un poĂšme est prĂ©cisĂ©ment un passage – et jamais vraiment un extrait, mĂȘme si l’on extrait toujours d’un livre –, un passage qui vient recommencer un autre. Ces rĂ©sonances sont actives en nous et font de la lecture une Ă©criture Ă  l’infini. Alors, certainement, le propos de l’ode sera autre que celui de cĂ©lĂ©brer, mais plutĂŽt un mouvement de vie en langage. Le titre est comme dĂ©doublĂ© de la citation de Claudel figurant en exergue, extraite de la premiĂšre de ses Cinq grandes Odes Que je ne sache point ce que je dis ! que je sois une note en travail ! » Il ne s’agit pas tant d’afficher par cette citation un modĂšle que de rĂ©pondre et continuer ce qui dans l’écriture est du cĂŽtĂ© de l’emportement, de la dessaisie de l’identitĂ© par une altĂ©ritĂ© creusĂ©e dans l’écoute. Ce discursus propre Ă  l’Ɠuvre se signale d’abord par une rupture avec ce qu’on pourrait appeler l’autoritĂ© lyrique et fait lire Claudel en direction de ce que fait Ancet un abandon maĂźtrisĂ© Ă  la voix qui pousse Ă  trouver la maĂźtrise lĂ  oĂč on ne l’attend pas forcĂ©ment – dans une Ă©criture qui fait autant qu’elle dĂ©fait, dans un chant qui n’est pas de l’ordre de la cĂ©lĂ©bration, mais d’une prose qui recherche en soi ce qui dĂ©borde et dĂ©veloppe une altĂ©ritĂ© interminable. Un chant emportĂ© et dĂ©chirĂ©, un chant qui sourd sous la phrase, car cette prose est l’invention et le dĂ©sir d’un phrasĂ© qui soit le dĂ©ploiement de l’intime, au cƓur duquel est touchĂ©e en langage cette altĂ©ritĂ© ; Ă  la premiĂšre page du livre on trouve ce rejet, comme augural, d’un verset Ă  l’autre, vĂ©ritable cassure de l’identitĂ© pour trouver une connaissance nouvelle, celle d’une Ă©coute du langage, de ce qui parle, le dĂ©ploiement d’un ça parle » dans et par l’écriture qui fait de soi, du monde une matiĂšre d’inconnu je reviens le ciel retombe sur mes yeux avec une lenteur d’enfance, je ne sais plus si c’est bien moi qui parle ou si de moi ne reste que ce peu de paroles Ă©parpillĂ©es que je ne reconnais plus p. 9 C’est d’une identitĂ© en devenir qu’il s’agit, et qui advient par et vers l’inconnu en ne cessant pas d’ĂȘtre une venue, un infiniment Ă  venir » pour reprendre Ă  Meschonnic. La note en travail » est chez Ancet un contre-chant qui creuse une contre-identitĂ©. On pourrait ainsi parler d’une sorte de note sourde qui rompt avec les certitudes du moi, voire d’une poĂ©sie lyrique, pour abandonner et emporter le sujet dans l’écoute du langage au creux de l’intime. Dans cette aventure de la voix, d’une voix plurielle qui se construit et s’invente par ce qui sourd en elle, faire et dĂ©faire sont continus et tracent une ligne de vie jusqu’à la mort mais ils nous font, et nous dĂ©font, ils sont notre peu de vie jusqu’au silence dĂ©finitif » p. 18 ; ils » reprenant ces battements au soir [
] si fragiles qu’on ne les entend pas », et les battements » continuant aussi les bruits de rue » p. 17 on comprend que la voix du poĂšme est une chambre d’échos, une oreille des plus fines comprenant les perceptions du corps et explorant depuis le langage le non-linguistique qui traverse la langue j’ai perdu mes mains – mais pas ma langue, je la suis et c’est toujours le mĂȘme air, la mĂȘme chanson que je rĂ©pĂšte, que je ne sais que rĂ©pĂ©ter » p. 17. Il y a dans cette Ă©criture le dĂ©sir d’un phrasĂ© qui soit la recherche et l’écoute d’un continu, du je au rĂ©el, autant du senti que de la pensĂ©e, jusqu’à toucher et atteindre une intimitĂ© mouvante autre visage, autres yeux, corps qui se dĂ©forme, s’affaisse, mais je dis, c’est moi, mĂȘme si moi, je ne sais pas » p. 18. Le problĂšme du poĂšme est de se faire une Ă©coute et de faire entendre ce qui, de soi et avec les mots, dans le langage, se transforme et nous transforme en mĂȘme temps que ce qui se rĂ©pĂšte mais jamais Ă  l’identique le rĂ©el, le corps, la pensĂ©e qui passent sur le fil du temps. Ainsi les livres de Jacques Ancet sont les piĂšces, les passages d’un poĂšme qui s’écrit dans ses rĂ©pĂ©titions et ses diffĂ©rences. Une telle pratique d’écrire fait alors de l’ignorance un mode de connaissance, une connaissance qui ne procĂšde que du poĂšme et n’est pas de l’ordre de la doctrine. Ce serait plutĂŽt une connaissance seconde qui tient donc Ă  l’écoute du langage et c’est pourquoi je reviens, je vois et je ne vois pas, j’entends sans entendre, je touche une matiĂšre fuyante » p. 16. Le poĂšme rĂ©alise un incomprendre, celui de vivre en langage, dans le plein du langage, au milieu d’une Ă©coute qui prend la vie et fait sentir le rĂ©el par l’oralitĂ© ; on pourrait parler d’un rapport oral au monde et Ă  soi qui font de l’écriture une prophĂ©tie, un dire qui part en avant de soi. Qu’on lise ce passage pour Ă©couter ce dĂ©bordement et en mĂȘme temps l’acuitĂ© avec laquelle il est dit comment me reconnaĂźtre dans ces vagues une Ă  une poussĂ©es par quel vent, quel obscur courant et je veux me taire et leur Ă©cume vient me blanchir la bouche et je dĂ©gorge, oui je dĂ©gorge, chĂȘne visage tank clĂŽture araignĂ©e avenues nĂ©buleuses Ă©ponge silo journal primevĂšre tour Ă  genoux tarmac nombril muraille cellule volcan je vois ce que j’entends, le langage est mes yeux, je serre les dents, je dis stop, arrĂȘtez et je continue, je laisse filer muraille volcan abysses fourmi, je suis une Ă©numĂ©ration muette et son grouillement de syllabes, je bafouille, des cris me dĂ©chirent, je fouille une dĂ©charge de mots usĂ©s, de bribes de phrases que je ne comprends plus de mes yeux sortent des soleils et des nuits, de ma bouche des vols serrĂ©s d’oies sauvages, mes doigts touchent un horizon de flammes, mes pieds pataugent dans le sang p. 21 Ces lignes viennent comme rĂ©pondre aux odes de Claudel en montrant le poĂšme aussi comme la recherche d’un dire et d’un comment dire le rĂ©el par les multiples choses qui le construisent et habitent la pensĂ©e et se retrouvent comme travaillĂ©es, remuĂ©es par l’écriture tu contemples chaque chose dans ton cƓur, de chaque chose tu cherches comment la dire ![1] » Une autre citation en exergue du livre est tirĂ©e du Chef d’Ɠuvre sans queue ni tĂȘte de Yannis Ritsos, dans la traduction de Dominique Grandmont & te voici qui recommences comme si rien ne s’était passé  » Le sans queue ni tĂȘte » s’impose dans sa rĂ©sonance avec le je ne sais pas » qu’on trouve rapidement au dĂ©but du poĂšme. Il prolonge aussi quelque chose du dĂ©sir de ne pas savoir ce que je dis » de Claudel. Cette mise en avant de l’ignorance peut se lire alors comme un dĂ©sir d’aller Ă  l’inouĂŻ, au-delĂ  de ce qu’on nous pousse toujours Ă  comprendre, de ce qu’une rĂ©alitĂ© par trop prĂ©gnante impose et que le poĂšme met en crise. Ainsi la rĂ©alitĂ© et le rĂ©el qui affleure dans le poĂšme sont clairement opposĂ©s, le rĂ©el Ă©tant ce qui, incomprĂ©hensible, discontinu et pluriel, sourd du prĂ©sent, dans une Ă©nonciation interminable et toujours en recommencement. Le recommencement est marquĂ© par des retours – je reviens » est le premier verbe du poĂšme et la formule qui lance et relance l’écriture je reviens, j’ai Ă©tĂ© absent des semaines » ; je reviens le ciel retombe » ; mais je reviens, Ă©coutez, le monde me traverse toujours » versets 1, 2 et 4, p. 9. Le poĂšme est placĂ© sous le double signe du retour et du dĂ©tour d’une phrase qui embrasse et invente du rĂ©el, du sujet, de l’infini et qui rencontre un quelque chose Ă  dire, ce rien et ce silence qui la traversent. Reprise tout au long du poĂšme la formule je reviens » est le performatif d’une Ă©criture qui explore le prĂ©sent, un prĂ©sent oĂč je » s’absente et revient, se fait de se dĂ©faire. Ce prĂ©sent de l’écriture et de la vie est dĂšs lors son aventure et son recommencement ; le recommencement aussi d’un je » d’emblĂ©e distinct d’un moi », car si je ne sais plus si c’est bien » et si de moi ne reste que ce peu de paroles que je ne reconnais plus », je » est l’actif et la note est insistante, celle qui est en travail » pour reprendre encore Ă  Claudel mais je reviens, Ă©coutez, le monde me traverse toujours ». S’ouvre une subjectivitĂ© sans limite qui est le rĂ©el, sans autre existence possible que dans et par le poĂšme. C’est, au sens fort de la formule, un monde autrement dit, rendu sensible, suggĂ©rĂ©. Et ce qu’on sent passe dans un silence entre les lignes, une sorte de qualitĂ© de l’air, ce qu’on entend dans le langage, comme une phrase au creux de l’oreille, mais sans qu’on puisse lui assigner de nom. La teneur du rĂ©el est dans cet appel et ces rappels qui courent dans le poĂšme, dans sa prosodie, sa syntaxe, ses agencements de mots, le rythme de la parole et de l’écriture. C’est assurĂ©ment ce qui, de poĂšme en poĂšme, de livre en livre, constitue le poĂšme-Ancet, une sorte de retrempe du langage et de la voix dans diffĂ©rentes maniĂšres d’écrire, lĂ  une Ă©criture prose d’une phrase ininterrompue, ailleurs le vers mesurĂ© en onze, ou dix-sept syllabes – ce ne sont que quelques exemples, pour donner corps Ă  la rumeur et poursuivre une prose du poĂšme ou une certaine qualitĂ© de la voix. Cette subjectivation est donc un recommencement gĂ©nĂ©ralisĂ©, d’une ligne Ă  l’autre aussi, pour suivre le silence qui procĂšde de chacun de ses moments, pour Ă©couter le devenir qui s’empare du monde, de la parole intĂ©rieure, du monde tel qu’il trouve Ă  se dire dans une musique qui n’est pas du son, ni de la sonoritĂ© pas autre chose que l’air du poĂšme qui emporte son Ă©coute et son Ă©criture vers plus que le sens des mots et le savoir. Comme Ancet l’écrit au sujet de MallarmĂ©, le monde passĂ© par le silence la musique de la voix y resurgit comme Ă  l’état naissant.[2] » Ceci renvoie Ă  la musique telle que l’auteur de La Musique et les lettres la dĂ©finit dans une lettre Ă  Edmund Gosse l’au-delĂ  magiquement produit par certaines dispositions de la parole »[3]. On retrouve le sans queue ni tĂȘte » de Ritsos, qui rejoint aussi le problĂšme poĂ©tique trouvĂ© dans la premiĂšre Ode de Claudel du comment dire » vous entrez dans une histoire sans queue ni tĂȘte, on dit c’est la vie, elle vous regarde de loin dĂ©jĂ , elle vous mange » p. 9. Sans queue ni tĂȘte et dans tous les sens oĂč peut mener le poĂšme, c’est-Ă -dire dans l’écoute gĂ©nĂ©ralisĂ©e qu’il prĂ©sente sous les yeux la question est bien celle d’un comment dire quand les dispositions de la parole, toujours singuliĂšres, posent encore la question d’un comment lire. Ces questions se doublent encore de celle du sujet et de son inconnu qui recommence de mĂȘme alors comment revenir comment c’est moi regarde c’est moi encore je suis lĂ  » p. 9 On se rend compte dĂšs cette premiĂšre page que dire » et revenir » sont continus et qu’une sĂ©mantique autour du second verbe, autour de sa performativitĂ© et rĂ©flexivitĂ© se construit je reviens » se retrouvera dans le texte dans une relation avec il y a » et c’est du mouvement qui est introduit dans ce qu’on pourrait trop vite juger stable avec l’écriture et par elle, le monde bouge. DĂšs la onziĂšme page du livre, on lit ces attaques de versets je reviens mais je ne sais d’oĂč ni oĂč j’arrive, j’avance dans une confusion telle » ; puis cette sĂ©rie il y a une soirĂ©e » – il y a une ville » – il y a tout ce que je ne dirai pas et qui m’accable » – il y a tout ce que je dis, tout ce qui est lĂ  ». Par ces prĂ©sences comme glissĂ©es par la voix, ainsi que l’énumĂ©ration qui donne au poĂšme une inflexion narrative par l’espace, les choses et les objets, les indices temporels aussi, on est entraĂźnĂ© dans un mouvement qui conduit Ă  l’égarement ou Ă  l’errance une confusion telle » se prolonge dans ce passage muet, comme un frĂŽlement ». Les Ă©lĂ©ments identifiĂ©s, marquĂ©s du sceau de la rĂ©alitĂ©, comme sirĂšnes, gratte-ciel et maisons basses » se rĂ©solvent dans une approximation. Tout devient errance parmi les mots, dans ce qui fuit entre eux, sous eux » souffle lĂ©ger » ; ainsi le poĂšme reprend le leitmotiv alors dire je reviens, c’est peut-ĂȘtre entendre simplement ce murmure, on dirait une voix » p. 12. L’énumĂ©ration montre un rapport entre revenir et dire il s’agit de revenir autant avec que par une parole qui dise le rĂ©el en le sentant au creux du langage. Ce rĂ©el passe entre la rĂ©alitĂ© il est une voix, qui dit le monde Ă  l’infini, mais fait rencontrer non une rĂ©alitĂ© mais du sujet, le poĂšme d’un corps et d’une pensĂ©e, du langage travaillĂ© par son silence un rĂ©el inouĂŻ qui n’a lieu qu’en poĂšme et rien qu’en poĂšme. Et le travail de l’écriture est de montrer la rĂ©alitĂ© dans sa matĂ©rialitĂ©, par les mots qui nomment, Ă©numĂšrent et dans un mĂȘme temps de vaporiser cette mĂȘme rĂ©alitĂ©, immergĂ©e qu’elle sera dans une voix qui s’explore elle-mĂȘme, s’interroge et s’invente. S’opĂšre ainsi une sorte de frottement entre une rĂ©alitĂ© tautologique, marquĂ©e entre autre par le prĂ©sentatif il y a » et la densitĂ© d’une phrase qui emporte toute nomination et crĂ©e de la suggestion, un sens latent du poĂšme. En lisant plus loin l’Ode au recommencement on comprend aussi je reviens » comme une suture recoudre des morceaux d’infini, les moments d’une phrase interminable est un peu la fonction du leitmotiv Comment dire alors je reviens, sans je pour revenir, et pourtant, oui, je reviens, la voix parle toujours, et que dit-elle » p. 27. On lit dans l’adverbe d’opposition comme un retour au milieu du langage et de son Ă©parpillement. Et ce retour Ă  soi serait un retour Ă  la voix quand l’éparpillement au milieu du langage laisse justement sans voix. Mais il n’existerait pas de retour sans abandon Ă  une voix, ni sans travail pour faire sienne cette voix, en faire sa langue, par-delĂ  l’oubli et par-delĂ  sa propre personne rencontrĂ©e dans le miroir que dit-elle, c’est pour savoir que je reviens, pour habiter sa vibration Ă  peine, la mettre sur ma langue l’articuler, et croire que c’est moi qui parle quand tout en moi se fait oubli, ennui, mutisme quand tout m’abandonne, me laisse debout, comme l’autre Ă  me coiffer me boutonner, Ă  compter pertes et profits Ă  fixer ce visage dans la glace que je ne reconnais pas, et lui me reconnaĂźt-il p. 27. Par l’expĂ©rience de l’altĂ©ritĂ© on retrouve une Ă©criture qui fait du poĂšme une errance intĂ©rieure et une Ă©popĂ©e de la voix, au sens d’un epos. Ainsi l’écoute du langage offre un envers du langage et de la vie j’écris ce que je ne sais pas Ă©crire, les mots en feu et la coulĂ©e de lave d’une phrase illisible et si la voix s’est remise Ă  parler est-ce parce que je reviens D’une certaine façon, l’ode rejoint la chronique, en ceci qu’elle est l’écriture d’une aventure du sujet, lequel se rencontre dans et par son propre Ă©garement. Avant l’Ode au recommencement, Ancet a Ă©crit une Chronique d’un Ă©garement[4]. Le poĂšme est bien l’envers du quotidien ; du moins le poĂšme est-il ce qui est latent dans ce quotidien. Il correspond Ă  une Ă©coute qui est une attention Ă  ce qui vient ; et si elle est du jour, en ceci qu’ elle n’est pas sans rapport avec le temps et son Ă©coulement – ce que l’on peut comprendre dans la chronique ainsi que dans le journal[5] -, l’écriture d’Ancet explore une obscuritĂ©, insĂ©parable du jour et du temps traversĂ©. Ainsi elle s’apparente aussi Ă  une avancĂ©e dans l’obscuritĂ©. Une telle qualitĂ© de l’Ɠuvre trouve son titre dans L’IdentitĂ© obscure, publiĂ© en 2009. S’il entretient un rapport Ă©vident avec l’expĂ©rience de l’altĂ©ritĂ© au cƓur du langage l’obscur peut s’entendre dans plusieurs acceptions. L’obscur procĂšde d’abord d’une obscuritĂ© toute particuliĂšre puisqu’elle est clartĂ©. Une clartĂ© qui tient Ă  une certaine luminositĂ© de l’écriture ce que le poĂšme dit, il le dit et ce qu’il projette tient d’un poudroiement ; cette mĂ©taphore, prĂ©sente chez Ancet, est suggĂ©rĂ©e par ce qu’Ode au recommencement dĂ©signe par la mĂ©taphore des mots en feu »,, mĂ©taphore Ă©voquant les feux rĂ©ciproques » qu’allument les mots chez MallarmĂ©. C’est une maniĂšre de penser ce que fait le poĂšme, comme ne procĂ©dant que de lui les mots sont sortis du dictionnaire, pour n’ĂȘtre que du poĂšme – du n’indiquant pas tant l’appartenance que la provenance – et prenant ainsi une valeur plurielle en rapport avec les autres mots. Le poĂšme est un acte, d’ordre Ă©thique et rien n’a lieu que le poĂšme qui transforme les significations de langue en des valeurs du sujet qu’une lecture et une Ă©criture inventent et rĂ©inventent. De lĂ  ce rapport de tension entre une obscuritĂ© et une clartĂ©, entre des significations linguistiques et un sens dont le cƓur est une Ă©nigme et qui ne cesse de s’inventer. Au dĂ©but de la cinquiĂšme et derniĂšre partie de l’Ode on peut lire chacun de mes mots est l’écho rĂ©verbĂ©rĂ© d’autres mots » p. 71 jusqu’au suspens Ă©bloui » p. 73. Ces formules restituent ou rĂ©sument l’expĂ©rience d’une lecture et d’une Ă©criture qui tiendraient de l’extase du sens Ensuite ? ensuite revenir ne signifie plus rien, depuis longtemps tout a Ă©tĂ© dit » p. 71. C’est justement dans cet accompli que dĂ©bute – commence et recommence – l’inaccompli, le recommencement d’une voix qui Ă  peine revenue, repart les Ă©chos font le poĂšme autant que le poĂšme les fait, n’en finissant pas de continuer une pensĂ©e en mouvement et de tendre ainsi vers un Ă -dire » qui dĂ©ploie le rapport entre vivre, Ă©crire, penser et sentir. Une autre mĂ©taphore pour penser et continuer ce rapport une sorte de rumeur d’eau qui coulerait sous la vie » p. 71 La parole Ă  Ă©crire, toute intĂ©rieure et d’ouverture, se rĂ©sout en un appel le poĂšme est encore l’ouverture vers la rencontre. Une autre valeur de l’obscur, aprĂšs ce qui sourd et rĂ©sonne, est la matiĂšre tĂ©nĂ©breuse au creux du langage qui tiendrait plus directement de l’énigme et dont la clartĂ© est comme la portĂ©e ou l’induction jamais achevĂ©e. Cet obscur est celui du Silence des chiens qu’Ancet retrouve, avec la force de l’allusion, dans l’Ode au recommencement. Ces voix sans visage [qu’on] appelle des chiens » p. 13 peuvent mener vers les tĂ©nĂšbres, faire entrer dans le labyrinthe perdu dans un miroitement traversĂ© de tĂ©nĂšbres qui remontent comme une envie de vomir prĂšs de l’évier et son odeur d’éponge sale » p. 42. D’oĂč une troisiĂšme valeur de l’obscur qui tient Ă  l’énigme du monde, Ă  son opacitĂ©, – ce Ă  quoi l’opacitĂ© du poĂšme est une rĂ©ponse, un rĂ©pons ce que je dis me dit, ma parole est un souffle, je ne suis rien, mais un rien qui flambe au-dessus du nĂ©ant » p. 44, pour conclure la troisiĂšme partie de l’Ode. Quelque chose d’à la fois tellurique, aĂ©rien, ignifuge et solaire est touchĂ© par l’écriture ; la sensation est ici pensĂ©e dans le langage, ce qui construit ce qu’on peut appeler une pensĂ©e poĂ©tique ; et le poĂšme Ă©voque le monde ainsi tu t’arrĂȘtes toujours trop tĂŽt parce que tu ne sais pas maĂźtriser cette fatigue qui aussitĂŽt te submerge parce que tu ne sais pas entrer dans cette obscuritĂ© grouillante que tu appelles aussi le monde p. 49 Ecoute du monde du langage, et de l’énigme de chacun, l’écriture se mue en bĂ©gaiement, une sorte de butĂ©e sur le rĂ©el, un rĂ©el qui sourd d’elle et Ă©chappe pourtant au dire, cette butĂ©e tournant Ă  la ritournelle je dis lĂ , je dis lĂ , lĂ , je dis, c’est lĂ , je ne vois rien mais j’en suis sĂ»r, tout est lĂ  » p. 56. Ou encore et je dis le monde est cette fuite [
] il est ceci et cela et ça et ça et ça [
] il est dans ta bouche ce que tu ne dis pas et qui te dit » p. 48. On pourrait dĂšs lors comprendre que l’obscur est celui de tous les rapports d’un sujet et du monde dĂšs que ce monde est Ă  dire, rapports aussi que le poĂšme, son Ă©criture, laisse entendre, porte Ă  l’oreille pourrait-on dire, par la rĂ©sonance gĂ©nĂ©ralisĂ©e qu’il suscite. Alors ce rĂ©el procĂšde bien du poĂšme ; il sourd de lui, lequel implique et crĂ©e ce continu entre penser, Ă©crire, sentir, penser. Ces valeurs de l’obscur sont donc l’Ɠuvre mĂȘme du poĂšme, qui les dĂ©couvre ou les rencontre. Elles se construisent dans un rapport au rĂ©el qui procĂšde tout entier de l’écriture et fait qu’il ne peut exister de rĂ©alisme ni d’essence des choses et du monde dans la poĂ©sie d’Ancet. Pas non plus de reprĂ©sentation, mais bien un rĂ©el que l’écriture fait sourdre, fait entendre et sentir par elle. L’écriture et la rĂ©alitĂ© sont irrĂ©ductibles l’une Ă  l’autre. La poĂ©sie de Jacques Ancet n’est pas une dĂ©ploration de la sĂ©paration indĂ©fectible des mots et des choses, ce qui la dĂ©marque d’un certain lyrisme contemporain. Elle est plutĂŽt de l’ordre d’une relation et d’une rencontre ainsi que d’une Ă©coute, ce qu’il affirme en Ă©voquant la recherche d’un Ă©quilibre » ou encore la valeur de l’instant – un instant parfait » dont l’écriture serait le dĂ©sir et la durĂ©e Mais je reviens, j’essaye de retrouver ce point oĂč soudain tout se tiendrait en Ă©quilibre, oĂč la montagne, le genou, le cri, le froissement d’un journal, le silence et la lumiĂšre orange des pĂ©tales devant moi, ne seraient qu’un seul Ă©clat comme si toute une vie n’avait eu d’autre but que d’atteindre la cime d’un instant parfait tout en sachant trĂšs bien qu’elle ne l’atteindrait jamais p. 31 Peut-ĂȘtre cette dĂ©marche rencontre-t-elle en chemin la dĂ©marche mystique certains mots, ce point », Ă©clat », puis cime » y font penser. Mais il s’agirait d’un mysticisme sans dieux, entiĂšrement tournĂ© vers l’écoute d’une voix interminable qui dirait la relation au vivant, une voix jamais totalement atteinte car elle s’associe au temps, Ă  la pensĂ©e, au vivant, tout entiĂšre affect et langage et rapport Ă  soi et Ă  l’altĂ©ritĂ©, une voix qui associe Ă©galement dedans et dehors et qui s’impose comme un rapport interminable et infini. Le rĂ©el est ainsi vĂ©cu, pensĂ© comme du sujet, c’est-Ă -dire comme une relation ; et toute Ă©vocation n’est pas une nomination mais le dĂ©ploiement d’un rapport. C’est lĂ  qu’on peut comprendre la valeur de l’image dans l’Ɠuvre si elle est prĂ©sente c’est par un certain flottement, une imprĂ©cision visuelle qui la livre Ă  une qualitĂ© d’écoute, une Ă©coute du silence et de l’invisible qui passent entre les choses ; elle n’a rien de descriptif, mais elle se glisse dans des rapports, oĂč l’énumĂ©ration est encore la disposition de la parole la plus flagrante qui donne au regard sa plĂ©nitude de langage et me voilĂ  oĂč j’ai toujours Ă©tĂ©, entre la vie et son image, Ă  regarder, Ă  Ă©couter, respirer ce que je ne vois ni n’entends ni ne sens ce qui tient ensemble le pigeon et le portail, les iris et le rocher, les nuages et le marronnier, mon corps et la lumiĂšre Ă  guetter cet instant oĂč, soudain, tout serait lĂ , le monde entier comme en Ă©quilibre sur un grain de temps pur p. 72 Ce complexe de rapports – que l’on peut noter avec ce qui tient ensemble » et comme en Ă©quilibre » – n’a rien de fixe ni d’arrĂȘtĂ©, il est prĂ©cisĂ©ment la conscience, et la luciditĂ© qu’on trouve dans mon corps et la lumiĂšre », que le rĂ©el est indescriptible, seulement audible dans le langage et en mouvement, ce que marquent la tournure comme en » et la mention du temps qui inscrit tout rapport dans un devenir et dans l’instant minime mĂ©taphorisĂ© dans le grain le monde entier comme en Ă©quilibre sur un grain de temps pur ». Ancet se dĂ©marque encore d’un mysticisme religieux, voire d’un essentialisme et d’une idĂ©alitĂ© philosophiques en ceci que le temps pur » est une sensation de langage qui est dĂ©signĂ©e par la triade regarder-Ă©couter-respirer » et oĂč le langage est insĂ©parable du corps – dans mon corps et la lumiĂšre ». Le mouvement, le devenir trouvent leur rĂ©solution dans le suspens recommencĂ© jusqu’à faire du poĂšme une utopie ni avant ni aprĂšs, ni ici ni lĂ -bas, ni dedans ni dehors, mais le mĂȘme suspens Ă©bloui » p. 73. Continu au suspens et vĂ©ritable mot poĂ©tique – en ceci qu’il est porteur d’une pensĂ©e poĂ©tique, et d’une thĂ©orisation du poĂšme procĂ©dant de sa pratique -, le mot entre » renvoie Ă©videmment au rapport et Ă  la suggestion, mais aussi Ă  l’impossible coĂŻncidence ». Si cet entre » Ă©noncĂ© par le poĂšme dĂ©bouche sur l’étincellement de rapports, en lumiĂšres et ombres, il dĂ©bouche sur la beautĂ© et ce qui suscite la dĂ©chirure comme le dĂ©sespoir ; le beau Ă©tant ce Ă  quoi on manque toujours, prĂ©sent et qui constamment Ă©chappe, relevant de l’énigme du prĂ©sent, tout suspens Ă©tant celui d’un temps pur ». Partant la beautĂ© ne ressortit en rien de l’esthĂ©tique, quand bien mĂȘme elle est continue Ă  un sentir ; il est d’ordre Ă©thique dans la mesure oĂč il procĂšde du sujet seul un poĂšme invente ou suscite ces rapports-lĂ  qui eux-mĂȘmes crĂ©ent une beautĂ©. Et cette beautĂ©-lĂ  nous fait revenir au poĂšme, Ă©tant celle d’une certaine Ă©coute du langage. Si le poĂšme invente son beau, en Ă©tant le souffle et la respiration, c’est qu’il invente et est Ă  lui-mĂȘme son rythme. La lecture du poĂšme fait entendre la poursuite d’une beautĂ© jamais circonscrite ce qui se fait entendre reste aussi Ă  entendre. La syntaxe, la prosodie, la sĂ©mantique du poĂšme – la disposition de la parole et du langage qui est le rythme – Ă©crivent un infini, et Ă©crivent toute lecture et toute Ă©criture dans cet infini. D’oĂč l’enthousiasme et le dĂ©sespoir qu’on trouve dans cette seule ligne et c’est pourquoi elle [la beautĂ©] nous dĂ©sespĂšre » p. 20. On en revient ainsi Ă  l’obscur, qui est une sorte de note traversiĂšre, ou note en travail » de l’ode, et un questionnement de l’écrire. Dans telle page toute lumiĂšre est porteuse de sombre, ce qui suggĂšre que ce qui s’énonce porte aussi quelque chose de l’ordre d’un non dire », qu’un dire est encore une maniĂšre d’articuler le silence qui disait que le lieu le plus sombre est sous la lampe, que l’ombre s’engendre de la lumiĂšre » p. 32. La dialectique Ă  l’Ɠuvre dans et par l’écriture articulant le plus sombre » et le plus lumineux du poĂšme est au prĂ©alable mouvement de cercle infini qui se dessine Ă  mĂȘme l’écoute un espace circulaire d’oĂč suinte l’obscur » Ibid. Aussi une telle dialectique se rĂ©sout-elle in fine dans une circulation de soi Ă  l’autre, d’une identitĂ© Ă  une altĂ©ritĂ© encore, Ă  mĂȘme l’acte d’écrire une autre main bouge dans ma main » Ibid. Un acte d’écrire qui est mĂ©taphorisĂ© par l’espace, ce qui en fait apprĂ©hender Ă  la fois l’aventure, l’expĂ©rience du temps et le devenir pour le corps et la pensĂ©e mon Ă©criture s’enfonce dans la pensĂ©e » Ibid.. Toute L’ode opĂšre de cette maniĂšre un dĂ©placement du connu vers l’inconnu de tout rapport possible et pluriel. Et Ancet Ă©crit dans le lexique le plus simple, souvent celui du quotidien et du banal, qu’on croit le plus Ă©vident, dont le poĂšme ouvre une dimension inouĂŻe. C’est que le monde recommence, dans tous ces rapports que le poĂšme est seul Ă  faire entendre. C’est aussi que l’écriture Ɠuvre Ă  un devenir gĂ©nĂ©ralisĂ©. Et c’’est en ceci que le verbe est la base et le sommet de l’ode. Recommencer, revenir et s’égarer pour s’inventer trouvent des valeurs nouvelles dans suivre, lequel pourrait bien s’entendre, dans le poĂšme, comme un renversement intĂ©rieur du verbe ĂȘtre ». La question mais est-ce bien moi, est-ce moi ce jour sur la fenĂȘtre » p. 32, si elle interroge un rapport au monde dans un rapport Ă  soi – on lit, au dĂ©but et la matiĂšre me submerge tout autour, me submerge de son grouillement sans fin » p. 11 – pense aussi quelque chose de la vie en langage, ce quelque chose qui est de l’ordre du mouvement, de la continuation et qui n’a pas de dĂ©finition ni d’essence, est Ă  concevoir comme une histoire en marche. Etre » devient une valeur de continuer », ce qui est marquĂ© dans le rejet suivant et quand je crois m’arrĂȘter, je continue parce que tout continue, je suis la coquille de noix dĂ©rivant sur le courant, je vois les feuilles, l’éclat du bleu, les reflets irisĂ©s de l’huile p. 72 Le travail du signifiant suis » se prolonge ensuite par l’équivoque entre ĂȘtre et suivre je suis tout ce que je ne suis pas », puis [
 ] ces jambes que tu Ă©tends devant moi, que je ne peux atteindre je suis l’air qui nous sĂ©pare, nous rapproche, nous emporte comme ces paroles prononcĂ©es il y a tant d’annĂ©es et qui reviennent » p. 80 Ce que ne cessera de dĂ©velopper l’écriture sera bien cette rencontre avec soi, avec une subjectivitĂ© tout en altĂ©ritĂ©, un sujet labile, mobile un sujet du poĂšme par lequel la subjectivitĂ© est bien l’affaire d’une altĂ©ritĂ© comme identitĂ© et d’un devenir. Comme le montre telle mention du passĂ© qui est Ă©galement affaire de prĂ©sent, donc de mouvement et devenir le passĂ© bouge » p. 76. Pour citer Deleuze, l’écriture est l’invention d’une ligne de fuite », et c’est par lĂ  qu’on peut thĂ©oriser l’énonciation non comme situation qui impliquerait une certaine fixitĂ© de l’empirisme dĂ©finissant d’abord une typologie des situations, mais l’inconnu d’une voix qui emporte et implique cette fois de penser autrement la subjectivitĂ© dans le langage. Suivre, poursuivre impriment un double mouvement, un double sens de la poursuite. La voix poursuit qui l’entend, et s’en fait l’écoute ; elle s’affirme comme une dictĂ©e Ă  suivre et Ă  poursuivre. L’appel est double on appelle dans l’écoute de ce qui appelle Ă  ĂȘtre dit. Ainsi on peut lire dans certaines attaques de versets une Ă©popĂ©e au sens d’un epos et d’un poiein, c’est-Ă -dire, pour reprendre Ă  l’étymologie, d’une parole et d’un faire le lyrisme de l’ode trouve ici un principe dans l’épopĂ©e ; le dire et le poĂšme sont en ce sens une traversĂ©e de la voix et de son Ă©coute. Le faire propre au poĂšme qui fait penser ensemble l’activitĂ© en langage, la parole et l’écriture est pour ainsi dire emblĂ©matisĂ© dans ces attaques de versets j’écoute sa bouche froide
 j’avance Ă  tĂątons dans un dĂ©sert
 je m’arrĂȘte, la nuit autour 
 Puis en finales 
tout se disperse et je reviens 
toutes les choses suspendues dans l’attente d’un nom 
ce qui se tient lĂ  au bord d’ĂȘtre dit et qu’une fois encore je manque et c’est ce manque qui me poursuit p. 32-33 Est emblĂ©matisĂ©e encore une dynamique de l’écriture entre arrĂȘts, dĂ©part, retours, oĂč le sujet n’est pas sĂ©parable d’une gestuelle langagiĂšre qui le transforme et en fait un devenir, une ligne de fuite » prĂ©cisĂ©ment. Le geste prĂ©vaut et prĂ©cĂšde et le sujet ne dĂ©pend donc pas d’une expressivitĂ©, mais procĂšde de cette gestuelle qui est ensemble une syntaxe, une prosodie, une sĂ©mantique, continu du geste Ă  la phrase le geste me prend, la phrase s’ouvre et les accueille, je dis village, collines, nuages, je recommence » p. 33. Qu’est-ce que l’ode devient avec Ancet ? D’abord autre chose qu’un genre et que ce que circonscrit une taxinomie littĂ©raire. Elle est un passage de vie et un passage de langage ; ce qu’Ancet dĂ©signe par une sorte de rumeur d’eau ». Si l’on veut parler de lyrisme, alors il pourrait s’agir d’un passage du chant du langage, Ă  penser du cĂŽtĂ© de ce que MallarmĂ© dans Le MystĂšre dans les lettres appelait l’air ou chant sous le texte », et procĂ©dant ainsi d’une gestuelle qui est d’abord une syntaxe disposant langage et parole et travaillant une Ă©coute. L’ode est ainsi indissociable de gestes lyriques » pour citer Dominique RabatĂ©. En outre l’ode rĂ©pond Ă  l’appel de ce qui est Ă  dire, qui est un infini Ă  dire mais tout rĂ©clame d’ĂȘtre dit » p. 34, justement dans une activitĂ© qui double l’écrire d’un vivre et le vivre d’un Ă©crire. Ainsi, plus encore que lui rĂ©pondre, l’ode rĂ©pond cet appel, elle en fait entendre la vibration de l’infime, et l’infini rĂ©verbĂ©rĂ©, et rien qui bouge et rien qui s’arrĂȘte » p. 90. Le dernier verset de la fin du poĂšme n’est pas une fin, seulement une interruption, avec la sensation cependant que quelque chose se referme pour quelque chose d’autre encore, de l’infini dans du neutre. L’ode trouve dans cet infini sa mesure, le paradoxe d’une Ă©criture qui est suspens et ouverture, ce qui fait rencontrer encore le Claudel des Cinq grandes Odes un infini de bouches dans cette bouche un infini de voix dans cette voix, qui ne s’arrĂȘte pas » p. 69 La pensĂ©e par le poĂšme est Ă©coute et peut-ĂȘtre que ce qui la fait telle qu’elle est, mais surtout telle qu’elle se transforme, est l’écoute de la voix. Cette pensĂ©e se tient dans cette Ă©coute pour devenir une voix de voix. Laurent Mourey [1] Paul Claudel, PremiĂšre Ode Les Muses » 1900-1904, Cinq Grandes Odes, Ă©dition de 1957, PoĂ©sie/Gallimard, p. 28. [2] Jacques Ancet, Le Chant sous les mots », Europe n° 825-826, 1998, p. 40. [3] CitĂ© par Jacques Ancet, Ibid. [4] Chronique d’un Ă©garement, Lettres vives, 2010. [5] A noter qu’Ancet a Ă©crit Le Jour n’en finit pas, Lettres vives 2001 et Vingt-quatre heures l’étĂ©, Lettres vives 2000. Ou encore Journal de l’air, Arfuyen 2006 et Portrait du jour, La Porte 2010. Il va s’agir d’observer dans l’écriture de Michel Chaillou 1930-2013 quelques signes d’oralitĂ© puissante s’attardant particuliĂšrement aux sans-voix ou, si l’on prĂ©fĂšre, Ă  de l’inaudible, de l’in-entendu, voire de l’inattendu. L’inattention au murmure », Ă  la confidence chuchotĂ©e », Ă  la douceur plaintive » Chaillou, 2012 74-75 et peut-ĂȘtre la pĂ©joration de certaines voix, souvent Ă  l’Ɠuvre dans les Ă©critures et plus gĂ©nĂ©ralement dans les discours normatifs, conduisent Ă  leur rejet par leur rĂ©duction Ă  quelques procĂ©dĂ©s – il s’agirait, de ce point de vue, d’une critique forte de l’effet CĂ©line » si prĂ©gnant dans la critique littĂ©raire française. C’est ainsi que Chaillou montrerait Ă  la fois le continuum des voix dans le phrasĂ© romanesque de l’écriture, cette prose en action » Martin, 2013, Ă©vitant ainsi toute sĂ©paration dualiste, et surtout la force de ces voix minorĂ©es, leur Ă©nergie transformatrice, jusque dans ce qu’il a appelĂ©, non sans quelque pointe critique et donc par antiphrase, l’extrĂȘme-contemporain » Chaillou, 2012 74. Je me propose donc, Ă  sauts et Ă  gambades ou plutĂŽt Ăąnonnant l’inconnu comme un abĂ©cĂ©daire » Chaillou, 1997 106, de voyager dans les Ɠuvres de Chaillou non pour s’y retrouver mais pour s’y perdre, du moins y perdre toute contenance critique unitaire, et alors essayer de faire entendre le filet de voix du doute, plutĂŽt que le clairon de l’affirmation » Chaillou, 2012 88, parce que la littĂ©rature a besoin de confidence, c’est-Ă -dire d’ĂȘtre chuchotĂ©e Ă  l’oreille de quelques-uns » Chaillou, 2007b 390. Cette derniĂšre proposition ne peut s’entendre comme la promotion Ă©litiste mais, tout au contraire, comme l’accueil de tout un chacun Ă  prĂȘter l’oreille » 419, l’écrivain Ă©tant le premier Ă  se livrer Ă  l’écoute. Un tel voyage » Voyager vous rend-il Ă  nouveau enfant, Ăąnonnant l’inconnu comme un abĂ©cĂ©daire ? », Chaillou, 1997 106 ne pouvait s’achever sans rendre compte au fil de la lecture du romanesque d’un roman, La Vindicte du sourd, destinĂ© par son inscription Ă©ditoriale Ă  la jeunesse. C’est bien parce que, comme le fait dire Chaillou Ă  son principal double romanesque, Samuel Canoby J’ai commencĂ© trĂšs tĂŽt Ă  ramasser la paperasse de l’heure, bouts d’instants rimĂ©s ou pas, secondes ou minutes, toute cette thĂ©ologie du rien enfui, ces bons mots Ă  jeter Ă  peine dits, ces sentiments avortĂ©s, ces scĂšnes qui rouillent, tout ce qui porte l’estampille de la veille, de l’avant-veille de la veille de la veille jusqu’au big bang du dĂ©suet primordial. La rouille dans mes mots que mes lĂšvres Ă©brĂšchent. Chaillou, 1995 131 Chaillou ou le bruit du temps dans les voix de chacun. N’est-ce pas lĂ  une poĂ©tique Ă  hauteur d’une anthropologie
 Bizarreries et Ă©tonnements En fait, j’essaie de faire un roman de tous mes Ă©tonnements. Et je ne cesse de m’étonner. Michel Chaillou, 2007b 398 Marcel Schwob tenait les bizarreries » pour critĂšre spĂ©cifiant d’une vie, de philosophe – ce qui n’est pas peu dire ! En effet, ce sont ces bizarreries » que le premier grand philosophe venu possĂšderait rĂ©ellement » car, selon Schwob, quant aux idĂ©es » – ce sont pourtant bien ces derniĂšres qui gĂ©nĂ©ralement permettent d’identifier un philosophe –, elles sont le patrimoine commun de l’humanitĂ© » Schwob, 2004 54 ! C’est du cƓur d’un structuralisme rĂ©gissant la pensĂ©e de la littĂ©rature voir Martin, 2013 157-176 qu’un Michel Chaillou s’aventure dans des biographies souvent doublĂ©es d’autobiographies qui, aux structures gĂ©nĂ©ralisantes et Ă  la visĂ©e unitaire, opposent un fouillis, si ce n’est un dĂ©dale, de particularitĂ©s ou de singularitĂ©s, et donc de vies jamais rĂ©duites Ă  quelque finalisme tĂ©lĂ©ologique ou unitĂ© destinale. Ces bizarreries » y exacerbent la valeur de l’infime en multipliant les digressions comme si l’infime devait s’entretenir avec l’infini. Jean-Pierre Richard a trĂšs tĂŽt signalĂ© cette spĂ©cificitĂ© de l’écriture de Chaillou en rendant compte du Sentiment gĂ©ographique 1976 dans le numĂ©ro 28 des Cahiers du Chemin 130-134 – repris dans Richard, 1990 171-198 De toute façon, c’est le corps ici qui est le maĂźtre, et qui mĂšne multiplement le jeu corps rĂȘvant et corps lisant, mais aussi corps se rĂȘvant/lisant, et se rĂȘvant/lisant/rĂȘvant, et cela Ă  l’infini, on l’a vu, sans butĂ©e possible. L’assurance d’aucun cogito, comme dans les critiques traditionnelles d’identification, ne vient fonder ici les rĂ©versibilitĂ©s de la lecture. Chaillou, de ce point de vue, rejoindrait donc le parti pris antĂ©rieur d’un Schwob se dĂ©fiant lui aussi du positivisme ambiant non dĂ©pourvu d’une propension Ă  sĂ©parer les gĂ©nies des hommes ordinaires, les hĂ©ros de la pensĂ©e des vies des hommes infĂąmes », pour faire rĂ©fĂ©rence Ă  la fameuse contribution de Michel Foucault au numĂ©ro 29 du 15 janvier 1977 des Cahiers du Chemin de Georges Lambrichs, numĂ©ro dans lequel Chaillou publie son HexamĂ©ron rustique ». Ne pourrions-nous associer la visĂ©e d’un Foucault d’une vĂ©ritable anthologies d’existences » Ă  l’activitĂ© d’un Chaillou racontant des vies dans et par l’essai d’écrire un tĂątonnement expressif, un bĂ©gaiement de l’ineffable » 2007b 323. L’incipit d’un roman de Chaillou, Le RĂȘve de Saxe, ouvre un tel marchĂ© aux puces » qui dĂ©libĂ©rĂ©ment se refuse Ă  maĂźtriser quelque sujet que ce soit autrement qu’à le voir fuir dans l’imaginaire du pan. Je reprendrai volontiers cette derniĂšre notion Ă  Georges Didi-Huberman 1990 316 qui l’a fortement distinguĂ©e du dĂ©tail, comme inquiĂ©tude » du tableau qui tend Ă  enliser l’hermĂ©neutique, parce qu’il ne propose que des quasi, donc des dĂ©placements, des mĂ©tonymies, donc des mĂ©tamorphoses » 318. Ce fut au marchĂ© aux puces que je rencontrai les premiers hĂ©ros de cette aventure. L’endroit figure assez mon esprit hĂ©tĂ©roclite, bric-Ă -brac d’objets dĂ©pareillĂ©s, contradictoires, au style rompu, furieux, cabossĂ©, vieilles lunes, prose de chien, rouille et soliloque. EntrĂ© depuis quelques minutes dans une boutique, je venais de remuer une masse de bouquins fumigĂšnes, l’ñme dĂ©jĂ  perdue par certaines gravures. Une surtout, plutĂŽt agile, reprĂ©sentait un garçon au vit de menuisier, Ă©norme, hors culotte, branlant avec Ă©nergie une jeunesse retroussĂ©e sur un sofa qui avait du volume. J’allais m’enquĂ©rir du prix quand un petit peuple aux mines extasiĂ©es me hĂ©la depuis une Ă©tagĂšre. Je m’approchai. Un couple principalement me ravit, lui poudrĂ© de frais, d’une hauteur de seize centimĂštres, elle au clavecin, mains Ă©cartĂ©es sur les touches. Chaillou, 1986 11 Les hĂ©ros de cette aventure » sont bel et bien des quasi au sens oĂč l’entend Didi-Huberman des figurines en porcelaine de Saxe ! De cette porcelaine », la matiĂšre mĂȘme de l’amour, du sperme solidifiĂ©, une poterie blanche translucide » 14 ! De sexe Ă  Saxe, la paronomase participe de cette impossibilitĂ© de fixer la phrase sur du sens pour lui prĂ©fĂ©rer un phrasĂ© qui entrecroise et surtout multiplie ses propres bizarreries » dans une analogie gĂ©nĂ©ralisĂ©e construisant un corps-langage, celui que signalait Jean-Pierre Richard, qui ne cesse d’entretenir de troubles rapports » Chaillou, 1986 240. D’un bric-Ă -brac, celui de la littĂ©rature, de ses innombrables et indescriptibles aventures d’écriture, que l’histoire littĂ©raire met souvent au pas pour en ignorer la plus large part et surtout pour ne jamais en entendre les bizarreries » et en poursuivre les Ă©tonnements », Chaillou ne se contenterait pas d’en tirer quelques objets Ă  fonctionnement symbolique, Ă  la maniĂšre des meilleurs surrĂ©alistes, mais en proposerait de fabuleux sujets des voix qui s’essaient dire parce que tous les livres de Chaillou tentent de rĂ©pondre en autant d’actes d’écriture Ă  la question que posait Samuel Beckett Comment s’essayer dire ? » 1991 20. Essayer dire Je ne suis pas du cĂŽtĂ© du raconteur, lĂ  oĂč se trouve le plus souvent le roman, je suis du cĂŽtĂ© du dire. Toute ma tentative littĂ©raire se situe entre le dire et le raconteur. Michel Chaillou, 2007 b 110 Observer l’autre voix de la littĂ©rature Ă©crite » dans l’Ɠuvre de Michel Chaillou demanderait une Ă©coute de son phrasĂ© romanesque qui semble sans cesse faire entendre une oralitĂ© de l’écriture » Le Français aujourd’hui, 2005 dans et par l’organisation d’une digression majeure » François Bon, 2009 comme Ă©coute intĂ©rieure » Chaillou, 2007b des voix, dans les livres de la bibliothĂšque comme dans les conversations de partout. Les hiĂ©rarchies se voient alors dĂ©faites et les Ă©chos dĂ©multipliĂ©s pour que les proses riment dans une rĂ©sonance gĂ©nĂ©rale, une voix pleine de voix. En cela, Chaillou participe trĂšs prĂ©cisĂ©ment Ă  ce que Georges Didi-Huberman se donne comme exigence critique Ă  partir de la proposition de Beckett, de son essayer dire » N’essayons pas de dire, engageons-nous plutĂŽt dans l’acte plus risquĂ©, plus expĂ©rimental, d’essayer dire, expression dans laquelle il devient clair que dire n’est, au fond, qu’essayer, s’essayer Ă  une expĂ©rience insĂ©parable de son risque et de son effectuation. Didi-Huberman, 2014 55 Il faudrait alors immĂ©diatement aller Ă  une des tentatives les plus originales de Chaillou, son Montaigne » 1982, qui rompt avec toute la tradition critique du commentaire ou de l’hermĂ©neutique. Cette tradition savante et scolaire semble disposer du texte comme d’une totalitĂ© maĂźtrisable ; d’autres comme celle de l’essai biographique font Ă©galement accroire qu’elles disposent de la vie dans l’illusion homogĂšne de l’Ɠuvre et de l’époque, des hauts faits et des grandes idĂ©es. A propos de ces biographies romancĂ©es, Adorno parlait de leur tentation permanente d’une forme dont la mĂ©fiance Ă  l’égard de la fausse profondeur court sans cesse le risque de tourner Ă  l’habiletĂ© superficielle » 1984 8. Chaillou, avec son Montaigne, se situe aux antipodes d’une telle neutralisation des Ɠuvres de l’esprit en biens de consommation » Adorno, 1984 8 ! Cet Ă©tonnant rĂ©cit d’une journĂ©e de septembre 1980 propose un je-ici-maintenant » des Essais de Montaigne non dans une classe de philosophie ou de littĂ©rature, pas plus dans une recrĂ©ation socio-historique voire psycho-fictionnelle, mais au plus prĂšs de ceux qui vivent non loin de la tour de Montaigne et d’abord de cet Alexandre ou plutĂŽt Alex, domestique chez Montaigne ». Ce dernier n’a pas vraiment lu les Essais mais, aprĂšs le suicide de sa mĂšre, il continue Montaigne sans le savoir et surtout sans la maĂźtrise discursive qu’accompagnerait la conscience rĂ©flexive Alex dĂ©nicha dans les pauvres affaires de la dĂ©funte le fameux bouquin mĂ©langĂ© Ă  une bible, de chĂšres photographies 
. L’exemplaire Ă©tait rompu, des pages manquaient. Plusieurs respiraient le fromage, des aurĂ©oles sanctifiaient un chapitre qui par ailleurs tombait en cendres, fruit d’une veille, de qui mĂ©gota sa lecture au rougeoiement d’un cigare. A peine si Morceaux choisis se distinguait sur la couverture cartonnĂ©e qu’il gratta au couteau. Il renifla, feuilleta, des petits mots, de tous petits mots. Il enfonçait sa gueule mal rasĂ©e dans l’ouverture des pages, Ă©pluchant ces extraits scolaires des Essais, du Journal de Voyage en Italie comme s’il se fĂ»t agi d’oignons de Castillon. Les yeux lui coulaient, la mĂ©moire lui revenait de Fritz lisant, du sein superbe d’Eva dans la marge, d’un curieux petit sabre Ă  boutons d’or jetĂ© sur une chaise. C’était du français qu’Alex rĂ©entendait, mais rendu brumeux par une bouche Ă©trangĂšre, les fentes de la porte par oĂč, gamin, il regardait. Le bois brun pesait encore sur le livre, il rĂ©cita, essaya d’abord sourdement devant l’établi, les plantes convulsives de la serre, de retrouver l’accent de Fritz. Il rougissait, s’empĂȘtrait, les phrases l’écorchaient, il ne lisait pas vraiment, grondait, mĂąchonnait, salivait beaucoup. L’espoir insensĂ©, confus dans sa tĂȘte, qu’à force de bĂȘcher, labourer chaque page, il finirait par ressusciter l’ancienne fornication des heures, l’instant, point Ă  la ligne, virgule, oĂč le couple dĂ©laissait le paragraphe, s’embrassait, se fondant l’un dans l’autre, atroce souffrance. Chaillou, 1982 193-194 Nous lisons alors Ă  la fois le portrait vraisemblable du rapport complexe de la lecture d’un illettrĂ© au livre de Montaigne et le portrait invraisemblable de l’écrivain, au plus prĂšs des processus de l’écriture et de la lecture. Un tel portrait – toujours double avec Chaillou – construit l’analogie tenue d’un continu entre lecture et Ă©criture, exactement comme entre le chĂąteau et le pays, l’air, la terre, les arbres, qu’on visite plus loin que dix-neuf heures » 271, plus loin donc que l’heure de fermeture des visites Ă  la tour de Montaigne ou, autrement dit, plus loin que les passages obligĂ©s de l’écriture-lecture hors corps comme on dit hors sol. Ce passage donc, et tout le livre avec lui, par ce phrasĂ© sĂ©mantique et rythmique, opĂšre une incorporation puissante de tout ce qui peut concourir Ă  un tel continu. Celui-ci serait la rĂ©sultante de la confusion des lexiques oĂč le scolaire et le savant se piquent d’actions agricoles et sexuelles, et de la confusion des temporalitĂ©s oĂč l’enfance et le livre s’emmĂȘlent dans un prĂ©sent du rĂ©citatif inventant l’écoute intĂ©rieure d’une attitude de vie, c’est-Ă -dire d’une disponibilitĂ© Ă  ce que justement les Essais autorisent et mĂȘme exigent dans leur maniĂšre Ă  sauts et Ă  gambades » l’infinie digression d’une parole plurielle. Le raconteur d’Indigne Indigo ne dĂ©clare-t-il pas C’est vrai que je m’interroge sur tout, et d’un rien digresse. J’ai l’esprit d’escalier » 2000 84. Digressions et distractions Vos voisins conversent de belles-lettres ce n’est pas votre sujet ; le vĂŽtre, qu’est-ce, sinon ce nuage de voix qui hantent le temps passĂ©, dĂ©passĂ© ? Chaillou, 1980 23. Les raconteurs – je tiens Ă  cette notion[1] car dĂšs le premier roman, Chaillou indique bien qu’il ne s’agit pas de narrer mais de conter une histoire » et plus prĂ©cisĂ©ment de rĂ©pĂ©ter des faits trĂšs simples, une maniĂšre de litanie » –, du moins les personnages principaux des romans de Chaillou, mĂ©riteraient chacun de se voir attribuĂ© le reproche qu’une amie du hĂ©ros de L’HypothĂšse de l’ombre lui faisait souvent Tu as trop de parenthĂšses en toi » 2013 106. Reproche qui n’est pas sans Ă©voquer l’épigraphe de ce livre, empruntĂ©e Ă  Victor Hugo Je suis un homme qui pense Ă  autre chose ». En effet, les romans de Chaillou ne savent jamais oĂč ils vont puisqu’ils se noient dans la phrase, la premiĂšre phrase venue, l’ardeur de sa phrase » 1995 175. Je marche, parfois je bute, un caillou sur la route, une idĂ©e de caillou. Je lis sans lire, je dĂ©visage les pages, Spinoza m’apprend Ă  me retirer, Ă  voir dans chaque mot, chaque chose, leur dĂ©sert, une chambre nue. Chaillou, 1995 134 Mais une telle chambre nue » est une chambre d’échos qui n’en finit pas de rĂ©sonner. Cette force du langage que le phrasĂ© de Chaillou porte dĂšs qu’on ouvre un de ses livres n’est pas sans un paradoxe qui pourrait spĂ©cifier l’oralitĂ© de son Ă©criture le rĂ©gime endophasique de ses narrations qu’on pourrait hĂątivement assimiler Ă  un soliloque de sourd et donc Ă  une autofiction Ă©gotiste si n’est simplement narcissique, est cependant vouĂ© au dialogisme le plus vif. Mais le paradoxe ne serait qu’apparent ainsi que Gabriel Bergounioux le signale Ă  propose de l’endophasie elle-mĂȘme, ce moyen de parler » 2004. GrĂące Ă  ce suspens de la profĂ©ration entre deux discours explicites » qui constitue cette prĂ©sence inaudible d’un discours inaccessible Ă  l’observateur extĂ©rieur », cette voix privĂ©e » qu’offre l’endophasie ouvrirait Ă  un beau problĂšme la marque d’une absence qui interloque » Bergounioux, 2004 60. Le paradoxe est donc double puisque ces monologues intĂ©rieurs, parfois enregistrĂ©s dans des cahiers » entre autres Chaillou, 2007a ou dans la tenue d’un journal Chaillou, 1995 172, nous sont prĂ©cisĂ©ment restituĂ©s. Bergounioux nous offre alors une sortie du paradoxe puisqu’il pose que l’endophasie oblige Ă  penser le langage du point de vue de l’écoute par une poĂ©tique relationnelle qui s’éloigne indubitablement de l’approche communicationnelle, renouant en cela avec une proposition de Roland Barthes celui qui Ă©crit est ce mystĂšre un locuteur qui Ă©coute » 1992 132. Bergounioux repartant de Humboldt prĂ©cise que l’écoute, plus qu’un produit ergon est une production energeia dont l’endophasie est la forme la plus Ă©laborĂ©e, la plus achevĂ©e » Bergounioux, 2004 82. Ce principe d’écoute est sans cesse au travail dans le phrasĂ© de Chaillou Bien entendu, qui, Ă  cet instant de mon aventure, me prendrait en filature, tirerait sans doute d’autres conclusions des faits que je rapporte, et pas toujours obligeantes pour ma santĂ© mentale. Ces coĂŻncidences, maintes fois relevĂ©es, n’expriment-elles pas, lecteur, le dĂ©sir un peu malade d’une autre rĂ©alitĂ© que celle mesquine oĂč nous nous cĂŽtoyons vous et moi ? Chaillou, 2000 53 D’une part, le raconteur endophasique embarque dans son soliloque son auditeur l’adresse frĂ©quente au lecteur » en tĂ©moignerait, et ce dĂšs le premier livre Je ne suis pas responsable / Comment ĂȘtes-vous lecteur ? Petit, grand, une femme ? si vous pouviez intervenir, me conseiller », 1968 167, et plus gĂ©nĂ©ralement la tonalitĂ© rĂ©flexive du phrasĂ© ne cesse d’approfondir la teneur dialogique de chaque phrase ainsi que l’attaque bien entendu » le fait entendre. D’autre part, il s’agit ni plus ni moins que d’entretenir une utopie qui ne peut se rĂ©aliser qu’en coopĂ©ration cette autre rĂ©alitĂ© » que seule la relation d’écoute peut faire advenir. Chez Chaillou, la phrase entretient l’écoute pas son phrasĂ©. Cela commence dĂšs le titre du roman. Ainsi de ce roman russe », La Rue du capitaine Olchanski, qu’on pourrait rĂ©sumer comme l’écoute de ruĂ©e dans rue Ă  condition de le lire jusqu’à son Ă©pilogue » 1991 244-245. Le principe d’écoute est alors un principe d’écho, qui est au fond un laisser faire la distraction, la sortie des habitudes de l’entendement. Une telle Ă©criture est alors essentiellement une oralitĂ© Ă  vif Écrire, c’est-Ă -dire Ă©couter. Mais Ă©couter quoi ? Eh bien, ce qui traĂźne sur la planĂšte des mille bruits du monde, du brouhaha au chuchotis, du tintamarre Ă  la confidence. D’une Ă©charpe de cris, ramasser au moins l’écharpe, la laine de ce qui est dit ! C’est cela que j’appelle l’écoute intĂ©rieure, ce dĂ©sir de rendre plus intelligible un Ă©cho dont on n’a pas de prime abord les voix. Car il me faut ces voix lointaines pour Ă©crire. Elles me donnent la voie, la direction. Je ne sais pas de quoi elles parlent, mais elles parlent, Ă©crire consiste Ă  se rapprocher d’elles dans le sillage de la rumeur que j’en perçois. Ces voix bientĂŽt m’apprendront leur histoire et pourquoi elles se rĂ©pondent. Au dĂ©but donc, je n’ai pas de sujet, seulement un vague Ă©cho, ce murmure, le lait de ce murmure. Chaillou, 2007b 297-298 Reprises et allures Donc, quand je commence un livre, j’ai l’écho, pas le sujet, je me promĂšne dedans et j’écoute de toutes mes oreilles. J’apprendrai par la suite ce qui s’est rĂ©ellement produit. Michel Chaillou, 2007 b 161. Traverser l’Ɠuvre de Michel Chaillou consisterait donc Ă  tenter de montrer les gestes de reprise qui font rĂ©sonner entre elles les oralitĂ©s d’autres Ă©critures, d’autres lieux, d’autres Ă©poques entre autres, L’AstrĂ©e Le Sentiment gĂ©ographique, Montaigne Domestique chez Montaigne, Stevenson La Vindicte du sourd, Spinoza La vie privĂ©e du dĂ©sert, ou encore Barbey d’Aurevilly Indigne Indigo et beaucoup d’autres, dans d’autres livres et dans ces mĂȘmes livres, parce que Chaillou dĂ©fait toutes les bornes de l’histoire et des hiĂ©rarchies littĂ©raires. Par ailleurs, il faudrait inclure dans cette rĂ©flexion le travail Ă©ditorial de Chaillou chez Hatier avec sa collection, BrĂšves littĂ©rature », et dans cette collection le trĂšs significatif Petit guide pĂ©destre de la littĂ©rature française du XVIIe siĂšcle qu’il a lui-mĂȘme composĂ©, sans compter, chez un autres Ă©diteur, La Petite Vertu au titre anachronique Ă  rallonge qui montre toutefois que Chaillou considĂšre les arts du langage partout oĂč le langage sert Ă  vivre[2] » Huit annĂ©es de prose courante sous la RĂ©gence ou la langue française telle qu’on la pratiquait pour herboriser, guĂ©rir, disserter, voyager, cuisiner, chasser, jardiner, correspondre, etc
 avec des observations curieuses sur les mƓurs et une table des matiĂšres nourrie de celles du temps 1980. Ce dernier ouvrage, anthologie commentĂ©e de proses courantes », c’est-Ă -dire Ă  la fois de proses de tous les jours ou de proses qui courent les rues. Il prĂ©cise Prose courante ? une phrase plus le poids de la main. Surtout pas de littĂ©rature, il y manquerait la cohue, le brouhaha du dĂ©cor, l’organisation despotique de la table, la fleur des rideaux, le lit que Caumartin de Boissy adore Ă  plumes, le craquement des chaises, il en possĂšde six, de canne autour d’un fauteuil de maroquin Ă  roulettes, hĂ©ritage d’un grand cardinal. Chaillou, 1980 27 Dans ce livre dĂ©diĂ© Ă  l’ami Henri Meschonnic, Chaillou met la littĂ©rature sens dessus dessous comme il le fait dĂšs que sa phrase prend voix ou dĂšs que, si l’on prĂ©fĂšre, l’hypallage la dĂ©mange – voyez cette main qui court dans sa prose
 Alors, comme sur une scĂšne de cabaret, les histoires parfois rĂ©duites Ă  un mot ou une bribe, s’enfilent dans une volubilitĂ© qu’ici la liste fait tenir au rythme Ă©perdu d’un phrasĂ© de garçon de course. Dans Des Mots et des mondes, Henri Meschonnic commençait ainsi sa contribution Ă  la collection de Chaillou, BrĂšves LittĂ©rature » titre Ă©nigmatique au demeurant, associant un pluriel et un singulier, une pluralitĂ© et une unicitĂ©, l’allusion Ă  une temporalitĂ© de l’instant et la rĂ©fĂ©rence Ă  une temporalitĂ© de la longue durĂ©e
 On cherche des mots, on trouve le discours. On cherche le discours, on trouve des mots. Les mots, les formes sont la grande rĂȘverie en piĂšces du langage indĂ©finiment divisĂ©, reconstituĂ©, pour comprendre le comprendre, avoir le sens du sens, et ne tenir que des nuĂ©es. Ainsi toutes les recherches, et les plus savantes, ne racontent jamais que le roman du langage, celui du continu Ă  travers le discontinu, celui des demeures rĂȘvĂ©es en errant Ă  travers les ruines. Meschonnic, 1991 9 Si ce premier paragraphe poursuit l’anthropologie historique du langage de Critique du rythme 1982, il est Ă©galement l’accompagnement attentif – le livre est dĂ©diĂ© Ă  l’ami Michel Chaillou – des romans du directeur de la collection puisque c’est bien ce roman du langage » qui les traverse sous la figure de l’errance Ă  travers des ruines ». Celles de l’enfance ainsi que la narratrice du Crime du beau temps le signale suite Ă  la remarque de son oncle dont tout enfant a dĂ» se contenter face au mystĂšre de la vie ou d’un petit pan de vie auquel tout tient – et ce seraient ces pans qui portent tous les romans de Chaillou Un jour, je t’expliquerai ! » Il ne m’a jamais expliquĂ©. A moi, vingt ans plus tard et Ă  partir des documents disparates qu’il m’a laissĂ©s, de dĂ©brouiller ce mystĂšre auquel mon enfance se trouve si subtilement mĂȘlĂ©e. Est-ce sur elle que j’enquĂȘte ou sur le dĂ©cĂšs subit d’un pĂȘcheur de congre ? L’enfance est-elle ce poisson vorace au bout d’une ligne qu’on ne parvient plus jamais Ă  repĂȘcher ? Chaillou, 2010 143 La reprise serait alors non seulement la rĂ©pĂ©tition mais la couture. Arrangement syntagmatique de morceaux – aussi bien morceaux choisis de la vie que de la littĂ©rature, mais il faudrait aussi entendre morceaux trouvĂ©s – que le phrasĂ© dans et par son allure, son rythme, sa prosodie, son mouvement relationnel, fait tenir ensemble, du moins fait vivre dans le continu d’un ressouvenir en avant » Kierkegaard, 1993 694. Et de couture, tous ses personnages en ont besoin pour associer dans un mĂȘme phrasĂ© la lumiĂšre et l’ombre comme les deux cĂŽtĂ©s de la presqu’üle de Quiberon N’ai-je pas moi aussi un cĂŽtĂ© baie et un autre furieux », Chaillou, 2013 158 ce sont Marie-Noire et Marie-Blanche dans VirginitĂ© sans compter cette autre Marie Logeais de CalĂ©donie
 Autant de dĂ©doublements ou plutĂŽt de doublures qui ne cessent d’augmenter les incertitudes du sens, les rĂ©sonances des Ă©chos. Dans ce mĂȘme roman vendĂ©en qui au tournant des XIXe et XXe rĂ©pĂšte le tournant prĂ©cĂ©dent et sa RĂ©volution mais aussi fait la rĂ©pĂ©tition du suivant dans son incertitude romancĂ©e, la scĂšne finale est hallucinante promenade pieds nus » dans la peinture de Madame Elise et dans la mer qui s’énonce sur le sable ». Cette mise en abyme est une couture Ma façon de me rassembler’, comme dirait Jeanne Berthe », Ă©crit la narratrice Chaillou, 2007a 327. RĂȘveries et songeries si cela se nomme sommeil cette permanente impression en lisant d’ouĂŻr des paysages Michel Chaillou, 1976 12 Un principe dĂ©mocratique travaille chaque phrase dans l’Ɠuvre de Chaillou. Ne serait-ce que l’égalitĂ© posĂ©e des enfants et des adultes, voire leur supĂ©rioritĂ© s’agissant de l’élucidation de quelques mystĂšres de la vie La ClĂ©mence de mes dix ans savait ce que je ne sais plus quand c’était la buĂ©e qui Ă©crivait ses fables sur le carreau et aussi trĂšs bien quand ce n’était pas elle ! 2010 131 Et quand le raconteur d’Indigne Indigo s’adresse Ă  son auditeur, le narrateur donc Ă  son lecteur puisqu’il s’agit d’un cahier » enfoui au fond d’un tiroir 2000 315, il ouvre une rĂ©flexion que chaque livre ne cesse de travailler Vous l’avez remarquĂ©, j’use d’un parler Ă  moi. Mais tout homme a le droit d’en avoir un. AprĂšs tout, chacun habite les mots Ă  sa façon ? Et la mienne, vous semblez vous y habituer, puisque vous ĂȘtes encore lĂ . Ne me taxez pas trop vite d’impudence. La page qui nous sĂ©pare, aprĂšs tout, c’est notre vitre commune. 2000 154 Cette vitre commune » concrĂ©tisĂ©e par la page » d’écriture constituerait la condition anthropologique du langage, cet Ă©change de parlers adressĂ©e, une parole Ă©coutĂ©e, poursuivie donc, est une parole partagĂ©e parce que commune », dans et par sa spĂ©cificitĂ© mĂȘme. L’étonnement est frĂ©quent face Ă  ce qui ressemble souvent Ă  un miracle, du moins suscite l’interrogation Qu’ai-je bĂ©gayĂ© ? le souvenir m’ombrage encore d’une espĂšce de causerie par moments fredonnĂ©e Ă  deux sous un orme » 1976 185. Cette causerie constitue Ă  proprement parler le rĂ©gime romanesque de Chaillou avec ses deux moteurs qui sont comme les deux faces d’une mĂȘme piĂšce, les deux protagonistes d’une mĂȘme théùtralitĂ© A me lire, Ă©couter, on s’aveuglerait sans cesse des cendres de ce qui vient d’ĂȘtre dit, vĂ©cu », Ă©crit significativement Chaillou 2000 53 l’apposition pose l’équivalence de la lecture et de l’écoute, de l’écriture et de la voix adressĂ©e. Je l’ai dĂ©jĂ  suggĂ©rĂ©, une Ă©criture de la reprise permet de faire entendre les voix, trop souvent devenues inaudibles dans et par la tradition scolaire voire acadĂ©mique, d’une littĂ©rature française dĂ©vocalisĂ©e », du moins rendue sourde aux voix basses » qui constituent peut-ĂȘtre son fond le plus nĂ©cessaire. Ce palimpseste vocal du romanesque de Chaillou ne serait pas seulement l’affirmation d’une pluralitĂ© vocale mais Ă©galement la tentative de penser la force vocale au principe de bien des expĂ©riences littĂ©raires, en Ă©criture comme en lecture, et peut-ĂȘtre en deçà de toute expĂ©rience langagiĂšre ainsi que Chaillou l’évoque lui-mĂȘme avec l’endormissement enfantin Partant du proverbe qui invite Ă  compter les moutons pour s’endormir, j’ai voulu crĂ©er une phrase hallucinogĂšne, hypnotique[3] ». Le Sentiment gĂ©ographique est effectivement la premiĂšre dĂ©monstration en actes d’un romanesque hypnagogique dans et pour lequel Chaillou, depuis lors, nous a plongĂ©s. Ce qu’il Ă©crit de l’AstrĂ©e, il ne cesse de le performer dans son romanesque il y a un tournoiement du sens, comme si la rĂȘverie planante depuis des pages allait enfin se poser dans un dernier vertige des notions au cƓur bruissant d’un lieu, repĂ©rable sur une carte, et pourtant visitable qu’en songe, l’AstrĂ©e d’une main, le Forez manquant sous les pieds, il y a un tournoiement des sites, des plaines dont la tĂȘte tourne, dĂ©crivant une ellipse, le cƓur bat, du battement ralenti des clochers sonnant les heures, les Ă©poques, il y a des villages qui nous rassemblent, nous ressemblent Chaillou, 1976 151-152 Rassembler par la ressemblance et ressembler par le rassemblement constituent la paronomase du roman et du rimant se mirant dans les Ă©chos d’une phrase qui devient le chemin » 170. Comme dit un des personnages de son Montaigne Je parle, je parle, c’est l’affirmation du territoire » 1982 271. Un tel territoire vocal n’est jamais la dĂ©limitation d’une propriĂ©tĂ© mais le domaine de rĂ©sonance d’une relation. Celle-ci demande d’avoir lieu. Quel que soit le statut des textes Ă©ditĂ©s dont quelques-uns en Ă©dition jeunesse, l’expĂ©rience littĂ©raire de Michel Chaillou associe lecture et Ă©criture dans une relation forte, ne serait-ce que parce qu’elle est entiĂšrement traversĂ©e par ce que Chaillou appelle l’écoute intĂ©rieure » La notion essentielle reste en effet pour moi la lecture, Ă©crire n’étant Ă  mes yeux qu’une autre maniĂšre de lire, mais lire un livre qui n’existe pas encore, comme je l’affirme souvent. Il me reste donc Ă  tenter avec un seul de ses livres une telle lecture parce que seul son essai peut attester que la relation, et donc la voix, a trouvĂ© sa gĂ©ographie. Vindicte du romanesque avoir lieu Il y a d’ailleurs chez moi une angoisse originelle qui fait que l’acte d’écrire est presque un acte criminel. Comme si chaque Ă©lĂ©ment Ă©tait un pĂątĂ© d’encre, une tache, et que j’allais de mot en mot, de tache en tache pour arriver Ă  trouver la clartĂ©, la clartĂ© d emon esprit qui m’échappe toujours. Je suis plutĂŽt Michel l’obscur. Michel Chaillou, 2007b 115 Dans La Vindicte du sourd 2000, l’écriture de Michel Chaillou est toujours une pensĂ©e de l’écriture dans son emportement mĂȘme et donc dans l’inconnu de sa relation. C’est un mouvement pensif qui va et, dans ses entrelacs, son lecteur avec. Cette Ă©criture halĂšte dans notre lecture, nous emmĂȘlant au souffle essoufflĂ© de sa voix qui ne cesse d’augmenter les voies de l’aventure, cette force irrĂ©pressible mue par on ne sait quel principe d’entraĂźnement Je pris peur, partis en courant. Les vagues se chevauchaient, criniĂšres emmĂȘlĂ©es, galop d’écume nous entraĂźnant vers quel abĂźme ? » 15. Ce roman d’aventure est d’abord l’aventure du romanesque longue hĂ©sitation ou plutĂŽt hĂ©sitation prolongĂ©e entre l’écoute du rĂȘve et le rĂȘve de l’écoute. Celle de son narrateur – mais il faudrait plutĂŽt parler d’une voix qui cherche son histoire C’est vrai que j’aperçois des trucs lĂ  oĂč les autres ne voient rien. N’empĂȘche cette fois-ci
 » 16. Le romanesque avec Chaillou n’est pas de l’ordre du voir mais de l’entrevoir, d’un entrevoir qui cherche son suspens dans le passage de voix. Passage, disons lecture dans et par l’écriture, qui ressemble fort Ă  la maladie qui atteint le curĂ© Plessis du roman, narcolepsie ou, comme dit le Petit Larousse, tendance irrĂ©sistible au sommeil, se manifestant par accĂšs », avec ce qui traverse le sommeil rĂȘves et cauchemars, rĂ©miniscences et songes
 Le romanesque est d’abord la perte d’une syntagmatique temporelle engrenĂ©e aux mĂ©canismes horlogers Quelques jours plus tard, Ă  moins que ce soit avant ? Dans ma tĂȘte d’aujourd’hui, ça se mĂ©lange » 23, dit le narrateur. Ce dernier ne cesse de perdre ses repĂšres pour mieux nous tenir dans sa voix chuchotĂ©e avec effets de brumes Donc une fin d’aprĂšs-midi, semble-t-il, ou un mercredi matin ? De toute façon la mĂȘme lueur grise se balançait sur Beg Rohu depuis une semaine » 24. La remĂ©moration est du romanesque, au sens oĂč ce dernier en est fait de part en part et oĂč le ressouvenir est toujours en avant – telle Ă©tait la dĂ©finition de la reprise pour Kierkegaard 1993 694, c’est-Ă -dire qu’il est toujours du prĂ©sent en train de se dĂ©couvrir Aujourd’hui que je suis ressorti indemne de cette aventure, du moins en apparence car, pour l’intĂ©rieur, des choses se brisĂšrent Ă  jamais qui Ă©taient pourtant marquĂ©es fragiles, comme ces colis qu’on envoie par la poste, aujourd’hui je m’aperçois que la vĂ©ritĂ© se tenait peut-ĂȘtre de l’autre cĂŽtĂ© d’une mince cloison. 29 Ces deux aujourd’hui », comme reprise du phrasĂ©, constituent le bĂ©gaiement du romanesque qui fait relation le prĂ©sent du passĂ© est plus un passĂ© du prĂ©sent, et le continu l’emporte toujours sur le discontinu, parce que la vĂ©ritĂ© n’est jamais bonne une fois pour toutes mais se rejoue Ă  chaque fois toute entiĂšre, exactement comme dit le narrateur l’aprĂšs-midi, je lus, et le dimanche s’écoula ainsi, entre phrases et averses » 47. Cette Ă©criture est d’abord une lecture qui se reprend jusqu’à organiser sa vengeance La Vindicte du sourd fait la reprise de L’Île au TrĂ©sor ne serait-ce qu’avec le prĂ©nom stevensonien du pĂšre du narrateur, Robert-Louis, lequel passe Ă  la question, aux questions que le monologue du narrateur ne cesse d’entretenir, de tenir Ă  vif dans la lecture-Ă©criture, de partager avec son auditeur dans cette caisse de rĂ©sonance du romanesque, ce monologue constamment au rĂ©gime dialogique Mon pĂšre Ă©tait-il un forban ? Je voyais son bon visage, comment l’imaginer charbonneux, un couteau entre les dents ? » 71. Le romanesque est un dĂ©fi au rĂ©alisme, c’est-Ă -dire Ă  tout ce qui empĂȘche de voir le monde Ă  hauteur d’enfance Je me dis, je me disais beaucoup de choses. J’étais dĂ©sespĂ©rĂ©. Les adultes mentent. Je rĂ©sistais pour ne plus grandir » 76. Mais plus on lit, plus l’écriture grandit et le romanesque est cette relation paradoxale oĂč le mensonge ne s’oppose plus Ă  la vĂ©ritĂ© et oĂč la vĂ©ritĂ© s’augmente du mensonge. Le romanesque fait perdre connaissance pour mieux connaĂźtre le continu des lectures et des faits rĂ©els alors mĂȘme qu’on dĂ©lire 85 La vie est un livre , se rengorgea Emily » 86. Aussi tout l’orgueil du romanesque consiste Ă  accumuler les presque » dans une adresse endophasique gĂ©nĂ©ralisĂ©e tu as Ă©tĂ© presque enterrĂ©, tu habites une presqu’üle, tes amis sont presque ennemis, l’archipel des Kerguelen est presque la Bretagne. Tout est presque, personne n’apparaĂźt entiĂšrement faux, complĂštement vrai » 89. Le romanesque ou l’art du presque qui touche au plus juste parce qu’il fait sa part Ă  la relation de l’inconnu je redoutais de dĂ©terrer son visage au fond de l’histoire que j’exhumais » 94. Certes le narrateur cherche son pĂšre, mais c’est son approche qui lui fait peur avec tout ce qu’elle peut dĂ©faire de certitudes et tout ce qu’elle peut engager d’incertitude le romanesque est le dĂ©sir d’augmenter la vie, la relation. Aussi la lecture-Ă©criture est-elle toujours un mouvement vindicatif pour retrouver une ancienne Ă©coute ou pour en inventer une nouvelle, celle d’une surditĂ© qui entend ce qu’on n’entend pas Je me revois me faufilant comme un voleur, moi qui allais, Ă  douze ans, ĂȘtre volĂ© de la chose la plus chĂšre, une enfance naĂŻve » 66. La lecture n’est-elle pas cette perte toujours retrouvĂ©e de la naĂŻvetĂ©, d’une naĂŻvetĂ© dont il faut Ă©galement douter J’étais Ă  la fois distrait et attentif, submergĂ© quoique flottant » 69. Et toujours la lecture-Ă©criture engage une complication, jamais une simplification, jamais un schĂ©ma narratif L’aventure se compliquait Ă  l’image du sentier que je suivais » 71. Le romanesque est bien un retour, non sur soi mais sur la relation Je me retournai. Le chemin Ă©tait mon seul interlocuteur, sablonneux, Ă©lastique. Telles une laniĂšre, il entortillait les dunes » 97. De raccourcis » en passages Ă  haut risque » ibid., la relation par porositĂ© sĂ©mantique et prosodique peut s’approcher du temps oĂč les bĂȘtes parlaient – c’est alors la proximitĂ© du romanesque avec le ton biblique oĂč le cosmique et l’humain s’entretiennent Chad Delafosse disparaĂźt, il devient le fils de la branche qu’il touche, de l’abeille qui bourdonne. / Je sautais d’une pierre Ă  l’autre » 100. Le hĂ©ros devient-il une non-personne – au sens de Benveniste, un il en lieu et place d’un je-tu ? J’étais vraiment devenu un soupçon d’air, on m’eĂ»t effacĂ© avec la buĂ©e d’une vitre quand je parvins au port » 102. La dĂ©personnalisation serait le passage obligĂ©, et bien sĂ»r Ă  haut risque, d’une subjectivation, celle d’un passage de voix Alors s’engagea une conversation pas ordinaire. Les vagues de huit annĂ©es la recouvrent mais j’entends encore la voix Ă©corchĂ©e, un visage se penche dans mes nuits sans sommeil, des pieds nus courent la lande de mon chagrin » 108. Le romanesque, avec Chaillou, est la poursuite infinie d’une conversation, si l’on y entend toujours plus qu’une transmission d’informations et si l’on y entend un appel, une quĂȘte de relation Il suivait sur mon visage le cheminement de son propos. Que je restasse perplexe, ses doigts relayaient aussitĂŽt sa parole. Il eut marchĂ© sur les mains pour se faire comprendre » 111. Le romanesque de la lecture-Ă©criture peut certainement poser une relation dissymĂ©trique J’étais devenu le petit muet de ce grand sourd », 120, mais l’égalitĂ© relationnelle est pourtant Ă  son principe. D’un sourd Ă  un aveugle, tout le corps s’y risque jusqu’au secret le plus enfoui Il agita les doigts en dĂ©signant sa bouche. Il n’avait encore rien divulguĂ©. Cette histoire qui accourait de vingt mille kilomĂštres avec la force d’une nuĂ©e meurtriĂšre m’assombrissait. J’aspirais Ă  soulever le voile et j’avais peur qu’il ne m’entortille de ses plis, m’étouffe » 112. Jusque dans ses monologues oĂč la voix rĂ©sonne toujours avec d’autres voix, le dialogisme du romanesque engage une sombre agonistique plus qu’une pacification Ă©clairante, Ă  la maniĂšre de la lutte de Jacob avec l’ange Il discourait toujours aux prises avec son rĂȘve. Les gestes qu’il esquissait pour agrandir sa parole donnaient l’impression d’une lutte. Il ne racontait pas vraiment, il combattait » 116. Un tel combat prend forcĂ©ment une dimension dĂ©mesurĂ©e Le miroir du vestibule me renvoya l’image d’un pauvre gamin aux prises avec une aventure pas Ă  sa taille, trop grande pour lui » 138. Le romanesque n’est pas de l’ordre du prĂȘt-Ă -porter et la dĂ©mesure devient sa condition, tout simplement parce que sa relation est celle d’une Ă©coute intĂ©rieure Je marchais comme un sourd, attentif seulement Ă  mes voix intĂ©rieures » 152. L’intĂ©rioritĂ© ne peut se borner Ă  une intĂ©rioritĂ© rabougrie close sur l’individu ; elle prend les dimensions du cosmos et pour le moins de la nature les arbres articulaient une histoire de feuillage, d’écorce » 158. Son extension est infinie, y compris temporellement En suis-je sorti ? Huit annĂ©es passĂšrent, j’habite Locmaria et ce satanĂ© mercredi, proche du dĂ©nouement, m’éclabousse encore de ses anxiĂ©tĂ©s » 159. Bien loin de tout schĂ©ma narratif ou de toute tĂ©lĂ©ologie narrative, le romanesque est la rĂ©pĂ©tition infinie de ce chantonnement L’aventure est morte et je brĂ»le toujours » 159. Sans fin, sa lecture-Ă©criture est toujours une approche, un dĂ©sir maintenu vif. Aussi la chute de La Vindicte du sourd est-elle la relation d’un abandon de l’enfance naĂŻve qui croit aux histoires tremblantes racontĂ©es par un vulgaire escroc » 175, non pour une quelconque vĂ©ritĂ© narrative qui oublierait les dĂ©dales de l’aventure » 181 mais pour ne plus se laisser prendre par le premier rĂ©seau de raccourcis » 182 venu. Et surtout pas par l’adage d’une comprĂ©hension future Tu saisiras quand tu seras grand ». Parce que grand », on l’est quand ? A trente ans, cinquante ? » 186. Le romanesque, avec Chaillou, rĂ©pond qu’on est seulement saisi Le relief de cet archipel tatoua Ă  jamais mon esprit. La vindicte du sourd serait-ce qu’on ne sache pas exactement Ă  quoi attribuer son retour ? Un jour, j’en suis sĂ»r, Gravesin m’attendra Ă  l’anse du Port-Blanc, son Ă©quipage reconstituĂ©, la voilure claquant neuve, l’histoire alors n’aura plus besoin de mots, je la comprendrai par gestes, et l’Elisabeth-Jane bondira, Ă©lastique dans la force du vent. 186 Ainsi la force du romanesque est-elle un appel qui continue la lecture-Ă©criture tatouage indĂ©lĂ©bile qui invente un langage Ă  la hauteur d’une vie rĂȘvĂ©e, d’un vaisseau toujours en partance. *** L’Ɠuvre de Chaillou contribuerait exemplairement Ă  dĂ©faire certaines catĂ©gories traditionnellement organisatrices de la littĂ©rature française, ne serait-ce que celles de populaire » et de savante » dont on connaĂźt la porositĂ© mais qui ne cessent d’ĂȘtre essentialisĂ©es Ă  des fins politico-idĂ©ologiques voir De Certeau, 1980 et Passeron, Grignon, 1989. En Ɠuvrant Ă  un phrasĂ© inimitable, son racontage » relĂšverait du rĂȘve et de ses fulgurances, mais paradoxalement Chaillou apparaĂźtrait Ă  contre-Ă©poque dans une Ă©criture pleine de voix et donc d’oralitĂ©s pour augmenter ce qu’il appelle l’écoute intĂ©rieure » qui ne serait peut-ĂȘtre rien d’autre que celle de l’autre voix de la littĂ©rature Ă©crite », ce romanesque des voix trop souvent inaudible dans les modes de lecture dominants voire dans nos enseignements littĂ©raires. Aussi, pourrait-on avancer qu’avec Chaillou cette autre voix » engage Ă©galement une autre histoire de la langue, de la littĂ©rature et donc un autre enseignement qui s’attacherait enfin Ă  Ă©couter, Ă  se raconter, Ă  devenir ce qui va ĂȘtre mais qui n’est pas encore ». Alors pourrait se mesurer la force des oralitĂ©s de l’écriture tant littĂ©rairement que didactiquement, c’est-Ă -dire anthropologiquement, pour que les voix trouvent aussi politiquement et Ă©thiquement leurs vies imaginaires. Une Ɠuvre comme celle de Michel Chaillou nous aiderait Ă  en augmenter l’écoute. Bibliographie ƒuvres de Michel Chaillou le lieu d’édition est toujours Paris Jonathamour, Gallimard, 1968. CollĂšge Vaserman, Gallimard, 1970. Le Sentiment gĂ©ographique, Gallimard, 1976. La Petite Vertu huit annĂ©es de prose courante sous la RĂ©gence, Balland, 1980. Domestique chez Montaigne, Gallimard, 1982 repris dans la collection L’imaginaire » en 2010. La Vindicte du sourd, Gallimard, coll. “Folio Junior” 1984. Le RĂȘve de Saxe, roman, Ramsay 1986. La Croyance des voleurs, Seuil, 1989. Petit Guide de la littĂ©rature française au XVIIe siĂšcle 1600-1660, Hatier 1990. La Rue du capitaine Olchanski roman russe, Gallimard, 1991. MĂ©moires de Melle, Le Seuil, 1993. La Vie privĂ©e du dĂ©sert roman, Le Seuil, 1995. Le ciel touche Ă  peine terre roman, Le Seuil, 1997. Les Habits du fantĂŽme, Le Seuil, 1999. La France fugitive, Fayard 1998. Indigne indigo roman, Le Seuil, 2000. Le Matamore Ă©bouriffĂ© roman, Fayard, 2002. 1945 rĂ©cit, Le Seuil, 2004. La Preuve par le chien roman, Fayard, 2005. VirginitĂ© roman, Fayard, 2007 a. L’Écoute intĂ©rieure, neuf entretiens sur la littĂ©rature avec Jean VĂ©drines, Fayard 2007 b. Le Dernier des Romains roman, Fayard, 2009. Le Crime du beau temps, Gallimard, 2010. La Fuite en Égypte, Fayard, 2011. Éloge du dĂ©modĂ©, La DiffĂ©rence, 2012. L’HypothĂšse de l’ombre, Gallimard, 2013. ƒuvres critiques Barthes R., L’Obvie et l’obtus. Essais critiques III, Paris, Seuil, Points / essais », 1992. Beckett S., Cap au pire 1983, trad. Paris, Minuit, 1991. Benjamin W., Le Narrateur », Ecrits français, Paris, Gallimard, 2000. Bailly C., Le Langage et la vie 1913, GenĂšve, Droz, 1990. Benveniste E., ProblĂšmes de linguistique gĂ©nĂ©rale, tome 2, Paris, Gallimard, 1974. Bon F., Michel Chaillou, digression majeure » recension de Le dernier des Romains, Fayard, 2009, L’actualitĂ© Poitou-Charentes, n° 84, 1er mai 2009, p. 15-15. 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” Calaferte en poĂšte du racontage » 10 h. 30 CHRISTIAN PETR U. Avignon Quand les bergĂšres deviendront reines sur Le Roi Victor » 11 h. ANDRÉ NOT U. d’Aix-Marseille Les notions de terreur et de sacrĂ© » discussion 12 h30 — Vernissage de l’exposition Louis Calaferte, 1928-1994 – Regain objets, collages et autres dessins » Exposition conçue par TATIANA LEVY et DJAMEL MESKACHE Conseil rĂ©gional de Bourgogne 17 bd. de La TrĂ©mouille – Dijon Colloque IVe session Autour de Louis Calaferte » ModĂ©ratrice BRIGITTE DENKER-BERCOFF 14h30 BRUNO CURATOLO U. de Franche-ComtĂ© Faune et flore dans Les Sables du temps » 15h FABRICE HUMBERT Calaferte renaĂźtre » 15h30 JACQUES POIRIER U. de Bourgogne Les Carnets de Louis Calaferte portrait de l’auteur en “anarchiste chrĂ©tien” » 16h discussion 16h45 Conclusion du colloque par DJAMEL MESKACHE] Samedi 18 octobre 2014 Excursion Ă  Blaisy-Bas Sur les pas de Louis Calaferte » 10 heures — Visite de SCarabee, Centre de ressource et de recherche 12 heures — Repas Ă  l’OrĂ©e des charmes » Biographie de Louis Calaferte C’est avec moi-mĂȘme que j’ai envie de m’entretenir », Le jardin fermĂ© Carnets XVI – 1994 Louis Calaferte Louis Calaferte, Ă©crivain français, est nĂ© le 14 juillet 1928 Ă  Turin, oĂč son pĂšre, Ugo, immigrĂ© italien, contremaĂźtre maçon Ă  Lyon, a souhaitĂ© qu’il voit le jour. Sa mĂšre, Marguerite, française, fait des travaux de couture Ă  domicile puis, faisant face Ă  l’adversitĂ©, crĂ©e une petite entreprise de confection, tabliers et vĂȘtements d’enfants, qu’elle ira vendre sur les marchĂ©s forains, afin de subvenir aux besoins de la fa- mille et d’assurer les soins, fort coĂ»teux, nĂ©cessaires Ă  son mari, atteint de tuberculose. Louis Calaferte a 12 ans au dĂ©cĂšs de son pĂšre. La France est occupĂ©e – Ă©poque troublĂ©e, dont il livrera le rĂ©cit quelques mois avant sa mort C’est la guerre, Gallimard, 1993. À peine un an plus tard, son cer- tificat d’études obtenu, il est garçon de courses dans une entreprise textile, puis manoeuvre dans une usine de piles Ă©lectriques. Les conditions de travail y sont trĂšs dures, cependant il dĂ©couvre l’art drama- tique et la lecture, par l’intermĂ©diaire de retransmissions radiophoniques hebdomadaires et de fascicules de “La Petite Illustration” prĂȘtĂ©s par un contremaĂźtre, fĂ©ru de théùtre. Sa dĂ©cision est prise Il sera Ă©crivain. Il n’a plus dĂ©sormais qu’un dĂ©sir Écrire pour le théùtre – et jouer la comĂ©die. Il quitte l’usine, entre transitoirement comme apprenti dessinateur dans un cabinet de soieries et en janvier 1947, abandonne Lyon pour tenter sa chance Ă  Paris. Il ne connaĂźt personne, n’a aucune ressource et survit malgrĂ© de grandes difficultĂ©s matĂ©rielles DĂ©buts Ă  Paris, in Km 500, Tarabuste, 2005, faisant le sordide apprentissage de la misĂšre dans une effrayante solitude morale. Il commence nĂ©anmoins d’écrire piĂšces et nouvelles. Le comĂ©dien Guy Rapp, auquel il se prĂ©sente pour une audition, prend connaissance d’une de ses nouvelles, “Le DĂ©serteur”, dĂ©cĂšle ses dons de dialoguiste, et lui propose d’écrire une piĂšce en trois actes qu’il mettra en scĂšne si elle est rĂ©ussie. La piĂšce Ă©crite en quelques semaines sera prĂ©sentĂ©e Ă  Chartres et Ă  Angers 1949 oĂč elle est bien accueillie par la presse. À Paris, ce texte mĂ©lodramatique dĂ©truit plus tard par l’auteur, auquel est adjointe une piĂšce en un acte, Babel, n’a aucun succĂšs. Le rĂ©alisme des mots et le thĂšme de Babel, qui traite Ă  rebours de la violence du rĂ©gime nazi, sont Ă  l’époque absolument irre- cevables, mais la qualitĂ© des dialogues est nĂ©anmoins saluĂ©e par la critique. En 1951, Louis Calaferte achĂšve son premier livre dont il soumet le manuscrit Ă  Joseph Kessel, qui s’enthousiasme, le fait dactylographier, l’aide Ă  en retravailler la construction et le prĂ©sente lui-mĂȘme Ă  RenĂ© Julliard Requiem des innocents, Julliard, 1952. Parution bientĂŽt suivie d’un second ouvrage Partage des vivants, Julliard, 1953 qui obtient la Bourse del Duca, vĂ©ritable consĂ©cration pour ce trĂšs jeune Ă©cri- vain. Le livre, retenu pour le Prix FĂ©mina, dĂ©clenchera une vĂ©ritable bataille entre membres du jury. AprĂšs treize tours de scrutin, le prix ne lui est pas attribuĂ©. Les journalistes, déçus, lui dĂ©cernent, Ă  cette seule occasion, le “Prix Homina”. Cette gloire naissante, assortie de la vie mondaine et parisienne des milieux littĂ©raires, n’est pas celle que Louis Calaferte ambitionne. En 1956, il s’installe Ă  Mornant, village des Monts du Lyonnais, avec Guillemette, rencontrĂ©e six ans plus tĂŽt Ă  Paris. Dans cette retraite – il y demeurera jusqu’en 1969 – tout en menant parallĂšlement, pour assurer son existence, une activitĂ© de producteuranimateur radiopho- nique station de Lyon, il consacre quatre annĂ©es Ă  l’écriture de Septentrion, une fresque largement autobiographique, qui retrace son expĂ©rience passĂ©e tout en esquissant les perspectives de ses options intellectuelles et spirituelles. La brutale disparition de RenĂ© Julliard, prĂȘt Ă  dĂ©fendre le livre, et la perspective certaine de son interdiction Ă  la vente pour pornographie, entraĂźnent sa publication sur seule souscription Septentrion, Cercle du Livre prĂ©cieux, Tchou, 1963. L’ouvrage ne reparaĂźtra que 21 ans plus tard, Ă  l’instigation de GĂ©rard Bourgadier, alors directeur des Ă©ditions DenoĂ«l. Cinq annĂ©es de silence, sans pour autant cesser d’écrire No man’s land, Lettres Nouvelles, Julliard, 1963. Louis Calaferte peint et crĂ©e des “objets poĂ©tiques”. En 1968, il signe un contrat avec les Ă©ditions DenoĂ«l et publie consĂ©cutivement deux nouveaux volumes Satori et Rosa mystica. DĂšs lors, son travail sera partagĂ©, dans un juste Ă©quilibre, entre Ă©criture et expression plastique. Si, par ailleurs, Louis Calaferte s’est essayĂ© trĂšs jeune au théùtre – sa premiĂšre piĂšce est jouĂ©e quand il n’a que vingt ans – il amorce dans le mĂȘme temps, son oeuvre théùtrale Clotilde du Nord, Théùtre de la ComĂ©die, Paris, 1955 ; MĂ©gaphonie, Les Mandibules, Mo, Stock, coll. Théùtre Ouvert, dirigĂ©e par Lucien Attoun, 1976. Le public le dĂ©couvre en 1972, avec Chez les Titch, mise en scĂšne par Jean-Pierre Miquel et interprĂ©tĂ©e par les comĂ©diens français au Petit-OdĂ©on. Puis, en 1976, avec Les Miettes qui obtient le Prix Ibsen. Sylvie Favre, comĂ©dienne, et Victor Viala, Ă  la mise en scĂšne, travaillent ensemble sur les piĂšces intimistes et baroques Un Riche, Trois Pauvres ; L’Aquarium ; 
. La somme poĂ©tique inspirĂ©e que reprĂ©sente OpĂ©ra Bleu Théùtre du Lucernaire, Paris, 1993 sera l’ultime crĂ©ation faite du vivant de l’auteur. Dans le courant de l’annĂ©e 1979, Louis Calaferte acquiert une petite maison en Bourgogne, dans le village de Blaisy-Bas. Il y passera les derniĂšres annĂ©es de sa vie et rĂ©digera en ce lieu privilĂ©giĂ© la derniĂšre partie de son Ɠuvre littĂ©raire Ébauche d’un autoportrait ; Memento mori ; L’incarnation ; La MĂ©canique des Femmes ; Le sang violet de l’amĂ©thyste ; MaĂźtre Faust, 
. Courts rĂ©cits, poĂ©sie publication en grande partie posthume, Tarabuste, seize tomes de Carnets 1956-1994, DenoĂ«l et Gallimard, Théùtre complet en six volumes publication Ă©galement posthume, Hesse, essais, entretiens, Louis Calaferte est l’auteur de plus d’une centaine d’ouvrages, d’une vingtaine de piĂšces rĂ©guliĂšrement jouĂ©es en France et Ă  l’étranger Le Serment d’Hippocrate, 2014, Avignon, Théùtre rĂ©gional des Pays de la Loire qui, accompagnĂ©s d’une importante – et poĂ©tique – oeuvre graphique, constituent un ensemble cohĂ©rent, une Ă©tonnante autobiographie intĂ©rieure aux facettes multiples. CouronnĂ© deux fois par l’AcadĂ©mie Française Prix Delmas pour Ébauche d’un autoportrait, 1982 et Prix de la Nouvelle pour Promenade dans un parc, 1987. Prix Michel Dard en 1983, sous l’égide de la Fondation de France, il reçoit en 1984 le Grand Prix de la Ville de Paris pour l’ensemble de son Ɠuvre dramatique, et en 1992 le Prix National des Lettres. Louis Calaferte est mort Ă  Dijon, le 2 mai 1994 et repose dans le cimetiĂšre de Blaisy-Bas. Biographie Ă©tablie dans le cadre de SCARABEE, Centre de ressources Louis Calaferte, 28 rue d’Avau, 21540, Blaisy-Bas. Les quelques Ă©lĂ©ments de rĂ©flexion qui suivent viennent poser les jalons d’une recherche en cours. Celle-ci est doublement motivĂ©e tant par une attention aux supports des activitĂ©s engagĂ©es par l’écriture que par les moyens de la recherche entendus comme des maniĂšres de faire, de penser, de rechercher. Les transformations didactiques dĂ©cisives s’opĂšrent au moyen de leviers qui articulent une opĂ©ration matĂ©rielle et une opĂ©ration de l’esprit en les concentrant dans un outil – les Ă©tudes sur la littĂ©ratie corroborent cette hypothĂšse BarrĂ©-de Miniac et alii, 2004. De la classe primaire au sĂ©minaire de master voire Ă  l’écriture de la thĂšse, il me semble qu’un continuum problĂ©matique est possible avec cet outil gĂ©nĂ©rique qu’est le carnet. Toutefois, il me semble qu’il est nĂ©cessaire pour valider cette hypothĂšse d’en considĂ©rer la pluralitĂ© tant Ă©nonciatives que gestuelles et de concevoir le carnet plus comme une opĂ©ration que comme un outil une opĂ©ration qui met le montage d’hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©s, au sens de tensions problĂ©matiques, au cƓur des processus de connaissance et de recherche. L’enjeu, en fin de compte, d’une telle hypothĂšse et des rĂ©flexions affĂ©rentes, serait celui d’une Ă©coute plus vive portĂ©e Ă  ce qu’on peut appeler la et les voix de la recherche l’attention portĂ©e aux montages et bricolages carnetiers chercherait en effet Ă  considĂ©rer les modes de subjectivation ou voix comme vecteurs dĂ©cisifs des apprentissages autant que des recherches. Continuer la lecture de Faire carnet » pour plus de voix dans et par la recherche → Lectures de Georges Didi-Huberman et GhĂ©rasim Luca Le livre de Georges Didi-Huberman GDH dorĂ©navant, Survivances des lucioles Minuit, 2009, vient comme marquer un moment important du parcours de son auteur. A la fois, il se situe en totale continuitĂ© avec ses travaux antĂ©rieurs et en mĂȘme temps il pose un nouveau problĂšme sous la forme d’une remise en question ou du moins d’une forte inflexion dans la pensĂ©e de GDH. Je tente dans ce qui suit sa lecture en l’associant avec l’Ɠuvre de GhĂ©rasim Luca GL dorĂ©navant qui, depuis longtemps, me tient Ă  cƓur et dont un ouvrage rĂ©sonne au plus haut point avec celui de GDH La voici la voie silanxieuse Corti, 1997. Continuer la lecture de Des lucioles et des bougies Ă©couter les poĂšmes avec des images → Navigation des articles Une poĂ©tique anthropologique avec la littĂ©rature contemporaine de langue française

Letutoiement ou vouvoiement dans sa communication digitale, un vĂ©ritable casse-tĂȘte Le langage et la maniĂšre de s’exprimer ont beaucoup d’impact en matiĂšre de

1Le tatouage est le rĂ©sultat d’une injection d’encre dans la peau produisant un motif indĂ©lĂ©bile et aussi, le plus souvent, le rĂ©sultat d’une interaction entre un tatoueur et un tatouĂ©. Les motivations qui prĂ©sident Ă  cette modification corporelle permanente peuvent ĂȘtre esthĂ©tique, symbolique, identitaire, religieuse ou initiatique. Selon les Ă©poques et les endroits du monde, le sens confĂ©rĂ© au tatouage varie. Le tatouage traditionnel japonais est nĂ©gativement connotĂ© car il servait de sanction aux criminels et mafieux Yakuza qui se sont appropriĂ©s cette pratique, devenue rite initiatique et symbole de fiertĂ©, pour se reconnaĂźtre. 2Le mot tatouage vient de tatau », frapper en polynĂ©sien le prĂ©fixe ta » signifie dessin inscrit dans la peau », et le mot atua », esprit. Traditionnellement rĂ©servĂ© aux chefs et guerriers, le tatouage PolynĂ©sien a une origine divine tandis qu’en Orient et Occident, les religions du livre le condamnent. En 787, le Pape Adrien 1er interdit la pratique du tatouage et il faudra attendre que les voyageurs du XVIIIĂšme, comme James Cook, les ramĂšnent du bout du monde comme souvenir sur leur chair. Aujourd’hui prĂ©sent dans les musĂ©es [1], les mĂ©dias, sur le corps des cĂ©lĂ©britĂ©s, le tatouage touche de plus en plus de peaux et d’esprits Martin, 2016. 3Cette diffusion du tatouage entraĂźne l’essor d’un nouveau commerce. Le candidat au tatouage devient un client et le tatoueur un commerçant. Le montant de la transaction commerciale dont le tatouage est l’aboutissement peut varier selon les caractĂ©ristiques du dessin, des conditions de sa rĂ©alisation, de la rĂ©putation du tatoueur Rolle, 2012. 4Dans cette Ă©tude nous nous sommes intĂ©ressĂ©s aux particularitĂ©s que prĂ©sente le marchĂ© du tatouage comme consommation de l’art. De fait, une fois achetĂ©, c’est-Ă -dire rĂ©alisĂ©, le tatouage perd toute valeur pĂ©cuniaire. De plus, la relation client-commerçant construite autour du tatouage est tout Ă  fait singuliĂšre c’est l’objet de la recherche ethnographique que nous avons menĂ©e dans cinq salons de tatouage franciliens. 5Pour mener cette enquĂȘte il nous a d’abord fallu justifier notre prĂ©sence dans ces Ă©tablissements rĂ©servĂ©s aux consommateurs de tatouage. La posture consistant Ă  se prĂ©senter comme observateur fut peu concluante dans le premier salon car incomprise par les diffĂ©rents acteurs. Dans un autre salon nous avons souhaitĂ© interroger directement l’unique tatoueur au cours d’un entretien semi-directif sur son parcours, sa vision du tatouage, ses pratiques, sa clientĂšle, ses concurrents et collĂšgues. Pour les trois autres salons nous avons profitĂ© de l’occasion d’accompagner des clients afin d’ĂȘtre au plus prĂšs d’une sĂ©ance d’encrage. Nous avons ainsi adoptĂ© des mĂ©thodes de recherches qualitatives avec notamment la tenue d’un carnet de terrain contenant observations, descriptions, Ă©bauches d’analyses et retranscriptions de paroles stratĂ©gies d’approches6Pour intĂ©grer la communautĂ© des tatouĂ©s, il faut trouver le professionnel qui aura la tĂąche d’encrer sa peau. Les demandeurs de tatouages utilisent diffĂ©rents critĂšres de choix, comme la spĂ©cialisation du tatoueur, le prix, ou la renommĂ©e du salon. En effet, la norme est qu’un tatoueur, apprenti ou confirmĂ©, exerce dans un lieu normalisĂ©, dĂ©clarĂ© en prĂ©fecture, et remplissant des conditions d’hygiĂšne rĂšglementaires. Ainsi, les prĂ©mices de la relation tatoueur-tatouĂ© se font Ă  l’entrĂ©e du l’organisation du salon. RĂ©partition de l’espace7Nous avons pu systĂ©matiquement observer la prĂ©sence d’au moins deux espaces, celui de l’accueil et celui de l’encrage, sĂ©parĂ©s par un comptoir permettant l’accueil des clients et l’exposition des books » [2]. Le comptoir est tenu par le propriĂ©taire, un tatoueur, ou une personne embauchĂ©e spĂ©cifiquement, qui a le rĂŽle essentiel d’assurer le premier contact avec le client. L’espace d’encrage est gĂ©nĂ©ralement dissimulĂ© de la vue de tous pour respecter l’intimitĂ© des tatouĂ©s et la concentration des tatoueurs. Il comporte plusieurs postes de tatouage pour que plusieurs tatoueurs opĂšrent simultanĂ©ment. Il peut exister un troisiĂšme espace, consacrĂ© Ă  la rencontre entre le tatoueur et le futur tatouĂ© qui nĂ©gocient les modalitĂ©s du projet. Les diffĂ©rents espaces sont pensĂ©s et dĂ©corĂ©s dans le but d’attirer le client, de le mettre Ă  l’aise, mais aussi et surtout de donner une image Ă  la fois professionnelle et montrer professionnels et rebelles8D’aprĂšs ValĂ©rie Rolle 2013, les salons de tatouages choisissent leur dĂ©coration selon diffĂ©rentes logiques technicienne, propre et rangĂ©e en gage de sĂ©rieux ; crĂ©ative, mettant en valeur les rĂ©alisations des tatoueurs ; anti-conventionnelle, mettant en exergue l’esprit rebelle de la pratique. Nos observations corroborent ces conclusions. L’un des salons observĂ©s, aux murs blancs et Ă  la dĂ©coration Ă©purĂ©e, affiche Ă©galement les dessins des tatoueurs, suivant simultanĂ©ment les logiques technicienne » et crĂ©atrice ». D’autres salons exposent des objets Ă©tranges, dignes d’un cabinet de curiositĂ©s. Les images provocantes et les motifs rebelles comme les tĂȘtes de morts, n’ont pas l’air d’étonner ou de mettre mal Ă  l’aise les clients, puisque confirmant l’aspect rock n roll » du tatouage. La clientĂšle semblait nĂ©anmoins davantage diversifiĂ©e en termes d’ñges et de catĂ©gorie sociale, dans un salon ayant adoptĂ© sobriĂ©tĂ© et neutralitĂ© ce que j’aime bien c’est que ça soit blanc Ă©purĂ© » tĂ©moignage tatouĂ©. 9Les salons doivent faire attention Ă  satisfaire tout le monde, ou du moins Ă  ne heurter personne. Il apparaĂźt important de donner aux clients Ă  la fois une impression mĂ©dicalisĂ©e » pour gagner leur confiance, tout en gardant l’aspect rebelle de l’expĂ©rience Rolle, 2013.Pour se vendre et vendre son artL’enjeu de la crĂ©dibilitĂ©10Dans le discours des employĂ©s des salons de tatouage, nous retrouvons la nĂ©cessitĂ© de faire figure d’expert » Rolle, 2013 en mettant en exergue la supposĂ©e incompĂ©tence des concurrents, dont on dit qu’ils font ce qu’ils ne devraient pas faire » comme des motifs impersonnels issus d’internet et qu’ils ne font pas ce qu’ils devraient » comme avoir des tatoueurs aux styles diffĂ©rents dans un mĂȘme salon. 11Pour ĂȘtre respectĂ© et respectable, l’un de nos tatoueurs souligne qu’un tatoueur doit ĂȘtre tatouĂ© et de maniĂšre visible, sans quoi sa crĂ©dibilitĂ© sera mise en cause il sera soupçonnĂ© de n’avoir fait ni l’expĂ©rience de la douleur ni celle du regard social les gens devaient se dire ha c’est bizarre t’es tatoueur et t’as pas de tatouage’ » tĂ©moignage tatoueur. Par ailleurs, le tatoueur doit Ă  la fois se montrer disponible pour accueillir des projets d’encrage Ă©laborĂ©s, tout en montrant une activitĂ© importante, gage de qualitĂ©. Cet Ă©quilibre subtil entre disponibilitĂ© et non-disponibilitĂ© lui permet notamment de sĂ©lectionner sa clientĂšle en Ă©vitant par exemple de rĂ©aliser des street tattoo [3] ». En effet, les tatoueurs sont critiques d’une clientĂšle de non-sachants, consommant le tatouage par effet de mode sans en connaĂźtre la culture, l’histoire ou les implications C’est des gens qui ne connaissent rien au monde du tatouage, la plupart viennent sans projet et veulent juste avoir un tatouage, c’est juste un effet de mode » tĂ©moignage tatoueur.VĂ©hiculer des valeurs de confiance voire de fidĂ©litĂ©12Les Ă©changes se mettent en place dĂšs l’accueil, sur un ton amical et ponctuĂ© de plaisanteries, avec une automaticitĂ© du tutoiement. Un tatoueur nous explique que l’acte de tatouer est une pĂ©nĂ©tration dans l’intimitĂ© de la personne et que le projet du tatouĂ© devient celui du tatoueur ce partage est matĂ©rialisĂ© par le tutoiement. Nous avons constatĂ© que les conversations dans les salons basculent souvent dans l’ordre de l’intime, soulignant la force du lien entre le tatoueur et son client et expliquant que certains clients reviennent rĂ©guliĂšrement, jusqu’à dĂ©velopper une relation de fidĂ©litĂ©. La confiance est ainsi au cƓur de la relation tatoueur-tatouĂ©, de la nĂ©gociation du projet d’encrage Ă  sa rĂ©alisation. Cette confiance devient une nĂ©cessitĂ© lorsque l’on considĂšre l’asymĂ©trie de la relation tatoueur-tatouĂ©, l’un dĂ©tenant soudainement un pouvoir sur le corps de l’autre DurĂŁo et Roman, 2001.NĂ©gociation et ritualitĂ© du tatouageLe projet de tatouage13Normes implicites interdits, refus, facteurs Ă  prendre en compte 14Nous avons constatĂ© l’existence de normes implicites, concernant notamment l’emplacement et la taille des tatouages, et plus particuliĂšrement des premiers tatouages. Un tatoueur nous explique que les premiers tatouages devraient ĂȘtre cachĂ©s ». Un autre affirme qu’il est prĂ©fĂ©rable que les premiers soient de petites piĂšces. D’une part, le tatoueur craint que le non-initiĂ© ne supporte pas la douleur les grosses piĂšces seront alors d’autant plus difficiles Ă  terminer, comme nous avons pu le constater chez une de nos enquĂȘtĂ©es ». D’autre part, le regard social qu’implique un tatouage visible peut dĂ©stabiliser lorsqu’il n’est pas anticipĂ© certains tatoueurs sont rĂ©ticents Ă  endosser la responsabilitĂ© d’ĂȘtre les premiers Ă  encrer une partie visible du corps. Enfin, la localisation des tatouages sur le corps apparaĂźt tacitement rĂ©glementĂ©e certaines zones sont proscrites par les tatoueurs parties gĂ©nitales, d’autres sont rĂ©servĂ©es » Ă  une clientĂšle initiĂ©e » mains et crĂąne Les premiers tatouages devraient ĂȘtre cachĂ©s, ça devrait ĂȘtre comme ça, tu te fais pas tatouer direct sur le cou ou sur la tĂȘte. AprĂšs si tu vois que le mec a dĂ©jĂ  plein de tatouages sur les bras et tout, ouais la tĂȘte ça peut ĂȘtre en continuitĂ© » tĂ©moignage tatoueur. 15Ces Ă©lĂ©ments confirment l’importance de la nĂ©gociation des modalitĂ©s d’encrage entre tatoueur et tatouĂ© selon l’ñge, l’appartenance socio-sexuelle et professionnelle Rolle, 2013 En principe je suis personne pour dire non, mais en fonction de l’ñge, de ses antĂ©cĂ©dents dans le tatouage, est-ce qu’il en a dĂ©jĂ  beaucoup ou pas du tout. Je pose souvent la question de leur travail, est-ce que ça va pas les gĂȘner dans leur travail, il faut penser au regard des autres » tĂ©moignage tatoueur. 16D’aprĂšs notre Ă©tude, d’autres facteurs sont Ă©galement pris en compte comme la couleur, texture et apparence des et l’empreinte du tatoueur17La banalisation du tatouage fait apparaĂźtre des motifs-types, devenus des basiques ». Les tatoueurs critiquent ces anti-projets », qualifiĂ©s de copiĂ©-collĂ©tatouĂ© », et renvoyĂ©s aux faux tatoueurs » HĂ©as, 2013 mais aussi aux faux tatouĂ©s ». En effet, le tatouage conserve cet aspect de quĂȘte de marginalitĂ© et le risque de ces tatouages communs est de faire disparaĂźtre la convention tacite de refuser le conventionnel. Pour que les tatouages soient uniques, respectant ainsi les codes culturels et identitaires, les tatoueurs laissent leur empreinte dans la recherche d’originalitĂ© et le dĂ©marquage si c’est un truc que tu sors d’Internet on va vouloir te le modifier qu’il soit un peu plus original » tĂ©moignage tatoueur. Les books » permettent au client qui envisage un motif de se familiariser avec le style du tatoueur. 18Une fois le tatoueur choisi, un premier rendez-vous permet aux deux acteurs de parler du projet. C’est au rendez-vous suivant, celui de l’encrage, que le client dĂ©couvre le dessin de ce que sera son futur tatouage, qui doit plaire au millimĂštre prĂšs le client doit exprimer exactement ce qui lui dĂ©plaĂźt pour que le tatoueur puisse apporter les modifications nĂ©cessaires de l’emplacement, de la taille, ou du motif. 19Un tiers accompagne souvent le futur tatouĂ© nous avons pu tenir ce rĂŽle Ă  trois reprises ; il donne son avis, aide le client Ă  exprimer ses Ă©ventuels doutes et rassure. Le tatouage est donc le rĂ©sultat d’une nĂ©gociation entre le tatoueur, le client et un proche Lo Sardo, 2009.Implication de l’encrage. GĂ©rer la posture et la douleur20Une fois les nĂ©gociations terminĂ©es, le tatoueur positionne le stencil » [4] du tatouage sur la peau du client prĂ©alablement dĂ©sinfectĂ©e et rasĂ©e si nĂ©cessaire. Tatoueur et tatouĂ© doivent dĂ©sormais nĂ©gocier la posture qu’ils adopteront pendant l’encrage afin d’ĂȘtre confortables et d’éviter crampes ou gestes brusques. La douleur varie selon les individus, mais aussi selon les parties du corps. Le tatouage peut ainsi ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un acte masochiste oĂč se cĂŽtoient douleur, plaisir, excitation et addiction Rioult, 2006 On les torture et ils aiment ça, et ils reviennent en plus » tĂ©moignage tatoueur. 21Si la douleur est trop intense, les rĂ©actions de la personne sont imprĂ©visibles, dĂ©rangent et ralentissent le travail du tatoueur. Le tatoueur de l’une de nos observĂ©es qui gigotaient par souffrance l’avertit que son tatouage risquait de ne pas ĂȘtre symĂ©trique si elle continuait. Des pauses permettent aux deux acteurs de se reconcentrer. Le tatoueur endosse ici de nombreuses responsabilitĂ©s et un rĂŽle d’apaisement du client pouvant faire Ă©merger Ă  leur relation intime un caractĂšre thĂ©rapeutique DurĂŁo et Roman, 2001. Ă  la fin, le tatoueur emballe le tatouage dans du papier cellophane que le tatouĂ© devra enlever dans les heures qui suivront, et accompagne son client Ă  l’accueil pour le faire rĂ©gler et lui prescrire les soins Ă  retouches et l’ancrage social quotidien22Un tatoueur nous explique que le tatouage reprĂ©sente l’intrusion d’un corps Ă©tranger dans la peau, et que l’encre aura tendance Ă  dĂ©gorger dans les jours qui suivent l’encrage. Le client est ainsi amenĂ© Ă  revenir pour faire les retouches nĂ©cessaires, incluses dans le prix. Ce service aprĂšs-vente » renforce l’analogie avec une transaction commerciale. 23Le tatouage transforme d’abord le quotidien immĂ©diat il faut hydrater rĂ©guliĂšrement le tatouage pour permettre la cicatrisation Lo Sardo, 2009, qui provoque des dĂ©mangeaisons qu’il faut contrĂŽler. Le tatouage modifie ensuite le quotidien sur le long terme, il rĂ©ajuste les choix vestimentaires Ă  travers un jeu d’inhibition et d’exhibition selon le contexte social. Il transforme Ă©galement les interactions sociales, Ă  base de compliments ou de questionnements. Enfin, le tatouage est un rite de passage qui agrĂšge l’individu Ă  une nouvelle communautĂ© Van Gennep, 1909 traduisant ainsi une volontĂ© de devenir Autre » Je trouve vraiment que le fait d’ĂȘtre tatouĂ© te fait appartenir Ă  une autre communautĂ© » tĂ©moignage tatouĂ©. En outre, si le corps est l’interface entre soi et l’autre » Le Breton, 2010, le tatouer permet de se le rĂ©approprier, de s’individualiser et d’influer sur l’image que peut avoir l’autre de soi Le Breton, 2006.Conclusion24Cette recherche ethnographique porte sur un Ă©chantillon limitĂ© et aurait gagnĂ© Ă  ĂȘtre Ă©tendue Ă  d’autres salons. Pour autant, il nous est apparu trĂšs vite difficile de justifier la prĂ©sence d’observateurs dans un salon de tatouage on nous a, Ă  plusieurs reprises, fait bien comprendre qu’il s’agissait d’une intrusion. Nous avons eu l’occasion de nous placer dans la position d’accompagnateur, plutĂŽt que dans celle d’observateur. Ceci nous a permis d’approcher au plus prĂšs de la relation tatoueur-tatouĂ©, et de mieux en saisir certaines spĂ©cificitĂ©s qui nous auraient autrement Ă©chappĂ©. Il rĂ©sulte ainsi de cette recherche que la confiance est au cƓur de la relation tatoueur-tatouĂ© et permet la mise en place de nĂ©gociations de l’ordre de l’intime chaque sĂ©ance d’encrage laisse une trace dans le corps du tatouĂ©, mais aussi dans celui du tatoueur. » Rolle, 2013 p. 97. lRemerciementsÀ LĂ©o Tillard pour sa participation Ă  cette Ă©tude, Marie Rose Moro pour m’avoir offert l’opportunitĂ© de publier ce travail, Ă  Laelia Benoit pour ses conseils et encouragements. Notes [1] Exposition tatoueurs-tatouĂ©s » au musĂ©e du quai Branly Jacques Chirac en 2014-2015. [2] Les books sont des albums photos qui renferment les rĂ©alisations des tatoueurs. [3] Petites piĂšces faciles et impersonnelles sans dĂ©lai de rĂ©alisation. [4] Pochoir en anglais, c’est un calque qui permet de transposer le dessin sur la peau afin que le tatoueur suive ces lignes au cours de l’encrage.
pourla premiÚre fois, c'est aussi un rite de passage dans une relation. Mais puisque le français n'est pas ma langue maternelle, il se peut bien que je le ressente d'une maniÚre toute autre. Non, je le sens comme ça aussi. Passer du vous au tu, m'est agréable. C'est comme dire à l'autre "je reconnais en toi quelque chose que nous avons en commun".
NICOLAS OPPENCHAIM Observatoire du Samusocial de Paris Laboratoire LVMT Paris Est Sociologie RĂ©sumĂ© . L’objectif de cet article est de prĂ©senter un exemple de participation active des adolescents Ă  une recherche de sociologie sur leurs mobilitĂ©s urbaines. Dans le cadre de cette recherche menĂ©e dans des Ă©tablissements scolaires, les adolescents ont ainsi rĂ©alisĂ© des questionnaires de sociologie qu’ils ont distribuĂ©s Ă  d’autres jeunes. Ils ont Ă©galement pris des photographies et Ă©crit des textes sur leurs mobilitĂ©s, avant d’ĂȘtre interrogĂ©s individuellement sur ce thĂšme par le chercheur. Cette mĂ©thode a pour premier avantage de favoriser le consentement Ă©clairĂ© des adolescents en leur faisant comprendre les implications de leur participation Ă  une recherche. Elle permet Ă©galement de crĂ©er une relation de confiance avec les adolescents et de stimuler leur rĂ©flexivitĂ© afin de les associer Ă  l’élaboration de la recherche. Introduction Est-ce que prendre les adolescents comme objet d’étude suppose l’utilisation de mĂ©thodes de recherche diffĂ©rentes de celles utilisĂ©es pour les adultes ? Quelles sont les mĂ©thodes permettant de concilier rigueur scientifique et prĂ©occupations dĂ©ontologiques dans l’étude de cette population ? Ces questions ont Ă©tĂ© beaucoup plus abordĂ©es dans la littĂ©rature sociologique anglophone que dans celle en langue française Danic et al, 2006. Or, elles se sont rĂ©vĂ©lĂ©es centrales dans le cadre de la recherche que j’ai menĂ©e sur les mobilitĂ©s quotidiennes des adolescents de zones urbaines sensibles ZUS. Cette recherche avait pour point de dĂ©part l’idĂ©e que la mobilitĂ© constitue une Ă©tape importante de la socialisation des adolescents, car elle est le support du passage du monde familier au domaine public Breviglieri, 2007. Elle permettait ainsi d’enrichir les approches statiques de la sĂ©grĂ©gation, en ne rĂ©sumant pas l’inscription urbaine des adolescents de ZUS Ă  leur localisation rĂ©sidentielle et en prenant en compte les interactions qu’ils ont avec des citadins d’une autre origine gĂ©ographique et sociale durant leurs mobilitĂ©s Oppenchaim, 2009. Lors de cette recherche, j’ai alors Ă©tĂ© confrontĂ© Ă  un certain nombre de difficultĂ©s mĂ©thodologiques et dĂ©ontologiques, inextricablement liĂ©es comment un enquĂȘteur adulte peut-il accĂ©der aux pratiques de mobilitĂ© des adolescents, qui sont un moment privilĂ©giĂ© de l’entre-soi adolescent ? Comment recueillir et utiliser pour un travail acadĂ©mique des informations sur ces pratiques en s’assurant que les adolescents comprennent ce qu’implique leur participation Ă  la recherche ? Ces diffĂ©rentes difficultĂ©s m’ont conduit Ă  dĂ©velopper une mĂ©thodologie inĂ©dite dont le but Ă©tait de favoriser la participation active des adolescents dans la recherche. J’ai ainsi mis en place des projets dans des Ă©tablissements scolaires, combinant initiation des adolescents Ă  la sociologie, rĂ©alisation de textes et de photographies sur leurs mobilitĂ©s ainsi que des entretiens individuels semi-directifs. Afin de mieux comprendre la dĂ©marche mĂ©thodologique que j’ai suivie, je procĂ©derai en trois temps. Je dĂ©velopperai tout d’abord les problĂšmes que soulĂšve l’étude des pratiques de mobilitĂ© des adolescents. Puis, je montrerai en quoi la participation active des adolescents dans la recherche permet de rĂ©soudre en partie ces problĂšmes, avant d’exposer comment j’ai concrĂštement favorisĂ© cette participation. Quels problĂšmes dĂ©ontologiques et mĂ©thodologiques soulĂšve l’étude des pratiques de mobilitĂ© des adolescents ? La premiĂšre difficultĂ© mĂ©thodologique spĂ©cifique Ă  laquelle est confrontĂ© un chercheur adulte travaillant sur les adolescents est de mener une recherche malgrĂ© la distance gĂ©nĂ©rationnelle qui existe entre lui et les enquĂȘtĂ©s. En effet, les adolescents se situent dans une pĂ©riode de remise en cause du contrĂŽle des adultes sur leurs pratiques et d’affranchissement vis-Ă -vis de la tutelle des institutions en charge de leur encadrement Zaffran, 2010. Paradoxalement, la mise en relation du chercheur avec les enquĂȘtĂ©s passe nĂ©anmoins majoritairement par ces institutions Ă©cole, centres sociaux, associations d’aide aux devoirs
, car les adolescents y passent une grande partie de leurs temps et que la prĂ©sence d’adultes y est tolĂ©rĂ©e. Ce passage par les institutions ne concerne pas seulement les chercheurs s’intĂ©ressant aux pratiques des adolescents dans ces lieux, mais Ă©galement ceux qui travaillent sur les pratiques se dĂ©roulant en dehors des cadres institutionnels. En effet, ces pratiques, comme les mobilitĂ©s, constituent des moments privilĂ©giĂ©s de l’entre-soi adolescent. Cela rend alors difficile la prĂ©sence prolongĂ©e d’un enquĂȘteur adulte auprĂšs des adolescents lorsqu’ils rĂ©alisent ces activitĂ©s. Le chercheur peut certes prendre comme terrain d’observation les lieux non institutionnels dans lesquels les adolescents se rendent durant leur temps libre, comme les centres commerciaux Kokoreff, 1998. NĂ©anmoins, les entretiens avec les adolescents constituent la source d’accĂšs Ă  ces pratiques la plus souvent utilisĂ©e. L’étude des pratiques extra-institutionnelles des adolescents est alors marquĂ©e par ce paradoxe les institutions constituent une voie d’entrĂ©e privilĂ©giĂ©e, voire unique, pour le chercheur, alors mĂȘme que les adolescents souhaitent s’émanciper de la tutelle de ces institutions et Ă©prouvent, pour certains, une relative mĂ©fiance Ă  leur Ă©gard. Cette mĂ©diation par les institutions doit alors impĂ©rativement ĂȘtre intĂ©grĂ©e Ă  l’analyse des rĂ©sultats obtenus. Elle n’est en effet pas sans influence sur la relation d’enquĂȘte entre des adolescents et un enquĂȘteur adulte, plus ou moins assimilĂ© Ă  l’institution par laquelle il est entrĂ© en contact avec eux. L’enquĂȘteur ne peut alors totalement s’émanciper des relations asymĂ©triques, notamment en terme de pouvoir et d’autoritĂ©, qui structurent la relation de l’adolescent Ă  cette institution. De mĂȘme, cette mĂ©diation influence le profil des adolescents auxquels l’enquĂȘteur accĂšde. L’institution par laquelle le chercheur entre en relation avec les adolescents peut ainsi ĂȘtre en charge d’un public spĂ©cifique. Le choix des adolescents retenus pour l’enquĂȘte peut ĂȘtre Ă©galement fortement orientĂ© par les personnels institutionnels assurant l’interface avec le chercheur Sime, 2008. Le passage par des institutions pour accĂ©der aux adolescents enquĂȘtĂ©s pose donc un certain nombre de problĂšmes mĂ©thodologiques. Mais il soulĂšve Ă©galement des considĂ©rations Ă©thiques, notamment en ce qui concerne le consentement Ă©clairĂ© Ă  participer Ă  la recherche. Par exemple, lorsque la mise en contact du chercheur avec les adolescents se fait par l’intermĂ©diaire de l’institution scolaire, il peut exister une confusion aux yeux des adolescents entre la recherche proprement dite et les activitĂ©s scolaires habituelles. La participation Ă  la recherche pouvant alors ĂȘtre perçue comme obligatoire, l’adolescent risque de ne pas oser refuser la proposition. Ce problĂšme du consentement Ă©clairĂ© ne concerne pas que les enquĂȘtĂ©s mineurs Vassy et Keller, 2008, mais il se pose de maniĂšre spĂ©cifique pour les adolescents pour trois raisons Morrow, 2008. Ils bĂ©nĂ©ficient tout d’abord d’un statut juridique particulier, rendant nĂ©cessaire au niveau lĂ©gal l’obtention d’une signature de leurs tuteurs adultes. Le simple accord des enquĂȘtĂ©s mineurs n’est ainsi pas nĂ©cessairement suffisant pour couvrir le chercheur au niveau lĂ©gal. D’autre part, les adolescents forment un groupe social plus vulnĂ©rable que les adultes. Au niveau individuel, ils peuvent se voir imposĂ©s lors de leurs interactions avec le chercheur les schĂ©mas d’interprĂ©tation de celui-ci, par manque d’habitude de ces situations. Au niveau collectif, ils ne possĂšdent pas de reprĂ©sentants dans la communautĂ© adulte leur permettant de discuter les rĂ©sultats tirĂ©s Ă  leur Ă©gard ou de s’assurer que leur parole n’a pas Ă©tĂ© travestie ou retranscrite partiellement. Enfin, le consentement des adolescents Ă  participer Ă  la recherche peut ĂȘtre influencĂ© par diffĂ©rents biais, comme par exemple la confusion Ă©voquĂ©e prĂ©cĂ©demment entre activitĂ©s obligatoires et activitĂ©s de recherche lorsque celle-ci a lieu dans un cadre institutionnel. La vulnĂ©rabilitĂ© potentielle des adolescents nĂ©cessite donc des prĂ©cautions dĂ©ontologiques, afin de s’assurer que les enquĂȘtĂ©s comprennent les implications de leur participation Ă  une recherche sociologique. Elle ne doit cependant pas conduire Ă  ne pas investiguer cette population. Les considĂ©rations exposĂ©es prĂ©cĂ©demment sont ainsi assez analogues aux rĂ©flexions qui ont pu ĂȘtre menĂ©es dans le cadre d’enquĂȘtes avec des groupes sociaux adultes vulnĂ©rables, comme les sans-domicile Firdion et al, 1995. Les trois grandes justifications avancĂ©es lors de la mise en place du programme de recherche de l’INED sur cette population peuvent ainsi ĂȘtre transposĂ©es au cas des adolescents. Au niveau scientifique, ne pas mener d’enquĂȘte auprĂšs d’adolescents reviendrait Ă  se contenter du regard portĂ© par les adultes sur leurs pratiques. Le chercheur n’accĂ©derait pas Ă  leur point de vue, mais Ă  celui des institutions qui en sont en charge. Au niveau dĂ©mocratique, ne pas enquĂȘter sur les adolescents reviendrait Ă  ne pas leur donner de statut de personne, Ă  supposer une discontinuitĂ© entre leur monde et celui des adultes et donc Ă  les exclure symboliquement de la sociĂ©tĂ©. Enfin, au niveau humain, les adolescents ne doivent pas ĂȘtre considĂ©rĂ©s uniquement sous l’angle de leur vulnĂ©rabilitĂ©. Ils peuvent ainsi avoir conscience de la forme de don/contre don impliquĂ© par une situation d’enquĂȘte Skelton, 2008. De mĂȘme, ils peuvent avoir du plaisir Ă  livrer leur point de vue Ă  un adulte et Ă  rĂ©flĂ©chir sur leurs pratiques. Au final, le positionnement Ă©thique du chercheur est fortement influencĂ© par le regard gĂ©nĂ©ral qu’il porte sur l’enfance et l’adolescence Morrow, ibid. Si l’adolescent est considĂ©rĂ© uniquement sous l’angle de sa vulnĂ©rabilitĂ©, il n’est pas perçu comme compĂ©tent pour dĂ©terminer l’influence, positive ou nĂ©gative, qu’aura pour lui la participation Ă  une recherche. Au niveau dĂ©ontologique, l’important pour le chercheur est alors d’obtenir une autorisation d’enquĂȘter de la part des parents ou des institutions en charge de ces adolescents. D’autres chercheurs postulent au contraire que les mineurs possĂšdent les compĂ©tences pour comprendre les tenants et aboutissants d’une recherche et peuvent donc accepter ou refuser d’eux-mĂȘmes leur participation Masson, 2004 ; Skelton, ibid. Si le chercheur doit s’assurer au maximum qu’ils comprennent les consĂ©quences de cette participation Ă  court, moyen et long terme, le consentement des adolescents prime sur celui de leurs parents ou des institutions qui en ont la charge. Le chercheur ne peut donc se contenter de l’autorisation Ă©crite des parents ou des personnels institutionnels. Au contraire, il doit faire primer le droit des enfants Ă  s’exprimer plutĂŽt que sa propre protection juridique vis-Ă -vis d’autres adultes. Par exemple, lorsque les adolescents sont en mesure de comprendre l’impact de l’enquĂȘte sur leur vie, il est parfois plus Ă©thique d’agir en fonction du souhait de l’adolescent de donner son point de vue plutĂŽt que de solliciter l’accord de parents qui pourraient s’y opposer Where the child consents to participate the parent’s consent is not required 
 where children can understand enough to distinguish research from other interventions and to understand the impact on them on participating, it may be more ethical to act on their consent than to require the fully informed consent of a parent. Such an approach gives children the maximum opportunity to have their views and experiences recorded and avoid the risk of exclusion of children whose parents would not respond to a request or would wish to control whom their child speaks to » Masson, ibid. Cette position est en adĂ©quation avec la Convention de 1989 de l’Organisation des Nations Unies sur les droits de l’enfant, dont les articles 12 et 13 mettent en avant non seulement le droit de regard des enfants sur ce qui les concerne, mais Ă©galement celui d’exprimer leur point de vue s’ils le dĂ©sirent Bell, 2008. Cette position commence peu Ă  peu Ă  se diffuser dans le champ des Ă©tudes françaises Danic et al, 2006. Elle est beaucoup plus rĂ©pandue parmi les recherches anglo-saxonnes sur les pratiques sociales des adolescents, notamment celles qui sont publiĂ©es dans la revue Children’s Geography et/ou celles qui s’inspirent de la Participatory Action Research » Hart, 1992. Dans cette mĂ©thode participative, les enquĂȘtĂ©s participent activement au processus de recherche, ils identifient avec le chercheur les problĂšmes de leur communautĂ©, ils choisissent les outils permettant de mieux comprendre ces problĂšmes et ils trouvent ensemble des solutions pour changer leur situation. Nous avons donc vu que prendre les adolescents comme objet de recherche posait un certain nombre de problĂšmes mĂ©thodologiques comment accĂ©der aux pratiques qui se dĂ©roulent en dehors des cadres institutionnels et dĂ©ontologiques comment faire comprendre aux adolescents ce que signifie de participer Ă  une recherche, afin qu’ils puissent consentir, ou non, Ă  y participer. Nous allons maintenant voir que la participation active des adolescents Ă  la recherche permet de rĂ©soudre en partie ces diffĂ©rents problĂšmes. Quels sont les intĂ©rĂȘts d’une participation active des adolescents Ă  la recherche ? Les ouvrages ou revues de langue anglaise citĂ©s prĂ©cĂ©demment contiennent de nombreuses pistes permettant de favoriser le consentement Ă©clairĂ© des adolescents. La principale innovation mĂ©thodologique proposĂ©e est alors d’encourager la participation active des adolescents enquĂȘtĂ©s dans la recherche. Cette participation est plus ou moins importante selon les recherches Hart, ibid. Dans sa forme la plus simple, elle passe par exemple par la prise de photographies, la rĂ©alisation de cartes mentales ou la rĂ©daction de textes par les enquĂȘtĂ©s. La participation est plus importante lorsqu’un chercheur dĂ©finit un thĂšme gĂ©nĂ©ral de recherche avant de commencer son enquĂȘte, mais qu’il implique ensuite les adolescents dans la construction des questions de recherche Fine et al, 2003, qu’ils les laissent juges du choix de la mĂ©thode la plus adĂ©quate Ă  l’expression de leur point de vue Skelton, ibid ou qu’il les forme au recueil de donnĂ©es auprĂšs d’autres jeunes Alderson, 1995. Plus largement, des adolescents peuvent Ă©galement participer Ă  la dĂ©finition des objectifs de la recherche en cours et faire partie de son comitĂ© de pilotage Hart, ibid alors que certains chercheurs dĂ©fendent mĂȘme l’idĂ©e d’une participation d’adolescents aux comitĂ©s d’éthique des universitĂ©s Ă  chaque Ă©valuation de projet incluant des enquĂȘtĂ©s mineurs Sime, ibid. Cette participation active des adolescents comporte de nombreux avantages Ă©thiques et scientifiques. La prise de photographies permet ainsi par exemple tout d’abord d’obtenir des informations sur des pratiques et des lieux non accessibles Ă  un enquĂȘteur adulte. Elle offre Ă©galement l’avantage d’intĂ©grer Ă  la recherche des adolescents Ă©prouvant des difficultĂ©s de verbalisation. Cette participation comporte aussi un aspect ludique, permettant d’entraĂźner l’adhĂ©sion d’adolescents ne souhaitant initialement pas se prĂȘter au jeu de l’entretien ou de l’observation. Mais elle offre Ă©galement d’autres avantages, notamment celui d’inflĂ©chir les problĂ©matiques de recherche du sociologue tout au long de l’enquĂȘte en y intĂ©grant les capacitĂ©s rĂ©flexives des adolescents Sime, ibid. Les adolescents ne sont en effet pas des idiots culturels », sans aucun regard rĂ©flexif sur leurs pratiques Garfinkel, 1967. Cette participation active favorise Ă©galement la comprĂ©hension des adolescents sur les enjeux Ă©thiques d’une enquĂȘte sociologique, et Ă©claire en consĂ©quence leur consentement Ă  participer Ă  la recherche. Dans le champ français, ces mĂ©thodes de participation active des adolescents Ă  la recherche ont Ă©tĂ©, Ă  ma connaissance, mises en Ɠuvre dans peu de travaux Dubet et Martucelli, 1996 ; Lepoutre, 2005. Ces travaux mettent en Ă©vidence d’autres avantages de cette participation que ceux Ă©noncĂ©s prĂ©cĂ©demment. Ils montrent tout d’abord comment il est possible d’articuler objectifs pĂ©dagogiques et production de connaissances scientifiques dans le cadre de projets menĂ©s dans des Ă©tablissements scolaires Lepoutre, ibid. La recherche ne conduit alors pas seulement Ă  la reconnaissance du travail du chercheur par ses pairs, mais donne Ă©galement naissance Ă  un objet tangible un livre, une exposition
 auquel les adolescents sont fiers d’avoir collaborĂ©. Cela libĂšre quelque part le chercheur de l’examen de conscience sur l’utilitĂ© de sa recherche pour les adolescents ayant acceptĂ© d’y participer. Ces travaux montrent Ă©galement qu’il est nĂ©cessaire de laisser une place dans la recherche Ă  la rĂ©flexivitĂ© des adolescents sur leurs pratiques. Le chercheur peut ainsi leur soumettre les interprĂ©tations qu’il a tirĂ©es Ă  leur Ă©gard, afin d’en amĂ©liorer la pertinence Dubet et Martucelli, ibid. La participation des adolescents Ă  la recherche favorise ainsi, entre autres, leur consentement Ă©clairĂ©, elle permet l’accĂšs Ă  des pratiques peu accessibles Ă  un enquĂȘteur adulte, elle peut entraĂźner l’adhĂ©sion de jeunes ne souhaitant pas initialement rĂ©pondre Ă  des questions, elle Ă©vite de recueillir des discours trop formatĂ©s par les propos que les adolescents ont l’habitude de tenir aux adultes
 Une derniĂšre considĂ©ration gĂ©nĂ©rale explique l’intĂ©rĂȘt que j’ai portĂ© Ă  ces mĂ©thodes. Elles sont en adĂ©quation avec ma perspective thĂ©orique sur la mobilitĂ© des adolescents de ZUS. Dans leurs dĂ©placements, ces adolescents sont confrontĂ©s Ă  des situations problĂ©matiques, notamment dans leurs interactions avec des citadins dont ils ne sont pas familiers. Ces Ă©preuves, mĂȘme les plus minimes, peuvent alors conduire Ă  un retour rĂ©flexif de l’adolescent sur ses habitudes d’action et Ă  leur modification. Le retour des adolescents durant des entretiens sur les Ă©preuves qu’ils ont rencontrĂ©es dans leur mobilitĂ© n’est alors possible que s’ils adoptent sur leurs pratiques un regard rĂ©flexif, ce qui est un des intĂ©rĂȘts de leur implication active dans la recherche. Pour conclure cette partie, soulignons que l’ensemble des considĂ©rations dĂ©ontologiques soulevĂ©es jusqu’à prĂ©sent ne sont pas totalement spĂ©cifiques aux adolescents. Tout chercheur qui Ă©tudie dans la durĂ©e un monde social est confrontĂ© Ă  un moment ou un autre Ă  ces considĂ©rations, notamment lorsqu’il travaille sur un monde social dominĂ© Lepoutre, ibid. N’est-il pas en train de trahir la confiance des enquĂȘtĂ©s ? Ne profite-il pas de leur confiance Ă  des seuls fins de promotion acadĂ©mique, alors que le sort des enquĂȘtĂ©s ne sera pas modifiĂ© par cette recherche ? Les enquĂȘtĂ©s ont-ils conscience qu’une partie de leurs pratiques, mĂȘme anonymisĂ©es, risquent d’ĂȘtre portĂ©es sur la place publique ? Comment dĂ©terminer les pratiques qu’il convient de rĂ©vĂ©ler ou au contraire de laisser dans l’ombre pour ne pas nuire aux enquĂȘtĂ©s ? LĂ  aussi, la comprĂ©hension par les enquĂȘtĂ©s de l’implication de leur participation Ă  la recherche est essentielle et elle ne peut pas se limiter Ă  la signature d’un formulaire de consentement Ă  participer. Les mĂ©thodes visant Ă  favoriser la participation active des enquĂȘtĂ©s afin de rĂ©soudre, en partie, ces problĂšmes dĂ©ontologiques n’ont d’ailleurs pas seulement Ă©tĂ© mises en Ɠuvre avec des mineurs. Citons par exemple, dans une perspective thĂ©orique proche de la mienne sur la mobilitĂ©, le projet qu’I. Joseph menait sur la ligne de mĂ©tro 2 Ă  Paris. Celui-ci souhaitait substituer Ă  l’observation participante traditionnelle une ethnographie participative » avec des itinĂ©raires commentĂ©s d’usagers du mĂ©tro, des auto-confrontations entre citadins ayant des conflits d’usage ainsi que des forums hybrides composĂ©s de gestionnaires et d’usagers Tonnelat, JolĂ© et Kornblum, 2007. Des projets autour de la mobilitĂ© menĂ©s dans huit Ă©tablissements scolaires Avant de prĂ©senter plus en dĂ©tail les projets que j’ai menĂ©s dans des Ă©tablissements scolaires, il convient de rappeler qu’ils ont suivi chronologiquement une ethnographie d’un an avec de jeunes garçons 13-18 ans frĂ©quentant la maison de quartier d’une ZUS de grande couronne. J’y ai Ă©tĂ© confrontĂ© aux difficultĂ©s habituelles rencontrĂ©es par un ethnographe dans son travail de terrain avec des populations dĂ©favorisĂ©es. Il m’a fallu ainsi, classiquement, faire avec la distance sociale qui me sĂ©parait des jeunes afin d’acquĂ©rir un savoir ĂȘtre avec » les adolescents. Cette distance sociale Ă©tait Ă©galement redoublĂ©e par une distance gĂ©nĂ©rationnelle avec les adolescents, qui ne me percevaient ni comme un animateur, ni comme un chercheur, mais me situaient quelque part entre ces deux professions. La prĂ©sence quotidienne parmi ces jeunes, dans le quartier et dans les trains, l’accompagnement de sorties, la rĂ©alisation de vingt entretiens ethnographiques m’ont alors permis de recueillir un riche matĂ©riau d’information sur les pratiques de mobilitĂ© des adolescents du quartier. Elle m’a aidĂ© d’une part Ă  mieux comprendre les interdĂ©pendances entre ancrage rĂ©sidentiel et pratiques de mobilitĂ© des adolescents, mais Ă©galement qu’une des principales Ă©preuves que ces derniers affrontaient dans leurs mobilitĂ©s Ă©tait la confrontation aux autres citadins en raison du triple stigmate sociale, ethnique et gĂ©nĂ©rationnelle dont ils se sentent porteurs Oppenchaim, 2011. Je ressentais cependant une insatisfaction Ă©thique durant cette ethnographie. En effet, si la plupart des jeunes acceptaient de me faire partager en partie leur quotidien et de rĂ©pondre Ă  mes questions, cela Ă©tait le plus souvent beaucoup plus dĂ» Ă  une sympathie Ă  mon Ă©gard qu’à une rĂ©elle comprĂ©hension des enjeux et intĂ©rĂȘt de mon travail de recherche. TrĂšs peu d’adolescents comprenaient l’intĂ©rĂȘt de se pencher sur leurs pratiques de mobilitĂ©, la plupart y voyant malgrĂ© leur sympathie une maniĂšre dĂ©tournĂ©e des institutions de contrĂŽler leurs moments de libertĂ© hors du cadre des diffĂ©rentes institutions dans lesquelles ils sont insĂ©rĂ©s Ă©cole, travail social, police
.. Cette absence de comprĂ©hension me questionnait alors sur le sens de la dĂ©marche sociologique, notamment savoir pour qui on Ă©crit et dans quel but ? » Lepoutre, ibid. Cette question se pose gĂ©nĂ©ralement au moment de la restitution de la recherche et du recueil de gains symboliques de la part de l’enquĂȘteur. Elle ne cessait cependant de me tarauder au moment de l’enquĂȘte, ayant l’impression de recevoir des histoires de vie singuliĂšre de la part de ces jeunes, sans rien leur apporter en retour. C’est alors cette insatisfaction qui a nourri mon intĂ©rĂȘt pour les mĂ©thodes favorisant l’implication active des adolescents dans la recherche. Ces mĂ©thodes me semblaient d’autant plus intĂ©ressantes que certains adolescents de la maison de quartier dĂ©veloppaient une vraie rĂ©flexion sur leurs pratiques de mobilitĂ©. Un d’entre eux m’expliqua ainsi un jour qu’il avait plus tendance Ă  frĂ©quenter ChĂątelet que les Champs ElysĂ©es, car malgrĂ© la prĂ©sence massive de policiers il y Ă©tait beaucoup moins contrĂŽlĂ©. InterrogĂ© sur les raisons de ces contrĂŽles plus nombreux aux Champs-ElysĂ©es, il les expliqua par la prĂ©sence plus importante de touristes, dĂ©finissant au contraire ChĂątelet comme un lieu de passage oĂč la prĂ©sence des jeunes Ă©tait plus tolĂ©rĂ©e. Or malgrĂ© tous mes efforts, il m’a Ă©tĂ© impossible dans le cadre de mon ethnographie de mettre en Ɠuvre ces mĂ©thodes. Cela Ă©tait sans doute dĂ» Ă  la spĂ©cificitĂ© de mon terrain d’étude, une maison de quartier considĂ©rĂ©e par les jeunes essentiellement comme un lieu de loisirs et de retrouvailles Ă  l’écart des regards des personnes plus ĂągĂ©s du quartier. J’ai ainsi proposĂ© Ă  certains jeunes avec lesquels j’avais dĂ©jĂ  rĂ©alisĂ© un entretien classique de prendre des photographies durant leurs dĂ©placements puis de les commenter. La plupart me dĂ©claraient cependant avoir la flemme » et que cela leur rappelait trop le cadre scolaire. Cette difficultĂ© Ă  mettre en Ɠuvre ces mĂ©thodes Ă©tait Ă©galement renforcĂ©e par le turn-over des jeunes frĂ©quentant la maison de quartier, qui pour certains ne venaient que pour une heure ou de maniĂšre espacĂ©e dans le temps. J’ai alors complĂ©tĂ© cette ethnographie par des projets menĂ©s dans huit Ă©tablissements scolaires quatre classes de troisiĂšme, deux secondes professionnelles BEP vente et deux secondes gĂ©nĂ©rales. Ces projets articulaient trois dimensions d’une part, une initiation des Ă©lĂšves Ă  la sociologie, sous la forme de la rĂ©alisation et de la passation d’un questionnaire Ă  d’autres adolescents ; d’autre part la rĂ©alisation de textes et de photographies autour de leur mobilitĂ© ; enfin quatre-vingt quinze entretiens semi-directifs d’une heure, rĂ©alisĂ©s aprĂšs l’initiation Ă  la sociologie et donnant lieu dans la majoritĂ© des cas Ă  une restitution collective de mon enquĂȘte devant l’ensemble des Ă©lĂšves. Mener une recherche dans des Ă©tablissements scolaires suppose tout d’abord de nouer une relation de confiance Ă  la fois avec les Ă©lĂšves et avec les professeurs. La construction de cette relation dans le cadre scolaire ne va pas de soi, car un nombre important des adolescents de ZUS entretient un rapport conflictuel avec l’institution scolaire. Le principal biais que je devais Ă©viter Ă©tait d’ĂȘtre considĂ©rĂ© par les Ă©lĂšves comme un professeur, ou du moins d’ĂȘtre assimilĂ© Ă  l’institution scolaire. Chaque prise de contact avec les Ă©lĂšves comprenait ainsi une prĂ©sentation de la sociologie et de ma dĂ©marche de recherche, en prĂ©cisant bien que je n’appartenais pas institutionnellement Ă  l’établissement. J’ai alors cherchĂ© Ă  casser le cadre scolaire de diffĂ©rentes maniĂšres en Ă©vacuant l’attente de la note c’était Ă  chaque fois une des premiĂšres questions qui Ă©taient posĂ©es par les Ă©lĂšves ou par la possibilitĂ© de tutoiement et d’appellation par le prĂ©nom de maniĂšre rĂ©ciproque. Le fait d’ĂȘtre un jeune chercheur ne partageant pas totalement les codes vestimentaires et de langage des professeurs a sans doute Ă©galement participĂ© Ă  casser ce cadre scolaire tu n’as pas la voix clean comme un prof » me confia ainsi un jour un jeune lors d’un entretien. La familiarisation antĂ©rieure avec les codes, notamment de langage, des adolescents de ZUS lors de mon ethnographie m’a aussi sans doute aidĂ© Ă  ne pas ĂȘtre perçu comme appartenant Ă  l’institution scolaire. Casser ce cadre scolaire avait pour principal but de renforcer l’idĂ©e d’égalitĂ© dans la construction de la recherche, les Ă©lĂšves m’apportant autant que je pouvais leur apporter, en particulier un projet allant Ă  l’encontre de la routine scolaire. J’étais ainsi sans doute pour les Ă©lĂšves un objet aussi Ă©trange que j’avais pu l’ĂȘtre pour les adolescents de la maison de quartier un intervenant extĂ©rieur qui n’est pas un professeur et n’en partage pas totalement les codes. Je ne dis pas que les Ă©lĂšves ne peuvent se confier aux professeurs, mais ne pas ĂȘtre identifiĂ© Ă  une figure d’autoritĂ© m’a semblĂ© faciliter l’implication des Ă©lĂšves. Il convient nĂ©anmoins de ne pas ĂȘtre naĂŻf comme nous le verrons ultĂ©rieurement, l’implication plus ou moins importante de certains Ă©lĂšves dans le processus de recherche, notamment dans l’élaboration de questionnaires, a pu ĂȘtre motivĂ©e en partie par la pression de leurs professeurs. Cette mise entre parenthĂšses temporaire du cadre scolaire lors de mes interventions Ă©tait tolĂ©rĂ©e par les professeurs d’Histoire-gĂ©ographie, de Français, de Vente ou d’Arts Plastiques qui avaient acceptĂ© de travailler avec moi. Ces derniers devaient combiner les intĂ©rĂȘts de recherche du sociologue, l’adhĂ©sion des Ă©lĂšves, ainsi que leurs propres objectifs pĂ©dagogiques. Il s’agissait gĂ©nĂ©ralement, mĂȘme si cela est difficilement quantifiable, de professeurs dynamiques, atypiques pour certains, mais qui partageaient un bon relationnel avec les Ă©lĂšves. Au final, sans ĂȘtre totalement assimilĂ© par les adolescents Ă  l’institution scolaire, j’ai donc pu bĂ©nĂ©ficier des avantages que peut apporter un cadre scolaire par rapport Ă  celui de la maison de quartier, notamment pouvoir mener des projets dans la durĂ©e en y impliquant activement les adolescents. Rappelons nĂ©anmoins qu’il existe des degrĂ©s dans la participation des adolescents dans la recherche. Celle-ci peut aller de l’information des enquĂȘtĂ©s sur les objectifs et les consĂ©quences de l’enquĂȘte au choix par les adolescents du sujet Ă  investiguer Hart, ibid. Or, les Ă©lĂšves n’ont pas participĂ© directement au choix du thĂšme gĂ©nĂ©ral de ma recherche ou Ă  celui des outils, mĂȘme s’ils disposaient d’une grande marge dans les modalitĂ©s concrĂštes d’utilisation de ces outils thĂšmes Ă  investiguer dans le questionnaire, libertĂ© dans la forme d’écriture des textes, rendu des rĂ©sultats sous la forme d’une exposition ou d’un blog. Sur l’échelle de participation des enfants Ă  la recherche Ă©laborĂ©e par R. Hart 1992 8, je me situe donc au sixiĂšme Ă©chelon sur huit le chercheur dĂ©cide du thĂšme gĂ©nĂ©ral, mais discute avec les enfants des meilleurs moyens de la mener. L’imposition d’un thĂšme gĂ©nĂ©ral et la rĂ©alisation d’entretiens classiques Ă  la fin des projets m’a cependant sans doute permis de ne pas ĂȘtre perçu par certains adolescents comme un simple animateur, ce qui a pu renforcer leur sĂ©rieux et leur implication dans les projets. La premiĂšre dimension de ces projets a Ă©tĂ© la rĂ©alisation de questionnaires par les Ă©lĂšves sur des thĂ©matiques propres Ă  l’adolescence qu’ils avaient auparavant choisies les relations amoureuses et amicales entre adolescents, le rapport des adolescents Ă  leur quartier et Ă  la ville en gĂ©nĂ©ral, les adolescents et l’organisation de leur temps. Les Ă©lĂšves ont ensuite distribuĂ© ces questionnaires Ă  d’autres adolescents avant qu’une restitution des rĂ©sultats ne leur soit faite en classe entiĂšre. Cette initiation Ă  la sociologie a prĂ©sentĂ©e plusieurs avantages. D’une part, elle a permis de faire comprendre aux Ă©lĂšves les enjeux dĂ©ontologiques et scientifiques d’une enquĂȘte. Ces derniers ont ainsi dĂ» expliquer Ă  d’autres adolescents, qu’ils n’avaient parfois jamais vus, que des rĂ©ponses personnelles, par exemple sur leur sexualitĂ©, Ă©taient anonymes et donneraient lieu Ă  une restitution en classe, sans que leur nom soit rĂ©vĂ©lĂ©. Ils ont Ă©galement dĂ» faire comprendre Ă  ces adolescents en quoi leurs rĂ©ponses prĂ©sentaient un intĂ©rĂȘt de recherche. Les Ă©lĂšves ont ainsi pu saisir en pratique ce qu’impliquait de se prĂȘter Ă  une enquĂȘte sociologique. Cette initiation offrait Ă©galement des avantages sur le plan scientifique. Si les thĂšmes des questionnaires Ă©taient divers, ils posaient en filigrane des questions propres Ă  ma recherche, en particulier les disparitĂ©s entre filles et garçons sur les horaires de sortie. La restitution des rĂ©sultats des questionnaires en classe entiĂšre a ainsi donnĂ© lieu Ă  des discussions trĂšs fournies et a obligĂ© les Ă©lĂšves Ă  rĂ©flĂ©chir et Ă  argumenter sur certaines spĂ©cificitĂ©s de leurs pratiques. Elle a Ă©galement permis de libĂ©rer la parole de certains jeunes et de prĂ©parer ainsi les entretiens individuels qui ont suivi. Le cĂŽtĂ© ludique de la rĂ©alisation et de la passation des questionnaires a Ă©galement pu contribuer Ă  crĂ©er une relation de confiance avec les adolescents et Ă  favoriser leur participation ultĂ©rieure Ă  ces entretiens. Enfin, dans certains projets il a Ă©tĂ© dĂ©cidĂ© que les Ă©lĂšves ne distribueraient pas seulement le questionnaire aux adolescents de leur quartier mais Ă©galement de maniĂšre collective Ă  la sortie de grands lycĂ©es du centre de Paris. Cela avait pour premier avantage de faire rĂ©flĂ©chir les Ă©lĂšves sur les disparitĂ©s entre adolescents banlieusards et parisiens. Plus largement, cela donnait l’occasion Ă  certains Ă©lĂšves qui ne s’y Ă©taient jamais rendus, de frĂ©quenter les quartiers centraux de Paris. Ils Ă©taient ainsi confrontĂ©s, lors de la distribution en tĂȘte Ă  tĂȘte des questionnaires, Ă  l’altĂ©ritĂ© d’adolescents d’un autre milieu social. Une partie des Ă©lĂšves se rendaient ainsi initialement Ă  contrecƓur Ă  Paris, ayant peur que personne n’accepte de rĂ©pondre Ă  leurs questions. S’ils avaient au dĂ©but faiblement confiance en eux, ils se sont rendus peu Ă  peu compte qu’ils pouvaient rĂ©ussir Ă  obtenir l’attention des adolescents parisiens, le statut d’enquĂȘteur permettant par ailleurs de suspendre le temps d’une interaction le stigmate social dont une partie se sentait porteuse. Lien de cause Ă  effet ou non, ces Ă©lĂšves ont Ă©tĂ© ensuite beaucoup plus nombreux que la moyenne Ă  effectuer leur stage professionnalisant dans Paris intra-muros. Le but premier de la recherche Ă©tait la production de connaissance, et non de faire Ă©voluer, mĂȘme Ă  la marge, les compĂ©tences de mobilitĂ© des Ă©lĂšves. NĂ©anmoins, cette distribution du questionnaire dans Paris, ainsi que l’enthousiasme d’une majoritĂ© des Ă©lĂšves pour les projets, offrait Ă©galement l’avantage d’apaiser mes interrogations sur l’utilitĂ© immĂ©diate de ma recherche. ParallĂšlement ou aprĂšs cette initiation Ă  la sociologie, les Ă©lĂšves menaient Ă©galement des travaux d’écriture et photographique sur le thĂšme de la ville et des mobilitĂ©s. Ces travaux permettaient de prĂ©parer les entretiens ultĂ©rieurs en donnant un cĂŽtĂ© ludique Ă  la recherche, en renforçant ou en crĂ©ant une relation de confiance avec les adolescents et en favorisant le retour rĂ©flexif sur leurs pratiques. Ils donnaient Ă©galement des informations directes sur les pratiques de mobilitĂ© de ces adolescents. La prise de photographies des Ă©lĂšves sur leurs mobilitĂ©s a Ă©tĂ© faite selon deux grandes modalitĂ©s, en raison de diffĂ©rentes contraintes financiĂšres. Lorsque j’ai rĂ©ussi Ă  obtenir des financements, du Conseil DĂ©partemental de Seine Saint Denis ou des classes APAC du rectorat, les Ă©lĂšves Ă©taient accompagnĂ©s par un photographe professionnel durant une aprĂšs-midi. En l’absence de financement, les Ă©lĂšves prenaient eux-mĂȘmes des photographies sur leur quartier ou les lieux frĂ©quentĂ©s durant leur mobilitĂ©, Ă  l’aide d’appareils jetables distribuĂ©s ou le plus souvent avec leur propre appareil ou tĂ©lĂ©phone portable. Ces photographies permettaient d’intĂ©grer de maniĂšre ludique des adolescents pouvant avoir des difficultĂ©s ou une rĂ©ticence initiales Ă  verbaliser leurs pratiques. La prĂ©sence du photographe professionnel prĂ©sentait l’avantage supplĂ©mentaire de permettre une initiation Ă  la photographie, ainsi qu’une familiarisation Ă  certains lieux qu’ils ne connaissaient pas, les dĂ©placements se faisant le plus souvent par groupe de trois. Au niveau scientifique, ces dĂ©placements ont permis un retour rĂ©flexif des jeunes sur les lieux qu’ils frĂ©quentent, ces derniers explicitant durant le trajet pourquoi ils choisissaient ce lieu, ce qu’il leur Ă©voquait, pourquoi ils insistaient sur tel aspect dans leur prise de vue, etc. Ils me permettaient Ă©galement de renforcer la relation de confiance avec les jeunes et de pouvoir ensuite faire un retour approfondi sur les lieux photographiĂ©s durant l’entretien individuel. Figure 1 Photographie et texte d’un Ă©lĂšve de troisiĂšme gĂ©nĂ©rale avril 2009 Ces prises de photographies ont Ă©tĂ© complĂ©tĂ©es par un travail d’écriture des Ă©lĂšves, soit directement Ă  partir des clichĂ©s, soit en s’appuyant sur des descriptions urbaines d’écrivains. Je craignais que cette dimension du projet soit perçue comme trop scolaire, mais elle a recueilli l’adhĂ©sion de la majoritĂ©. Cela s’explique sans doute par la libertĂ© de forme dont ils disposaient pour dĂ©crire leur quartier et leur rapport Ă  la ville Ă©criture de slams, de poĂšmes, description neutre du quartier de rĂ©sidence ou des lieux frĂ©quentĂ©s en s’inspirant des Ɠuvres de Georges PĂ©rec dans EspĂšces d’espaces. J’ai choisi, en commun avec les professeurs de Français, ce livre comme support d’aide aux Ă©lĂšves pour dĂ©crire leur quartier, car il contient de nombreux passages qui fournissent un mode d’emploi des descriptions sociologiques sur la ville Becker, 2010. Figure 2 Texte d’un Ă©lĂšve de seconde gĂ©nĂ©rale mars 2009 Ma rue,
, je dois parler de ma rue
 trĂšs bien. Comment ? Le plus platement possible, d’accord, j’me lance. Tout d’abord je n’ai pas vraiment de rue. C’est plutĂŽt un grand bĂątiment donnant sur un parking. Sur ce parking de 34 places, une quarantaine de voitures sont stationnĂ©es. Il est 19 heures, tout est normal comme d’habitude. Du haut de mes 15 Ă©tages je peux apercevoir une grosse flaque d’huile se dĂ©versant d’une voiture sans roue, les restes d’une voiture brĂ»lĂ©e volontairement d’un acte criminel. De chez moi, je peux voir pratiquement tout le Bois Saint Denis, l’aĂ©roport Charles de Gaulle et ses trois terminaux ses trois tours de contrĂŽle et ses quelques 500 vols par jour, une bonne partie du centre-ville et son brouhaha, l’enseigne de Leroy Merlin » de Livry Gargan clignotant toutes les trois secondes et demie, et le phare de Paris, l’Ɠil de Paris brillant de mille feux Ă  la tombĂ©e de la nuit, tournoyant et m’éblouissant Ă  vingt quatre secondes d’intervalle. En bas, devant mon hall, on peut entendre un jeune murmurer Ă  un vieillard J’te donne une dix ». Le vieux rĂ©pondit Non, je, je
je veux une trente ! ». Ah nan ici, c’est moi qui choisis, j’te passe une dix ! Un point c’est tout ! ». TrĂšs bien tu as gagnĂ©, donne moi une ». Ou bien un autre, encore plus jeune, essayant de suivre les paroles, incomprĂ©hensibles pour lui, d’un rappeur amĂ©ricain qu’il a soigneusement tĂ©lĂ©chargĂ©es illĂ©galement et mis sur son I-Pod vidĂ©o troisiĂšme gĂ©nĂ©ration huit gigas, qu’il a volĂ© Ă  un pauvre homme dans le RER il s’en vante tous les jours. Sur le mur qui fait face au parking, on remarque que le numĂ©ro de mon immeuble est le quatre-vingt treize ou plutĂŽt le trois avec, peint Ă  la peinture blanche, un neuf devant, pour rendre le bĂątiment plus beau. C’est bien, c’est crĂ©atif, comme quoi avec peu on peut faire beaucoup. Sur le mur de la gauche, un petit dĂ©gradĂ© de couleurs qui devient de plus en plus foncĂ©. C’est le jeune qui Ă©coutait du rap US » qui vient d’arriver ici. Il n’habite pas dans ce bĂątiment, mais il y reste jour et nuit et il n’a aucune honte ou pudeur. Ah ! Je viens de voir un petit garçon seul qui a failli se faire renverser par une Renault 25 qui voulait se garer. Le petit courait derriĂšre son ballon NĂ©mo en pleurant car il avait Ă©tĂ© percĂ© par le chien d’un jeune qui, faisant des tractions Ă  l’arrĂȘt de bus frime avec ses muscles et ses deux bĂ©bĂ©s Rottweiler. Les deux Rottweilers ont les oreilles et la queue coupĂ©es aux ciseaux par leur maĂźtre, car comme ces chiens font des combats, il vaut mieux qu’elles soient coupĂ©es, car si, lors d’un combat, l’un d’eux perd une oreille, ce pourrait ĂȘtre trĂšs embĂȘtant et humiliant pour le maĂźtre. Une bande d’adolescents, sĂ»rement collĂ©giens, avec leurs cartables imbibĂ©s de Tipex, viennent de passer dire bonjour aux jeunes postĂ©s devant mon bĂątiment, ils prennent sur eux alors qu’il ne le faut pas ! AprĂšs les avoir saluĂ©s, ils reprennent leur balade avec ce qu’ils appellent une dĂ©gaine. J’appelle ça boiter mais c’est leur choix. Ils rencontrent deux jeunes demoiselles fashion », les adolescents se ruent sur elles comme s’ils avaient aperçus leur idole. Certains leur font la bise et d’autres leur serrent la main pour montrer leur indiffĂ©rence. Ils partent ensemble sur le cĂŽtĂ© du bĂątiment que je ne peux pas observer. Je ferme la fenĂȘtre de ma cuisine d’oĂč je vous dĂ©cris mon environnement quotidien, grĂące Ă  des jumelles que j’ai utilisĂ©es pour plus de prĂ©cision. La fermeture de cette fenĂȘtre permet une coupure entre le bruit assourdissant des klaxons du 619 et le calme rĂ©gnant dans ma maison. J’espĂšre que cette description vous a permis de plonger au cƓur de ma rue. Comme pour les photographies, ces textes me servaient de support aux entretiens ultĂ©rieurs, avec lesquels ils entraient bien souvent en cohĂ©rence. Ils tĂ©moignaient ainsi avec finesse de diffĂ©rents rapports entretenus au quartier de rĂ©sidence, parfois mieux dĂ©crits dans les rĂ©cits des jeunes que dans leurs propos. L’ensemble des textes et photographies rĂ©alisĂ©s, couplĂ© aux rĂ©sultats des questionnaires, ont ensuite donnĂ© lieu Ă  des opĂ©rations de valorisation, afin que les Ă©lĂšves puissent voir le rĂ©sultat de leur travail. Il leur Ă©tait ainsi demandĂ©, le plus souvent au dĂ©but des projets, le mode de restitution de leur travail ayant leur prĂ©fĂ©rence. Cette restitution a alors prise diffĂ©rentes formes mise en place d’un blog, expositions dans les halls des Ă©tablissements, au centre de documentation ou lors de journĂ©es portes ouvertes, rĂ©alisation d’un petit livret financĂ© par le Conseil gĂ©nĂ©ral de Seine Saint Denis
 A la suite de la rĂ©alisation des questionnaires, textes et photographies, des entretiens individuels d’une heure Ă©taient proposĂ©s. Il avait Ă©tĂ© bien expliquĂ© que ces entretiens n’étaient pas obligatoires, bien qu’ils aient lieu le plus souvent durant les heures de cours et dans l’enceinte des Ă©tablissements. La quasi-totalitĂ© des Ă©lĂšves ont acceptĂ© de se prĂȘter au jeu, en raison sans doute de la bonne rĂ©ception du projet dans son ensemble la majoritĂ© des Ă©lĂšves se montra ainsi enthousiaste Ă  l’égard d’activitĂ©s qui sortaient du cadre scolaire habituel, y compris les Ă©lĂšves en difficultĂ© et ayant un rapport compliquĂ© Ă  l’institution scolaire. Cela s’explique sans doute en partie par le fait que les mobilitĂ©s ne soient pas un sujet trop intime, les Ă©lĂšves pouvant parler de ce thĂšme entre eux. Il n’est ainsi pas certain que de tels projets aient pu ĂȘtre menĂ©s sur le thĂšme de la sexualitĂ©. NĂ©anmoins, une minoritĂ© d’élĂšves sont restĂ©s en retrait, ne manifestant au contraire de leurs camarades aucun enthousiasme. Il s’agissait principalement d’élĂšves introvertis ou avec une frĂ©quentation trĂšs Ă©pisodique des Ă©tablissements scolaires. Ces derniers ont certes acceptĂ© ensuite le principe d’un entretien, mais ils me confiĂšrent ensuite que leur motivation principale Ă©tait de manquer des heures de cours. Je n’ai pas sollicitĂ© une autorisation des parents pour la rĂ©alisation de ces entretiens, pour les raisons exposĂ©es au dĂ©but de cet article. L’absence d’autorisation me semblait d’autant moins problĂ©matique au niveau dĂ©ontologique, que les entretiens Ă©taient rĂ©alisĂ©s aprĂšs que la rĂ©alisation et passation des questionnaires aient fait comprendre aux Ă©lĂšves ce que signifiait de participer Ă  une enquĂȘte de sociologie. Le principe de l’enregistrement ayant Ă©tĂ© toujours acceptĂ© Ă  trois exceptions prĂšs, une version sur CD Ă©tait remise au jeune quelques jours aprĂšs la rĂ©alisation de l’entretien, Ă  la demande initiale d’une grande partie des Ă©lĂšves. J’ai Ă©galement interrogĂ© systĂ©matiquement les adolescents Ă  la fin de l’entretien sur leur ressenti, la plupart me confiant Ă  cette occasion leur satisfaction. Plusieurs d’entre eux me dĂ©clarĂšrent que cet entretien leur avait permis de mieux comprendre que la mobilitĂ© n’était pas innĂ©e et qu’ils avaient dĂ» apprendre Ă  se confronter Ă  l’altĂ©ritĂ©. Il s’agissait nĂ©anmoins essentiellement d’adolescents ayant des pratiques de mobilitĂ© spĂ©cifiques, trĂšs fortement tournĂ©es vers la flĂąnerie urbaine. D’autres, plus rares, me confiĂšrent leur impression d’avoir expĂ©rimentĂ© une sĂ©ance de psy » leur ayant permis de mieux se connaĂźtre, confirmant ainsi que l’entretien avait permis un retour rĂ©flexif sur les pratiques. Enfin, une partie des Ă©lĂšves ayant peu l’occasion de se dĂ©placer en dehors de leur quartier souligna que cela leur avait fait du bien de parler des problĂšmes de leur vie quotidienne Ă  un intervenant extĂ©rieur. Ce questionnement immĂ©diat sur leur ressenti n’était pas la seule occasion d’échange avec les Ă©lĂšves sur les entretiens. En effet, une fois les entretiens rĂ©alisĂ©s avec l’ensemble des volontaires, une sĂ©ance de restitution Ă©tait organisĂ©e en classe entiĂšre, suivie d’un dĂ©bat sur les principaux rĂ©sultats obtenus. Cette restitution Ă©tait guidĂ©e Ă  l’origine par des considĂ©rations dĂ©ontologiques. Elle eut nĂ©anmoins des rĂ©percussions importantes au niveau des rĂ©sultats scientifiques de ma recherche, en particulier sur la typologie des jeunes que j’avais effectuĂ©e en fonction de leurs pratiques de mobilitĂ©. Des jeunes, issus de diffĂ©rents Ă©tablissements scolaires, sont venus ainsi me confier Ă  la fin de la restitution qu’ils comprenaient ma typologie mais qu’ils se reconnaissaient en partie dans deux catĂ©gories. Ces remarques m’incitĂšrent Ă  porter une attention plus soutenue aux processus d’apprentissage et de socialisation multiple des adolescents. Elles me permirent ainsi de complexifier mon approche initiale trop statique et rigoriste de la typologie. Conclusion La mĂ©thode que je viens d’exposer d’une co-construction d’une recherche avec des adolescents possĂšde donc des avantages Ă©thiques et scientifiques. Elle Ă©tait en tout cas adaptĂ©e Ă  mon objet de recherche consistant Ă  mieux comprendre les diffĂ©rentes Ă©preuves auxquelles sont confrontĂ©s les adolescents de ZUS durant leurs mobilitĂ©s. Elle ne prend sens qu’en complĂ©mentaritĂ© avec les autres matĂ©riaux ethnographiques et statistiques recueillis. Ces diffĂ©rentes mĂ©thodes s’éclairent mutuellement et soulĂšvent chacune des difficultĂ©s Ă©thiques et scientifiques propres. J’ai cependant tirĂ© deux enseignements majeurs de cette mĂ©thode relativement originale consistant Ă  faire des adolescents des partenaires de recherche et non un simple objet d’étude. D’une part, les dimensions Ă©thiques et scientifiques d’une recherche sur les adolescents ne sont guĂšre dissociables, la mĂ©thode de collecte de donnĂ©es influant fortement sur le matĂ©riau recueilli. D’autre part, les adolescents sont sans nul doute compĂ©tents pour interprĂ©ter ce que la sociologie dit Ă  leur propos. Ils ne sont ainsi pas les simples rĂ©ceptacles d’une socialisation familiale ou dans l’apprentissage de normes comme on les prĂ©sente souvent, mais Ă©galement des acteurs capables et souvent dĂ©sireux d’avoir un regard rĂ©flexif sur leurs pratiques. Bibliographie ALDERSON P. 1995 Listening to Children Children, Ethics and Social Research, Londres, Barnardo’s, 130p. BECKER H. 2010 Comment parler de la sociĂ©tĂ© ? Artistes, Ă©crivains, chercheurs et reprĂ©sentations sociales, Paris, La DĂ©couverte, 320p. BELL N. 2008 Ethics in child research rights, reason and responsibilities », Children’s Geographies, 6/1, BREVIGLIERI M. 2007 Ouvrir le monde en personne. Une anthropologie des adolescences », in Breviglieri M., Cicchelli V., Adolescences mĂ©diterranĂ©ennes. L’espace public Ă  petit pas, Paris, L’Harmattan, DANIC I., DELALANDE J., RAYOU P. 2006, EnquĂȘter auprĂšs d’enfants et de jeunes. Objets, mĂ©thodes et terrains de recherche en sciences sociales, Rennes, PUR, 216p. DUBET F., MARTUCELLI D. 1996 A l’école. Sociologie de l’expĂ©rience scolaire, Paris, Seuil. 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Dans l’éventualitĂ© oĂč vouvoyer semble Ă©vident dans la compagnie, rien n’empĂȘche de proposer de se faire tutoyer sic’est ce que l’on prĂ©fĂšre. Il demeure que le respect est prĂ©sent peu Accueil Le tutoiement ou vouvoiement 3 rĂ©flexions pour choisir Le tutoiement ou vouvoiement dans sa communication digitale, un vĂ©ritable casse-tĂȘte Le langage et la maniĂšre de s’exprimer ont beaucoup d’impact en matiĂšre de relation et de marketing. Pour votre personal branding, la façon dont vous vous adressez aux autres nĂ©cessite une attention particuliĂšre, optez-vous aujourd’hui pour le tutoiement ou vouvoiement ? Vous pouvez par exemple embrasser un style diffĂ©rent lorsque vous Ă©changez avec de simples prospects, contrairement Ă  vos abonnĂ©s. Pourquoi perdre du temps sur un tel sujet dites-vous ? C’est parce que vous risquez d’ériger une barriĂšre avec votre audience si vous hĂ©sitez sur le ton Ă  adopter. Alors, tutoiement ou vouvoiement ? Le tutoiement ou vouvoiement ? Faire le choix entre l’un ou l’autre ne semble pas toujours aisĂ© lorsque certaines situations se prĂ©sentent. Oui, mais quelles situations ? Justement, telle est la question. Qui tutoyer ? À quel moment le faire ? Et il en va de mĂȘme pour le vouvoiement. Ce n’est pas comme si vous aviez affaire Ă  un pote ou Ă  l’épicier du coin que vous frĂ©quentez chaque jour non ? Dans le premier cas, nous avons tendance Ă  l’utiliser avec nos proches, des habituĂ©s ou tout simplement nos abonnĂ©s. Bien entendu, vous avez dĂ©jĂ  dĂ©veloppĂ© une certaine forme de relation avec ces gens-lĂ . Plus celle-ci est poussĂ©e, plus vous pouvez vous accorder une plus grande libertĂ© dans vos Ă©changes. Ces circonstances se rencontrent surtout sur les rĂ©seaux sociaux ou les forums. Ces cercles adoptent gĂ©nĂ©ralement un ton plus dĂ©contractĂ©. Sur internet, tous les chats sont gris. Il permet surtout de renforcer le sentiment d’appartenance Ă  une communautĂ©. D’ailleurs, avec cette maniĂšre beaucoup moins conventionnelle, c’est comme si vous vous adressez personnellement Ă  l’individu derriĂšre l’écran. Cette attention influencera certainement sa façon de voir et d’échanger avec vous. Toutefois, il se peut que le destinataire du message se sente importunĂ© et dĂ©rangĂ© par le tutoiement ou vouvoiement. Dans ce cas, vous ĂȘtes bien obligĂ© de vous rabattre sur le vouvoiement ce n’est pas comme si vous aviez d’autres choix hein. Il est souvent utilisĂ© pour s’adresser Ă  un groupe ou Ă  quelqu’un de plus Ă©loignĂ©. Il suggĂšre plus une forme de respect qui sera beaucoup plus appropriĂ©e dans certaines situations. Et pourtant, vous ne voulez surtout pas courir le risque de vous faire rembarrer. Une personne pourrait justement vous reprendre si vous adoptez la mauvaise maniĂšre. Mais comment reconnaĂźtre la bonne ? En effet, ces styles d’expression diffĂ©rents sont tous les deux trĂšs rĂ©pandus. MalgrĂ© tout, l’un comme l’autre ne vĂ©hicule pas forcĂ©ment un signe de respect ou non. C’est surtout votre façon de s’adresser et d’interagir avec votre audience qui compte. Pensez tout simplement aux persona qui reprĂ©sentent votre public cible. Vous pourrez ainsi adopter le ton qui leur convient le mieux. Pour ma part en tant que marketeur belge, je ne me dĂ©partis presque jamais du vouvoiement lorsque je m’adresse Ă  un vis-Ă -vis ou mĂȘme dans mes correspondances. Ça ne m’empĂȘche pas toutefois d’utiliser le tutoiement, mais seulement dans des cas trĂšs rares. Comme tu peux le constater, je prends ce sujet plutĂŽt dĂ©licat trĂšs au sĂ©rieux ! Je m’en sers surtout dans mes interactions d’ordre privĂ©, et surtout, avec des personnes bien dĂ©finies. Comme ça, aucune ambigĂŒitĂ© ne subsiste dans mes propos et ils produisent plus d’impact. Mais attention ! Ça ne veut pas dire que je ne rencontre pas de succĂšs auprĂšs de ceux qui prĂ©fĂšrent des Ă©changes plus libĂ©raux avec le tutoiement. C’est en fait une question d’habitude, mais aussi de personnalitĂ©. Avant de trancher sur le problĂšme, mĂ©ditez sur les points suivants. Comment souhaitez-vous interagir avec vos relations ? Comment aimeriez-vous ĂȘtre perçu ? L’image que vous comptez vĂ©hiculer pĂšse Ă©galement pour beaucoup dans la balance. Voulez-vous que les gens vous prennent pour Jacquouille ou plutĂŽt pour messire Godefroy dans les visiteurs » ? Regardez Esther qui traite bien le sujet du tutoiement ou vouvoiement Ma conclusion Je n’ai qu’un conseil Ă  vous donner sur le tutoiement ou vouvoiement. C’est votre personal branding, Ă  vous de le gĂ©rer au mieux comme il vous convient. Mais gardez tout de mĂȘme Ă  l’esprit que les prospects, vous en avez besoin mĂȘme si vous leur faites croire le contraire. Il est donc question aussi de bien les mĂ©nager. Le tutoiement ou vouvoiement ne constitue pas forcĂ©ment un manque de respect, loin de lĂ . Vous pouvez trĂšs bien insulter quelqu’un tout en adoptant un ton trĂšs poli et formel. Parlez avec ma grand-mĂšre si vous ne me croyez pas. La plupart en fait prĂ©fĂšrent l’approche plus personnelle et moins conventionnelle de s’adresser Ă  eux. C’est difficile de plaire Ă  tout le monde. Mais aprĂšs tout, c’est vous le boss. Faites simplement en sorte que tout se passe d’une maniĂšre cordiale. Ceci dit, je vous propose de lire les contenus annexes qui sont aussi trĂšs utiles concernant notre derniĂšre Ă©tude webmarketing et les social buyers. Les rĂ©actions des internautes sur tutoiement ou vouvoiement Quels sont vos conseils, vos remarques et vos suggestions concernant le tutoiement ou vouvoiement ? Vous avez un avis sur le sujet* ? * L'espace liĂ© aux commentaires est automatiquement fermĂ© aprĂšs 7 jours de publication. AprĂšs ce dĂ©lai, il vous sera toujours possible de dĂ©battre sur le sujet via mes rĂ©seaux sociaux. Les derniĂšres news Les actualitĂ©s tendances du marketing, du SEO et du management Ă  portĂ©e de main. Le dernier Live SEO de folie de l’annĂ©e avec papa NoĂ«l 2021 Organisation du dernier grand live SEO de folie de 2021 avec PĂšre NoĂ«l. Notez dans vos agendas la date du 22 dĂ©cembre 20h ! Restrospective SEO, actus, astuces et bons plans pour 2022 Ă  l’ordre du jour. Clubhouse France, ce rĂ©seau pousse Ă  l’excellence sociale Clubhouse est le rĂ©seau social 100% audio qui fait flipper la CNIL et mĂ©dias, mais qui est absolument incroyable. Ce rĂ©seau pousse Ă  l’excellence sociale. Google nous a contacté  Ça y est
 C’est arrivĂ©, Google nous a contactĂ© il y a deux semaines, mais pourquoi d’aprĂšs-vous le gĂ©ant de la recherche s’est intĂ©ressĂ© Ă  ce que mon Ă©quipe et moi faisions depuis 15 mois ? Mac OS vs Windows, est-ce que je fais le bon choix Existe-t-il une solution pour tester, ou louer un macbook pro de nouvelle gĂ©nĂ©ration par exemple pour Ă©valuer la fiabilitĂ© d’un Mac OS vs Windows. Seul pendant le confinement Je vous explique pourquoi je me suis retrouvĂ© seul pendant le confinement d’avril et mai Ă  gĂ©rer mon entreprise pendant 6 semaines. Étude webmarketing dans la cadre du Covid-19 Aujourd’hui, nous avons menĂ© une nouvelle Ă©tude webmarketing auprĂšs de consommateurs en Belgique et en France Ă  la question. AprĂšs la position 0 sur Google, voici la position -1 La position 0 sur Google n’a plus vraiment de secret pour moi et mon Ă©quipe Ă©tant donnĂ© ma passion pour le SEO depuis les annĂ©es 2000. Le tutoiement ou vouvoiement 3 rĂ©flexions pour choisir Le langage et la maniĂšre de s’exprimer ont beaucoup d’impact en matiĂšre de relation et de marketing. Des fiches Google My Business infectĂ©es par le coronavirus Le coronavirus touche tout le monde, mĂȘme vos fiches Google My Business. Un problĂšme d’une ampleur plus importante qu’il n’y paraĂźt. Explications dĂ©taillĂ©es. Le coronavirus marketing au coeur de toutes les com’ En ces temps bouleversĂ©s du Covid-19 Conoravirus, beaucoup arrĂȘtent de travailler. Moi, je reste fidĂšle au poste pour vous servir. DĂ©couvrez le programme et tirez profit du moment. Scamdoc nuit grandement aux nouveaux commerçants ScamDoc, un site bien pourri que la Police s’empresse de faire connaĂźtre Ă  la population belge. Et pourtant, ce site n’est pas si fiable que cela
 Fini les bureaux coworking chez Silversquare Bruxelles Tous les clients, les partenaires et les Ă©lĂšves que nous avons reçus dans nos bureaux sont unanimes notre espace de coworking chez Silversquare en jette un max. Et pourtant
 Focus sur l’agenda de Franck Nicolas qui a changĂ© ma vie Franck Nicolas Je vous fais mon retour sur son agenda 110 en moins de 20 min, je vous explique ce que cet outil vous apportera dans votre vie privĂ©e et professionnelle au quotidien. L’agenda 110 une rĂ©volution pour son cerveau Je vous partage ce matin un outil que j’utilise depuis plusieurs mois L’agenda 110 ». Vous connaissez ? Ne ratez plus jamais votre sous-traitance rĂ©daction web Dans la sociĂ©tĂ© actuelle, la sous-traitance est omniprĂ©sente. Toutes les entreprises y ont recours, de la plus petite Ă  la plus importante. Avec les social buyers, les commerciaux vont devoir muter Rien ne se perd, rien ne se crĂ©e, tout se transforme comme disait l’autre. Et s’il y en a qui vont se transformer dans les prochaines annĂ©es ce sont bien les commerciaux.
Relationambiguë collegue. Tout d'abord, je tenais à dire que cela fait un moment que je lis ce forum que je trouve trÚs intéressant, avec des remarques souvent pertinente. C'est pour ça que je viens ici, car je suis en détresse face à une situation compliquée. J'aimerais bcp avoir vos avis. Nouveau dans une petite entreprise, j'ai tout
Un jeudi aprĂšs-midi en unitĂ© de soins de longue durĂ©e. Le psychologue est venu prendre des nouvelles de Madame Solange S., rĂ©sidente alitĂ©e qui prĂ©sente des troubles dĂ©mentiels, mais qui a conservĂ© certaines capacitĂ©s de jugement critique. Une aide soignante passe la tĂȘte par la porte, et annonce on va bientĂŽt venir te changer, Soso». Madame S. dit alors au psychologue je n’aime pas qu’on m’appelle Soso ça n’est pas respectueux». Les abus de familiaritĂ© du personnel soignant envers les rĂ©sidents sont essentiellement rencontrĂ©s en pĂ©diatrie et en gĂ©riatrie. Si la familiaritĂ© est en gĂ©nĂ©ral adaptĂ©e dans le premier cas, elle est trĂšs souvent abusive dans le second, et s’apparente Ă  une forme de maltraitance. Elle ne doit donc pas nous laisser indiffĂ©rents. Nous allons essayer ici de dĂ©crire les formes de cette familiaritĂ©, d’en identifier les causes, d’en repĂ©rer les dangers, et de proposer des moyens pour la limiter. Mais avant cela, il paraĂźt indispensable de prĂ©ciser ceci il s’agit ici de stigmatiser un certain nombre de comportements abusifs, mais certainement pas le personnel gĂ©rontologique Ă  qui il arrive de les produire. On verra qu’en gĂ©nĂ©ral ces comportements ne sont pas imputables aux seuls individus, mais Ă©galement et principalement aux cultures dans lesquelles ils Ă©voluent, ainsi qu’à leurs conditions de travail. Que celui qui, travaillant auprĂšs des personnes ĂągĂ©es, et voulant rester chaleureux, ne s’est jamais, sans s’en rendre compte, comportĂ© trop familiĂšrement avec l’une d’entre elles, leur jette la premiĂšre pierre
 LES PRINCIPALES FORMES DE LA FAMILIARITÉ Le tutoiement est sans doute la marque de familiaritĂ© la plus rĂ©pandue. On notera qu’il y a plusieurs formes de tutoiement, selon qu’il est censĂ© exprimer la proximitĂ© affection, camaraderie, intimitĂ©, etc.; ou la distance supĂ©rioritĂ©, condescendance, mĂ©pris
 L’usage du prĂ©nom, voire mĂȘme d’un diminutif est en gĂ©nĂ©ral indissociable du tutoiement. Parfois ce sont de petits noms » qui sont employĂ©s ma jolie, ma petite puce, mon lapin, ma chĂ©rie
 », sans parler des mĂ©mĂ©, papi
 ». Le ton utilisĂ© Ă  l’égard des rĂ©sidents ĂągĂ©s est frĂ©quemment celui qu’on emploierait plutĂŽt Ă  l’égard de proches qu’à l’égard de rĂ©sidents d’une trentaine d’annĂ©es par exemple, manifestant tantĂŽt la sĂ©duction, la sĂ©cheresse, l’énervement, l’autorité  Globalement, on pourrait dire que ce ton participe d’une certaine infantilisation du rĂ©sident. L’espace de vie intime du rĂ©sident est souvent traitĂ© par le soignant comme s’il en Ă©tait usager au mĂȘme titre il ne frappe pas avant d’entrer, il manipule arbitrairement les objets personnels
 Le corps mĂȘme du vieillard est Ă  l’occasion le lieu de manifestations affectives hors de propos tapes affectueuses, caresses dans les cheveux ou sur les joues
 La vie passĂ©e du rĂ©sident peut faire l’objet d’incursions indiscrĂštes. Ainsi j’ai pu entendre une animatrice, a priori titulaire d’un DiplĂŽme Universitaire de GĂ©rontologie lancer Ă  une rĂ©sidente trĂšs digne de plus de quatre-vingt-dix ans vous avez bien dĂ» la lever, la jambe, quand vous Ă©tiez jeune !». Des propos attendris sont tenus devant le rĂ©sident concernĂ© comme s’il s’agissait d’un bambin ou d’un chiot il est trop mignon ! elle est adorable ! quel coquin !» . Les taquineries plus ou moins dĂ©placĂ©es s’apparentent rapidement Ă  des brimades, surtout quand leur initiateur veut se faire valoir auprĂšs de l’assistance prĂ©sente. Le personnel se sent moins engagĂ© dans la rĂ©alisation de ses promesses, ainsi que dans la ponctualitĂ© de ses interventions. Des choix sont faits Ă  la place du rĂ©sident, indĂ©pendamment de ce qu’il peut exprimer, comme si on savait mieux que lui ce dont il a vraiment besoin ou envie. On pourrait sans doute trouver encore bien d’autres formes de familiaritĂ©, plus ou moins dommageables pour les rĂ©sidents. Le principe qui prĂ©side Ă  la plupart de ces comportements, c’est que le personnel a tendance Ă  glisser, au contact de la population ĂągĂ©e et encore plus de la population ĂągĂ©e dĂ©mente, d’un rapport professionnel Ă  un rapport personnel trĂšs fortement teintĂ© d’affectivitĂ© positive ou nĂ©gative. LES CAUSES DE LA FAMILIARITÉ Bien des facteurs peuvent contribuer Ă  l’émergence des comportements mentionnĂ©s ci-dessus souvent actifs simultanĂ©ment, ils ont de plus tendance Ă  se renforcer mutuellement. D’abord, il peut s’agir pour le personnel de rechercher une relation affective avec le rĂ©sident, mĂȘme si les moyens utilisĂ©s s’avĂšrent maladroits, voire contre-productifs. On peut alors se demander ce qui origine cette recherche. Il est vrai que le personnel a ses propres besoins affectifs, et qu’ils sont nettement plus importants pour certains que pour d’autres. Mais dans le domaine prĂ©cis de la gĂ©rontologie, les soignants sont confrontĂ©s Ă  la grande misĂšre physique, Ă©motionnelle, affective, et mentale des rĂ©sidents, misĂšre qui ne peut manquer d’émouvoir ceux qui en sont les tĂ©moins quotidiens, et les incitera Ă  apporter des compensations affectives Ă  ceux qui en sont victimes le rĂ©sident paraĂźtra moins malheureux, et le soignant souffrira donc moins. Egalement, le spectacle de cette misĂšre renvoie le soignant Ă  ses propres vulnĂ©rabilitĂ© et finitude, ainsi qu’à celles de ses proches il aura alors besoin pour lui-mĂȘme de relations affectives avec les rĂ©sidents, mais aussi avec ses collĂšgues afin de lutter contre l’angoisse qui l’étreint. Enfin, le soignant se sent souvent coupable Ă  l’égard du rĂ©sident de ne pas le guĂ©rir, de ne pas satisfaire tous ses besoins, de l’importuner ou de le faire souffrir lors des soins
, et il cherchera alors Ă  se faire pardonner en donnant des gages d’affection. Sur un versant plus sombre, la familiaritĂ© peut ĂȘtre agressive recherche de pouvoir, besoin de rabaisser l’autre ou de l’humilier pour mieux se valoriser soi-mĂȘme, disposition perverse Ă  dĂ©truire l’autre en niant son droit au respect, dĂ©sir de vengeance inconscient Ă  l’égard de figures parentales
 Et, tout simplement, il y a trĂšs souvent au fond de cette agressivitĂ©, le dĂ©sir, ici encore inconscient, de punir celui qui fait souffrir le soignant en lui imposant le spectacle du malheur, en le confrontant Ă  ce qu’il risque de devenir lui-mĂȘme, en le mettant en Ă©chec, et en requĂ©rant des soins pĂ©nibles Ă  administrer. Sans compter l’envie, dĂ©jĂ  plus consciente, de faire payer Ă  certains leurs rĂ©voltes opposition aux soins, coups, morsures, injures, cris incessants, dispersion des excrĂ©ments
 La familiaritĂ© n’est parfois qu’un symptĂŽme du conformisme de certains soignants elle fait partie de la culture de l’équipe qui les intĂšgre, et, soit ils l’adoptent sans rĂ©flexion comme allant de soi puisqu’elle existe; soit ils s’en accommodent pour ne pas risquer d’ĂȘtre exclus du groupe. Il est vrai que certains rĂ©sidents rĂ©clament une certaine familiaritĂ© de la part des soignants, soit qu’elle corresponde effectivement Ă  leur culture personnelle, soit qu’ils aient un intense besoin de rĂ©assurance affective. Mais plusieurs erreurs sont alors facilement commises par le personnel il dĂ©passe pour ces rĂ©sidents le niveau de familiaritĂ© attendu; il le gĂ©nĂ©ralise Ă  des rĂ©sidents qui n’ont pas la mĂȘme demande; il ne rĂ©tablit pas les limites indispensables, que le rĂ©sident ne discerne pas toujours trĂšs bien, entre les relations d’ordre privĂ© et celles d’ordre professionnel. Dans le mĂȘme ordre d’idĂ©es, certains rĂ©sidents imposent aux soignants une familiaritĂ© plus ou moins agressive tutoiement, indiscrĂ©tions, insultes
, qui va dĂ©grader les barriĂšres morales que le professionnel se doit d’interposer entre le client et lui. Il peut arriver Ă©galement que la familiaritĂ© du personnel soit induite par un transfert sur les rĂ©sidents des relations avec les parents et grands-parents. MalgrĂ© les explications qui prĂ©cĂšdent, une question subsiste pourquoi le personnel gĂ©rontologique se permet-il d’aller au-delĂ  de ce que seraient ses attitudes Ă  l’égard de rĂ©sidents plus jeunes par exemple des cancĂ©reux quarantenaires en stade terminal? En effet, les causes invoquĂ©es ci-dessus ne suffisent pas pour expliquer les dĂ©bordements. Certains freins devraient empĂȘcher ces causes potentielles de donner lieu Ă  des abus rĂ©els. Or ces freins ne semblent pas exister face Ă  la personne ĂągĂ©e. A ce phĂ©nomĂšne on peut proposer au moins cinq explications. D’abord, la vieillesse est fortement dĂ©valuĂ©e dans notre culture occidentale moderne. Le grand Ăąge et la mort sont obscĂšnes, et les qualitĂ©s valorisĂ©es sont celles de la jeunesse. Le vieillard est plus ou moins clairement considĂ©rĂ© comme une sous-personne encombrante qui va payer leurs retraites, qui va s’occuper d’eux, qui va prendre en charge leurs frais de santĂ© ? qui ne mĂ©rite pas les mĂȘmes Ă©gards que les jeunes. Ensuite, dans le milieu gĂ©rontologique, une culture du retour en enfance progressif du vieillard reste implicitement dominante, malgrĂ© le dĂ©menti apportĂ© aux thĂšses scientifiques de la rĂ©trogenĂšse, et bien qu’il soit Ă©vident qu’on ne peut confondre quelqu’un qui a toute la vie devant soi, avec quelqu’un qui a eu une vie amoureuse, sexuelle, sociale, parentale, civique, professionnelle
 On va donc avoir tendance Ă  traiter le vieillard avec aussi peu de respect que l’enfant, sur un mode essentiellement affectif. Et puis, les institutions gĂ©rontologiques proposent en gĂ©nĂ©ral un accueil de longue durĂ©e, et le temps y grignote lentement, comme dans les couples, les Ă©gards, la discrĂ©tion, les pudeurs
 Insensiblement, sans qu’on s’en rende compte, on franchit les frontiĂšres de l’inacceptable. Les cohortes actuelles de vieillards souffrent Ă©galement d’un prĂ©jugĂ© tenace selon lequel leurs membres sont nĂ©cessairement conviviaux, bons vivants, et ne s’embarrassent pas de formalitĂ©s dans leurs relations en ce temps-lĂ  on savait s’amuser et on ne se compliquait pas la vie !». Pourtant, mĂȘme si cela est en partie vrai pour les catĂ©gories socio-professionnelles les moins favorisĂ©es, ces gĂ©nĂ©rations sont beaucoup plus marquĂ©es par un sens aigu du respect d’autrui, et par consĂ©quent du respect qu’ils peuvent en attendre. Enfin et surtout, le vieillard est vulnĂ©rable, voire sans dĂ©fense. Il est livrĂ© plus ou moins totalement Ă  l’équipe soignante. Non seulement il n’a pas grand monde auprĂšs de qui se plaindre, mais souvent il n’en a plus la possibilitĂ© physique, ou sa parole est disqualifiĂ©e une fois qu’on l’a souvent trop rapidement Ă©tiquetĂ© dĂ©ment ». Je pense Ă  deux exemples, qui dĂ©passent nettement le cadre de la familiaritĂ©, mais sont trĂšs rĂ©vĂ©lateurs cet ancien ASH qui comptait amuser son auditoire en racontant comment, vingt ans plus tĂŽt, il Ă©tait venu annoncer avec un collĂšgue, Ă  une vieille dame acariĂątre qu’il voulait adoucir, que l’équipe avait dĂ©battu de son cas et avait votĂ© la mort; ou ce fait divers concernant une rĂ©sidente grabataire dĂ©mente qu’on n’a pas crue quand elle disait qu’un homme venait dans son lit, et qui s’est avĂ©rĂ©e avoir contractĂ© la syphilis depuis son entrĂ©e dans l’institution
 Toutes ces donnĂ©es font leur travail inconscient dans l’esprit de certains soignants, qui par ailleurs seraient pour la plupart horrifiĂ©s si on leur faisait prendre conscience de certains de leurs abus. LES DANGERS DE LA FAMILIARITÉ Le premier danger pour le rĂ©sident, ainsi que l’évoque notre exemple initial Soso », c’est d’entamer son estime de soi. Le vieillard voit dĂ©jĂ  celle-ci assaillie rĂ©guliĂšrement dĂ©gradation de son corps dans son apparence et son fonctionnement, mise Ă  l’écart du monde professionnel, dĂ©valorisation de sa tranche d’ñge dans la culture dominante, mise sous tutelle, dĂ©pendance, rĂ©duction ou mĂȘme disparition de la libertĂ© de choix autrement dit, de l’autonomie avec en particulier une institutionnalisation gĂ©nĂ©ralement imposĂ©e
 Le rĂŽle de l’équipe soignante devrait en particulier comporter une mission de renarcissisation du rĂ©sident, c’est-Ă -dire de restauration de l’image dĂ©gradĂ©e qu’il a de lui-mĂȘme. Or, tout ce qu’il va vivre comme abus de familiaritĂ© va opĂ©rer au contraire dans le sens d’un surplus de dĂ©tĂ©rioration de cette image. Ensuite, le vieillard qui ne peut se dĂ©fendre contre les abus va se sentir d’autant plus vulnĂ©rable, et peut rĂ©agir par une anxiĂ©tĂ© plus ou moins lourde, de maniĂšre continue ou par accĂšs. Également, comme on l’a vu, certaines formes de familiaritĂ© dĂ©bouchent sur une non-reconnaissance des besoins ou envies pourtant exprimĂ©s par les rĂ©sidents, ce qui va par principe Ă  l’encontre de leur bien-ĂȘtre puisque ces besoins et envies ne seront pas satisfaits. La familiaritĂ© est aussi nuisible indirectement aux rĂ©sidents qui n’en sont pas bĂ©nĂ©ficiaires, quand ils sont indĂ»ment dĂ©laissĂ©s au profit des favoris. Un autre danger, plus sournois, guette le rĂ©sident c’est d’adhĂ©rer complĂštement aux formes de familiaritĂ© qui lui sont proposĂ©es, participant activement Ă  la relation fusionnelle recherchĂ©e par le soignant, ce qui va crĂ©er chez lui une dĂ©pendance affective d’autant plus forte qu’il n’a guĂšre d’autres objets d’attachement dans son entourage, et qu’il se sait dĂ©jĂ  dĂ©pendant matĂ©riellement du personnel. Les consĂ©quences peuvent en ĂȘtre nĂ©fastes refus des soins Ă©manant d’autres soignants, Ă©tat dĂ©pressif liĂ© aux absences ou au dĂ©part du soignant Ă©lu, etc. Mais les dangers liĂ©s aux excĂšs de familiaritĂ© concernent Ă©galement le personnel lui-mĂȘme. Ainsi, en dĂ©valorisant les rĂ©sidents par des excĂšs de familiaritĂ©, le soignant ne se rend pas compte qu’il dĂ©valorise son propre travail, et donc lui-mĂȘme. Il participe ainsi inconsciemment Ă  la dĂ©gradation de son image de soi en tant que professionnel, alors qu’il a dĂ©jĂ  Ă  souffrir du dĂ©ficit d’estime attachĂ© au milieu gĂ©rontologique. Le soignant peut Ă©galement ressentir une lourde culpabilitĂ© s’il lui arrive de prendre conscience d’ĂȘtre allĂ© trop loin. Et puis il est nĂ©cessairement confrontĂ© aux consĂ©quences de ses abus de familiaritĂ© envers le rĂ©sident, au travers des rĂ©actions de celui-ci syndrome de glissement, opposition, agressivitĂ©, mais aussi aviditĂ© affective sans fond
 Le problĂšme est qu’en gĂ©nĂ©ral il ne rĂ©alise pas que ces comportements sont pour une part induits par les siens propres. Enfin, le soignant risque lui aussi de trop s’investir dans la relation au rĂ©sident, et donc de supporter d’autant moins bien de le voir souffrir et finalement mourir. Pour finir, on ne manquera pas d’évoquer la souffrance que peut provoquer chez les familles la familiaritĂ© des soignants envers leur proche. En effet, elles vont d’abord se sentir dĂ©possĂ©dĂ©es de l’intimitĂ© qu’elles avaient entretenue avec leur parent. Ensuite, elles ne manqueront pas d’ĂȘtre blessĂ©es, voire humiliĂ©es Ă  la place de leur proche en cas d’abus constatĂ©, avec parfois en plus la culpabilitĂ© de ne rien faire pour y mettre fin Si je rĂ©agis, ne se vengeront-ils pas sur lui en mon absence ? Et s’ils me disent de le reprendre, que vais-je en faire ?
 ». LES PRINCIPES À NE PAS OUBLIER La premiĂšre chose Ă  faire face aux abus, c’est de ne pas commettre l’erreur de les amalgamer Ă  des formes acceptables, voire souhaitables de familiaritĂ©. En effet, beaucoup de rĂ©sidents ont des besoins affectifs Ă  l’égard du personnel, que ce soit simplement par tempĂ©rament, par solitude, ou pour ĂȘtre rassurĂ©s quant aux intentions de ceux dont ils dĂ©pendent. Sans compter qu’une rarĂ©faction des manifestations de familiaritĂ© habituelles peut ĂȘtre ressentie par le rĂ©sident comme un rejet songeons en particulier aux rĂ©sidents oligophrĂšnes ou psychiatriques qui vivent en institution depuis plusieurs dizaines d’annĂ©es. Le soignant a lui aussi besoin en gĂ©nĂ©ral d’introduire un minimum d’affectivitĂ©, et donc de proximitĂ©, dans sa relation avec le rĂ©sident, afin de ne pas se vivre comme un simple instrument institutionnel, et de donner un sens humain Ă  sa pratique. Quant aux familles, elles apprĂ©cient d’observer que leur proche attire la sympathie du personnel. Donc, il y a de la bonne familiaritĂ©, indispensable Ă  l’épanouissement des diffĂ©rents intervenants. Il va alors s’agir de fixer les limites entre la bonne et la mauvaise familiaritĂ©. Il faut d’abord comprendre que ces limites vont dĂ©pendre du rĂ©sident concernĂ© chaque individu est singulier, et doit donc ĂȘtre considĂ©rĂ© comme tel. Ainsi, celui-ci refusera toute forme de familiaritĂ©, celui-lĂ  voudra ĂȘtre tutoyĂ© mais sera vigilant quant Ă  tout Ă©ventuel manque de respect, tel autre encore cherchera Ă  se faire totalement materner, avec un brin de masochisme. Par ailleurs, le rĂ©sident est singulier, mais encore en Ă©volution, et cela devra Ă©galement ĂȘtre intĂ©grĂ© par exemple, il cherchera Ă  augmenter la familiaritĂ© du personnel en phase de dĂ©compensation, mais voudra revenir Ă  l’état antĂ©rieur aprĂšs sa guĂ©rison. Il faudra donc en permanence Ă©valuer les besoins du rĂ©sident. Mais ces besoins ne sauraient ĂȘtre automatiquement satisfaits. Il revient aux soignants de ne jamais dĂ©passer les limites qu’imposent, non seulement et avant tout le simple respect, mais encore les rĂšgles dĂ©ontologiques en vigueur dans les professions et l’institution concernĂ©es. Parmi ces derniĂšres, il est bon de souligner plus particuliĂšrement que toute forme de favoritisme est proscrite, dĂ©s lors qu’elle dĂ©savantage objectivement certains rĂ©sidents par rapport Ă  d’autres. Également, le soignant doit veiller Ă  ne pas gĂ©nĂ©rer chez le soignĂ© une trop grande dĂ©pendance affective. LES DISPOSITIFS D’AIDE AUX SOIGNANTS On conviendra, au vu de ce qui prĂ©cĂšde, que la tĂąche va ĂȘtre ardue pour le personnel, d’identifier jusqu’oĂč il doit et peut aller dans le domaine de la familiaritĂ©. Il est donc indispensable de l’y aider. Pour ce faire, il y a bien sĂ»r d’abord la formation, initiale et continue, qui mettra en garde le soignant contre les diffĂ©rentes formes d’abus, l’aidera Ă  comprendre les mĂ©canismes psychiques qui y concourent, le sensibilisera aux risques associĂ©s, et lui fera assimiler les principes Ă  mettre en Ɠuvre pour les Ă©viter. Une telle formation doit nĂ©cessairement comporter un volet de rĂ©flexion quant Ă  sa propre pratique. La hiĂ©rarchie du soignant doit rester disponible pour aborder ce thĂšme avec ceux qui en font la demande ou sont suspectĂ©s d’abus. Il est souhaitable que la dĂ©marche se veuille pĂ©dagogique, la sanction restant le dernier recours. Le soignant peut Ă©galement rencontrer le psychologue de l’institution en entretien individuel, s’il prend conscience spontanĂ©ment ou non de dĂ©raper dans sa pratique. Le psychologue l’aidera Ă  comprendre ce qui lui arrive et Ă  trouver des solutions, en dehors de tout jugement. Les groupes de parole rĂ©gulĂ©s par un psychologue peuvent Ă©galement permettre d’aborder ce problĂšme de façon collĂ©giale, sans qu’intervienne la moindre dimension hiĂ©rarchique. Les participants bĂ©nĂ©ficient de l’expĂ©rience de leurs confrĂšres, et les solutions conçues ensemble sont beaucoup mieux assimilables que celles imposĂ©es, ou mĂȘme simplement proposĂ©es par la hiĂ©rarchie. En pratique, si un abus est identifiĂ©, on peut envisager le processus suivant un groupe de parole est organisĂ© sur un thĂšme permettant d’évoquer le type d’abus rencontrĂ©, sans que le soignant concernĂ©, bien entendu prĂ©sent, soit dĂ©signĂ©, donc stigmatisĂ© cette Ă©tape peut ĂȘtre sautĂ©e s’il y a urgence; en cas de persistance du problĂšme, le soignant est convoquĂ© Ă  un entretien par sa hiĂ©rarchie, qui lui explique en quoi il fait erreur, et lui propose de rencontrer le psychologue en entretien individuel. Si le soignant est volontaire, il a un ou plusieurs entretiens avec le psychologue, qui l’aide Ă  traverser cette passe difficile; si rien n’a suffisamment changĂ©, la hiĂ©rarchie peut en dernier recours envisager la sanction. Il serait cependant souhaitable qu’elle se concerte avec le psychologue, qui peut identifier d’autres solutions ou aider Ă  limiter les effets nĂ©gatifs de la sanction. On voit qu’une vĂ©ritable rĂ©volution culturelle reste Ă  mettre en place dans les Ă©tablissements gĂ©rontologiques pour Ă©viter les abus de familiaritĂ© envers les rĂ©sidents. Elle passera nĂ©cessairement, non pas par la stigmatisation des soignants, mais par leur formation et leur accompagnement.
Ladistance doit ĂȘtre considĂ©rĂ©e dans un sens positif, en tant qu’outil pour la pĂ©rennitĂ© et la stabilitĂ© de la relation, en ce sens qu’elle sĂ©pare, tout en gardant une approche suffisante pour que le rĂ©sident ne se sente pas Ă©cartĂ©. La distance reprĂ©sente pour le soignant une certaine lutte constante entre le fait de cĂ©der totalement Ă  la demande d’affection

abricotedapiExpert spĂ©cialisĂ© rĂ©publicain a Ă©crit abricotedapi a Ă©crit Clarianz a Ă©critEn ce qui me concerne je n'oppose pas les deux, je dis juste que la relation professeur-Ă©lĂšve est un prĂ©alable, elle se fait dans le cadre particulier de l'Ă©cole oĂč le savoir et la transmissions de celui-ci doivent passer en premier. Sinon comment apprendre Ă  nos enfants que mĂȘme s'ils n'apprĂ©cient pas un professeur ils devront travailler tout de mĂȘme? Pourquoi ne pourrait-on pas apprendre Ă  un Ă©lĂšve qui tutoie qu'il doit travailler, qu'il en ait envie ou non ? Qui a Ă©crit cela sur ce fil? J'essaie de comprendre le lien entre la remarque de Clarianz et le sujet du spĂ©cialisĂ© abricotedapi a Ă©critEt bien moi je ne parle pas de tout cela, je ne parle que du n'ai pas d' tant qu'enseignante avec des Ă©lĂšves de 6e, je dis que je ne suis pas gĂȘnĂ©e par cette habitude de primaire qu'ils finissent par perdre immĂ©diatement pour la plupart. Justement, ils sont de plus en plus nombreux Ă  nous tutoyer en dĂ©but de 6e cela n'arrivait jamais lorsque j'ai commencĂ©, il y a 20 ans et ils ont de plus en plus de mal Ă  perdre cette habitude. C'est la premiĂšre annĂ©e oĂč je dois encore les reprendre alors qu'on est dĂ©jĂ  le 7 octobre. Auparavant, les reprendre dĂ©but septembre une fois suffisait, ils comprenaient immĂ©diatement. Et je sais que ce n'est absolument pas un problĂšme de respect ou non, c'est un problĂšme de "bonnes maniĂšres" et de savoir "oĂč est sa place".Et cela me gĂšne d'ĂȘtre dans l'"affectif". Je ne suis pas dans l'affectif avec mes chefs, mĂȘme si j'apprĂ©cie beaucoup la pas fauxEsprit Ă©clairĂ© Zappons a Ă©critJe constate donc que c'est beaucoup plus rĂ©pandu que je je pensais, et que les avis sont trĂšs moi, il y a un lien entre cette "nouveautĂ©" et l'absence gĂ©nĂ©rale de respect envers l'enseignant et ce qu'il reprĂ©sente, une fois arrivĂ© dans le secondaire. Et donc les problĂšmes qui en dĂ©coulent auxquels on assiste avec effroi dans les autres topics ici mĂȘme en ce suis d'accord avec la personne ci-dessus qui disait que le vivre-ensemble fait aussi de ce que l'on doit apprendre Ă  l'Ă©cole quant au fait que ce sont de pauvres petits bouts de chou tout jeunes, en CP je veux bien, mais en CM2 ils ont quand mĂȘme 10 ans
Et l'argument de mon amie qui est l'argument de son Ă©cole "de toute façon, ce public [banlieue difficile] n'est pas capable de vouvoyer", m'interpelle aussi. Si on part du principe, dĂšs le dĂ©part, qu'ils ne sont capables de rien, mĂȘme pas d'apprendre Ă  vouvoyer, forcĂ©ment
 Autant aussi ne plus essayer de leur apprendre Ă  prĂ©cise qu'elle dit avoir des problĂšmes de discipline avec ses CM2, qui lui parlent mal. En mĂȘme temps, s'ils avaient appris le respect dans les plus petites classes, j'ai envie de dire
 En CM2 c'est presque dĂ©jĂ  trop tard. Et ce n'est pas Ă  leur entrĂ©e en collĂšge dans moins d'1 an que ça va changer, au contraire, avec la crise d'adolescence. Je plains les pensais qu'Ă  l'Ă©cole maternelle puis primaire, on apprenait progressivement les fondamentaux. Lire, Ă©crire, compter, vivre l'impression d'ĂȘtre un vieux rĂ©ac, Ă  mon jeune Ăąge, j'ai l'impression de ne plus comprendre le systĂšme Ă©ducatif dans lequel je vis. C'est ma problĂ©matique quotidienne. Dans mon Ă©cole de zep +++, je suis entourĂ© de gens sympas, gĂ©nĂ©reux, mais qui sont dans ce mĂ©pris social-lĂ . Je n'essaie mĂȘme pas de lutter. Je me contente de tĂącher de cultiver une ambition discrĂšte pour mes Ă©lĂšves, et ils en feront ce qu'ils pour commencer, c'est voussoiement obligatoire et incontournable avec explications Ă  la clĂ©, mĂȘme si ce n'est pas gagnĂ© au spĂ©cialisĂ©Il est beaucoup plus facile de tomber dans l'affectif au primaireNous avons ces enfants pendant 24 heures par semaine devant nous, cela pendant 36 semaines. Il est donc naturel que s'Ă©tablisse une relation amicale avec la plupart, ce qui fait d'ailleurs l'une des spĂ©cificitĂ©s agrĂ©ables de notre autant, l'Ă©volution naturelle pour grandir semble ĂȘtre un passage par des "rites initiatiques", et l'on peut considĂ©rer que le vouvoiement en fait partie, comme Clarianz, semble-t-il, et comme je le conçois exprimer des gĂ©nĂ©ralitĂ©s quant Ă  l'attitude gĂ©nĂ©rale d'un Ă©lĂšve selon sa façon de s'exprimer envers un adulte est effectivement Astrolaboussole a Ă©crit rĂ©publicain a Ă©critDans mon Ă©cole, nous leur demandons de passer au vouvoiement dĂšs le fois l'habitude prise, cela va tout ne me paraĂźt pas normal que des Ă©lĂšves du CM tutoient encore leur fait partie de l'apprentissage du fameux "vivre ensemble". Oui, ça vient tout seul au CE2. C'est assez marrant Ă  observer d'ailleurs. Parfois mĂȘme 9Je veux bien entendre qu'il existe une politesse Ă  la française, mais je ne la crois pas vraiment liĂ©e Ă  la langue, car il y a des contrĂ©es d'expression française oĂč le tutoiement est courant sans que ce soit une impolitesse - que ce soit entre adultes inconnus ou d'un enfant Ă  un Tout agent, quelle que soit sa fonction, doit obĂ©issance passive et immĂ©diate aux signaux le concernant. »NormandyxNeoprof expĂ©rimentĂ© C'est pas faux a Ă©critC'est ma problĂ©matique quotidienne. Dans mon Ă©cole de zep +++, je suis entourĂ© de gens sympas, gĂ©nĂ©reux, mais qui sont dans ce mĂ©pris social-lĂ . Je n'essaie mĂȘme pas de lutter. Je me contente de tĂącher de cultiver une ambition discrĂšte pour mes Ă©lĂšves, et ils en feront ce qu'ils pour commencer, c'est voussoiement obligatoire et incontournable avec explications Ă  la clĂ©, mĂȘme si ce n'est pas gagnĂ© au dĂ©part. En tant que "vieux", Ă©tant aussi passĂ© par la ZEP, je ne peux que vous encourager Ă  continuer, car si les enfants des quartiers plus standards finiront par recevoir cette habitude plus tardivement, les parents ne les laissant certainement pas continuer Ă  tutoyer n'importe qui au delĂ  d'un certain Ăąge, il est Ă  craindre que les enfants de ZEP ne recevront pas de leurs familles ce bagage culturel et que cela ne serait pour eux qu'un marqueur de plus... J'ai vu reprendre des Ă©lĂšves de CM qui tutoyaient les policiers venus faire les sĂ©ances de prĂ©vention routiĂšre... Quand j'Ă©tais gamin, j'avais des copains immigrĂ©s Portugais Ă  l'Ă©cole, ils Ă©taient arrivĂ©s en France Ă  5, 6 ans, comme leurs parents avaient du mal avec le français, la mĂšre avait dĂ©cidĂ© qu'il n'y aurait pas de tu du tout, ce qui fait que quand ils se parlaient en français, ils disaient vous, y compris Ă  leurs parents... superheterodyneNiveau 9 Normandyx a Ă©critQuand j'Ă©tais gamin, j'avais des copains immigrĂ©s Portugais Ă  l'Ă©cole, ils Ă©taient arrivĂ©s en France Ă  5, 6 ans, comme leurs parents avaient du mal avec le français, la mĂšre avait dĂ©cidĂ© qu'il n'y aurait pas de tu du tout, ce qui fait que quand ils se parlaient en français, ils disaient vous, y compris Ă  leurs parents... Peut-ĂȘtre aussi un calque de vocĂȘ..._________________ Tout agent, quelle que soit sa fonction, doit obĂ©issance passive et immĂ©diate aux signaux le concernant. »InvitĂ©InvitĂ© abricotedapi a Ă©critJ'ai toujours pensĂ© que le tutoiement Ă©tait trĂšs rĂ©pandu en primaire et cela ne me choque pas. Le tutoiement n'implique pas l'irrespect je tutoie mes Ă©lĂšves, je les respecte pourtant...Les Ă©lĂšves de primaire sont petits et passent beaucoup de temps avec leur maĂźtre ou maĂźtresse, ils sont proches de cet adulte important pour eux. Dans certaines Ă©coles les enfants ont la mĂȘme maĂźtresse tout au long du primaire c'est le cas d'une petite Ă©cole de village prĂšs de mon Ă©tablissement. Je n'ai aucun problĂšme avec ça. J'ai des 6e, ils sont nombreux Ă  dire encore "maĂźtresse, tu" au dĂ©but de l'annĂ©e, ce n'est pas de l'irrespect, c'est une habitude. Certains intĂšgrent tout de suite le vouvoiement, d'autres prennent plus de temps. Je les reprends gentiment, c'est tout. Tout pareil ! User21714Expert spĂ©cialisĂ© abricotedapi a Ă©critJ'ai toujours pensĂ© que le tutoiement Ă©tait trĂšs rĂ©pandu en primaire et cela ne me choque pas. Le tutoiement n'implique pas l'irrespect je tutoie mes Ă©lĂšves, je les respecte pourtant...Les Ă©lĂšves de primaire sont petits et passent beaucoup de temps avec leur maĂźtre ou maĂźtresse, ils sont proches de cet adulte important pour eux. Dans certaines Ă©coles les enfants ont la mĂȘme maĂźtresse tout au long du primaire c'est le cas d'une petite Ă©cole de village prĂšs de mon Ă©tablissement. Je n'ai aucun problĂšme avec ça. J'ai des 6e, ils sont nombreux Ă  dire encore "maĂźtresse, tu" au dĂ©but de l'annĂ©e, ce n'est pas de l'irrespect, c'est une habitude. Certains intĂšgrent tout de suite le vouvoiement, d'autres prennent plus de temps. Je les reprends gentiment, c'est tout. C'est lĂ  l'essentiel!neomathNeoprof expĂ©rimentĂ©Les mƓurs Ă©voluent, cela se traduit dans le langage et parfois c'est trĂšs bien loin que remontent mes souvenirs je vouvoyais et donnais du Madame Ă  mes institutrices. Il en Ă©tait ainsi Ă  l'Ă©poque. Mais je sois dire aussi que leur Ă©vocation ne m'Ă©voque aucun bon souvenir. Nous Ă©tions toujours rudoyĂ©s, parfois battus par des femmes pour lesquelles nous n'avions pas de respect mais de la heureusement, Ă  en juger par les PE que j'ai frĂ©quentĂ© professionnellement ou en tant que parent, ces temps sont complain never explainsurfeuseNiveau 8 volubylis Je n'ai pas voulu insinuer qu'il ne devait pas y avoir d'affection dans la relation entre l'Ă©lĂšve et l'enseignant. J'ai seulement tenu Ă  dire, plus haut, que cette relation ne doit pas ĂȘtre QUE cela. Pour que l'Ă©lĂšve fasse les efforts que l'on attend de lui, la relation entre enseignĂ© et enseignant ne peut pas, ne doit pas ĂȘtre Ă©galitaire. Qu'on le veuille ou non, elle est hiĂ©rarchique. De mĂȘme, je tutoie mes collĂšgues mais tous, nous vouvoyons le proviseur et ses adjoints. Le "vous" sert Ă  cela la distance. Et il est nĂ©cessaire que l'enfant le comprenne assez tĂŽt. Or le tutoiement, qui relĂšve du domaine de l'intimitĂ© entre proches amis, membres d'une mĂȘme famille, nounou, bref, le cercle privĂ© me semble peu compatible avec la reconnaissance indispensable de l'autoritĂ© du maĂźtre et de la maĂźtresse. Le "tu" permet la familiaritĂ© voire l'insolence alors que le "vous" maintient une distance - qui n'est pas obligatoirement synonyme de froideur ou d'indiffĂ©rence. Cette distance me semble bonne, nĂ©cessaire. Pour parler en termes psychanalytiques, le "tu" est dans le Ça, le "vous" du cĂŽtĂ© du Surmoi. Le "tu" entretient la rĂ©gression ou plutĂŽt, la stagnation dans l'Ă©tat de petit enfant, dans le "Ça", alors que le rĂŽle de l'Ă©cole, justement, est d'aider l'enfant Ă  faire l'effort de grandir cf l'origine du mot "Ă©lĂšve", d'intĂ©grer les rĂšgles morales et sociales et de construire ainsi son "Moi". Cela ne se fait pas sans efforts ni renoncements inĂ©vitables pour grandir et devenir un sujet responsable et sociable. Tenez, ce dĂ©bat me fait penser Ă  une autre discussion, du mĂȘme ordre, sur l'emploi de plus en plus frĂ©quent des termes "papa" et "maman" ailleurs que dans la sphĂšre familiale au lieu des mots adĂ©quats que sont les mots "pĂšre" et mĂšre" cf le topic ._________________"L'Ă©cole est faite pour libĂ©rer les enfants de l'amour de leurs parents. C'est une machine de guerre contre la famille "" Je ne promettrai donc pas le plaisir, mais je donnerai comme fin la difficultĂ© vaincue." Alain.babetteNeoprof expĂ©rimentĂ©Quelques Ă©lĂšves de 6Ăšmes laissent encore Ă©chapper un "tu" ou mĂȘme un "maitresse, tu...". Souvent, les autres Ă©lĂšves chuchotent "han... il ne faut pas tutoyer!". J'avoue que cela ne me choque pas qu'un Ă©lĂšve de primaire tutoie son enseignant. Ils prennent vite l'habitude au collĂšge de vouvoyer. Et pour ma part, je pense qu'on peut trĂšs bien ĂȘtre insolent en vouvoyant et trĂšs respectueux en tutoyant, pour moi cela n'a rien Ă  voir. _________________ Si ton rĂšve se rĂ©alise, c'est qu'il n'Ă©tait pas assez beau." Proverbe 7 doublecasquette a Ă©critLe problĂšme, c'est la difficultĂ© de cette collĂšgue Ă  obtenir que ses Ă©lĂšves la respectent. Pas le tutoiement. Elle est loin d'ĂȘtre la seule Ă  avoir ce genre de problĂšmes dans cette Ă©cole, c'est gĂ©nĂ©ral. Une Ă©cole primaire dans une banlieue trĂšs difficile.[/quote]surfeuseNiveau 8Eh ! ne pas schĂ©matiser ma pensĂ©e, SVP. Je n'ai pas dit que le "vous" empĂȘchait radicalement l'insolence ce qui serait une stupiditĂ© mais que le "tu" implique une proximitĂ© qui permet plus aisĂ©ment la familiaritĂ© -voire l'irrespect. _________________"L'Ă©cole est faite pour libĂ©rer les enfants de l'amour de leurs parents. C'est une machine de guerre contre la famille "" Je ne promettrai donc pas le plaisir, mais je donnerai comme fin la difficultĂ© vaincue." Alain.ClarianzEmpereurJe trouve dingue de confondre le relĂąchement de vocabulaire et le respect. Je dis que l'abandon progressif du vouvoiement est un symbole de la perte de certaines marques de politesse, que les parents ne les transmettent plus. Alors oui, dans les annĂ©es 70 c'Ă©tait une pratique un peu hippie et, oui dans certaines rĂ©gions c'est pittoresque, et non ce n'est pas l'usage! Sinon, je vous donne du "ma naine" comme marque de respect et de gentillesse! Comme elles disent chez moi... C'est respectueux, mais je trouve ça plouc! -finalement, nous pouvons conclure, j'ai trouvĂ©, je suis snob! Je trouve que dire maĂźtresse au lieu de madame, et tutoyer tout le monde est terriblement plouc! C'est un marqueur social, comme mettre les coudes sur la table, quoi!_________________Mama's RockdandelionDoyen kero a Ă©crit Zappons a Ă©critPour moi, il y a un lien entre cette "nouveautĂ©" et l'absence gĂ©nĂ©rale de respect envers l'enseignant et ce qu'il reprĂ©sente, une fois arrivĂ© dans le secondaire. Et donc les problĂšmes qui en dĂ©coulent auxquels on assiste avec effroi dans les autres topics ici mĂȘme en ce moment. Alors lĂ , je ne suis vraiment pas d' vais revenir sur mon exemple suisse, mais en plein milieu des annĂ©es 80/dĂ©but des annĂ©es 90, la rĂšgle lĂ  oĂč j'Ă©tais Ă©tait prĂ©cisĂ©ment de tutoyer au primaire, vouvoyer au secondaire et il n'y avait aucun problĂšme de passage, comme quelqu'un d'autre l'a dĂ©jĂ  dit plus haut, mes petits 6e en pleine ZEP ne m'ont jamais tutoyĂ©, ils comprennent de suite. Et s'il peut leur arriver de se planter, pour ensuite devenir blĂȘme, ça ne me semble vraiment pas ĂȘtre un drame. Je confirme. En Suisse on dit 'Salut' Ă  la maĂźtresse, pour dire bonjour et au revoir, et si vous faites un tour sur le site d'IkĂ©a suisse, vous constaterez qu'il vous tutoie. Il me semble qu'il y a des habitudes rĂ©gionales assez marquĂ©es. J'ai aussi eu de nombreux Ă©lĂšves Ă©trangers, pour qui le vouvoiement n'Ă©tait pas du tout facile, car il n'existait pas dans leur langue, certains s'en offusquaient, cela ne m'a jamais gĂȘnĂ©e outre mesure, je leur expliquais simplement quelle Ă©tait la rĂšgle en France. Je trouve cependant qu'il est intĂ©ressant de vouvoyer ne serait-ce que pour que la conjugaison soit maĂźtrisĂ©e, notamment dans des quartiers oĂč le Français n'est pas la langue maternelle d'une majoritĂ© d' 7 surfeuse a Ă©crit volubylis Je n'ai pas voulu insinuer qu'il ne devait pas y avoir d'affection dans la relation entre l'Ă©lĂšve et l'enseignant. J'ai seulement tenu Ă  dire, plus haut, que cette relation ne doit pas ĂȘtre QUE cela. Pour que l'Ă©lĂšve fasse les efforts que l'on attend de lui, la relation entre enseignĂ© et enseignant ne peut pas, ne doit pas ĂȘtre Ă©galitaire. Qu'on le veuille ou non, elle est hiĂ©rarchique. De mĂȘme, je tutoie mes collĂšgues mais tous, nous vouvoyons le proviseur et ses adjoints. Le "vous" sert Ă  cela la distance. Et il est nĂ©cessaire que l'enfant le comprenne assez tĂŽt. Or le tutoiement, qui relĂšve du domaine de l'intimitĂ© entre proches amis, membres d'une mĂȘme famille, nounou, bref, le cercle privĂ© me semble peu compatible avec la reconnaissance indispensable de l'autoritĂ© du maĂźtre et de la maĂźtresse. Le "tu" permet la familiaritĂ© voire l'insolence alors que le "vous" maintient une distance - qui n'est pas obligatoirement synonyme de froideur ou d'indiffĂ©rence. Cette distance me semble bonne, nĂ©cessaire. Pour parler en termes psychanalytiques, le "tu" est dans le Ça, le "vous" du cĂŽtĂ© du Surmoi. Le "tu" entretient la rĂ©gression ou plutĂŽt, la stagnation dans l'Ă©tat de petit enfant, dans le "Ça", alors que le rĂŽle de l'Ă©cole, justement, est d'aider l'enfant Ă  faire l'effort de grandir cf l'origine du mot "Ă©lĂšve", d'intĂ©grer les rĂšgles morales et sociales et de construire ainsi son "Moi". Cela ne se fait pas sans efforts ni renoncements inĂ©vitables pour grandir et devenir un sujet responsable et sociable. Tenez, ce dĂ©bat me fait penser Ă  une autre discussion, du mĂȘme ordre, sur l'emploi de plus en plus frĂ©quent des termes "papa" et "maman" ailleurs que dans la sphĂšre familiale au lieu des mots adĂ©quats que sont les mots "pĂšre" et mĂšre" cf le topic . Absolument complĂštement totalement d'accord avec ton Zappons a Ă©crit surfeuse a Ă©crit volubylis Je n'ai pas voulu insinuer qu'il ne devait pas y avoir d'affection dans la relation entre l'Ă©lĂšve et l'enseignant. J'ai seulement tenu Ă  dire, plus haut, que cette relation ne doit pas ĂȘtre QUE cela. Pour que l'Ă©lĂšve fasse les efforts que l'on attend de lui, la relation entre enseignĂ© et enseignant ne peut pas, ne doit pas ĂȘtre Ă©galitaire. Qu'on le veuille ou non, elle est hiĂ©rarchique. De mĂȘme, je tutoie mes collĂšgues mais tous, nous vouvoyons le proviseur et ses adjoints. Le "vous" sert Ă  cela la distance. Et il est nĂ©cessaire que l'enfant le comprenne assez tĂŽt. Or le tutoiement, qui relĂšve du domaine de l'intimitĂ© entre proches amis, membres d'une mĂȘme famille, nounou, bref, le cercle privĂ© me semble peu compatible avec la reconnaissance indispensable de l'autoritĂ© du maĂźtre et de la maĂźtresse. Le "tu" permet la familiaritĂ© voire l'insolence alors que le "vous" maintient une distance - qui n'est pas obligatoirement synonyme de froideur ou d'indiffĂ©rence. Cette distance me semble bonne, nĂ©cessaire. Pour parler en termes psychanalytiques, le "tu" est dans le Ça, le "vous" du cĂŽtĂ© du Surmoi. Le "tu" entretient la rĂ©gression ou plutĂŽt, la stagnation dans l'Ă©tat de petit enfant, dans le "Ça", alors que le rĂŽle de l'Ă©cole, justement, est d'aider l'enfant Ă  faire l'effort de grandir cf l'origine du mot "Ă©lĂšve", d'intĂ©grer les rĂšgles morales et sociales et de construire ainsi son "Moi". Cela ne se fait pas sans efforts ni renoncements inĂ©vitables pour grandir et devenir un sujet responsable et sociable. Tenez, ce dĂ©bat me fait penser Ă  une autre discussion, du mĂȘme ordre, sur l'emploi de plus en plus frĂ©quent des termes "papa" et "maman" ailleurs que dans la sphĂšre familiale au lieu des mots adĂ©quats que sont les mots "pĂšre" et mĂšre" cf le topic . Absolument complĂštement totalement d'accord avec ton message. Tous les Suisses Romands sont des enfants, et avec eux bon nombre de Provençaux, sans compter tous les Anglophones? Faudrait peut-ĂȘtre raison garder, non ?doublecasquetteEnchanteur Zappons a Ă©crit doublecasquette a Ă©critLe problĂšme, c'est la difficultĂ© de cette collĂšgue Ă  obtenir que ses Ă©lĂšves la respectent. Pas le tutoiement. Elle est loin d'ĂȘtre la seule Ă  avoir ce genre de problĂšmes dans cette Ă©cole, c'est gĂ©nĂ©ral. Une Ă©cole primaire dans une banlieue trĂšs difficile. Je me doute. Mais je ne pense pas que ce soit liĂ© au tutoiement. Je pencherais plutĂŽt pour cette espĂšce de mĂ©pris condescendant qui fait qu'on ne prĂ©sente jamais le PE comme quelqu'un qui sait et qui peut donner ce qu'il sait. Notre hiĂ©rarchie n'a pas encore compris la bĂȘtise qu'elle a faite le jour oĂč elle nous a expliquĂ© qu'il fallait recevoir les familles jusque dans les classes, puis que c'Ă©tait aux enfants de nous apprendre ce dont ils avaient besoin, puis que nous devions les conforter dans leur dĂ©lire de toute-puissance estime de soi et tolĂ©rer une façon de s'exprimer censĂ©ment conditionnĂ©e par une origine sociale quand ce n'est pas ethnique... . Au lieu de rĂ©tablir cette distance par l'estime que les familles devraient ressentir pour ceux qui Ă©duquent et instruisent leurs enfants, on cherche par Ă -coups Ă  rĂ©tablir des signes extĂ©rieurs ponctuels, sans le corps indispensable qui Ă©tait derriĂšre et qui seul Ă©tait important. Un coup, c'est la blouse, un autre le vouvoiement... Mais le jour oĂč l'on dira que l'Ă©cole est lĂ  pour avoir de l'ambition pour tous les enfants qui la frĂ©quentent et que ses professeurs sont des gens Ă©minemment respectables, ça, ce n'est pas demain la veille. VudiciFidĂšle du forum" />_________________Front de LibĂ©ration des Lichens Injustement MassacrĂ©ssuperheterodyneNiveau 9 surfeuse a Ă©critPour parler en termes psychanalytiques, le "tu" est dans le Ça, le "vous" du cĂŽtĂ© du Surmoi. Le "tu" entretient la rĂ©gression ou plutĂŽt, la stagnation dans l'Ă©tat de petit enfant, dans le "Ça", alors que le rĂŽle de l'Ă©cole, justement, est d'aider l'enfant Ă  faire l'effort de grandir cf l'origine du mot "Ă©lĂšve", d'intĂ©grer les rĂšgles morales et sociales et de construire ainsi son "Moi". Cela ne se fait pas sans efforts ni renoncements inĂ©vitables pour grandir et devenir un sujet responsable et sociable. Je me demande comment cette explication psychanalytique se porte au-delĂ  des frontiĂšres françaises. Quid des langues dans lesquelles l'une des deux formes de la deuxiĂšme personne est devenue complĂštement archaĂŻque l'anglais Ă©tant l'exemple le plus connu comme l'a soulignĂ© dandelion on n'y tutoie plus que Dieu voire des langues qui n'ont aucune distinction T-V ???_________________ Tout agent, quelle que soit sa fonction, doit obĂ©issance passive et immĂ©diate aux signaux le concernant. »surfeuseNiveau 8DĂ©cidĂ©ment, certains, ici, ont l'art de traduire mes propos pour me faire dire ce que je n'ai pas dit ! c'est fatigant ! Je sais qu'il existe des pays francophones et peut-ĂȘtre des rĂ©gions de France oĂč le vouvoiement n'est pas Ă©vident, je sais que les Anglophones ont du mal avec cette diffĂ©rence entre le "tu" et le "vous" ! Je ne parlais pas de ces cas de figures particuliers et je pense que l'on s'Ă©gare, que l'on noie le poisson en Ă©vitant le fond de la question, que j'ai tentĂ© de rappeler quel que soit l'Ăąge tutoyer son enseignant n'est ni neutre, ni innocent. Pour ma part, je pense que cela participe du laxisme et de la dĂ©magogie dont beaucoup de profs ont tant Ă  se plaindre Zappons ! _________________"L'Ă©cole est faite pour libĂ©rer les enfants de l'amour de leurs parents. C'est une machine de guerre contre la famille "" Je ne promettrai donc pas le plaisir, mais je donnerai comme fin la difficultĂ© vaincue." Alain.surfeuseNiveau 8PS pour superheterodyne nous avons rĂ©pondu en mĂȘme temps encore une fois, je ne parle que de ce implique le tutoiement des Ă©coles françaises n'Ă©tait-ce pas la question initiale ?._________________"L'Ă©cole est faite pour libĂ©rer les enfants de l'amour de leurs parents. C'est une machine de guerre contre la famille "" Je ne promettrai donc pas le plaisir, mais je donnerai comme fin la difficultĂ© vaincue." Alain.surfeuseNiveau 8Oups, post envoyĂ© trop vite. Lire "de ce qu'implique le tutoiement"..._________________"L'Ă©cole est faite pour libĂ©rer les enfants de l'amour de leurs parents. C'est une machine de guerre contre la famille "" Je ne promettrai donc pas le plaisir, mais je donnerai comme fin la difficultĂ© vaincue." Alain.surfeuseNiveau 8... en France, dans les Ă©coles est faite pour libĂ©rer les enfants de l'amour de leurs parents. C'est une machine de guerre contre la famille "" Je ne promettrai donc pas le plaisir, mais je donnerai comme fin la difficultĂ© vaincue." Alain.Sujets similairesChine un forcenĂ© tue trois Ă©lĂšves et un enseignant dans une Ă©cole horticole d'Antibes 150 Ă©lĂšves manifestent pour garder leur enseignant remplaçant. Lanmeur 29 insultĂ©s par les Ă©lĂšves d'un cours d'EPS, deux sexagĂ©naires braquent leur fusil et lancent leur chien sur les Harris L'immense majoritĂ© des enseignants du primaire contestent la rĂ©forme des rythmes scolaires, et sont insatisfaits de leur salaire, de leur carriĂšre et de leurs formations. GCB dans LibĂ©, beurk ... "Si les enseignants respectaient les Ă©lĂšves, Ă  leur tour les Ă©lĂšves les respecteraient."Sauter versPermission de ce forumVous ne pouvez pas rĂ©pondre aux sujets dans ce forum

Jesouhaite savoir si, lorsqu'une situation conjugale devient intenable en attendant le divorce, et qu'Ă  ce titre, elle devient toxique pour les enfants, il est possible de quitter momentanĂ©ment et en respectant chacun, le domicile conjugal, afin de - PosĂ©e par missmajorelle. Attention vous n'ĂȘtes pas connectĂ© Ă  internet.
Le Tao Daodejing de Laotsi ch. 42 Le Tao crĂ©e le Un Le Un crĂ©e le Deux Le Deux crĂ©e le Trois Le Trois crĂ©e les dix milles ĂȘtres Le Tao est le gĂ©niteur, le Wu, le transcendant Un, c’est le souffle, le Yu, l’aspect maternel, reproducteur de la deux, c’est le Yang, l’élĂ©ment mĂąle, actif de la rĂ©alitĂ© trois, c’est le Yin, l’élĂ©ment fĂ©minin, passif de la rĂ©alitĂ© Un, le Deux et le Trois, ensembles, engendrent le ciel, la terre et le cycle de la vie. Mille e trĂ© Lacan Encore » De la Jouissance Qu’est-ce qu’implique en tout cas la finitude dĂ©montrable des espaces ouverts capables de recouvrir l’espace bornĂ©, fermĂ© en l’occasion, de la jouissance sexuelle ? que lesdits espaces peuvent ĂȘtre pris un par un – et puisqu’il s’agit de l’autre cĂŽtĂ©, mettons-les au fĂ©minin – une par une. C’est bien cela – qui se produit dans l’espace de la jouissance sexuelle – qui de ce fait s’avĂšre compact. L’ĂȘtre sexuĂ© de ces femmes pas-toutes ne passe pas par le corps, mais par ce qui rĂ©sulte d’une exigence logique dans la parole. En effet, la logique, la cohĂ©rence inscrite dans le fait qu’existe le langage et qu’il est hors des corps qui en sont agitĂ©s, bref l’Autre qui s’incarne, si l’on peut dire, comme ĂȘtre sexuĂ©, exige cet une par une. Et c’est bien lĂ  l’étrange, le fascinant, c’est le cas de le dire – cette exi­gence de l’Un, comme dĂ©jĂ  Ă©trangement le ParmĂ©nide pouvait nous le faire prĂ©voir, c’est de l’Autre qu’elle sort. LĂ  oĂč est l’ĂȘtre, c’est l’exigence de l’infinitude. Je reviendrai sur ce qu’il en est de ce lieu de l’Autre. Mais dĂ©s maintenant, pour faire image, je vais vous l’illustrer. On sait assez combien les analystes se sont amusĂ©s autour de Don juan dont ils ont tout fait, y compris, ce qui est un comble, un homosexuel. Mais centrez-le sur ce que je viens de vous imager, cet espace de la jouissance sexuelle recouvert par des ensembles ouverts, qui constituent une finitude, et que finalement on compte. Ne voyez-vous pas que l’essentiel dans le mythe fĂ©minin de Don juan, c’est qu’il les a une par une ? VoilĂ  ce qu’est l’autre sexe, le sexe masculin, pour les femmes. En cela, l’image de Don juan est capitale. Des femmes Ă  partir du moment oĂč il y a les noms, on peut en faire une liste, et les compter. S’il y en a mille e tre c’est bien qu’on peut les prendre une par une, ce qui est l’essentiel. Et c’est tout autre chose que l’Un de la fusion universelle. Si la femme n’était pas pas-toute, si dans son corps, elle n’était pas pas-toute comme ĂȘtre sexuĂ©, de tout cela rien ne tiendrait. Paroles du Don Juan de Mozart Extraits du serveur musical de serge Soudoplatoff Pour Ă©couter la musique ci-dessous, il faut avoir Real Player vous pouvez le tĂ©lĂ©charger ici —– L’air du catalogue Thomas Allen, Carol Vaness, Keith Lewis, Dimitri Kavrakos, Maria Ewing, Richard Van Allan, John Rawnsley, Elizabeth Gale, Londo Philarmonic Orchestra, Bernard Haitink. Un disque EMI. Don Juan se dĂ©barrasse de Dona Elvire, un peu collante il est vrai. Et pour cela, il demande Ă  Leporello de lui expliquer.. la vĂ©ritĂ©!! Ce dont il s’acquitte bien consciencieusement en dĂ©ballant tout simplement le catalogue de toutes les femmes que Don Juan a aimĂ©. Magnifique air, le rĂ©citatif qui donne le ton rassurez-vous, vous n’ĂȘtes ni la premiĂšre, ni la derniĂšre, un mouvement rapide qui contient la liste maintenant disponible sur Internet, grĂące Ă  ce serveur-, ce point d’orgue du refrain mais en Espagne, elle sont mille et trois », puis une conclusion si belle si tendre, oĂč il lui explique gentiment vous savez bien ce qu’il fait ». Et Donna Elvire qui veut encore y croire
 ItalianoMadamina, il catalogo Ăš questo Delle belle che che amo il padron mio Un catalogo egli Ăš che ho fatt’ io; Osservatte, leggere con me. In Italia seicento e quaranta; In Allemagna duecento e trentuna; Cento in Francia; in Turchia novantuna; Ma in Ispagna son gia mille e tre. V’han fra queste contadine, Cameriere, cittadine, V’han contesse, baronesse, Marchesane, principesse E v’han donne d’ogni grado, D’ogni forma, d’ogni eta. Nella bionda egli ha l’usanza Di lodar la gentilezza Nella bruna la constanza Nella bianca la dolcezza. Vuol d’inverno la grassotta Vuol d’estare la magrotta; E la grande maestosa, La piccina Ăš cognor vezzosa Delle vecchie fa conquistra Pel piacer di porle in lista Sua passion predominante E la giovin principiante. Non si picca se sia ricca, Se sia brutta se sia bella šPurchĂš porte la gonnella, Voi sapete quel che fa. FrançaisBelle Dame, regardez cette liste des conquĂȘtes que fit mon beau maĂźtre catalogue dressĂ© par moi-mĂȘme! Je vous prie, lisez avec moi Italie, voyez, six cent trente Allemagne, deux cent trente et une cent en France, et soixante en Turquie! Mais en Espagne, dĂ©jĂ  mille et trois. Voyez, des villageoises, des soubrettes, des bourgeoises, des comtesses, des duchesses, des marquises, des princesses, des femmes de tout Ăąge, et de tout rang. Chez la blonde, il a coutume de goĂ»ter la douceur. Chez la brune, c’est la constance; chez la palotte, la douceur. Pour l’hiver la grassouillette; pour l’étĂ© la maigrelette! Si la grande est plus noble, la petite est plus gracieuse. Les matrones sont fort bonnes pour le petit plaisir de les inscrire! Mais sa passion dominante, c’est la jeune dĂ©butante. Toute femme, toute fille, la vilaine comme la gentille, tout ce qui porte jupe.. Vous savez ce qu’il en fait
 Pas de chiffre au-delĂ  de trois extrait de Illettrisme et Sexuation » de Charley Supper Il n’y a pas de chiffres au-delĂ  de trois. Pas de nombre au-delĂ  de trois ! Les textes sacrĂ©s font tous Ă©tat du fait qu’il n’y a pas de nombre au-delĂ  de trois. C’est vĂ©rifiable si nous ne comptons pas en mode binaire. Le mode binaire ou analogique Ă©tant le fait de ne prendre en compte que l’identique. On aurait 1 = 2 = 3 = 4 = etc
 Cela correspond Ă  ce que nous avons nommĂ© ailleurs se mĂȘmer ». Est-ce que tu mĂȘme, ou est-ce que tu mĂȘme plus ? On entend cela tous les jours.. ——————————- L’avantage de compter de façon non binaire Ici oĂč nous comptons en mode non analogique, l’on voit bien que 1 ou 2 ou 3205 sont tous un un chiffre », mais un 1 chiffre » pas pareil. Les mĂȘmes, mais pas pareils ! Des semblables, mais pas pareils ! Comme pour les humains ! Sauf que ceux qui auront refusĂ© l’accĂšs au symbolique, c’est-Ă -dire au mode non analogique du comptage, n’auront accĂšs qu’au racisme ou Ă  l’illettrisme. C’est le mĂȘme processus ! L’impossibilitĂ© de mettre sur un mĂȘme plan l’identique et le diffĂ©rent.* Si je rĂ©alise le catalogue des vaches de ma ferme, je vais les faire dĂ©filer devant moi et faire un trait dans mon cahier chaque fois qu’en passe une. Si se prĂ©sente un cheval, je ne le chasserais pas en criant. Je le ferais figurer dans mon registre au paragraphe non-vache ». C’est ça la diffĂ©rence ! Pas le mĂ©tissage, qui est un refus de la diffĂ©rence ! ArrĂȘtons de croire ou de faire croire que A = A. La fonction de A » est de n’ĂȘtre ni B, ni C, ni D, ni aucune autre des lettres de l’alphabet. Nous voyons bien ici oĂč mĂšne le concept imaginaire ou analogique de rĂ©volution en politique, Ă  un Ă©ternel retour du mĂȘme despotique, j’entends !. Un tour complet ou quatre quart de tour, et hop, rien n’est changĂ© ! ——————————- Revenons Ă  nos moutons qu’il nous reste Ă  compter non pas pour nous endormir mais pour essayer de nous rĂ©veiller du binaire ! On voit ci-dessus, au temps 3 reprĂ©sentĂ© en bleu, que de trois Ă  quatre, il y a Ă©volution reprĂ©sentĂ©e par la flĂšche bleue. Alors que se passe-t-il quand nous inscrivons 5, nous constatons que nous rĂ©pĂ©tons le 4. fig. 2 À quatre, commencent “les mille ĂȘtres” du Tao, ainsi que le lien des mille lettres de l’alphabet, celles que l’illettrĂ© ne peut pas dĂ©chiffrer, d’ĂȘtre bien avant le trois de la TrinitĂ©. C’est-Ă -dire avant le “Un en plus”! De n’avoir pas accĂšs au “Un en plus”, la personne illettrĂ©e se retrouve inscrite comme en moins, un “un” en moins, et du coup elle a le sentiment d’ĂȘtre “en trop”. Toujours cet embrouillamini du binaire oĂč “tout est dans tout”. Alors que le trinitaire donne accĂšs au Tout qui est dans chaque partie ! Ce “+1” n’est pas sans rapport Ă  l’unitĂ© de Dieu en ce sens qu’il est infini, toujours Ă©gal Ă  lui-mĂȘme sans qu’on puisse lui retrancher ou lui ajouter. C’est ça que les Grecs nommaient le Beau. Le Un symbolique n’apparaĂźt qu’aprĂšs le Trois. Illettrime et Ex-il extrait se Illettrisme et Sexuation » de Charley Supper Parlons du fait d’ĂȘtre Ă  tu et Ă  toi avec l’autre. C’est aujourd’hui un signe de modernitĂ©. On est frĂšres et on se tutoie, ce qui en est la marque. La marque imaginaire, vous l’aurez compris ! C’est tout le contraire Ă©videmment ! Le “tu” sers Ă  rĂ©fĂ©rencer le discours pour en faire une parole interchangeable entre deux interlocuteurs qui seront chacun Ă  son tour “je” ou “tu”, selon l’acte d’énonciation de celui qui dit “je”. À partir du moment oĂč tout le monde se dit “tu”, on n’a plus de rĂ©fĂšrent du discours pour savoir qui est qui et qui dit quoi. Il n’y a dĂšs lors plus Ă  s’étonner, dans ce joyeux bordel, qu’un pĂšre en parlant de sa femme dise Ă  son fils “maman ne veut pas” ce qui complique encore les relations de filiations, le fils se trouvant ainsi avoir la mĂȘme mĂšre imaginaire que son pĂšre. Le tutoiement systĂ©matique n’est pas loin du “il” de la “non personne” qu’on entend encore trop souvent dans les institutions s’occupant de personnes handicapĂ©es ou du troisiĂšme Ăąge. Le “alooors, il a bien dormiiiii ? ” ne sert qu’à dĂ©nier Ă  l’autre son rĂŽle d’interlocuteur valable en l’empĂȘchant de rĂ©pondre par “je”. Le “tu” systĂ©matique aussi, tue celui Ă  qui il s’adresse, comme lui interdisant de rĂ©pondre en disant “je”. Ce n’est pas si loin du “madame est servie” d’antan. Pas question de parler avec ces gens-lĂ  ! Aristocratie ou pseudo-bourgeoisie gauchisante, mĂȘme combat ! Quant aux diffĂ©rents domaines professionnels oĂč l’on est “à tu et Ă  toi”, ce n’est sous prĂ©texte de modernitĂ© qu’une façon de subjuguer l’autre afin qu’il se taise et que la parole ne soit jamais autorisĂ©e. Ça donne ces ambiances Ă©cƓurantes oĂč gĂ©nĂ©ralement tout le monde est d’accord, toujours du cĂŽtĂ© “bien-pensant”. Toujours ce refus de la diffĂ©rence ! C’est le mĂȘme phĂ©nomĂšne Ă  la mode qui fait qu’on ne puisse plus se rassembler autrement que sous les auspices du tonitruant rĂ©pertoriĂ© musique, afin qu’on ne risque pas d’ĂȘtre confrontĂ© au silence, au vide de son oĂč pourrait bien soudain s’élever la voix de cet Autre qui nous veut tant de mal, qu’on doive l’annuler par n’importe quel moyen. Terreur tenace d’ĂȘtre imaginaire. Terreur de risquer la vĂ©ritĂ© d’une parole, au cas oĂč quelqu’un s’aviserait d’en profĂ©rer une. La vĂ©ritĂ© Ă  poil tout Ă  coup, devant nous ! Ce “tu”, qui n’est pas “rapportĂ© Ă  l’acte d’énonciation qui le supporte”[1] et ce ”il” de la non-personne sont bien sur une façon imaginaire de rĂ©futer l’Autre du discours. En quoi rĂ©futer ou nier est fondamentalement diffĂ©rent que d’énoncer quelque chose qu’il n’y a pas = dĂ©nĂ©gation ! J’ai rĂȘvĂ© d’une femme, je ne sais pas qui c’est; la seule chose dont je suis sur, c’est que ce n’est pas ma mĂšre
 Le tu et le il de la non personne n’ont rien Ă  voir avec le “il” auquel donne accĂšs le fait d’accepter les rĂŽles rĂ©versibles de locuteur et d’allocutaire, lors de l’énonciation d’un “je” qui s’adresse Ă  un “tu” comme futur “je” autorisĂ©. Ainsi l’enfant acquiert le “IL” au moment oĂč il assimile la troisiĂšme dimension, la perspective. Cet “il” symbolique lui permet de prĂ©sentifier l’absence et de reprĂ©senter la “dimension trois”, laquelle n’est hĂ©las reprĂ©sentable, pour les pauvres humains que nous sommes, qu’en dimension deux dans la rĂ©alitĂ© Voir plus ici sur la dimension deux en dimension trois Ceux qui, conscients de l’importance de se confronter au IL , n’aurons pas le front de s’y frotter, resteront Ă  l’étage imaginaire du IL » de l’ IL-lettrisme. ———————————————————————- xxx Depuis le lien invisible qui relie ces cinq parties, nous nous permettons d’affirmer que l’illettrisme n’est ni une maladie ni une insuffisance, mais un signe d’intelligence. Intelligence, presque au sens d’intelligence avec l’ennemi, intelligence crĂ©atrice d’un mode de survie particulier entre mille que trouve un humain pour pouvoir subsister en faisant l’économie du trĂ© » de la mort symbolique laquelle le terrorise tant, qu’il la rĂ©fute et prĂ©tend pouvoir s’en passer en son for intĂ©rieur. Le choix d’ĂȘtre en ex-il, mort-vivant ! Si je suis en exil, mort-vivant, je n’ai d’autre choix que de m’ill et trer ——————————- [1] “L’ÉNONCIATION en linguistique Française”, de Dominique Maingueneau
Unealliance, stable dans le temps, est peut-ĂȘtre mĂȘme le signe d’une difficultĂ© Ă  Ă©tablir une alliance suffisamment forte. Travailler sur la relation permet aussi de dĂ©tecter rapidement les failles dans l’alliance, d’en faire des moments et des objets privilĂ©giĂ©s d’intervention et ainsi d’éviter la terminaison prĂ©maturĂ©e de l’intervention (Goudreau, 2001 ; Safran, 1990
Chez les Anglo-Saxons, pas d’hĂ©sitation, tout le monde se dit “you”. En France, on balance entre le “vous” et le “tu” selon des codes non-dits mais trĂšs prĂ©cis
 A un militant de base qui lui demandait Je peux te tutoyer ? », François Mitterrand aurait rĂ©pondu Si vous voulez ! », raconte la journaliste Claude Aubry dans Dites-moi tu ! Horay, 1999. Aucun risque de subir un tel affront pour un Anglo-Saxon de l’autre cĂŽtĂ© du Channel et Outre-Atlantique, pas d’ambiguĂŻtĂ© ni d’alternative, il n’existe qu’un seul pronom, you ». En Afrique du Nord, en revanche, le tutoiement est de rigueur, le BerbĂšre n’a pas de mot pour dire vous ». Chez nous, oĂč les deux s’utilisent, il s’agit d’apprendre les codes qui les rĂ©gissent, la difficultĂ© Ă©tant que l’essentiel relĂšve de lois non Ă©crites et que l’enjeu est d’importance un tu » inappropriĂ© peut passer pour un manque de respect et installer immĂ©diatement celui qui le profĂšre dans la peau d’un grossier personnage, mal Ă©duquĂ©. En fait, de tu » Ă  vous », c’est tout un univers relationnel qui se dessine de l’égalitĂ© Ă  la domination, de l’intimitĂ© Ă  la trivialitĂ©, de la provocation Ă  la soumission, de la fraternitĂ© Ă  l’exclusion
 Autant de raisons de tourner sept fois sa langue dans sa bouche avant d’ĂȘtre Ă  tu et Ă  toi ». Le “tu” Ă©galitaire Dessine-moi un mouton. » L’enfant, puisqu’on sadresse Ă  lui ainsi, imagine l’univers uniquement constituĂ© de tu ». N’ayant pas encore accĂšs aux diffĂ©rences de race, de classe ou de gĂ©nĂ©ration, tous les humains sont pour lui ses semblables, sans distinction. Toi, tu es moche », lance-t-il Ă  la vieille dame qui vient de lui dire qu’il Ă©tait vraiment mignon. Et le SDF ou le chef d’entreprise sont logĂ©s Ă  la mĂȘme enseigne. Tant qu’il n’est pas initiĂ© aux codes langagiers, qu’il n’a pas intĂ©grĂ© les rĂšgles de la biensĂ©ance qui permettent aux adultes de se repĂ©rer socialement, l’enfant instaure une position d’égalitĂ© entre lui-mĂȘme et tous ceux qui l’entourent », explique un instituteur. En gĂ©nĂ©ral vers 6-7 ans, il apprend Ă  vouvoyer les grandes personnes. En tout cas, quand il s’agit d’inconnus, car il tend Ă  conserver le tutoiement pour s’adresser Ă  ses proches. Dans les grandes familles bourgeoises ou aristocratiques, en revanche, le vouvoiement est presque toujours obligatoire. On se dit vous » entre parents et enfants, entre conjoints. Petit, mon pĂšre, entourĂ© de domestiques, ne voyait ses parents que tous les 36 du mois, se souvient Arnaud. S’il a maintenu le traditionnel vouvoiement, il Ă©tait en mĂȘme temps trĂšs proche de moi, et ce “vous” crĂ©ateur de distance ne m’empĂȘchait pas de le “vanner”. Ce n’est que devant mes amis que ce vouvoiement me gĂȘnait marquant trop clairement notre diffĂ©rence de milieu, j’en avais honte et j’évitais de m’adresser directement Ă  mon pĂšre. » Devenu pĂšre et faisant fi de sa particule, il a pris le parti de tutoyer sa fille. Sur le plan psychologique, tutoyer revient Ă  s’identifier Ă  l’autre, le pronom tu » crĂ©ant une communautĂ© affective ou d’intĂ©rĂȘt, qu’elle soit Ă©phĂ©mĂšre ou durable. C’est pour cela que deux personnes, lorsqu’elles se rencontrent dans une salle de sport ou un hĂŽtel du bord de mer, n’hĂ©siteront pas trop Ă  se tutoyer. On partage la mĂȘme passion, on a choisi le mĂȘme lieu de vacances, et ces affinitĂ©s rendent le tutoiement admissible. Alors que si les mĂȘmes personnes se croisent, anonymes, au coin d’une rue, elles vont tout naturellement se vouvoyer. La communautĂ© produite par le tu » explique pourquoi il est omniprĂ©sent dans les partis politiques, les syndicats ou les loges maçonniques. A toi de prendre la parole camarade ! » Au Parti, le tutoiement est de rigueur explique une militante communiste. Par Ă©galitĂ©, fraternitĂ©, et justement par opposition aux classes dominantes et bourgeoises. » Mais attention, ces tu »-lĂ  sont plus complexes qu’il n’y paraĂźt et se modulent en fonction des milieux et des castes, produisant des degrĂ©s de fraternitĂ© trĂšs variables. Chez les francs-maçons, par exemple, on se tutoie, en se tenant les coudes, dans la discrĂ©tion, car on partage un mĂȘme secret rĂ©vĂ©lĂ© lors de l’initiation du maçon dĂ©butant. Dans le show-biz, la publicitĂ© ou la presse, c’est un signe de reconnaissance Ecoute, coco, on est entre nous. » Le “tu” d’autoritĂ© Tu mouches ton nez et tu dis bonjour Ă  la dame. » C’est par ces petites phrases que l’adulte initie l’enfant aux codes destinĂ©s Ă  le transformer en ĂȘtre civilisĂ©. Et comme tous les petits, Quentin, 6 ans, les dĂ©teste ArrĂȘte de me donner des ordres », rĂ©torque-t-il Ă  sa mĂšre. Ce n’est cependant que le dĂ©but d’un long apprentissage Ton cahier est un torchon », lui lancera l’instituteur ; Tu as encore oubliĂ© le pain ! » lui reprochera plus tard son conjoint. Certains tu » ont pour seule fonction de nous apprendre Ă  courber l’échine, et de nous rappeler qu’entre nos dĂ©sirs et ceux des autres se tient souvent un large fossĂ© ! Renoncer au libre exercice de ses pulsions et impulsions, les refouler dans les profondeurs de l’inconscient, est le BA de la vie en sociĂ©tĂ©, nous apprend la psychanalyse. Attention pourtant Ă  ces tu » si impĂ©ratifs. Ils sont porteurs de menace, de dĂ©valorisation, d’étiquetage, analyse le psychosociologue Jacques SalomĂ©, qui conseille d’en moduler l’usage. Toute relation, pour ĂȘtre vivante et le rester, suppose une alternance de positions d’influence acceptĂ©e et acceptable par les protagonistes. » Le “tu” amoureux Le cĂ©lĂšbre T’as de beaux yeux, tu sais » pulvĂ©rise la distance entre amoureux. La mĂȘme phrase vouvoyĂ©e ou vousoyĂ© – les deux verbes ont longtemps Ă©tĂ© en concurrence – n’aurait certes pas le mĂȘme effet. Les AmĂ©ricains, contraints de vivre dans l’univers du vous », tentent de dĂ©passer cet obstacle en Ă©maillant leurs propos amoureux de Honey », Darling », Dear », etc. Horripilant, pour nos oreilles françaises habituĂ©es Ă  dĂ©tecter la progression de l’intimitĂ© entre deux ĂȘtres par le merveilleux passage du vous » au tu ». A ces avalanches de mon miel », mon sucre » et autres douceurs, nous prĂ©fĂ©rons tellement ces dĂ©licieux trĂ©buchements verbaux qui nous font demander soudain Veux-tu un peu d’eau », Ă  celui que nous vouvoyions encore quelques minutes auparavant. Ce tutoiement inopinĂ© rĂ©vĂšle alors notre dĂ©sir de rapprochement. Impossible alors de revenir en arriĂšre. Au stade oĂč l’on peut dire J’ai envie de toi », les choses sont dĂ©jĂ  trĂšs avancĂ©es, et Ă  peu prĂšs irrĂ©versibles
 Encore faut-il pouvoir parler dans ces premiers instants », note GĂ©rard Zwang dans La Fonction Ă©rotique Laffont, 1978. Mais il y a aussi le vous-Ă©rotique » auquel tiennent certains couples J’ai envie de vous » signifie alors comme la premiĂšre fois ». Coquetterie de langage, il anoblit les propos les plus Ă©grillards Faites de moi votre esclave ! » Ce vouvoiement Ă©rotico-ludique a le pouvoir magique de nourrir la flamme du dĂ©sir. Il la protĂšge de l’usure, entraĂźnant les partenaires de la proximitĂ© Ă  la mise Ă  distance feinte, tout en convoquant tour Ă  tour l’élĂ©gance, l’humour, la tendresse ou l’ironie, courroucĂ©e. Vous ĂȘtes mon lion superbe et parfois gĂ©nĂ©reux », se moque ainsi Aline Ă  l’adresse de son Ă©conome mari. Mais quand la rupture est inĂ©vitable, Patricia Kass, chante “Je te dis vous”. Le “tu” agressif Rien d’innocent dans le Nique ta mĂšre », rĂ©ponse au raciste T’es pas d’ici toi ? » ou au trĂšs policier Tes papiers ! ». Quand le vernis des apparences craque surgit le tu-insulte » que les automobilistes utilisent comme une seconde langue Va donc, eh, gros con ! » AllĂšgre, tu nous gonfles, arrĂȘte ton baratin », clamaient les slogans quand il Ă©tait ministre de l’Education nationale. Avec des tu » adressĂ©s Ă  ceux qu’ordinairement, par dĂ©fĂ©rence, on vouvoie, les foules mĂ©contentes se dĂ©foulent. Inversement, le jour oĂč vos collĂšgues rĂ©pondent par un vous » Ă  votre tu » convivial, l’heure de la retraite sonne. DĂ©sormais, confie Claude Aubry, qui rentre dans cette tranche d’ñge, si on me tutoie d’office, c’est qu’on est myope, perclus de bonnes intentions, Ă©tourdi ou qu’on veut tellement me faire plaisir que ça mĂ©rite une mĂ©daille. » Les “tu” piĂ©gĂ©s Au restaurant, j’ai saluĂ© d’un “Comment vas-tu ?” un acteur de sĂ©rie tĂ©lĂ©, dont le visage m’était si familier que je l’ai pris pour un proche », raconte JĂ©rĂŽme. Deux jours plus tard, un inconnu l’aborde dans le mĂ©tro d’un Quel plaisir de te revoir ! » DĂ©semparĂ©, il fouille et maudit sa mĂ©moire qui ne lui indique nulle trace de son interlocuteur. Quand celui-ci finit par lui demander un peu d’argent, Je me suis empressĂ© de lui donner. » Par deux fois, JĂ©rĂŽme s’est fait piĂ©ger. Chez Thompson CSF, une nouvelle note de service vient d’encourager les tenues vestimentaires dĂ©contractĂ©es et le tutoiement »  le vendredi ! Tout le monde s’est demandĂ© si c’était une blague », a racontĂ© un employĂ© Ă  un journaliste de LibĂ©ration 4/9/2000. En tout cas, il s’agit d’un excellent exemple du tu » dĂ©magogique, car cette invite a, en vĂ©ritĂ©, valeur d’impĂ©ratif. Ce diktat place les Ă©quipes dans une position fausse
 C’est souvent une “culture du semblant” issue de la hiĂ©rarchie, que l’on encourage sous prĂ©texte de “culture d’entreprise” », souligne la psychanalyste Marie-Louise Pierson. Quel joli tour de passe-passe en effet la direction feint d’offrir l’intimitĂ© du tu » pour mieux asseoir son pouvoir ! Mais le tu » peut se montrer encore plus piĂ©geant. Dans le cadre des disputes conjugales notamment ! OĂč il masque parfois un je » qui n’a pas le courage de se montrer, affirme SalomĂ©. Dans ce contexte, la critique Ta robe rouge ne te va pas » formulĂ©e par le conjoint doit ĂȘtre compris comme un aveu Je n’aime pas ta robe rouge. » Ce tu »-lĂ  est une prise de pouvoir sur l’autre. Se sentant prisonniĂšre d’un jugement sans appel, la femme va rĂ©agir par la violence. Pour Ă©viter le conflit, il serait plus judicieux de formuler un Je trouve que cette robe rouge ne te va pas », qui respecte la libertĂ© de l’autre et lui laisse une porte de sortie honorable Moi, c’est ta cravate qui me fait penser Ă  un perchoir pour cacatoĂšs. » Une nuance de taille, qui consiste Ă  parler de soi » au lieu de parler sur l’autre ». Et qui permet d’éviter les conversations klaxon » Tu
 Tu
 » Pourquoi c’est difficile J’ai du mal Ă  tutoyer les gens, et je dĂ©teste que le tutoiement me soit imposĂ©, se plaint la timide Amandine. Il y a des “tu” dominateurs qui sous-entendent “Ma petite, tu as encore Ă  prendre de la graine” ; des “tu” complices, alors que je ne suis pas du tout sur la mĂȘme longueur d’onde ; des “tu” qui laissent planer un doute sur la nature de mes relations. Il en est aussi de trĂšs gentils, amicaux, mais moi, il me faut du temps. MoralitĂ© je passe pour une pimbĂȘche. » Les rĂ©ticences face au tutoiement signalent une apprĂ©hension devant l’intimitĂ©. C’est le cas des timides, des phobiques du contact, qui craignent Ă  la fois les intrusions extĂ©rieures et de paraĂźtre intrusifs. Entre proches, entre amis, doit-on forcĂ©ment se tutoyer ? Chacun est maĂźtre de son espace verbal, rappelle Marie Louise Pierson, auteur de L’Intelligence relationnelle Editions d’organisation, 1999. Aussi, soyez sensibles aux repĂšres, frontiĂšres, limites que placent vos interlocuteurs et respectez-les
 C’est leur libertĂ© fondamentale, celle de moduler leurs distances en fonction de leur ressenti. » Ma maison est mitoyenne de celle d’un couple, devenu ami, explique Christine. Nous nous apprĂ©cions beaucoup, nous dĂźnons et sortons ensemble. Pourtant, nous ne sommes jamais passĂ©s au tutoiement. Nous avons dĂ©cidĂ© de garder cette distance pour prĂ©server notre intimitĂ©. Nous sommes voisins, il ne faut pas l’oublier. » Comment parler Ă  Dieu Dieu s’adresse aux hommes en les tutoyant Tu ne tueras point, tu ne commettras pas l’adultĂšre, tu quitteras ton pĂšre et ta mĂšre. » Mais ce tutoiement-lĂ  n’admet pas la rĂ©plique. Les dĂ©sobĂ©issances se vĂ©rifient peut-ĂȘtre quotidiennement, mais pas question de rĂ©pondre au Seigneur Tais-toi et laisse-moi tranquille ! » Depuis le concile Vatican II 1962-1965, les fidĂšles ont l’autorisation de tutoyer l’Eternel dans leurs priĂšres Donne-nous chaque jour notre pain quotidien. » Lorsqu’il convoque ce concile, le pape Jean XXIII est mĂ» par la volontĂ© de moderniser l’Eglise et d’unifier la communautĂ© chrĂ©tienne. Dans ce contexte, ce tutoiement inĂ©dit place chaque chrĂ©tien Ă  Ă©galitĂ© devant Dieu. Paul VI, successeur de Jean XXIII, a, de plus, le souci de personnaliser la relation de la crĂ©ature – nous – Ă  son CrĂ©ateur. C’est dire que, ce passage du vous » au tu », s’il ne nous apprend rien sur la nature divine, en dit long sur le dĂ©sir de l’Eglise de ne pas paraĂźtre trop anachronique. Cependantnous pouvons l'utiliser dans le cadre d'une activitĂ© commune et conviviale, dans ce cas nous demandons aux personnes concernĂ©es si nous pouvons utiliser le En principe, enseigner, dans le secondaire, signifie aimer sa discipline et les adolescents en gĂ©nĂ©ral. Mais d’aucuns estiment qu’on ne peut ĂȘtre un bon prof si on n’aime pas, aussi, ses Ă©lĂšves. L’ouvrage de Mael Virat, Quand les profs aiment les Ă©lĂšves » avril 2019, Odile Jacob fait figure de pavĂ© dans la mare. Aimer les Ă©lĂšves ? Et pourquoi pas les border le soir aussi ? Le verbe aimer » n’a pas bonne presse dans les Ă©tablissements secondaires. On lui prĂ©fĂšre le substantif bienveillance ». Non seulement parce que la polysĂ©mie peut s’avĂ©rer tendancieuse aimer Ă©voque spontanĂ©ment la relation amoureuse, mais aussi parce que depuis longtemps la relation affective entre adultes et mineurs est circonscrite au cercle familial. De plus, avec la montĂ©e des incivilitĂ©s et violences dans les collĂšges et lycĂ©es, les profs sont peu enclins Ă  verser dans l’affectif. Aimer les Ă©lĂšves leur permet de progresser de 10 % environ Pourtant, le chercheur Mael Virat assure qu’aimer les Ă©lĂšves peut permettre Ă  ces derniers de progresser de maniĂšre significative, Ă  hauteur de 10 % environ. En s’appuyant sur diverses Ă©tudes amĂ©ricaines pour la plupart, il Ă©tablit un lien certain entre implication affective du professeur et motivation des Ă©lĂšves. Ceux-ci ne travaillent pas davantage pour faire plaisir au prof, mais s’intĂ©ressent plus Ă  sa matiĂšre, explique l’auteur. Il nomme amour compassionnel » cet investissement affectif envers les apprenants. L’amour compassionnel est une relation asymĂ©trique de responsabilitĂ© de l’adulte envers l’enfant. Cette responsabilitĂ© implique un intĂ©rĂȘt pour l’enfant et une grande attention. Cela coĂ»te de l’énergie et fait que l’enseignant est personnellement affectĂ© Ă©motionnellement par la rĂ©ussite ou l’échec de l’élĂšve. Mais il sait qu’il n’a pas Ă  attendre grand chose en une relation qui n’a pas besoin de limites car par dĂ©finition elle est attentive Ă  l’autonomie de l’élĂšve. C’es le contraire du copinage, de l’intrusion ou de la relation amoureuse. La question c’est comment exprimer cet engagement affectif. ça n’implique pas le tutoiement. Mais ça impose un engagement comportemental pour le professeur ».source La relation affective entre enseignants et Ă©lĂšves a longtemps Ă©tĂ© considĂ©rĂ©e comme nĂ©cessaire. ComĂ©nius pĂšre de la pĂ©dagogie moderne, dont le nom a Ă©tĂ© donnĂ© Ă  un programme Ă©ducatif europĂ©en bien connu disait au 17e siĂšcle Qu’on parle pour fĂ©liciter, exhorter, rĂ©primander, il faut s’inspirer du principe suivant celui qui ordonne, enseigne, conseille, rĂ©primande doit montrer clairement qu’il fait cela paternellement. Le but du maĂźtre est d’élever les cƓurs, non d’abaisser la personne. Si cette affection n’est pas sentie par les Ă©lĂšves, ils mĂ©prisent la discipline avec obstination. » Plus tard, ceux qu’on appelle Les pĂ©dagogues du coeur » Pestalozzi , Bosco, Deus Ramos, Neill, etc prĂŽneront Ă©galement cette implication affective. Cependant, cette vision de la pĂ©dagogie n’a pas obtenu le suffrage des autoritĂ©s et, aujourd’hui, il n’est pas rare qu’un inspecteur rĂ©primande un enseignant parce qu’il le trouve trop proche de ses Ă©lĂšves » sans qu’aucun soupçon de relation malsaine soit incriminĂ©. En 2018, une collĂšgue d’espagnol s’est ainsi vu attribuer un rapport d’inspection accablant pour ce seul motif. Cette enseignante ne faisait pourtant rien d’autre qu’encourager chaleureusement tous ses Ă©lĂšves, et montrer un rĂ©el intĂ©rĂȘt pour leurs Ă©tats Ă©motionnels. Ne pas aimer les Ă©lĂšves provoquerait une dissonance cognitive Ă  l’origine de l’épuisement professionnel Pour Mael Virat, docteur en sciences l’éducation sa thĂšse porte prĂ©cisĂ©ment sur ce sujet mais aussi diplĂŽmĂ© en psychologie, il ne fait pas de doute que l’injonction tacite ou explicite de garder une distance affective avec les Ă©lĂšves est Ă  l’origine de nombreux burn out d’enseignants, notamment ceux qui ont choisi ce mĂ©tier dans une perspective humaniste transmettre des valeurs et participer Ă  l’élĂ©vation gĂ©nĂ©rale de l’élĂšve, et non lui transmettre seulement des connaissances disciplinaires. La neutralitĂ© ou distance prĂ©conisĂ©e aux professeurs entre alors en contradiction avec le besoin qui les a orientĂ©s vers l’enseignement, et ils s’épuisent Ă  lutter contre ce besoin. Cependant, aimer les Ă©lĂšves au sens d’amour altruiste ne peut se faire que lorsque les conditions sont rĂ©unies. Des classes trop chargĂ©es, une charge de travail invisible trop importante, des perturbations personnelles, une dĂ©tresse professionnelle, occultent la disponibilitĂ© affective nĂ©cessaire pour s’engager dans une relation d’amour compassionnel ». Le professeur ne dispose pas, dans ce cas, des ressources internes qui lui permettraient de s’intĂ©resser de maniĂšre authentique Ă  l’échec ou la rĂ©ussite de chacun de ses Ă©lĂšves. L’institution a donc un rĂŽle majeur Ă  jouer, puisqu’elle constitue l’instance rĂ©gulatrice qui peut permettre aux enseignants de travailler dans de bonnes conditions. Ne pas confondre amour des Ă©lĂšves et bienveillance Si la bienveillance est au coeur du discours institutionnel, c’est une notion qui ne rejoint pas l’amour prĂŽnĂ© par l’auteur. En effet, la bienveillance est souvent rĂ©duite Ă  une sĂ©rie de ne pas » ne pas noter trop sĂ©vĂšrement, ne pas humilier, ne pas trop sanctionner, ne pas surcharger de travail, ne pas ennuyer, etc. C’est une dĂ©marche de contrĂŽle, qui vise Ă  circonscrire d’éventuelles dĂ©rives autoritaristes. A l’inverse, la dĂ©marche d’amour compassionnel » que dĂ©fend Mael Viat s’inscrit dans une dynamique active » Des marques d’attention souvent non verbales. Les Ă©lĂšves y sont sensibles mĂȘme quand ils n’en sont pas conscients. Le ton pris pour Ă©changer ou rĂ©pondre aux questions de l’élĂšve par exemple. La joie exprimĂ©e pour sa rĂ©ussite. Des attentions en dehors de la classe. Des gestes qui montrent que l’enseignant est affectĂ© par sa relation avec l’élĂšve. Ca peut ĂȘtre de la joie, de l’enthousiasme ou mĂȘme de la colĂšre du moment que ça montre l’implication du professeur dans la relation avec l’élĂšve. Plus globalement, c’est tout ce qui montre que le professeur est investi comme individu, et pas seulement comme professionnel », prĂ©cise l’auteur. Quelques exemples concrets demander Ă  l’élĂšve s’il se sent mieux quand il a Ă©tĂ© absent pour maladie, ou le questionner sur les suites d’une intervention mĂ©dicale, sur sa gestion de la douleur, avec une rĂ©elle empathie ses problĂšmes personnels s’il se confie, et le souhaiter un bon anniversaire quand ça tombe un jour de expliquer les consĂ©quences de ses actes s’il persiste dans une mauvaise voie y compris l’absence de travail.raconter Ă  l’occasion une anecdote personnelle, afin de crĂ©er une proximitĂ© sur son mode de vie afin de dĂ©celer d’éventuelles raisons externes Ă  son manque d’ avec gentillesse une nouvelle coupe de cheveux ou un effort d’élĂ©gance. En somme, toute interaction qui va s’inscrire dans une relation humaine simple plutĂŽt que dans une perspective purement professionnelle va participer de la construction de cet amour compassionnel ». Et cela ne veut pas dire que la relation doit se limiter Ă  cela c’est un plus, pas un substitut. Pour le dire autrement, le prof qui aime ses Ă©lĂšves agit avant tout en tant que prof, mais s’intĂ©resse aussi vraiment Ă  chaque adolescent. Il est capable de voir l’adolescent, la personne humaine, sous l’uniforme de l’élĂšve. Suivez-nous et partagez pour les collĂšgues !
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LattachĂ© de presse centralise la communication d’une maison d’édition. C’est donc un mĂ©tier pluriel qui demande de grandes qualitĂ©s humaines, un savoir-faire relationnel et de l’organisation. Nous verrons au cours de ce rapport l’étendue des
EnvoyĂ© par jacquolintĂ©grateur Bonjour On sait dĂ©finir et quantifier la complexitĂ©. "L'absolu par essence" est bien trop mĂ©taphysique pour moi!! Bonjour, justement, c'est pour cela que c'est de la philosophie et pas des sciences. "La science ne pense pas" ne dit pas autre chose, Ă  savoir que les sciences expĂ©rimentales ne font pas de "mĂ©taphysique", ne connaissent pas d'absolu, se contentent d'Ă©tablir la "grammaire" d'une gamme limitĂ©e d'expĂ©riences rĂ©pĂ©tables, communicables etc.. Pourtant, l'expĂ©rience "mĂ©taphysique", on la trouve de maniĂšre simple en sciences mĂȘme si c'est plutĂŽt du cĂŽtĂ© de la thĂ©orisation - quand un mathĂ©maticien ou un logicien fait un choix d'axiomes pour dĂ©velopper sa dĂ©monstration, ce choix lui-mĂȘme est hors du processus dĂ©monstratif ; - quand un physicien postule que les "lois de la nature" Ă©tablies dans son labo sont valables pour tout l'univers, c'est un acte "mĂ©taphysique" ; - quand un biologiste affirme que toute la pensĂ©e est contenue dans la structure du cerveau, il pose une dĂ©finition qui n'a rien de nĂ©cessaire logiquement la biologie aura du mal Ă  discriminer entre un organe nĂ©cessaire et un organe nĂ©cessaire et suffisant. En gĂ©nĂ©ral, de nos jours en sciences, on prĂ©fĂšre Ă©viter l'engagement ontologique et on dit qu'il s'agit de positions simplement mĂ©thodologiques. Pour ma part, je serais d'avis d'Ă©viter ce genre de prĂ©cautions et de plutĂŽt s'appuyer sur des ontologies qui intĂšgrent sans problĂšme la "foi" scientifique mais je crois que c'est une chose Ă  reconstruire Ă  partir d'une position qui Ă©chappe Ă  la problĂ©matique phĂ©nomĂ©nologique, c'est-Ă -dire qui ne dise pas que ce sur quoi travaillent les sciences est une "apparence", un phĂ©nomĂšne "ce qui apparait Ă  la conscience". Comme disait Deleuze, l'important en philosophie c'est la maniĂšre dont on pose le problĂšme. Si il faut aux sciences une conception naturaliste, rĂ©aliste, dĂ©terministe ni hasard ni miracle, dĂ©subjectivĂ©e "objective" alors il faut sortir de l'idĂ©e kantienne que les sciences Ă©tudient des phĂ©nomĂšnes. On peut tourner en rond sur le problĂšme de la conscience en MQ tout simplement parce qu'on a posĂ© d'emblĂ©e qu'on s'occupait de phĂ©nomĂšnes et que la conscience est une instance de dĂ©finition de tout phĂ©nomĂšne. C'est un peu comme ĂȘtre au pĂŽle nord et chercher le nord avec une boussole, on ne sait pas oĂč aller parce qu'on est toujours dĂ©jĂ  dans ce qui fonde les moyens de recherche, on ne peut pas expliquer scientifiquement la conscience si on la dĂ©finit comme fondement du phĂ©nomĂ©nal et que les sciences Ă©tudient des phĂ©nomĂšnes. J'ai mis "mĂ©taphysique" entre guillemets parce que Heidegger en fait un usage technique relativement prĂ©cis en lien avec l'histoire de la philosophie ce qui est considĂ©rĂ© comme "mĂ©taphysique" change selon les cadres de pensĂ©e. Je suis d'accord avec lui qu'il faut dĂ©passer la mĂ©taphysique sauf que sa maniĂšre de le faire renvoie Ă  une sorte d'arrĂȘt de la pensĂ©e rationnelle pour une "contemplation" d'un mystĂšre existentiel le Mystique wittgensteinien ?. L'autre maniĂšre de le faire est dans une sorte de mĂ©ta-mĂ©taphysique, c'est-Ă -dire dans les actes philosophiques fondateurs qui posent des mĂ©taphysiques. De mĂȘme qu'un logicien fait son choix d'axiomes, le philosophe fait son choix des Ă©lĂ©ments fondateurs pour penser le monde. PlutĂŽt qu'une non-mĂ©taphysique, on peut aussi faire une multi-mĂ©taphysique, c'est-Ă -dire montrer comment s'articulent les mĂ©taphysiques. Par exemple, la MQ fonctionne en considĂ©rant de maniĂšre plus ou moins implicite qu'il n'y a pas d'observateur dĂ©sengagĂ©, que le physicien est acteur de l'expĂ©rience. Donc, autant prendre l'affirmation au sĂ©rieux, et abandonner l'idĂ©e que "ce qui apparaĂźt Ă  la conscience" est l'objet d'Ă©tude de la MQ puisque dans cette idĂ©e on a une conscience dĂ©sengagĂ©e, un oeil transcendant l'expĂ©rience, en surplomb. Pour ma part, j'aurais tendance Ă  considĂ©rer que l'ontologie adĂ©quate serait une sorte d'Ă©thologie plutĂŽt qu'une phĂ©nomĂ©nologie l'ĂȘtre serait plutĂŽt du cĂŽtĂ© du faire, une maniĂšre d'ĂȘtre serait une maniĂšre de faire et la conscience serait une maniĂšre de faire certaines opĂ©rations mĂ©morisation, focalisation sĂ©lection d'une base, d'un intĂ©rĂȘt, rĂ©flexivitĂ©, symbolisation le signe comme valant pour la chose etc.. Dans ce cadre, on ne cherche pas Ă  tout expliquer Ă  partir de la notion de base de phĂ©nomĂšne, on explique la phĂ©nomĂ©nalitĂ© mĂȘme Ă  partir d'autres Ă©lĂ©ments mĂȘme si ça perturbe les habitudes de pensĂ©e. Le point principal sera par exemple qu'il n'y a pas "la conscience", pas cette sorte d'Ă©cran oĂč se projetterait le film du monde, mais une multiplicitĂ© d'opĂ©rateurs entrant dans les jeux de langage, les comportements moteurs etc. qu'on met sous l'attribut "conscient". Au lieu de dire qu'il faut une conscience pour qu'une superposition d'Ă©tat soit dĂ©terminĂ©e Ă  un Ă©tat, on pourra par exemple dire qu'il y a une opĂ©ration de prĂ©diction qui est production d'un "algorithme" dĂ©terminĂ© valant pour l'ensemble des donnĂ©es enregistrĂ©es et cette mĂȘme opĂ©ration d'enregistrement. Que ce soit un polariseur, un dĂ©tecteur, un cerveau humain etc., tout cela est un opĂ©rateur d'enregistrement qui vaut pour "projecteur de la fonction d'onde" dans sa relation Ă  l'"algorithme" prĂ©dictif oĂč on a condensĂ© un espace-temps dĂ©terminĂ© passĂ© la mĂ©moire des n rĂ©sultats passĂ©s avec le mĂȘme dispositif. On est dans un dĂ©terminisme ontologique, un naturalisme pas de miracle, une dĂ©subjectivation "objectivitĂ©" en ce qu'un Sujet n'est pas plus nĂ©cessaire qu'un dĂ©tecteur qui a cependant pour coĂ»t la perte du prestige pour l'homme d'ĂȘtre l'ĂȘtre pensant par excellence. Un polariseur, un dĂ©tecteur, un disque dur etc., ça pense aussi, c'est-Ă -dire que ça rĂ©alise Ă  sa maniĂšre une part des comportements associĂ©s Ă  "penser" dans le langage commun, et les actes de pensĂ©e qui pour l'heure ne sont pas reproductible par autre chose qu'un humain ne lui sont pas pour autant rĂ©servĂ©s. Rien n'interdit en droit que tout ce que l'on fait puisse ĂȘtre fait par d'autres ĂȘtres, qu'il y ait des mathĂ©maticiens posant des axiomes, des philosophes fondant des mĂ©taphysiques ou des RomĂ©o tombant amoureux Ă  partir d'un agencement de mĂ©tal et de plastique. La spĂ©cificitĂ© de l'homme n'est plus dans la pensĂ©e ou la conscience, elle est dans ses intĂ©rĂȘts propres, dans un rapport au monde spĂ©cifique impliquĂ© par la constitution des ĂȘtres, leur nature, dans ce qui fait qu'un robot cherchera une prise Ă©lectrique pour s'alimenter lĂ  oĂč un humain cherchera un steack-frite. La perte d'humanitĂ© qu'implique la mĂ©canisation et qui inquiĂ©tait Ă  juste titre Heidegger, est d'emblĂ©e conjurĂ©e par cette Ă©thologie qui devient Ă©thique, c'est-Ă -dire le souci d'un comportement adaptĂ© Ă  la nature spĂ©cifique des ĂȘtres laquelle fonde en raison leurs dĂ©sirs, besoins, attentes propres, leurs relations aux autres ĂȘtres. La raison n'est plus vue comme menant Ă  une mĂ©canisation instrumentaliste de l'humain mais au contraire comme impulsant un souci des maniĂšres adĂ©quates d'ĂȘtre et de faire les choses dĂšs lors que l'ĂȘtre et le faire sont liĂ©s. Pour ĂȘtre un rien polĂ©mique et gĂ©nĂ©ralisateur, je dirais mĂȘme que les pensĂ©es basĂ©es sur l'observation, l'oeil de la conscience, tendent Ă  produire des morales du jugement oĂč on approuve et condamne de loin sans grand souci du dĂ©sir de l'autre avec de grandes lois transcendantes tandis que les pensĂ©es basĂ©es sur l'action, le faire, tendent Ă  produire des Ă©thiques de l'engagement oĂč on cherche les bonnes relations dans la diversitĂ© des goĂ»ts, dĂ©sirs, intĂ©rĂȘts, dans une jurisprudence pragmatique. vzDBb4Y.
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